Galba truncatula (O.F. Müller, 1774) et Omphiscola glabra (O.F. Müller, 1774) (Mollusques : Lymnaeidae) : influence de l’altitude sur les caractéristiques des populations vivant sur les sols acides de la Haute-Vienne Galba truncatula (O.F. Müller, 1774) and Omphiscola glabra (O.F. Müller, 1774) (Mollusca: Lymnaeidae): influence of altitude on the characteristics of populations living on the acidic soils of Haute Vienne

Gilles DREYFUSS ,
Philippe VIGNOLES
et Daniel RONDELAUD

https://doi.org/10.25965/asl.1040

Une étude rétrospective sur les populations de Galba truncatula et d’Omphiscola glabra vivant sur sols acides a été réalisée afin de déterminer l’influence de l’altitude sur leur distribution et les caractéristiques de leurs habitats. La fréquence des populations dans chaque municipalité et le nombre des individus transhivernants dans chaque population ont présenté une diminution significative lorsque l’altitude moyenne augmente. Un résultat similaire a été noté pour la superficie des habitats occupés par G. truncatula. Par contre, celle des sites colonisés par O. glabra n’a pas montré de variation significative par rapport à l’altitude. Ces résultats peuvent s’expliquer par la diminution de la température avec l’altitude et/ou par une plus grande acidité des sols lorsqu’ils sont au-dessus de 500 m d’altitude en Haute-Vienne.

A retrospective study on the populations of Galba truncatula and Omphiscola glabra living on acidic soils was carried out to determine the influence of altitude on their distribution and the characteristics of their habitats. The frequency of populations in each municipality and the number of overwintering individuals in each population decreased significantly with increasing mean altitude. A similar result was noted for the area of habitats occupied by G. truncatula. On the other hand, that of sites colonized by O. glabra did not show any significant variation in relation to altitude. These results can be explained by the drop in temperature with the increase in altitude and/or by a greater acidity of the soils above 500 m in altitude in Haute Vienne.

Sommaire
Texte intégral

1. Introduction

Plusieurs espèces de Lymnaeidae ont été reconnues sur les terrains cristallophylliens ou métamorphiques de la Haute-Vienne (Vareille-Morel et al., 2007). Les deux plus fréquentes sont Galba truncatula (O.F. Müller, 1774) et Omphiscola glabra (O.F. Müller, 1774). Ces deux limnées s’observent essentiellement dans les prairies marécageuses, mais elles occupent des habitats différents sur le réseau de drainage superficiel qui est généralement présent dans ces pâtures. La première limnée colonise préférentiellement l’extrémité périphérique des rigoles de drainage, qu’il y ait ou non une source temporaire, tandis qu’O. glabra se rencontre sur le cours moyen de ces mêmes rigoles (Vareille-Morel et al., 1999). Les communautés mixtes avec les deux espèces vivant ensemble dans le même habitat sont assez rares dans le département (Dreyfuss et al., 2014). D’autres types d’habitats colonisés par l’une ou l’autre des limnées ont été également reconnus sur les sols acides : fossés de route ou de chemin, bords d’étang, berges de ruisseau ou de rivière (Rondelaud et al., 2011 ; Vignoles et al., 2017). Mais ces habitats sont en nombre plus faible que ceux présents dans les prairies marécageuses (Vareille-Morel et al., 2007).

Plusieurs études écologiques ont déjà été réalisées sur ces populations de limnées à partir des années 2010. La superficie des habitats occupés par chaque espèce et l’abondance des mollusques transhivernants ont été précisées pour chaque plante indicatrice (la présence de ces plantes dans in site indique l’existence d’un point d’eau dans lequel une limnée est susceptible de vivre) et chaque type d’habitat (Rondelaud et al., 2011, 2017 ; Vignoles et al., 2017). De plus, il existe une relation négative entre l’accroissement de l’altitude dans le département de la Haute-Vienne et la diminution dans la fréquence des populations pour G. truncatula comme pour O. glabra (Dreyfuss et al., 2018a, b). C’est ainsi que la fréquence des populations de G. truncatula montre une diminution significative lorsque l’altitude augmente : de 71,3 % dans les municipalités en dessous de 300 m à 13,7 % dans celles qui sont situées au-dessus de 500 m en altitude (Dreyfuss et al., 2018a). La même diminution dans la fréquence des populations s’observe aussi lorsque la pluviométrie annuelle moyenne s’accroît. En revanche, cette fréquence augmente de manière graduelle avec l’augmentation de la température annuelle moyenne (Dreyfuss et al., 2018a, b).

