Claude Zilberberg, Éléments de grammaire tensive, Limoges, Pulim, 2006, 244 pages

Sémir Badir

FNRS - Université de Liège

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Mots-clés : affect, dépendance, glossaire, phorie, rhétorique, structure, tensivité

Auteurs cités : Joseph COURTÉS, César Chesneau Du Marsais, Pierre FONTANIER, Jacques FONTANILLE, Algirdas J. GREIMAS, Louis HÉBERT, Louis HJELMSLEV, Roman JAKOBSON, André Martinet, Ferdinand de SAUSSURE, Paul VALÉRY, Heinrich WÖLFFLIN

Texte intégral

Voici un livre qui procure au lecteur la joie, rare et évidente, d’assister à quelque moment historique. Les Éléments de grammaire tensive sont de ces livres qui, comme les Prolégomènes à une théorie du langage (1943), Sémantique structurale (1966) et Sémantique interprétative (1987), découvrent un univers théorique. J’ai ajouté les dates à dessein, au risque que la sélection retenue soit jugée vexatoire pour les autres : ces livres-là se succèdent les uns aux autres, sans se remplacer du reste, à peu près tous les vingt ans.

La théorie contenue dans le présent ouvrage a d’abord été annoncée par un programme, dont l’Essai sur les modalités tensives (1981) ne cachait pas la dimension collective, au sein de l’École de Paris, en prenant pour point de départ le Dictionnaire raisonné de la théorie du langage de Greimas & Courtés. Elle a connu ensuite plusieurs jalons, dont deux méritent d’être mentionnés, ainsi que cela sera fait dans un instant. En s’inspirant de l’auteur, on pourrait dire que le présent livre est impliqué par un parcours, qu’il est ce à quoi est parvenu l’auteur ; selon le mode concessif, il est néanmoins un événement qui survient, qui fait date. Comment se fait-il que les deux lectures soient simultanément possibles ? C’est sans doute qu’elles sont soutenues par une dialectique mettant ensemble, d’une part, la tradition, dont le souci d’inscription chez CZ est considérable, et l’abstraction, d’autre part, dont l’effort va croissant. Les Éléments sont ainsi, ni un événement au sens où son caractère achevé serait totalement inattendu, ni l’aboutissement « logique » d’un parcours, mais bien l’essai, réussi et largement accompli, de relever un défi, une Aufhebung, où l’auteur parvient à raviver et à déployer sa réflexion à nouveaux frais, tout en l’inscrivant dans ce mouvement que je n’hésite pas à qualifier d’historique : celui de la théorie sémiotique.

Mais revenons à la généalogie. Deux publications antérieures sont mentionnées dans l’Avant-propos. La plus récente est le « Précis de grammaire tensive », publié en 2002. Œuvre commanditée par Louis Hébert pour la revue québécoise Tangence, elle présente plus qu’une esquisse des Éléments : le Précis est plus exactement le point-charnière qui concentre l’acquis théorique des articles écrits par CZ depuis, mettons, Raison et Poétique du sens, en même temps que le départ des avancées nouvelles. Symptomatiquement, une grande part du Précis se retrouve, parfois littéralement, dans les Éléments (à partir de la page 54). L’acquis, c’est la tensivité et ses catégories (dimensions et « phorèmes ») ; l’avancée, c’est la sémiotique des intervalles et les « Analytiques du sensible » que cette sémiotique permet — nous allons y venir. L’autre précédent indispensable est Tension et Signification, paru en 1998. Écrit en collaboration avec Jacques Fontanille, il se donne à lire sous une forme rarement employée pour un ouvrage de réflexion théorique : la forme d’un dictionnaire (encyclopédique, certes : seulement douze entrées). De cette forme dictionnairique, les Éléments héritent de deux manières : d’abord, en se donnant à lire après le dictionnaire, c’est-à-dire après que le vocabulaire théorique a été entièrement parcouru. Il y gagne immédiatement en cohérence, et l’on n’y trouve pas les hésitations habituelles à ce genre de projet. Ensuite, il présente un Glossaire, également généreux en explications et en développements (certaines entrées font plus de deux pages). Le Glossaire est une entreprise (admirable) d’élucidation des emprunts terminologiques et des fonctions conceptuelles. Il ne comble pas toutefois le regret que le lecteur peut éprouver devant l’absence d’index, tant pour les noms cités que pour les concepts employés.

