Religiosité d’intonation et régimes conversationnels au cinéma. Sokourov et ses dialogues avec Soljénitsine Religiosity of intonation and conversational regimes in the cinema. Sokurov and his dialogues with Solzhenitsyn
Madlena Ghazaryan
Madlena Ghazaryan est doctorante en sciences du langage au sein du laboratoire ICAR, à l’Université Lumière Lyon 2.
Le sujet de cet article est l’étude de l’intonation religieuse dans des conversations attestées dans le cinéma documentaire, intonation qui émerge toujours à partir d’une transition fragile entre régimes de communication poussés au-delà de l’intimité. Dans certaines attestations cinématographiques, la tension entre intimité et universalisation des valeurs peut apporter un pli religieux au discours, et ce pli peut se voir renforcé par l’énonciation filmique. Le cas d’étude analysé, à savoir le film documentaire d’Alexandre Sokourov Le Nœud. Dialogues avec Soljénitsine, tourné en 1998 pour le studio Nadezhda (Saint-Pétersbourg), démontre que certains films documentaires focalisés sur l’attestation d’une rencontre peuvent échapper à la définition d’une simple interview et se rapprocher d’une conversation intime, imprégnée d’une intonation religieuse. Notre recherche s’inscrit dans la quête de ce qu’on appellera une « intonation religieuse » de la conversation, se situant ainsi au croisement de la sémiotique visuelle et la linguistique interactionnelle.
The subject of this article is the study of the religious intonation in the conversations attested in documentary cinema, an intonation that always emerges from a fragile transition between different communication regimes pushed beyond intimacy. In certain cinematographic attestations, the tension between intimacy and the universalization of values can bring a religious fold to the discourse, and this fold can be reinforced by the filmic enunciation. The case study, namely the documentary film by Alexandre Sokurov The Knot. Dialogues with Solzhenitsyn shot in 1998 for the Nadezhda studio (Saint-Petersburg), demonstrates that certain documentary films focused on the attestation of an encounter can escape the definition of a simple interview and approach an intimate conversation, imbued with a religious intonation. Our research is part of the quest for what will be called a religious intonation of conversation, thus being at the crossroads of visual semiotics and interactional linguistics.
Index
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Mots-clés : écologie des relations, énonciation, interaction, régime participatif, religiosité, rencontre, tiercéité, transition
Keywords : ecology of relations, encounter, enunciation, interaction, participatory regime, religiosity, thirdness, transition
Avant-propos
Le nombre de recherches réalisées et d’œuvres publiées dans le domaine de la théorie de conversation démontre que la pragmatique et l’analyse conversationnelle sont les héritières d’un changement important dans les sciences du langage ; l’étude du langage ordinaire par rapport aux littératures à vocation artistique ou aux mythes est de plus en plus prééminent dans les sciences du langage. Pourtant, les deux versants ne sont pas irréconciliables. Le film d’Alexandre Sokourov Le Nœud. Dialogues avec Soljénitsine est apparemment un simple documentaire qui affiche la conversation entre deux artistes russes, mais il s’impose en réalité comme un échantillon rare et pertinent qui démontre que certains films peuvent bien échapper au dispositif classique de l’interview, débouchant sur une conversation intime, voire religieuse.
La comparaison entre deux parties du film nous invite à réfléchir et à nous interroger sur la transition entre différents régimes conversationnels ; en ce sens, cet objet d’étude nous invite à considérer et à décrire les transitions interactionnelles qui passent rapidement de la contenance à la confidence, de la déférence à la confiance. Aux transitions de régimes il faut ajouter les transitions entre les espaces (promenade dans une forêt, habitation privée, lieu public, etc.) et les phases de la journée.
L’analyse de la dimension spatiale, cruciale au cinéma, impose l’étude des aspects poly-sémiotiques. Elle permet également de mettre en exergue la relation entre la conversation et l’espace, les régimes conversationnels qui passent à travers l’espace (dialogues avec la nature), de traiter certaines particularités de l’espace visuel et sonore construit par la mise en cadre (dialogues entre le dispositif et la réalité profilmique).
L’étude du film de Sokourov, son analyse sémiotico-narrative nous ont posé des questions sur l’intimité au cinéma (normalement tout est surexposé devant la caméra) et sur ce qui peut être appelé la « religiosité », et notamment sur la manifestation de cette particulière intonation spirituelle dans des conversations (audio-visuelles) qui ne sont pas consacrées préalablement à une thématique religieuse. Nous nous sommes aperçus que dans le film en question la tension entre intimité et universalisation des valeurs apportait un pli religieux au discours et que ce pli était renforcé par l’énonciation filmique. Or, si l’intime et le sacré ne manquent pas d’une vaste tradition conceptuelle et si la religion au cinéma mérite même le statut de « genre cinématographique » au niveau doxique (voir l’entrée Wikipédia « Cinéma religieux »), la notion de « religiosité » n’a pas été suffisamment traitée, à tel point qu’on a la sensation d’aborder un sujet assez vague. Pourtant, le cinéma n’a pas manqué d’offrir sa propre contribution à la thématisation d’une religiosité laïque et de la conceptualiser à travers l’image et l’exemplification d’une tension interactionnelle spécifique qui peut « habiter » la conversation.
