Le phénomène urbain en Limousin (XIIIe-XIVe siècles)

La ville est un des sujets les plus complexes de l’histoire médiévale. En effet, il est extrêmement difficile de préciser ce qu’est une ville. La définition peut varier suivant les espaces géographiques (une localité de 2000 habitants sera en effet aujourd’hui qualifiée de « ville » en France, alors qu’il en faudrait 5000 en Espagne), les périodes chronologiques, voire les chercheurs eux-mêmes. Par exemple Jacques Le Goff estime qu’une ville médiévale doit forcément comporter un couvent mendiant, alors que d’autres chercheurs plus contemporains (Thierry Dutour, Simone Roux…) estiment qu’elle correspond à un ensemble de critères (enceinte, charte de franchise, population dense, économie variée…). Par ailleurs, cette « panoplie urbaine » pouvant évoluer au cours du temps, une localité peut devenir ou cesser d’être une ville.
Les villes au Moyen Âge
Les villes au Moyen Âge
Les villes et les itinéraires au Moyen Âge
Les villes et les itinéraires au Moyen Âge
Hiérarchisation des localités au Moyen Âge
Hiérarchisation des localités au Moyen Âge
Hiérarchisation des localités et itinéraires au Moyen Âge
Hiérarchisation des localités et itinéraires au Moyen Âge
Graphique 1 - notes des villes
Graphique 1 - notes des villes
Fréquence des critères urbains
Fréquence des critères urbains

La ville est un des sujets les plus complexes de l’histoire médiévale. En effet, il est extrêmement difficile de préciser ce qu’est une ville. La définition peut varier suivant les espaces géographiques (une localité de 2000 habitants sera en effet aujourd’hui qualifiée de « ville » en France, alors qu’il en faudrait 5000 en Espagne), les périodes chronologiques, voire les chercheurs eux-mêmes. Par exemple Jacques Le Goff estime qu’une ville médiévale doit forcément comporter un couvent mendiant, alors que d’autres chercheurs plus contemporains (Thierry Dutour, Simone Roux…) estiment qu’elle correspond à un ensemble de critères (enceinte, charte de franchise, population dense, économie variée…). Par ailleurs, cette « panoplie urbaine » pouvant évoluer au cours du temps, une localité peut devenir ou cesser d’être une ville.

Les cartes réalisées ici se fondent sur une méthode élaborée par le groupe de recherche de Trêves du professeur Alfred Haverkamp[1] en 2004 et adaptée par Bernhard Metz pour les villes médiévales alsaciennes[2]. Fondée sur 56 critères (tant religieux que politiques, administratifs, économiques ou défensifs), l’originalité de la démarche a été de ne considérer aucun critère comme exclusif (son absence entraînant la perte du titre de ville pour la localité) mais de leur associer un coefficient (1 à 3 en fonction de leur importance, exceptionnellement 4 ou 5). Par exemple, la cathédrale a un coefficient de 3, alors que le bain public n’a qu’un coefficient de 1 ; par ailleurs la présence d’une seule halle sera notée 1, alors qu’une panoplie de plus de 5 halles sera notée 5. La somme de ces coefficients permet de donner une note à la localité étudiée et de la comparer à d’autres. Par ailleurs, par convention, toute localité atteignant un total d’au moins 7 points au plus tard en 1350 sera considérée comme ville.

Dans notre cas, cette méthode a été appliquée sur un échantillonnage de 300 chefs-lieux de paroisse des diocèses de Limoges et de Tulle (sur les quelques 900 paroisses qu’ils comportent). En effet, 23 mémoires de maîtrise sur le phénomène urbain ou l’occupation du sol en Limousin au Moyen Âge, réalisés à l’université de Limoges sous la direction de Bernadette Barrière, nous permettent un premier aperçu de la hiérarchisation des localités en Limousin au XIIIe et XIVe siècles. Bien sûr, on ne peut s’attendre à ce que tous ces mémoires aient été réalisés avec la même rigueur, ni qu’ils aient choisi de recenser les mêmes informations ou que ces informations correspondent exactement à la grille d’analyse d’Haverkamp[3]. De même, le manque de précision concernant la première mention des structures nous oblige à présenter une image unique des XIIIe-XIVe siècles alors que Bernhard Metz réussit, en Alsace, à présenter une évolution par demi-siècle. Un essai de hiérarchisation des localités réalisé uniquement à partir de cette bibliographie ne peut donc qu’être incomplet et ne remplace pas un dépouillement systématique en archives. Cependant, ces mémoires restent suffisamment homogènes pour établir une hiérarchisation relative correcte des localités inventoriées et permettent de proposer une première hypothèse du réseau urbain en Limousin à cette époque.

En définitive, en ne conservant que les localités obtenant une note supérieure ou égale à 7, on obtient une liste de 35 localités[4] (carte 1, graphique 1) correspondant pour la plupart à des nœuds du réseau d’itinéraires présenté sur la carte (carte 2) « Voies de communication et foires au Moyen-Âge » de l’Atlas historique du Limousin de Robert-Henri Bautier. On observe que la Montagne limousine reste déserte.