Du titre retenu, le dernier terme, tensif, est celui qui ne surprendra pas. Il aide à identifier une pensée, dans ce qu’elle a de pérenne, depuis l’Essai sur les modalités tensives. Éléments pourrait quant à lui prêter à la modestie de l’auteur, s’il n’y avait des antécédents : les Éléments de linguistique générale, d’André Martinet, voire les Éléments d’Euclide. Mais le terme le plus intrigant est celui de grammaire. À d’autres endroits, CZ emploie l’expression, plus attendue, de « sémiotique tensive ». Quelques indices pour l’interprétation : d’abord, grammaire est un terme ancien, antérieur à la sémiotique, et même à la linguistique ; c’est ensuite un terme ayant servi au jeune Hjelmslev, lequel intitule son premier ouvrage Principes de grammaire générale ; or la référence à Hjelmslev reste la plus importante dans cet ouvrage (son nom y est cité 136 fois, dont 56 fois dans le Glossaire) ; c’est enfin, dans l’œuvre de ce dernier, le terme désignant le domaine de connaissance de la morphologie et de la syntaxe. C’est ici surtout au Hjelmslev de La Catégorie des cas qu’il est fait appel, un Hjelmslev « linguiste » plutôt que « théoricien » (celui des Prolégomènes) (cf. p. 79). La grammaire tensive met ainsi moins l’accent sur les catégories (c’est ce que j’ai appelé « l’acquis » dans la réflexion poursuivie par CZ ; mais comme cet acquis ne l’est pas pour tout le monde, les deux premiers chapitres leur sont principalement consacrés) que sur la « syntaxe discursive » (titre du troisième chapitre, et le plus long), dont l’événementialité et la rhétorique explicitent les modes d’efficience (les deux derniers chapitres leur sont consacrés).

La balise suivante consiste en un bref Avant-propos mettant aussitôt en avant trois « concepts directeurs », bien qu’en réalité les champs de détermination de ces concepts s’avèrent, à mon sens, aussi importants que les concepts eux-mêmes : la dépendance (concept directeur) pour la structure (champ de détermination), la phorie pour la direction, l’affect pour la valeur.

1) Le concept de dépendance est directement emprunté à Hjelmslev (Prolégomènes à une théorie du langage, 35-42). Zilberberg insiste sur le fait que la sémiotique hjelmslevienne conçoit des dépendances là où la sémiotique saussurienne voit des différences (de « simples » différences) et la sémiotique praguoise des oppositions (ce qui, au contraire, est bien trop déterminant). Le concept de dépendance n’a pas de valeur opératoire, mais il donne à la structure son accent particulier, lequel consiste, d’une part, à vectoriser le système, à lui assigner un sens comme on le fait pour des voies de communication, d’autre part, et corrélativement, à y imprimer du mouvement (de… à…), à instaurer un système de circulation. À l’encontre des systèmes « classiques », différentiels ou oppositionnels, un système de dépendances est essentiellement asymétrique, c’est-à-dire orienté, et tout le travail de description consiste à expliquer les passages, les intervalles existant d’un point (celui dont on part, quel qu’il soit) à un autre (auquel on arrive).