Nous avons essayé d’analyser le film en tant qu’une entité intégrale, « un tout de signification », sa structure étant une structure d’images et de sons aussi bien qu’une structure de sentiments et d’idées. Autrement dit, nous avons essayé de mettre l’accent non pas sur le récit incrusté, enchâssé dans le film, mais sur le film intégral, entier en tant que « récit ».
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Le titre du présent article coïncide avec celui de notre thèse doctorale en cours : « L’intonation religieuse de la conversation. Attestations cinématographiques de la rencontre entre les intimités inconnues ». Niveau (année en cours) : D4. Directeur de thèse : Pierluigi Basso Fossali. Section CNU : 07. Établissement d’inscription : Université Lumière Lyon 2. Unité de recherche de rattachement : UMR 5191 ICAR.
1. L’intonation religieuse de la conversation2
2.1. Attestations cinématographiques de la rencontre entre les intimités inconnues
Notre interrogation porte principalement sur le rôle que ce pli particulier du discours appelée religiosité pourrait jouer dans la transition des différents régimes conversationnels. Cette religiosité de l’interaction est-elle à la base du moment de déstabilisation de la communication ou joue-t-elle plutôt un rôle de relais afin d’assurer la transition d’un moment de déstabilisation à un régime de confidence et de confiance ?
La question qui se pose avant tout est la suivante : comment définir cette religiosité et comment la constituer en tant qu’objet d’étude ?
Il y a quelques pièges dans l’étude de la notion de religiosité.
Le premier, c’est qu’il y a des réalités spirituelles qui s’avèrent être si glissantes et fuyantes, si vagues et intangibles qu’elles échappent à toute définition, à tout encadrement, ne serait-ce que l’intime chez François Jullien, le sacré chez Gregory Bateson ou encore la religiosité dans l’interaction conversationnelle chez nous. La notion de religiosité semble appartenir au domaine des valeurs atmosphériques impalpables dont on saisit l’existence et la présence valorisée, mais qui résistent à toute définition conceptuelle et à toute abstraction.
Dans le cadre d’une sémiotique du discours et d’une écologie sémiotique des cultures, l’enquête lexicographique du terme de religiosité nous suggère les définitions suivantes. Le dictionnaire Larousse définit le terme de religiosité comme : « Expression du sentiment religieux marqué par la sensibilité et conduisant à une vague religion personnelle ». Pour Charles de Villers, c’est une : « […] disposition religieuse affective, dénuée d’attache avec une foi, un culte précis » (Villers 1801 : 135). Le Trésor de la langue française l’appréhende comme une disposition religieuse à forte tendance affective, sans référence à une religion particulière, sans contenu dogmatique précis.
L’autre piège, c’est qu’on pourrait identifier la religiosité d’une conversation avec un discours religieux : les deux choses sont éventuellement compatibles mais pas superposables. D’ailleurs, la première suppose une sorte d’au-delà discursif omniprésent. Cela se manifeste, dans les conversations audio-visuelles, ayant cette nuance de religiosité, par une relativisation des centres d’énonciation privilégiés, parfois au profit d’instances non-humaines (Latour, 1991) ou du paysage, comme dans le documentaire de Sokourov (Figures 1 à 4).
Figure 1 : Partie I, séquence IV, min. : 19 :47. La caméra met l’accent sur l’espace. Le contact avec la terre
Figure 2 : Partie I, séquence IV, min. : 24 :25. Arbre. Ocularisation interne. Embrayage du regard
Figure 3 : Partie I, séquence IV, min. : 43 :15. Le pin en contre-plongée. La perfection de l’arbre
Figure 4 : Partie I, séquence IV, min. : 44 :26. Image subjective. Paysage + visage (focalisation attentionnelle)
À travers une connexion entre l’introverti (intime) et l’extraverti (dialogal), la religiosité d’une communication révèle une nature sémiotique propre, renferme des passions éthiques et, en même temps, une capacité de se tenir en dehors, de se positionner au-delà des enjeux immédiats, pratiques. Autrement dit, la religiosité désigne une implication sans bornes, sans limites actantielles, à savoir non plus liée à des rôles sociaux prédéterminant le degré et la forme d’implication modale des individus.
