Jacques-Aristide PERRIN, Étude critique d’une notion clef de la gestion des cours d’eau : la continuité écologique des cours d’eau
Notion introduite en 2000 par la Directive Cadre sur l’Eau, la continuité écologique d’un cours d’eau (CECE) a été définie comme « la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, le bon déroulement du transport naturel des sédiments ainsi que le bon fonctionnement des réservoirs biologiques (connexions, notamment latérales, et conditions hydrologiques favorables) » (ONEMA, 2010).
L’altération de la continuité écologique des cours d’eau compromet l’atteinte du bon état écologique des milieux aquatiques, objectif fixé par la DCE. C’est pourquoi diverses réglementations françaises (et européennes) – exigent l’obligation de restaurer la continuité écologique. En effet, les altérations morphologiques qui empêchent la continuité écologique sont la cause du déclassement de la moitié des masses d’eau de surface en France, constituant un défi majeur pour parvenir à un bon état écologique. L’ONEMA a identifié plus de 60 000 seuils et barrages sur les cours d’eau en France. Les rivières caractérisées par le développement hydroélectrique sont particulièrement touchées et constituent une catégorie à problèmes en matière de CECE.
La CECE est considérée comme représentant un changement majeur dans la philosophie de gestion de l’eau. En passant d’une approche hydraulique à une approche écologique du fonctionnement et de la gestion des cours d’eau, « l’accent est mis davantage sur l’eau en tant que milieu naturel et sur la rivière en tant qu’écosystème et espace de vie, que sur leurs dimensions productives et utilitaristes. Ce qui n’est pas sans engendrer un changement en profondeur dans les approches fonctionnelles, sociétales, politiques et juridiques de la gestion des cours d’eau.» (Conseil général de l’environnement et du développement durable, 2013).
Bien que des progrès aient été accomplis dans l’élimination physique des obstacles à la CECE et des solutions d’ingénierie, il est reconnu que de nombreux problèmes subsistent, et les améliorations avancent à un rythme moins soutenu que prévu.
Enjeux et problématiques du sujet de recherche :
La recherche consiste en une étude critique du concept de continuité écologique des cours d’eau (CECE) afin de mettre en discussion sa pertinence et son applicabilité au sein du contexte français et européen de la gestion durable des cours d’eau.
Une attention particulière sera portée à l’histoire intellectuelle, scientifique et administrative de cette notion controversée ainsi que ces influences diverses, pour mettre en contexte son application au sein de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) et ainsi comprendre les conflits et problèmes de réalisation sur le terrain.
A partir de deux terrains d’étude que sont la Dordogne et la Têt, il s’agit de s’intéresser à la manière dont le concept est perçu par les acteurs (représentations), d’identifier les freins à son application relatifs à l’ambigüité des indicateurs de la CECE (techniques, culturels, scientifiques) et de réfléchir in fine aux passerelles possibles (sur des plans éthique, géographique et politique) entre le respect de la continuité écologique des cours d’eau telle qu’elle existe dans la loi et le maintien des obstacles (seuils, moulins, barrages hydroélectriques, micro-centrales, digues…) identifiés par les autorités.
D’un point de vue scientifique, les savoirs de plusieurs disciplines sont mobilisés : géographie, sociologie, sciences politiques, philosophie, hydromorphologie et hydrobiologie.
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