Les inventaires malacologiques réalisés en Limousin ont permis la découverte d’une coquille fraîche d’un jeune individu d’Azeca goodalli (A. Férussac, 1821) dans le nord-est de la Corrèze, département où l’espèce n’était pas encore connue. Cet article décrit cette découverte et la répartition de l’espèce en France.
Introduction
Afin de faire progresser la connaissance malacologique en Nouvelle-Aquitaine, la Société Limousine d’Etude des Mollusques organise régulièrement des inventaires dans les départements de la Creuse (23), de la Corrèze (19), de la Haute-Vienne (87). Des inventaires sont également menés de manière moins régulière dans les autres départements de la Nouvelle-Aquitaine. Lors d’une sortie (08/07/2022) dédiée à la recherche de la Moule perlière (Margaritifera margaritifera) sur la rivière Chavanon dans le nord-est de la Corrèze, des prélèvements de litière ont été effectués le long du cours d’eau. Le tri et l’analyse d’une de ces litières ont mis à jour la présence d’Azeca goodalli, (A. Férussac, 1821) la brillante dentée, dans cette vallée, fournissant la première mention de cette espèce pour la Corrèze.
Fig. 1 – Localisation des sites de découverte d’Azeca goodalli dans la vallée du Chavanon (Monestier-Merlines_ Corrèze et Meisseix_Puy-de-Dôme).
Commune Monestier-Merlines. X WGS84 : 460967 / Y WGS 84 : 5054157
Commune de Meisseix. X WGS84 : 461442/ Y WGS 84 : 5054041
Prospection et résultats
Circonstances de la découverte
Les auteurs ont prélevé le 08/07/2022 environ deux fois six litres de litière fine grâce à un tamis de Winkler (lumière de maille 1 cm). Ces litières ont ensuite été séchées, tamisées et les fractions ont été triées sous loupe binoculaire pour en extraire toutes les coquilles. Les coquilles ont ensuite été identifiées par les auteurs sous loupe binoculaire le 19/08/2022.
Le lot de coquilles de Monestier-Merlines contenait une coquille fraîche (peu altérée) d’un individu d’Azeca goodalli considéré comme sub-adulte car toutes les dents ne sont pas encore complétement formées et que le péristome n’est pas encore épaissi.
La station de prélèvement est une pente boisée (Chênaie-Hêtraie âgée). Le sol est occupé par des blocs rocheux de taille moyenne (15 à 30 cm) stabilisés et bien colonisés par la végétation basse, la strate muscinale étant bien développée. En ce qui concerne la géologie, la station repose sur l’Unité Anatectique du Chavanon (UAC) : Métatexites, diatexites, Gneiss mylonitiques, migmatites, granitoïdes d'anatexie. La litière a été prélevée sur des sols de bas de pente colluvionés relativement neutres.
Le lot de Meisseix a livré une coquille d’Azeca goodalli, un peu plus dégradée, d’un adulte. La zone de prélèvement se située au pied d’un mur de soutien d’une ligne de chemin de fer en pierres maçonnées. Le pied de mur orienté au nord est humide et moussu. Il est en contexte de forêt de feuillus de pente (chênaie-hêtraie) à proximité d’un pierrier. Il est situé à environ 10 mètres du cours d’eau.
Fig.2—Photo de la coquille d’Azeca goodalli trouvée à Monestier-Merlines le 08/07/2022. (Cliché SLEM, focus stacking).
Il s’agit d’un spécimen subadulte, les « dents » ne sont pas encore toutes formées.
Fig.3—Photo de la coquille d’Azeca goodalli trouvée à Messeix (Puy-de-Dôme_63) le 08/07/2022. (Cliché SLEM, focus stacking). Il s’agit d’un adulte.
Répartition d’Azeca goodalli en France
L’aire de répartition de cette espèce est assez morcelée en France. La consultation de plusieurs sources permet de dresser la carte de répartition de l’espèce connue à ce jour en France. L’espèce occupe les départements suivants : Finistère, Côtes-d’Armor, Calvados, Eure, Orne, Seine-Maritime, Nord, Aisne, Moselle, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Haute-Marne, Côte-d’Or, Aube, Puy-de-Dôme, Lot-et-Garonne, Gers, Landes, Gironde, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne, Ariège, Aude.
La découverte de cette espèce est difficile car elle n’est que très rarement présente en grand nombre sur les stations connues (Cucherat, Ryeland, comm pers). Bertrand (2020) la considère commune dans les Pyrénées-Atlantiques.
Fig.4 - Carte de répartition d’Azeca goodalli en France (2022) : Contours bleus : limites des départements français ; Contours noirs : limites des départements néo-aquitains. Départements en vert : présence certaine d’Azeca goodalli ; Département en jaune : Corrèze ; Etoile rose : données de Monestier-Merlines et de Meisseix (donnée SLEM 2022).
Habitats occupés, affinités écologiques
Les auteurs ont sollicité des malacologues concernées par cette espèce en France (Grand-Est, Pyrénées, Auvergne, Nouvelle-Aquitaine) et leurs retours permettent d’avoir une image des habitats occupés par l’espèce dans ces secteurs. L’espèce est trouvée en général sur substrat calcaire mais également sur des substrats neutres, beaucoup plus rarement sur substrat acide. C’est une espèce forestière, qui a besoin de forêts de feuillus fraiches et humides. Il s’agit souvent de forêts anciennes mais quelques données sont issues de boisements plus jeunes. Les boisements majoritairement utilisés sont de type Hêtraie, Chênaie-Hêtraie, Aulnaie mais aussi Frênaie. Des blocs, des éboulis stabilisés au sol ou des barres rocheuses sont souvent notés. La strate muscinale est bien présente. La quasi-totalité des stations connues se trouvent à proximité immédiate de cours d’eau, de fossés ou de sources. La bibliographie consultée corrobore les éléments transmis par ces malacologues.
Discussion
A notre connaissance, cette espèce n’était pas connue de la Corrèze. Le fait que la coquille trouvée soit celle d’un jeune individu et qu’elle soit fraîche laisse à penser qu’il existe une population fonctionnelle. Il est probable que cette population vive sur les deux rives du Chavanon. La présence d’une autre coquille sur l’autre rive tend à le montrer. D’autres stations sont connues du Puy-de-Dôme. Elles sont situées pour les plus proches (5 données, Vrignaud com pers.) dans les gorges de la Sioule ou à proximité (Perrier via Vrignaud com pers.) et au sein de la Réserve Naturelle Nationale de la vallée de Chaudefour (Vrignaud, 2021), cette dernière étant à 20 km à vol d’oiseaux de la population de Monestier-Merlines et de Meisseix.