Le problème posé par les résultats précités réside dans le fait que ces études ont été menées de manière séparée pour chaque limnée. Comme les deux espèces vivent ensemble dans la même rigole de drainage superficiel ou le même fossé de route, souvent à une faible distance l’une de l’autre (Vareille-Morel et al., 1999), nous nous sommes posés la question de savoir i) si les données obtenues pour l’une et l’autre limnées allaient dans le même sens et pouvaient donc être généralisées ou ii) si, au contraire, les résultats sont propres à chaque espèce. Une étude rétrospective a donc été entreprise afin de répondre à cette question en vérifiant l’une ou l’autre possibilité. Pour cette étude, nous nous sommes intéressés aux populations de G. truncatula et d’O. glabra vivant dans le département de la Haute-Vienne car c’est le département pour lequel nous avons le plus de données.

2. Matériel et méthodes

La zone concernée par ces investigations et le protocole d’étude ont déjà été indiqués dans plusieurs publications (Rondelaud et al., 2011 ; Vignoles et al., 2017 ; Dreyfuss et al., 2018a, b). Nous résumons ci-dessous les principales données.

2.1. Zone d’étude

Le département de la Haute-Vienne est situé dans la partie nord-ouest du Massif Central (Fig. 1a) et sa superficie est d'environ 5520 km². Il comprend trois districts : la Basse-Marche (altitude, 150-300 m) dans le tiers nord, les vallées de la Vienne et de ses affluents (altitude, 150-400 m) largement situées dans la partie centrale, et les plateaux et les Monts du Limousin avec une altitude comprise entre 300 et 777 m (Chèvremont, 2008). La figure 1b montre que les communes concernées par les Monts du Limousin se situent le long des bordures est, sud-est et sud-ouest du département. Le sous-sol est composé de granite ou de gneiss, avec quelques affleurements de micaschiste ou de serpentinite. Le résultat est la présence de nombreuses rivières (> 7000 km). Le pH de l'eau courante varie de 5,6 à 7 dans la plupart des cas et la teneur en calcium dissous est généralement inférieure à 20 mg/L (Guy et al., 1996). Le climat de type continental est modulé par les vents humides provenant de l'Océan Atlantique. Cependant, dans sa partie orientale, le climat subit une influence montagnarde due à la proximité du Massif Central (Chèvremont, 2008).

Fig. 1. Localisation de la Haute-Vienne sur le territoire français (a) et altitude moyenne des 200 municipalités constituant ce département (b). L’altitude moyenne est celle du chef-lieu de chaque commune.

Fig. 1. Localisation de la Haute-Vienne sur le territoire français (a) et altitude moyenne des 200 municipalités constituant ce département (b). L’altitude moyenne est celle du chef-lieu de chaque commune.

2.2. Les populations de limnées

De nombreuses populations ont été identifiées entre 1970 et 2006 lors de prospections dans 234 fermes élevant des bovins ou des ovins (Rondelaud et al., 2011 ; Vignoles et al., 2017). D'autres populations ont été découvertes i) entre 1986 et 1995 dans 25 autres fermes pour étudier l’implantation de limnées placées expérimentalement dans de nouveaux habitats potentiels (Vareille-Morel et al., 2002) et ii) entre 1998 et 2000 lors d'une étude pour cartographier la répartition des limnées dans le nord du département (Rondelaud et al., 2000b). Les populations restantes ont été découvertes lors d’études plus ciblées dans des cressonnières sauvages, sur des étangs ou des ruisseaux (Dreyfuss et al., 1997 ; Rondelaud et al., 2000a ; Rondelaud, 2004).

Les 7407 populations de G. truncatula impliquées dans cette étude ont été identifiées sur 179 municipalités de la Haute-Vienne, tandis que celles d’O. glabra ont été reconnues sur 158 communes. Les autres municipalités, soit 20 pour G. truncatula et 41 pour O. glabra, ont été exclues en raison i) d’un nombre trop faible de collections d’eau prospectées sur chaque commune entre 1970 et 2006 par rapport à sa superficie (voir ci-dessous) ou ii) de l’absence d’O. glabra dans les points d’eau lorsque l’altitude moyenne de la municipalité est supérieure à 500 m (10 cas).