2) La phorie consacre la conception d’un système en mouvement. Mieux, il en décline la variété dans le temps et dans l’espace, et cette variété est bien, quant à elle, opératoire (elle intervient à la façon d’une typologie dans un grand nombre d’applications théoriques). Le principal avancement théorique concerne toutefois ici le déploiement du concept de direction. La direction est encore un concept que CZ emprunte à Hjelmslev, mais cette fois c’est le Hjelmslev de La Catégorie des cas qui est convoqué. Dans cet ouvrage, la direction est la première dimension selon laquelle les cas, dans quelque langue que ce soit, peuvent être agencés dans un système de dépendances. Tout cas peut être conçu en effet comme une direction d’éloignement (direction positive), de rapprochement (direction négative), de repos (direction neutre), certains cas exprimant indifféremment n’importe quelle variété directionnelle. Hjelmslev explicite bien que toute nouvelle dimension sera nécessairement dépendante de la direction, de sorte qu’il est possible de les considérer comme des modalités de cette dimension. La pensée théorique de CZ se développe dans cette voie, tout en dégageant la direction de la métaphore localiste (que Hjelmslev privilégiait explicitement) : l’éloignement devient une ascendance, le rapprochement une décadence. En outre, loin de contenir son application aux systèmes casuels, il étend le champ d’action de la direction à l’univers sémantique tout entier. Deux principes fondamentaux en découlent : primo, l’univers sémantique est tout aussi intimement structuré que le sont les systèmes casuels ; secundo, cet univers est essentiellement dynamique, composé de flux et reflux sémantiques.

3) Le primat de l’affect, avec l’intérêt qu’il témoigne pour la valeur, constitue le troisième trait saillant de la sémiotique tensive. CZ se distingue ici de Hjelmslev, lequel avait privilégié l’extensité à l’intensité et ne s’était d’ailleurs jamais véritablement occupé de la valeur. Au demeurant, le champ de ce concept reste largement sous-déterminé, Saussure nous en ayant dit trop peu à son sujet. CZ le fait correspondre à une question par laquelle s’ouvrait déjà l’Essai sur les modalités tensives et dont la tournure rendait hommage à Queneau (et à l’esprit de 68 !): sous les sèmes y a quoi ? Plus platement formulé : qu’est-ce qui différencie les sèmes entre eux, si eux-mêmes doivent servir à différencier les textes ? La réponse est définitive : c’est l’affect qui différencie les sèmes. L’affect est l’energeia constante et différentielle de tout univers sémantique.

En retenant la structure, la direction et la valeur comme champs de détermination des concepts directeurs de la sémiotique tensive, la pensée de CZ accomplit le projet initial de Hjelmslev, celui d’une grammaire générale, certes appuyée sur une base linguistique, néanmoins apparentée aux grammaires générales du XVIIIe siècle. Si l’on admet cette projection, on pourra observer aussi que, dans le titre retenu pour l’ouvrage, un terme, grammaire, en aura caché un autre : générale. Et là où ses propositions emportent notre conviction, c’est précisément en ce que, à contre-courant de toute une tradition philosophique, elles déportent le problème de la généralité au dehors d’un champ de détermination strictement conceptuel. Les dimensions sémantiques sont régies, dans leur plus grande généralité, par l’affect et par ses valeurs.

Mais ce qu’est l’affect, nul ne le saura exactement ; et peut-être CZ ne cherche-t-il pas à le savoir lui-même (pas davantage que la dépendance et la phorie, l’affect ne constitue une entrée du glossaire). Ce ne sont pas, en tout cas, les affects, dans le sens où Greimas aura pensé une sémiotique des passions. De fait, ce n’est pas une analyse paradigmatique de l’affect qui est proposée. Et, pour aussi paradoxal que cela paraisse, c’est bien cet abandon qui est le coup de génie propre aux Éléments, le moteur des découvertes théoriques qui y sont avancées. Ce que l’ouvrage propose, c’est bien au contraire, conformément à ce qu’annonce le titre, une grammaire, c’est-à-dire une analyse syntagmatique, et cette analyse est élémentaire, elle est faite d’éléments dont on pourrait difficilement contester l’aspect fondamental et neutre vis-à-vis de toute théorisation ultérieure. Les éléments en question ne sont rien d’autre que plus et moins, et la grammaire à laquelle ils conduisent est celle de plus de plus, plus de moins, moins de plus et moins de moins — tout simplement. Avec une telle grammaire, non seulement on évite à penser l’affect sous des concepts a priori se donnant comme indépendants des affects eux-mêmes, mais encore on peut rendre ses catégories particulières dépendantes les unes des autres, on peut rendre dynamique la description de ses manifestations et évaluer le coût du discours. Bref, à travers une syntaxe de l’intervalle, on peut opérer une analytique du sensible, entendu que le sensible, ou l’affect, n’est saisi que sous des formes discursives.