Autre piège, c’est que la notion de religiosité peut être aisément confondue avec celle d’intime et d’intimité, et celle-ci peut, dans certains contextes, côtoyer également les notions d’érotique et de sexuel. Pourtant, il existe une distinction fine entre l’intimité et la religiosité. Pour pouvoir établir une intimité, il faut connaître la chose ou la personne, alors que la religiosité peut s’établir sans une connaissance suffisante ou préalable entre les partenaires. Par exemple, elle peut être envisageable entre deux personnes qui se croisent pour la première fois à force des circonstances et entament une conversation allant au-delà de tout thème ou but conventionnel. La conversation devient alors une sorte de conversion des buts initiaux (professionnels ou informels, graves ou futiles) vers un territoire discursif sans repérage préalable. La conversation intime peut espérer se transformer en une religiosité de la conversation, alors que la religiosité n’a pas besoin de passer obligatoirement par l’intimité pour avoir lieu. Le passage de l’intimité vers la religiosité suppose une passerelle qui permet de transiter de la bi-dimensionnalité de l’interaction à deux vers une conversation qui implique une tiercéité diffuse, potentiellement illimitée, chargée d’une présence valorisée même si insaisissable. Cela est catalysé par une caméra qui qualifie différemment les rapports entre figures (humaines) et fond, qui montre aussi des gestes de protagonistes indiquant une dimension référentielle ouverte, transcendante mais inscrite dans la dimension visible. Sur le plan esthétique, la vision devient un excès des limites de la vue ordinaire comme la parole dépasse les frontières d’une interaction ancrée dans un espace pratique et concrètement situé. C’est une esthétique en profondeur, un sondage des couches indéterminées du sensible et une évocation d’une présence plus affirmative de l’altérité et de l’entour. Il y a une ouverture à une autre forme d’altérité, à un autre format de l’horizon des valeurs, mais cette forme autre n’a plus de concrétisation donnée, n’a plus de bornes certaines ; l’interpénétration des présences l’emporte, car tout est désormais dans un régime d’implication diffuse. Une conversation colorée de religiosité implique deux passages qualitatifs prototypiques :
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on peut sortir de toute thématique spécifique de la conversation : c’est l’intransitivité de l’interaction, parce que l’on arrive à apprécier les liens interactionnels en tant que tels ;
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les liens en acte sont assumés comme une métonymie et une passerelle vers des formes de connexion plus vaste, vers des sentiments d’appartenance fusionnelle (analogique) ou systémique (discrète, méréologique). Cette hypothèse de travail sur un climat de la conversation doit être associée à un ton, à une manière de parler qui anime ces liens interactionnels comme un ensemble écologique.
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La notion d’intérité (in-betweenness) est traitée dans les travaux de Jacques Demorgon, Bin Kimura - psychiatre japonais, et Tetsuro Watsuji - philosophe japonais.
D’ailleurs, dans la philosophie orientale, la bi-dimensionalité propre à l’intime se voit complétée et remplacée par une vision tridimensionnelle : le soi se fraye un chemin vers l’autrui (l’au-delà), en passant par l’intime lequel, à l’instar d’une passerelle, relie les deux bouts. L’intime suppose un troisième acteur non personnifié, à savoir l’« entre » qui ne doit plus être interprété comme un passage obligatoire d’un bout à l’autre, une interface assurant la communication entre deux éléments séparés, mais plutôt comme un espace d’une intentionnalité partagée où tout pâtit, mûrit, se fermente, où sont vécus le dehors et le dedans, l’immanence et la transcendance, l’être et le devenir. L’intime pointe alors le troisième élément, l’entre, l’intérité qui permet de nourrir et d’entretenir le milieu de ces relations3.
La notion d’intérité « exprime cette particularité de se situer entre identité et altérité, d’être le tiers qui lie ego et alter sans être ni la somme des deux, ni la moitié de chacun, mais bien le produit inédit, communicationnel et cognitif de leur rencontre » (Rafoni 2004 : 340).
La notion de religiosité est aussi bien différente de celle de sacralité, au moins dans son acception traditionnelle. La sacralité semble pointer, indiquer l’objet sacré afin de le protéger ou le défendre, alors que la religiosité est radiale ; en tant que fruit d’une valorisation à 360°, elle vise à se plonger dans une écologie des relations et à les dé-hiérarchiser : même le « je » de l’énonciation n’est plus l’instance prééminente de la signification.
Il s’agit de définir avec plus de précision le concept de religiosité et de démontrer son caractère opérationnel et heuristique dans certaines conversations médiées par l’audio-visuel. L’enjeu est de faire émerger cette notion dans le domaine cinématographique. L’idée de fond est que l’image est moins un élément de complexification qu’une médiation éclairante de la possibilité de déboucher sur une tension religieuse de l’interaction attestée.
Le défi n’est pas facile à relever : l’objet semble être fuyant.