Le tableau 1 indique le nombre de collections d’eau prospectées pour y trouver des limnées et celui des habitats avec des mollusques en vie. La plupart des populations ont été trouvées dans des prairies marécageuses avec un système de drainage superficiel : sur les rigoles de drainage elles-mêmes (3986 pour G. truncatula et 1463 pour O. glabra), dans des sources temporaires ou permanentes, chacune étant entourée d’une jonchaie (1176 et 105 par ordre respectif) ou le long du fossé principal de drainage (525 et 82). Les autres populations ont été identifiées dans des fossés de route, dans des ruisseaux de moins d'un mètre de largeur, sur des bords d’étang ou sur des berges de rivière (pour G. truncatula uniquement).

Tableau 1 : Collections d’eau étudiées entre 1970 et 2006 dans le département de la Haute-Vienne avec indication du nombre d’habitats colonisés par Galba truncatula ou par Omphiscola glabra.

Type de collection d’eau

Galba truncatula

Omphiscola glabra

Collections prospectées

Habitats avec

limnées ( %)

Collections prospectées

Habitats avec

limnées ( %)

Rigoles de drainage

5232

3986 (76,0)

3694

1463 (39,6)

Sources (prairies)

1601

1176 (73,4)

917

105 (11,4)

Fossés de drainage

1539

525 (34,1)

846

82 (9,6)

Zones piétinées

279

20 (7,1)

154

3 (1,9)

Fossés de route

2174

1138 (52,3)

1452

297 (20,4)

Bords d’étang

910

283 (31,0)

1024

61 (5,9)

Ruisseaux

903

184 (20,3)

963

139 (14,4)

Berges de rivière

840

95 (11,3)

0

0 (-)

Totaux

13,478

7407 (54,9)

9050

2150 (23,7)

2.3. Protocole des investigations

Les habitats de G. truncatula et d’O. glabra ont été recherchés en mars ou en avril en utilisant la méthode des plantes indicatrices (Over, 1962). Deux espèces : Juncus acutiflorus Ehrhart ex Hoffmann, 1791 et J. effusus Linnaeus, 1753, ont été utilisées. Lorsqu'une plante a été notée à côté d’une collection d’eau, la zone correspondante a été étudiée pour y détecter la présence des limnées. Si celles-ci sont présentes, l'abondance de la population est déterminée par un décompte des individus transhivernants car cette génération n’est alors composée que d'adultes. La superficie de chaque habitat est ensuite calculée.

Le nombre de points d’eau prospectés dépend de la superficie de la commune sur laquelle ils sont situés. Dans le cas de G. truncatula, ce nombre est d'au moins 60 collections pour chacune des 108 municipalités les plus petites (< 30 km²), de 90 à 100 pour chacune des 53 municipalités de taille intermédiaire (31-50 km²) et de 120 ou plus pour chacune des 18 plus grandes (> 50 km²). Les nombres de points d’eau prospectés sont plus faibles dans le cas d’O. glabra : 45, 65-75 et 95 ou plus pour un nombre de 94, 48 et 16 municipalités par ordre respectif.

L'altitude moyenne de chaque municipalité a été obtenue en considérant celle de sa ville principale et a été déterminée en utilisant le website Carte-de-France (http://www.cartesfrance.fr). Des tranches de 100 m chacune (< 300 m, 301-400 m, 401-500 et > 500 m) ont été utilisées. Les valeurs individuelles notées pour chacun des trois paramètres étudiés ont été analysées en fonction des différentes catégories d’altitude.

2.4. Paramètres étudiés

Le premier est la fréquence des habitats occupés par G. truncatula ou O. glabra dans chaque municipalité. Les pourcentages individuels dans les catégories d'altitude ont été soumis à une régression linéaire simple. Les deux autres paramètres sont la superficie de chaque habitat et la densité des limnées transhivernantes par m² d'habitat. Les valeurs individuelles de ces deux paramètres dans chaque catégorie d'altitude ont été ramenées à une moyenne avec calcul de son écart type. La normalité de ces valeurs a d’abord été analysée en utilisant le test de Shapiro-Wilk (Shapiro et Wilk, 1965). Comme leurs distributions n'étaient pas normales, le test de Kruskal-Wallis a été utilisé ensuite pour établir les niveaux de signification statistique. Nous avons également utilisé le package r pgirmess (Siegel et Castellan, 1988) comme test post-hoc pour effectuer des comparaisons par paires. Les différentes analyses ont été réalisées à l'aide du logiciel R 3.3.0 (R Core Team, 2016).