Cette syntaxe discursive permet de regarder la dépendance, et la direction qu’elle infléchit, nullement comme une nécessité. À une syntaxe implicative, il faut envisager de donner le pendant d’une syntaxe concessive, où tout ce qui vient à l’analyse l’est en dépit des règles (d’au moins une règle) ou des principes que l’analyse se donne. Cette condition est essentielle pour assurer à la structure son caractère dynamique et migratoire. Aussi la pensée de l’événement occupe-t-elle une place centrale dans la pensée de CZ, et son ouvrage est la première application de cette pensée, comme il accueille avec prodigalité, dans son déroulement même, les accidents théoriques et les bonheurs d’expression de la pensée d’autrui (philosophes et poètes, pour l’essentiel). C’est ainsi par exemple que la clé analytique du concept d’événement est donnée sous la dépendance d’une citation de Valéry, que je reproduis à mon tour : « L’âme est l’événement d’un Trop ou d’un trop peu. Elle est par excès ou par défaut. / “Normalement” n’existe pas. » Par catalyse, il suffira d’ajouter que trop correspond à trop de plus et trop peu à trop peu de plus (p. 96).

Toutefois, bien loin de réserver à la seule sémiotique tensive cette centralité de l’événement, CZ l’étend au mouvement de l’Histoire. En particulier, à la suite d’une lecture de Wöfflin, il reconnaît dans l’art baroque l’avènement de l’événement. Il met aussi l’événement au cœur de la rhétorique, celle-ci manifestant les directions de tonicité et les mesures d’ascendance rythmique dans le discours ; le rhétorique serait ainsi ce qui incline vers l’intensif. En ce qui concerne celle qu’on est bien forcé d’appeler la reine des figures, CZ est plus intéressé à distinguer parmi les métaphores, en fonction de sa théorie des intervalles, que d’opposer celles-ci aux autres figures, ce qui suffirait à démarquer son approche de celle des sémioticiens et néo-rhétoriciens depuis Jakobson. Seules les « métaphores-événements », avec leurs intervalles forts, sont poétiques, propres aux discours épidictiques (pour reprendre ici la terminologie d’Aristote), tandis que les « métaphores-arguments », aux intervalles faibles, appartiennent aux discours délibératifs et judicaires.

La réflexion sur la rhétorique est relativement nouvelle dans la théorie de CZ. On peut certes signaler un article datant de 1998 (« Approche sémiotique de la rhétorique », actes du colloque d’Albi, 1995), mais le propos des Éléments est autrement plus engagé, cherchant à déterminer à nouveaux frais la place de la rhétorique. Cette réflexion se fait ainsi d’abord épistémologique. La spécificité du rhétorique, pour CZ, ne va pas de soi. Sa proposition tient en un double programme : sémiotiser la rhétorique en même temps que rhétoriser la sémiotique. Cela revient, d’une part, à réfuter la validité théorique des opérations de tri en fonction desquelles sémiotique et rhétorique sont ordinairement maintenues distinctes au sein des sciences du langage. Cela exige, d’autre part, que la sémiotique comme la néo-rhétorique abandonnent le paradigme discontinuiste qui est à l’origine le leur. Mais la réflexion de CZ sur la rhétorique ne s’arrête pas là. Elle consiste ensuite, en s’appuyant sur une lecture d’Aristote et des rhétoriciens français Du Marsais et Fontanier, à rendre compte de la rhétorique comme le champ du discours réservé aux affects (présenter des images vives et frappantes, chez Fontanier) et, plus globalement, aux valeurs intensives (embellir chez Du Marsais, persuader chez Aristote). Car l’affect est présupposé par ce qu’on pourrait appeler, pour maintenir un équilibre d’abstraction, l’ « effect », c’est-à-dire la qualité générale qu’on attribue aux effets rhétoriques. Enfin, le fonctionnement d’un certain nombre de figures est commenté par CZ : la métaphore, comme on a vu, mais aussi l’hypotypose et l’hyperbole.