De savoir que ce qui nous est impénétrable existe réellement et se manifeste comme la plus haute sagesse et la beauté la plus rayonnante que nos mornes facultés ne peuvent saisir que de la manière la plus primitive – un tel savoir, un tel sentiment sont au cœur de la véritable religiosité. En ce sens, quoiqu’en ce sens seulement, j’appartiens au nombre des hommes profondément religieux. (Einstein 1990 : 6)
Dans son « Autobiographie », Pavel Florensky définit la seule et unique religion comme un trait permanent :
J'ai acquis la conviction que, du point de vue philosophique et historique, on peut parler non pas des religions, mais de la religion, et dire qu'elle est un trait permanent de l'humanité bien qu'elle prenne une infinie variété de formes (Florensky 1988 : 76).
3. La notion de religiosité et l’« unité sacrée » de Gregory Bateson
Dans l’investigation, la compréhension et la révélation de ce que nous appelons religiosité d’intonation ou climat religieux, nous ne pouvons pas passer à côté de la vision de Gregory Bateson, car celle-ci transforme l’appréhension de l’esthétique, en général, dont font partie les notions de beauté, de sacré, d’intime, de religiosité, en particulier. Cette notion de religiosité, telle qu’elle est perçue et représentée dans notre projet, fait référence à l’« unité sacrée » de Gregory Bateson laquelle instaure une nouvelle écologie de l’esprit, voire une nouvelle épistémologie impliquant une unification à la fois théorique et vécue, interdisant tout dualisme entre corps et esprit, entre visible et invisible. C’est une nouvelle vision du monde qui permet d’affronter les problèmes d’aujourd’hui et qui établit de solides fondations pour comprendre ce qui ne tourne pas rond dans notre façon actuelle de penser l’humanité et la nature. Cette nouvelle écologie de l’esprit vient nous rappeler que nous faisons partie d’un monde vivant et qu’il est désastreux, d’un point de vue épistémologique, de perdre le sens de l’unité de la biosphère et de l’humanité, et d’oublier que cette unité ultime est avant tout d’ordre esthétique : « Je me rends à la croyance que ma connaissance n’est qu’une petite partie d’une connaissance plus vaste, et intégrée, qui relie la biosphère ou la création toute entière » (Bateson 1991 :17).
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L’Unité Sacrée. Quelques pas de plus vers une écologie de l’esprit de Gregory Bateson est une œuvre originale non seulement en vertu de sa valeur, mais aussi pour le fait que bien que Gregory Bateson en soit l’auteur (tous les textes appartiennent à sa plume), Rodney E. Donaldson en devient le co-auteur en plein droit : « Bien que j’en aie choisi et agencé les textes, ce livre est l’œuvre de Gregory Bateson. Dans la mesure où cela s’est avéré possible, j’ai séparé ma propre voix de la sienne, fait des choix qu’il aurait, je crois, approuvés, et la fidélité à ses mots et à ses idées a guidé le choix de mes principes éditoriaux. Mes 19 années de fréquentation de son œuvre, y compris six ans d’apprentissage personnel à ses côtés et neuf de travail sur les archives, me donnent quelque espoir que mes choix éditoriaux ne sont pas trop éloignés de ceux qu’il aurait pu faire lui-même » (Introduction, p. 15).
Cela veut dire, comme l’affirme Donaldson4, que : « […] la nature de la beauté et du sacré se rapporte à l’intégration de l’organisation globale, tant inconsciente que consciente, que nous sommes » (Bateson 1991 : 18).
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Néologisme proposé par Alain Berthoz.
L’écologie batesonnienne intègre les plus petites parties et les niveaux plus compliqués du processus mental, en partant de la plus petite unité qui est l’idée et laquelle, selon la définition donnée par Bateson, est cette « différence qui fait une différence » (Bateson 1991 : 16), et allant jusqu’aux cas les plus larges possibles que Bateson englobe par le terme de tautologie écologique en évolution. Si nous prenons au sérieux cette vision, nous pouvons entrevoir la nature de l’épistémologie proposée par Bateson dans toute sa complexe simplicité ou dans toute sa simplexité5. Mais pour y arriver, il faut prendre en considération non seulement le niveau logique d’un élément d’information qui affecte son utilité pour l’apprentissage, mais également sa localisation et son statut dans le réseau de circuits de l’organisme. Ce concept de circuit pourrait modifier beaucoup de choses dans notre psychologie individuelle, dans notre perception, nos idées sur l’ego, le soi et l’autrui. « Le sacré, c’est la réunion. Le sacré, c’est le lien, le lien total, et non le résultat de la séparation » (Bateson 1991 : 398).
L’approche batesonienne nous permet « d’approcher la connaissance incarnée » par opposition à la « connaissance sur quelque chose », la possibilité d’empathie avec d’autres créatures et même avec les processus biologiques et écologiques, « l’humilité potentielle qu’une compréhension du soi ainsi élargie, peut apporter au “soi” conscient plus étroit, et, plus important encore, le sentiment d’intégration des nombreuses parties et niveaux de l’esprit » (Bateson 1991 : 19).