3. Résultats

3.1. Altitude et fréquence des poplations

Le tableau 2 montre une diminution des fréquences avec l'augmentation de l'altitude, quelle que soit l’espèce de la limnée. Chez G. truncatula, le pourcentage décroît de 71,3 % dans les municipalités en-dessous de 300 m à 13,7 % dans celles qui son situées au-dessus de 500 m d’altitude, tandis que chez O. glabra, la fréquence chute de 28,3 % dans les communes de moins de 300 m à 12,4 % dans celles au dessus de 400 m. Dans les deux cas, cette diminution dans les fréquences est significativement corrélée (p < 0,1 %) avec l’augmentation de l’altitude (Tableau 3). Chez G. truncatula, ce modèle permet d’expliquer 69,7 % de la variance totale dans la fréquence des populations, tandis que chez O. glabra, le modèle utilisé peut expliquer 43 % de la variance totale.

Tableau 2 : Fréquence des habitats occupés par Galba truncatula et Omphiscola glabra dans le département de la Haute-Vienne entre 1970 et 2006 par rapport à l’altitude moyenne des municipalités. *, aucune population d’O. glabra n’a été identifiée au-dessus de 415 m d’altitude.

Altitude des municipalités (m)

Galba truncatula

Omphiscola glabra

Collections prospectées

Habitats avec limnées ( %)

Collections prospectées

Habitats avec limnées ( %)

< 300 m

5212

3721 (71,3)

3865

1096 (28,3)

[300;400 m[

5415

2980 (55,0)

4145

935 (22,5)

[400;500 m[

2067

598 (28,9)

1036

129 (12,4)

≥ 500 m

784

108 (13,7)

0*

0 (-)

Totaux

13.478

7407 (54,9)

9050

2150 (23,7)

Tableau 3 : Valeurs fournies par une régression linéaire simple lorsqu’elle est utilisée pour calculer la relation entre la fréquence des habitats avec Galba truncatula ou Omphiscola glabra et l’altitude moyenne des municipalités de la Haute-Vienne.

Equation et coefficients

Estimation

Erreur standard

Intervalles de confiance à 95 %

Valeur de t

Significativité

Galba truncatula

Fréquence= a.altitude + b

a

-1,79·10-3

8,83·10-5

[-1,96·10-3; -1,62·10-3]

-20,26

p < 0,1%

b

1,14

3,03·10-2

[1,08; 1,20]

37,70

p < 0,1%

Erreur standard résiduelle : 0,106 ; degrés de liberté : 177.

R2 multiple : 0,699 ; R2 après ajustement : 0,697.

Omphiscola glabra

Fréquence = a.altitude + b

a

-7,08·10-4

6,47·10-5

[0,41 ; 0,49]

-10,93

p < 0.1 %

b

4,51·10-1

2,05·10-2

[0,02 ; 0,97]

22,02

P < 0,1 %

Erreur standard résiduelle : 0,054 ; degrés de liberté : 156.

R2 multiple : 0,433 ; R2 après ajustement : 0,430.

3.2. Altitude et caractéristiques des habitats

La superficie des habitats de G. truncatula (Tableau 4) diminue considérablement (H = 52,59 ; p < 0,1 %) avec l'augmentation de l'altitude, en passant de 1,6 m² dans les municipalités de moins de 300 m à 1,1 m² dans celles de plus de 500 m. Si l’on fait exception de la différence entre les moyennes dans les classes < 300 m et 300-400 m, les différences entre les autres catégories sont significatives. A l’inverse, la superficie des habitats d'O. glabra ne présente pas de variation significative par rapport à l'altitude des communes. La densité des G. truncatula transhivernants par m² d'habitat diminue aussi (H = 166,85 ; p < 0,1 %) avec l'augmentation de l'altitude, en passant de 16,0/m² dans les municipalités de moins de 300 m à 11,9/m² dans les plus de 500 m. La comparaison par paires montre que toutes les différences sont significatives. De la même façon, la densité des O. glabra diminue significativement (H = 128,99 ; p < 0,1 %) avec l'augmentation de l'altitude, en passant de 7,5 adultes/m² dans les communes de moins de 300 m d’altitude à 4,4/m² dans celles à plus de 400 m. Les différences existant entre les tranches d’altitude sont toutes significatives.