On peut constater qu’on n’aura pas cherché dans ce compte-rendu à faire le résumé des Éléments de grammaire tensive, tâche qui me paraît impossible à faire en un nombre restreint de pages. Ceci est dû au fait que l’ouvrage fourmille véritablement de propositions nouvelles, présentant un nombre considérable de tableaux et autres graphiques (les fameux quadrants tensifs) qui constituent déjà en eux-mêmes des formes de résumé. Mais cela tient aussi au style de pensée de CZ, qui n’a rien de linéaire. C’est une théorie rêveuse que celle de Zilberberg, proche par le style de l’épistémologie bachelardienne. Une théorie, sans doute aucun, car les solutions de continuité n’entravent pas l’abstraction, la cohérence et le systématisation. Rêveuse, cependant, parce que la réflexion théorique fonctionne souvent chez CZ par associations, et que ces associations, allant toujours au point le plus sensible, le plus novateur et le plus stimulant, offrent un goût certain de liberté.

Ce compte rendu aura plutôt tenté de mettre en avant quelques-uns des tenants et aboutissants des Éléments, entendu que bien d’autres de ces « éléments » auraient pu être relevés, tant la théorie appelle ici, entretenant une tradition propre, le commentaire et le questionnement continué. On pourrait alors, pour finir, soulever quelques questions, dans la conviction que la sémiotique tensive a bien d’autres jours glorieux devant elle.

La sémiotique tensive opère avec une série d’homologations allant par paires d’oppositions conceptuelles : le couple intensité / extensité est d’abord homologué au couple philosophique traditionnel sensible / intelligible, puis au couple plus particulièrement kantien affect / concept, enfin au couple anthropo-sémiotique intérieur / extérieur. Mais certains de ces passages paraissent bien problématiques : si l’implication intelligible concept semble aisément envisageable, en est-il de même de sensible affect ? Et, si l’implication affect intérieur peut être facilement entendue, à quelle concession faut-il réclamer le passage de concept à extérieur ?

Par ailleurs, on a vu que pour CZ l’intensité est présupposée par l’extensité, que l’intensité est une constante et l’extensité une variable. Mais cela conduit CZ à dire que l’intensité régit l’extensité, quand on dirait, si l’on voulait suivre Hjelmslev sur ce point, que c’est l’extensité, si c’est bien elle la variable, qui régit l’intensité. (Il est vrai que Hjelmslev a hésité à ce sujet, je ne rapporte ici que l’état théorique final où il est stipulé que c’est la variable qui est régissante.) Est-là seulement un problème terminologique ? Je me permets d’en douter. La théorie de CZ est une théorie des forces, d’une energeia constante régissant la variété du discours et de ses valeurs ; celle de Hjelmslev, en revanche, est une déduction, où les constantes sont des multiplicités en devenir, agies par toutes les manifestations que l’analyste appelle dans sa visée.

Enfin, je voudrais revenir sur le statut des concepts mis en place dans la sémiotique tensive. Car, même si l’intensité est présupposée par l’extensité, ce sont tout de même bien des concepts que la sémiotique tensive établit quand elle rend compte de cette intensité. Quel est le statut de ces concepts ? J’ai indiqué qu’ils relèvent d’un projet apparenté à celui des grammaires générales du XVIIIe siècle mais il resterait à les déterminer au sein de théories sémantiques plus actuelles. En empruntant à Sémantique interprétative sa terminologie, on pourrait reconnaître par exemple que les concepts de la sémiotique tensive constituent le départ d’une théorie générale des dimensions. Ce serait là en tout cas un ambitieux programme pour la sémiotique, permettant en outre de relire dans son ensemble son histoire. Ce que, ai-je prévenu d’emblée, la lecture des Éléments de grammaire tensive nous engage de toute façon à faire.

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