Cette humilité est indispensable pour pouvoir joindre l’« unité sacrée ». Elle fait référence à la notion de « Entbildung », présente dans l’œuvre de Maître Eckhart. Dans la réflexion de « Entbildung », il y a lieu d’une sémiose des regards, d’une « con-naissance » et « re-con-naissance » réciproques qui transforment la vision en une tension éthique. « Entbildung » suppose ainsi un procès qui ne touche plus uniquement à l’image, mais au « moi » ontologique : en vertu d’une dés-appropriation, d’une dés-imagination que suggère « Entbildung », on arrive à une transformation ontologique de soi-même, de l’image qu’on est par rapport à la source de toute image, par rapport à l’Image-source, dirait-on.
Pour l’être humain, la seule manière de percevoir les différences c’est d’avoir recours aux divisions lesquelles supposent, à leur tour, une opposition. En revanche, ce qui est proposé, c’est une sorte de danse, une danse d’intégration. La danse d’une tautologie écologique évolutive. Cette danse intelligemment construite possède une texture plutôt relationnelle que chosale, car elle repose plutôt sur l’évolution de la relation entre les objets et non pas sur l’évolution des objets mêmes. En fin de compte, pour réussir cette danse, comme le signale Bateson, « tout revient à savoir comment ne garder ces différents niveaux […] ni séparés […] ni confondus » (Bateson 1991 : 22).
4. « Le Nœud. Dialogues avec Soljénitsine »
4.1. Hypothèses sur l’analyse sémiotico-narrative du film
Après avoir présenté la notion de religiosité, abordons quelques hypothèses préétablies par rapport au film de Sokourov en question.
Hypothèse I. Des indices verbaux et visuels démontrent que le film d’Alexandre Sokourov Le Nœud. Dialogues avec Soljénitsine échappe à la définition d’une interview ordinaire ; il contient un nombre d’éléments qui le rapprochent en quelque sorte d’une conversation intime, voire religieuse. Cette religiosité émane de l’œuvre des deux personnages concernés, de la thématique de leur conversation, mais aussi du régime conversationnel mis en œuvre. Cette religiosité est, d’une part, indissociablement liée au régime d’accessibilité qui émane de l’attitude et du discours du personnage principal, à savoir Soljénitsine, et, d’autre part, elle se traduit par un profond respect manifesté par Sokourov interlocuteur et Sokourov cinéaste. Ce respect connaît une transformation graduelle, partant d’une manifestation plus ou moins neutre ou indifférenciée jusqu’à une profonde estime, une sorte de révérence, de déférence, voire une vénération quasi religieuse. Du point de vue de cette transformation graduelle, Sokourov cinéaste va de l’avant de Sokourov interlocuteur : lors du tournage, la caméra adopte, en preuve de cette estime, une position atypique, presque nivelée à la terre, quasi agenouillée beaucoup plus tôt que Sokourov interlocuteur puisse l’exprimer soit sur le plan verbal, soit sur le plan pragmatique. Par conséquent, sur le plan de cette transformation passionnelle, le spectateur, grâce à la médiation du dispositif cinématographique, anticipe Sokourov interlocuteur. Nous pouvons attester également que la dimension spatiale influence les types et les caractéristiques des différents régimes conversationnels. D’ailleurs, le rôle assumé par le dispositif cinématographique, à savoir la caméra, la transforme d’un élément circonstanciel en un participant à part entière (Figures 5 à 8).
Figure 5 : Partie I, séquence IV, min. : 25 :30. Position non ordinaire de la caméra. Position quasi-agenouillée
Figure 6 : Partie I, séquence IV, min. : 25 :37. Idem avec la figure 5
Figure 7 : Partie I, séquence IV, min. : 26 :47. Idem avec les captures 5 et 6. Prise d’initiative par Sokourov afin de continuer la marche
Figure 8 : Partie I, séquence IV, min. : 27 :12. La caméra passe en avant, tout en cédant le chemin aux deux personnages. Témoignage d’une révérence profonde
Hypothèse II. Dans la réalisation de Sokourov, à travers le traitement du vécu et de l’expérience de Soljénitsine par l’intermédiaire des différents témoignages, se laisse deviner la volonté de construire une relation élective, une intimité confiante avec le grand écrivain russe, ce qui peut faire allusion, à son tour, à une tentative de prendre son relais, de s’approprier de son héritage intellectuel et spirituel. Parmi les facteurs faisant preuve du dessein susnommé, on pourrait mentionner la présence envahissante du média cinématographique et une sorte d’hésitation, d’indétermination cognitive face à la profondeur d’un vécu et d’une expérience inédits. La tentative de Sokourov interlocuteur de construire une sorte d’intimité, de complicité, ou, encore, de prendre le relais, semble se retirer à l’arrière-plan là où la caméra enregistre, pour la plupart du temps, des images subjectives en gros plan, mettant au premier plan la figure de Soljénitsine et soulignant ainsi la dimension de sa pensée et de sa parole, alors que Sokourov interlocuteur n’atteste plus sa propre présence que sur le plan verbal, étant quasi effacé, refoulé, voilé sur le plan visuel (Figures 9 à 23).