Tableau 4 : Superficie des habitats et densité des limnées transhivernantes par mètre carré d’habitat chez Galba truncatula et Omphiscola glabra par rapport à l’altitude moyenne des municipalités. Les écarts types sont indiqués entre parenthèses.

Paramètre et espèce de la limnée

Tranches d’altitude

< 300 m

[300;400 m[

[400 ;500 m[

≥ 500 m

Superficie (m²)

Galba truncatula

1,67 (0,84)

1,67 (0,81)

1,52 (0,68)

1,19 (0,34)

Omphiscola glabra

5,86 (2,48)

5,75 (2,55)

5,52 (2,35)

-

Densité des limnées/m²

G. truncatula

16,04 (3,94)

15,71 (3,88)

14,15 (4,14)

11,99 (4,08)

O. glabra

7,51 (3,61)

6,70 (3,65)

4,47 (2,27)

-

4. Discussion

Il est difficile de définir avec précision les facteurs environnementaux qui déterminent la distribution et l'abondance des mollusques terrestres ou aquatiques car la plupart des variables étudiées sont le plus souvent interdépendantes. De plus, les études ne portent généralement que sur un nombre limité de variables environnementales, ce qui donne une description partielle et locale de l’habitat. Les facteurs déterminants, que les auteurs reconnaissent, sont le climat, la végétation et le sol (Labaune et Magnin, 2001). Parmi ces facteurs, la diminution de la température avec l’altitude est certainement un facteur limitant pour diverses espèces. Plusieurs études ont montré l'impact de l'altitude (du point de vue climatique) sur la richesse et la composition des communautés de mollusques (Cameron and Greenwood, 1991 ; Dyduch-Falsniowska, 1991, par exemple). Cependant, des facteurs autres que le climat peuvent aussi expliquer des variations dans la distribution et l’abondance des mollusques (Labaune et Magnin, 1991).

Sur les sols acides de la Haute-Vienne, les deux espèces de limnées présentent une diminution significative dans la fréquence de leurs populations lorsque l’altitude moyenne des municipalités s’élève de moins de 300 m à plus de 500 m. Ce paramètre est fortement corrélé avec la climatologie locale car son augmentation s’accompagne d’une hausse graduelle de la pluviométrie annuelle moyenne de 900 mm à plus de 1200 mm tandis que la température annuelle moyenne chute de 11° C à moins de 9,5° C (Dreyfuss et al., 2018a, b). En Afrique du Sud, de Kock et al. (2003) ont rapporté des résultats similaires aux nôtres lorsqu’ils ont étudié la distribution de 723 populations de G. truncatula en relation avec l'altitude et le climat local. Selon ces auteurs, la température était un facteur déterminant dans la répartition géographique de l'espèce, tandis que l'altitude n'avait qu'un rôle limité en raison de la diversité des paysages et des conditions climatiques (de Koch et al., 2003). La diminution du nombre des populations constatée dans la Haute-Vienne peut être due à la baisse de la température car un minimum d’au moins 10° C est nécessaire à la croissance de G. truncatula sur le terrain comme au laboratoire (Kendall, 1953, 1965). Un argument supportant cette approche est l'existence d'une seule génération annuelle pour G. truncatula (au lieu de deux dans les plaines) dans le département de la Creuse à plus de 500 m d’altitude (Rondelaud et Mage, 1992) ou dans le Jura français et les Alpes lorsque l'altitude s'élève (de Massias et al., 1996).

Cette première explication est cependant loin d'être satisfaisante et un facteur supplémentaire doit être recherché pour expliquer cette diminution des populations en Haute-Vienne lorsque l’altitude s’élève. Comme O. glabra est une espèce de plaine avec une aire de répartition ne dépassant pas 338 m d’altitude en Norvège (Økland, 1990) et comprise entre 400 et 500 m sur le territoire français (Germain, 1930-1931), il est inutile de rechercher cette limnée au-dessus de 500 m. Par contre, G. truncatula a déjà été observé jusqu’à 1200 m dans le Jura français (de Massias et al., 1996), 2 100 m en Suisse (Eckert et al., 1975) et 2600 m dans les Alpes françaises (de Massias et al., 1996) et les Pyrénées (Combes, 1968). Dans ces conditions, il est nécessaire d’admettre que des conditions écologiques spécifiques pour G. truncatula existeraient dans les communes de la Haute-Vienne au-dessus de 500 m. A notre avis, l’hypothèse la plus solide est d’admettre que les terrains cristallophylliens ou métamorphiques seraient plus acides en altitude. Cette hypothèse s’appuie sur les deux observations suivantes : i) le pH de l’eau qui circule dans 24 jonchaies prairiales de la Basse-Marche se distribue entre 5,9 et 7,8, alors que les valeurs varient de 5,6 à 6,8 dans 29 jonchaies de pente, situées dans les Monts d’Ambazac (Guy, 1996 ; Guy et al., 1996) ; ii) la présence de 2582 tourbières acides recensées dans les trois départements du Limousin lorsque l’altitude s’élève, avec une superficie pouvant aller de quelques centaines de mètres carrés à plus de 40 ha, ce qui représente une surface totale de 11.442 ha (Blondel et al., 2011).