Apparaît la prépondérance de 6 grandes villes : Felletin (note de 18, la seule des 6 notée en dessous de 20[5]) Saint-Léonard-de-Noblat (20), Tulle (20), Brive-la-Gaillarde (28) et surtout Limoges-Cité (31) et Limoges-Château (40). Les ensembles Brive-Tulle et Limoges-Saint-Léonard forment deux pôles principaux : un ensemble Limoges-Saint-Léonard et un autre Brive-Tulle. On note dans les deux cas l’absence de villes importantes dans leur proximité immédiate et leur rejet aux confins du Haut-Limousin et de la Basse-Marche pour le pôle Limoges-Saint-Léonard (Eymoutiers, Rochechouart, Saint-Junien, Mortemart et Le Dorat), et du Bas-Limousin pour le pôle Brive-Tulle (Beaulieu, Meymac, Ussel). On se trouverait donc là en présence d’un système centralisé, suivant la théorie de Christaller[6]. A l’inverse, l’espace de la Haute-Marche et de la Combraille ne présente pas de disparité aussi forte. Même si la localité de Felletin domine l’ensemble, son écart avec Aubusson (tant quantitatif que spatial) reste faible et les villes sont mieux réparties sur l’ensemble de l’espace.

[1] ESCHER Monika et HIRSCHMANN Frank G. : Die urbanen Zentren des hohen und späteren Mittelalters: Vergleichende Untersuchungen zu Städten und Städtelandschaften im Westen des Reiches und in Ostfrankreich (Trierer Historische Forschungen), Verlag: Kliomedia, 2005. Ce groupe de recherche avait pour objectif de comparer les localités s’inscrivant dans un rectangle allant de Rotterdam, à Paderborn, Winterthur et Semur-en-Auxois.

[2] METZ Bernhard, « Essai sur la hiérarchie des villes d’Alsace (1200-1350) », Revue d’Alsace 128 (2002), p. 47-96.

[3] Par exemple, les compagnies de tireurs, la superficie intra-muros, les cimetières juifs, les bains publics, les exploitations minières, un nombre de halles supérieur ou égal à 2, la présence de Lombard, ou un nombre de corporations supérieur à 10 ne sont jamais mentionnés. Finalement, seuls 40 des 56 critères d’Haverkamp sont utilisés.

[4] Ce nombre peut certainement s’accroître si l’on prend réellement en compte l’intégralité des 56 critères.

[5] Il est à noter qu’avant 1316 et son érection en ville épiscopale, Tulle est également noté en dessous de 20. Cependant, en tant que cité épiscopale, elle reste au même niveau que Saint-Léonard, et bien inférieure à Brive.

[6] CHRISTALLER Walter : Die zentralen Orte in Süddeutschland, Iéna, Fischer,‎ 1933.

Bibliographie

METZ Bernhard, « Essai sur la hiérarchie des villes d’Alsace (1200-1350) », Revue d’Alsace 128 (2002), p. 47-96.

Les mémoires de maîtrise réalisés sous la direction de Bernadette Barrière :

ASTIE Mélanie, L’occupation médiévale du sol dans les parties septentrionales de la Montagne Limousine, 1998.

AUMASSON Ludovic, L’équipement médiéval de la vallée de la Creuse (de Fresselines à la région d’Argenton), 2001.

BICHAUD Laetitia, Occupation médiévale du sol des Monts de Blonds et de leurs piémonts, 2002.

BLOIS Christine, Le phénomène urbain en Bas-Limousin au XIIIe s., 1984.

CARTIER Nicolas, Occupation médiévale du sol de la Haute Vallée de la Maulde, 2001.

DECRESSAC Dominique, Ocupation du sol au sud de la Gartempe, 2000.

DEVAUX Pauline, Occupation médiévale du sol du pays de Hautefort et de la forêt de Born, 2003.

DUPUY Séverine, Etude d’occupation médiévale du sol : le pays de Laguenne, 2001.

FAUCHER Aurélien, Occupation médiévale du sol aux confins du Limousin et du Périgord, 2003.

FLEURAT J. Ph., La Charente Limousine : un exemple d’occupation du sol du Vème au XVème siècle, 1983.

GIRY-GUERIN Marie-Laure, Occupation du sol du plateau de la rive septentrionale de la Corrèze entre Tulle et Brive, 2004.

GLOMOT David, Le phénomène urbain en Haute-Marche et Combraille au XIIIe siècle, 1998.

GRAVELAT Claire, Occupation médiévale du sol aux confins de la Basse Marche et du Poitou, 1993.

LAFORE Brigitte, Le phénomène urbain en Haut-Limousin et Basse Marche au XIIIème siècle, 1980.

LAMONNERIE Ludivine, Occupation médiévale du sol du Pays de Chénérailles, 2003.

MARANDOLA Christian, Le phénomène urbain en Haute-Marche et Combraille au XIIIe siècle, 1982.

MARTIN Guillaume, L’occupation du sol au Moyen Age entre Limoges et Saint-Léonard-de-Noblat, 2001.

PERRON Jérôme, L’occupation du sol du Pays de Dun en Haute-Marche, 2001.

SABOURDY-LAMONGE Stéphanie, Occupation du sol Haut-Taurion, S.D.

SOLA Séverine, L’occupation du sol dans un pays de confins : le pays d’Eygurande à l’époque médiévale, 2001.

SOULIER Olivier, Etude d’occupation médiévale du sol : le pays de Gimel, 1997.

SOULIER Olivier, Approche méthodologique de l’étude d’occupation médiévale du sol. Entre le Doustre et l’Avalouze, les pays d’Espagnac et de la Roche, 2000.

ZIGRAND Estelle, Occupation médiévale du sol de la châtellenie de Châteauneuf et de ses paroisses environnantes, 2002.

 

Catherine Xandry, 2015

Le phénomène urbain au Moyen Âge – cartes en PDF

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