Figure 9 : Partie I, séquence IV, min. : 18 :43. Début de la promenade. Complicité traduite par des postures identiques des mains
Figure 10 : Partie I, séquence IV, min. : 19 :36. Idem avec la capture 9. Complicité traduite par des postures identiques et le fait d’avancer ensemble
Figure 11. Partie I, séquence IV, min. : 20 :40. Métaphore des mains aux paumes ouvertes. Soljénitsine en tant que guide, père spirituel
Figure 12 : Partie I, séquence IV, min. : 25 :46. Complicité et familiarité traduites par un toucher à l’épaule
Figure 13 : Partie I, séquence IV, min. : 26 .58. Métaphore d’une sorte de prise de relais : Sokourov prend l’initiative de la reprise de la marche et passe en avant
Figure 14 : Partie III, séquence I, min. : 00 .16. Gros plan. La caméra envahit l’espace intime du travail de Soljénitsine
Figure 15 : Partie III, séquence I, min. : 00 .17. Image expressivement subjective mise en gros plan
Figure 16 : Partie III, séquence I, min. : 00 .32. Une sorte d’indifférence, de contenance manifestes par rapport à la présence d’une tierce personne, à savoir la caméra personnifiée
Figure 17 : Partie III, séquence I, min. : 00 .38. Isotopie des mains. Geste et demande très intimes adressés à Soljénitsine de la part de Sokourov, à savoir de lui montrer ses mains
Figure 18 : Partie III, séquence I, min. : 00 .48. Isotopie des mains aux paumes ouvertes en gros plan
Figure 19 : Partie III, séquence I, min. : 1.03. Isotopie des mains aux paumes ouvertes en gros plan. Soljénitsine retire les mains. Transition d’un régime de confidence et de confiance à un régime de contenance
Figure 20 : Partie III, séquence I, min. : 1.08. Stabilisation du régime de contenance due au fait que Soljénitsine retire ses mains
Figure 21 : Partie III, séquence II, min. : 1.30. Sokourov presqu’absentifié du cadre n’est plus présent que sur le plan verbal
Figure 22 : Partie III, séquence II, min. : 3.19. Idem avec la capture 21. Ce n’est que le flou de la manche qui laisse deviner la présence de l’interlocuteur, à savoir Sokourov
Figure 23 : Partie III, séquence II, min. : 11.51. Idem avec les captures 21 et 22. Même aux moments où la parole est reprise par Sokourov, la caméra montre son interlocuteur, à savoir Soljénitsine
Partie III, séquence II. Les plans-séquences qui suivent peuvent être tous considérés comme des images à « refaire », pleines de « défauts » de conception du point de vue des conventions traditionnelles du tournage. Pourtant ces « défaillances » permettent à Sokourov de se retirer à l’arrière-plan, ne laissant sur l’avant-scène que le personnage principal de son récit, à savoir Soljénitsine (Figures 24 à 31).
Figure 24 : Partie III, séquence II, min. : 14.00
Figure 25 : Partie III, séquence II, min. : 15.07
Figure 26 : Partie III, séquence II, min. : 15.26
Figure 27 : Partie III, séquence II, min. : 16.28
Figure 28 : Partie III, séquence II, min. : 26.30
Figure 29 : Partie III, séquence II, min. : 27.17
Figure 30 : Partie III, séquence II, min. : 34.39
Figure 31 : Partie III, séquence II, min. : 34.57
Hypothèse III. L’interrogation devient la suivante : le cinéma parvient-il à sauvegarder et à thésauriser l’accès imprévisible à cette religiosité de l’interaction ou peut-il en être aussi le catalyseur, ou encore peut-on imaginer une conversation audiovisuelle où la religiosité exprime la forme d’une structure d’adresse visant le spectateur ?
Ultérieurement, pourrait-on attester, supposer et prouver aussi bien, à côté d’un cinéma objectivisant et attestatif, l’existence d’un cinéma à régime participatif, c’est-à-dire un cinéma capable de signifier l’indissociabilité des liens inter-identitaires, la définition d’un sujet dépendant d’autres sujets et d’autres objets aussi ? La conversation audiovisuelle serait alors l’opération médiatrice d’une caméra capable d’afficher ce tissu entre les êtres humains et les choses. C’est ainsi que les paysages « naïfs », les images « muettes » captés par la caméra vont participer en plein droit à la constitution de ce climat religieux, de cette intonation religieuse de la conversation (Figures 32 à 35).