Nos observations ont également montré que le nombre des mollusques transhivernants diminue dans les populations de l’une ou de l’autre limnée lorsque l’altitude moyenne des communes augmente. Ces résultats sont en accord avec ceux d’Økland (1990) qui rapporte, lui aussi, une diminution dans l’abondance de ces deux espèces sur les sols acides de la Norvège lorsque l’altitude s’accroît. Il s’agit donc d’un phénomène général qui affecte les deux espèces de limnées. A notre avis, les conditions climatiques locales existant dans les communes de la Haute-Vienne au-dessus de 400 m d’altitude auraient un effet négatif sur la couverture algale, dont se nourrissent les limnées, en limitant son développement dans le temps, ce qui affecterait, par suite, le nombre des mollusques dans chaque population. Les résultats sur la superficie des habitats sont plus surprenants. Dans le cas de G. truncatula, cette superficie diminue avec l’altitude alors qu’elle ne présente pas de variation significative dans le cas d’O. glabra. Deux explications peuvent être proposées pour expliquer cette discordance. La première est de rapporter ce résultat aux habitats de chaque limnée car ceux-ci sont plus étendus dans le cas d’O. glabra que chez l’autre espèce. D’après Rondelaud et al. (2011), 80,8 % des habitats de G. truncatula (sur les 7709 que ces auteurs ont inventoriés sur sols acides) ont une superficie inférieure ou égale à 3 m² A l’inverse, la superficie des habitats d’O. glabra peut dépasser 40 m², avec un maximum (42,9 %) de sites s’étendant sur 5 à 10 m² (Vignoles et al., 2017). La seconde explication est liée au type d’habitat que G. truncatula colonise par rapport à l’altitude. Les habitats dans les fossés de route ou de chemin sont nombreux en dessous de 400 m d'altitude. Mais leur nombre décroît fortement entre 400 et 500 m pour être très faible au-dessus de 500 m. La diminution de leur nombre à partir de 400 m d'altitude peut expliquer les superficies plus faibles que nous avons notées entre 400 et 570 m.

5. Conclusion

Les deux espèces de limnées ont montré une diminution dans le nombre de leurs populations et dans celui des individus transhivernants pour chaque population lorsque l’altitude des communes augmente sur les sols acides de la Haute-Vienne. D’autres investigations sont encore nécessaires pour déterminer si cette diminution des populations, puis leur disparition en fonction de l’altitude se retrouve sur des terrains sédimentaires placés dans les mêmes conditions d’altitude.

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Pour citer ce document

Référence papier

DREYFUSS, G., VIGNOLES, P. et RONDELAUD, D. (2019). Galba truncatula (O.F. Müller, 1774) et Omphiscola glabra (O.F. Müller, 1774) (Mollusques : Lymnaeidae) : influence de l’altitude sur les caractéristiques des populations vivant sur les sols acides de la Haute-Vienne. Annales Scientifiques du Limousin, (28), 28-38.

Référence électronique

DREYFUSS, G., VIGNOLES, P. et RONDELAUD, D. (2019). Galba truncatula (O.F. Müller, 1774) et Omphiscola glabra (O.F. Müller, 1774) (Mollusques : Lymnaeidae) : influence de l’altitude sur les caractéristiques des populations vivant sur les sols acides de la Haute-Vienne. Annales Scientifiques du Limousin, (28). https://doi.org/10.25965/asl.1040

Auteurs
Gilles DREYFUSS
Laboratoire de Parasitologie, Faculté de Pharmacie, Université de Limoges, 87025 Limoges Cedex
gilles.dreyfuss@unilim.fr
Articles de l'auteur parus dans Annales Scientifiques du Limousin
Philippe VIGNOLES
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Daniel RONDELAUD
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