Figure 32 : Partie I, séquence IV, min. : 27.03. Ocularisation interne
Figure 33 : Partie I, séquence IV, min. : 27.55. Idem avec la capture 32
Figure 34 : Partie I, séquence IV, min. : 36.40. Idem avec les captures 32 et 33
Figure 35 : Partie I, séquence IV, min. : 42.12. La position de la caméra est intéressante ; comme s’il s’agissait d’un troisième acteur marchant à côté des deux protagonistes
Alors pourquoi ne pas miser sur l’existence de cet élément appelé religiosité ou climat religieux ou encore intonation religieuse dans les conversations audio-visuelles, et pourquoi ne pas essayer de démontrer que malgré la présence envahissante de la caméra, le cinéma peut non seulement assumer un régime attestatif/objectivisant, mais devenir aussi bien un élément catalyseur et contribuer à l’émergence de ce climat religieux, de cette intonation religieuse, voire se transformer, dans certaines conditions, en un protagoniste de la conversation en plein droit ? Autrement dit, pourquoi ne pas envisager qu’à un moment donné le regard pourrait se libérer de l’appui de l’interaction verbale, tout en attribuant à la caméra un régime participatif ? Dans cette optique, la caméra ne serait-elle pas comparable avec le regard de l’icône russe lequel est censé créer une sorte de passerelle, une sorte de « porte royale » (Florensky, 1977) entre le monde transcendant représenté par l’artiste et le monde réel du spectateur ?
Certains facteurs sont susceptibles d’affecter la direction et la précision de nos hypothèses. Ces divers facteurs se complètent mutuellement et ont leur part d’influence sur le devenir du film. Parmi ces facteurs on peut mentionner notamment :
a. Espace ouvert vs espace clôturé
L’espace clôturé impose ses contraintes. Il suggère une réserve, une retenue sur le plan pragmatique et une sorte d’émancipation sur le plan verbal. Cela impacte le régime conversationnel.
L’espace ouvert révèle une sorte d’hésitation devant le cognitif (au moins sur le plan verbal), ce qui est compensé par la pragmatique. Sur le plan pragmatique, cela se traduit par la tentative (de la part de Sokourov) de construire une relation élective, caractérisée par une sorte d’intimité, de complicité, dans laquelle s’entrevoient les graines de familiarité.
Du point de vue de la modalisation de l’espace et de l’intersubjectivité cognitive, nous avons affaire à la configuration d’accessibilité qui fait référence au régime non polémique. Cette accessibilité émane de la conversation, de l’attitude du personnage principal et va de pair avec la notion de religiosité et d’un profond respect côtoyant une vénération presque religieuse.
b. Les stratégies du discours cinématographique
Au niveau des instances énonciatives, à savoir celles d’interlocuteur/interlocutaire, en tant que destinateur/destinataire au sein d’un dialogue, nous avons affaire à une sorte de dédoublement de ces niveaux. Sokourov assume le rôle de narrateur en quête des valeurs et d’une vérité « humaine », ce qui le conduit vers celui qui a vécu une expérience inestimable, à savoir Soljénitsine. À partir du moment où Sokourov entre en dialogue avec celui-ci, il assume le rôle d’un interlocuteur. Ce dédoublement trouve son expression aussi bien dans le passage des adresses « voix off » et « voix in ». Les dialogues mêmes seront prononcés en voix in, en tant que marque de la visualisation des événements simultanés, s’articulant autour du présent, alors que la voix off intervient pour relater les événements passés.
c. La présence physique de la caméra dans la conversation
Ce que nous appelons une présence quasi envahissante de la caméra se traduit avant tout par le fait que la caméra envahit l’espace intime du travail de Soljénitsine. Cet effet se traduit davantage par la monstration du dispositif cinématographique. Dans une séquence, on voit la main du cameraman ; dans une autre, c’est le regard de Sokourov qui dénonce la présence du dispositif cinématographique : comme si l’on ne cherchait même pas à dissimuler la présence du dispositif cinématographique (Figures 36 et 37). Ce dernier n’est plus un élément circonstanciel, ayant un régime attestatif/objectivisant ; il devient un participant à part entière qui joue le rôle de catalyseur favorisant l’émergence de ce pli particulier appelé religiosité d’intonation et assume désormais un régime participatif, signale l’indissociabilité des liens inter-identitaires et affiche ce tissu entre les protagonistes et le fond, les êtres humains et les choses. Cet effet envahissant pourrait faire périr le projet cinématographique en question. Ce risque est pallié par la tentative de construire une sorte d’intimité, de complicité contenant des graines de familiarité avec Soljénitsine. Grâce à la présence physique de la caméra, le spectateur devient une partie prenante de plein droit et assiste à la transformation graduelle d’un respect plutôt neutre ou indifférencié vers une déférence quasi religieuse. Grâce à cette médiation sans filtre de la caméra, le spectateur s’identifie à Sokourov cinéaste et anticipe Sokourov interlocuteur : la caméra s’adresse directement au spectateur. La présence physique ou l’effet envahissant de la caméra donne lieu aussi à des images à « refaire », pleines de « défauts » de réalisation du point de vue des conventions traditionnelles de tournage. Pourtant, ces « défaillances » permettent à Sokourov de se retirer à l’arrière-plan, ne laissant sur l’avant-scène que le personnage principal du récit, à savoir Soljénitsine. La tension éthique et passionnelle s’intensifie. D’une part, il y a la tentative de pallier les défaillances causées par l’effet envahissant de la caméra, ayant recours à la tentative de Sokourov interlocuteur de construire une sorte d’intimité, de complicité avec Soljénitsine ou de prendre le relais, et, d’autre part, cette tentative cède à la volonté de Sokourov cinéaste, à savoir celle de mettre en exergue la dimension de la pensée et de la parole de Soljénitsine. Par sa présence même, la caméra intensifie la tension interactionnelle et fait émerger de manière paradoxale ce pli particulier du discours qu’on appelle religiosité d’intonation dans des situations totalement réfractaires et défavorables à l’intimité, caractérisées par une série de prescriptions, de conditions formelles qu’on ne peut pas ignorer.
- Note de bas de page 6 :
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À consulter : https://www.journaldujapon.com/2023/08/30/la-beaute-du-geste-de-sho-miyake-a-scene-at-the-ring/
Il est vrai que les expressions avec l’adjectif envahissant, à savoir « la présence envahissante de la caméra » et « l’effet envahissant du média cinématographique » n’existent pas dans le vocabulaire cinématographique et que ces expressions sont quasiment inventées par nous, cependant on peut trouver les occurrences de ce phénomène dans le cinéma contemporain6.
Figure 36 : Partie I, séquence IV, min. : 27.08. On voit la main du caméraman (très rapidement). Monstration du dispositif. Dénonciation d’une autre caméra
Figure 37 : Partie III, séquence II, min. : 6.10. Capture similaire avec la capture 36. Regard qui dénonce la présence du dispositif cinématographique
Il est à noter que, dans le cadre de nos recherches, nous attribuons à cette notion de religiosité le statut d’une catégorie interprétative laquelle est capable d’assumer, dans une situation spécifique (entretien, film documentaire), des caractéristiques particulières d’ordre sémiotique et linguistique.
En ce qui concerne la notion de la transition, elle est traitée dans sa déclinaison du sens la plus large. Nous l’interrogeons en tant que changement profond de vision du monde, une sorte de nouvelle écriture, voire de réécriture identitaire instaurée grâce à ce pli particulier du discours appelé « religiosité d’intonation ». Née de la tension entre intimité et universalisation des valeurs, cette religiosité d’intonation permet à la transition d’avoir lieu, de s’instaurer et de perdurer. Elle joue le rôle de relais, assurant la transition d’un moment de déstabilisation à un régime de confidence et de confiance, ainsi que celle d’un respect neutre ou indifférencié vers une vénération quasi pieuse. Les transitions de régimes conversationnels se réalisent et prennent forme à travers les transitions entre les espaces et les phases de la journée. Ce pli particulier du discours appelé religiosité d’intonation affaiblit et déstabilise les savoirs et les convictions doxiques antérieurs en faveur des nouvelles possibilités d’invention et d’appropriation de soi et d’autrui (Basso Fossali, 2017). À force de sa culture, sa vision et son expérience inédites, Soljénitsine réécrit l’Histoire de son époque et celle des individus qui le côtoient. Il s’agit des transitions au niveau des configurations politiques, historiques et sociales, mais aussi identitaires. Sokourov cinéaste devient une sorte d’interface et grâce au dispositif cinématographique transmet ces effets au spectateur : la caméra s’adresse désormais directement au spectateur. Toutes ces transformations se réalisent et se traduisent à travers des changements de la manifestation médiatique et discursive ; dans plusieurs séquences, les modalités traditionnelles du tournage ne sont plus respectées de manière délibérée.
Même si la notion de religiosité semble être insaisissable et difficile à définir, nous espérons pouvoir un jour sinon franchir, alors, au moins, nous approcher de son seuil :
[…] Dans l’ensemble, la plupart des gens pensent que beaucoup de choses sont connues et que le reste, ce qui ne paraît pas immédiatement accessible au savoir, doit être relégué dans le surnaturel, dans les devinettes ou dans le folklore. Mais l’homme de science ne se permet pas cela. Nous pensons vraiment que nous saurons un jour ce que ces choses veulent dire et que nous pourrons arriver à les connaître : voilà notre sacré. Nous sommes tous des espèces de Don Quichotte qui veulent croire qu’il vaut la peine d’aller se mesurer aux moulins à vent de la nature de la beauté, de la nature du sacré et de tout ce qui s’ensuit. (Bateson 1991 : 360-361)