« Quand la sanction manipulatoire et les instances de manipulation influencent le cours du comportement économique de la société iranienne »
Comme nous le savons, la sanction constitue la phase finale du parcours narratif, tel que Greimas l’avait envisagé. Mais étant donné que les cultures ne partagent pas de la même façon ni l’initiative de l’action ni l’évaluation des conséquences qui en résultent, nous pouvons être confrontés à des cas particuliers où la sanction (terminative) se déplace pour occuper la place de la manipulation en début d’un parcours narratif. En effet, dans un article précédent, à propos du réexamen du parcours narratif (Shairi 2007, Protée), nous avons démontré que dans certains cas ce n’est plus le manque initial qui se trouve à l’origine de l’action ; et tout au contraire, c’est une sanction manipulatoire qui fait agir les actants et règle même leur parcours depuis le début jusqu’à la fin.
Sur le plan économique, la sanction peut fonctionner comme une mémoire des dommages antérieurs qui pousse le sujet social concerné à un devoir-agir à temps pour ne pas subir de nouveaux dommages. Cette observation nous permet aujourd’hui d’examiner le comportement économique de la société iranienne face à l’évolution de la valeur de la devise étrangère depuis la chute du régime royal jusqu’à maintenant. En effet, nous avons remarqué que la décision des actants sociaux dépend d’une auto-sanction cognitive qui détermine non seulement leur manière d’agir (vouloir et devoir-agir), mais aussi leur intégration dans les activités du marché financier (savoir-faire) ainsi que leur prise de position dans les affaires économiques (pouvoir-faire).
Pour être clair, il faut préciser que la monnaie étrangère est ce qui permet de mesurer la valeur de tout objet du marché, notamment celle de la monnaie nationale en Iran. Ce qui signifie que la devise joue le rôle d’une valence puisqu’elle détermine la valeur de toutes les autres valeurs. Or, il est tout à fait normal que les gens choisissent d’augmenter leur réserve en dollars ou en euros. Les événements politiques, le coût des embargos, et les crises économiques ont participé pendant les 40 années de la vie de la république islamique à faire accroître la valeur de la monnaie étrangère. Alors, le rôle de la sanction consiste à inciter les acteurs sociaux à agir (faire-vouloir) et à intervenir (faire-pouvoir) en tant qu’agents économiques sur la scène sociale.
Ce qui justifie ce changement de comportement réside dans le fait d’avoir une mauvaise mémoire des sanctions précédentes pendant les montées des devises. En vérité, sur le mode de l’efficience, ceux qui ont choisi un tempo lent face au survenir du marché de la devise, se sont trouvés devant une perte importante de la valeur de leur revenu (visée faible et saisie faible). La mémoire de ce comportement atone pouvant causer des privations importantes fonctionne donc comme une sanction cognitive qui pousse les gens à choisir un tempo vif et un comportement tonique à chaque fois qu’ils ont le sentiment de se trouver face à un nouvel éclat du prix de la devise internationale (visée forte et saisie forte). D’une part, la mémoire des échecs modaux antérieurs et de l’autre celle d’un comportement atone incitent les gens à devenir des actants actifs du marché et à opter un nouveau comportement qui change énormément le rythme de leur vie économique.
La première question qui se pose est celle de savoir de quelle manière la sanction peut manipuler la nation iranienne et les amener à s’offrir un nouveau plan tensif afin de ne pas être les perdants des bouleversements du marché. Et la question suivante est celle de comprendre quelle sont les instances qui influencent le cours des décisions et manipulent donc les sujets sociaux. De fait, nous constatons qu’il y a d’abord un manipulateur extérieur volontaire (notamment les américains) qui intervient à partir de divers types de résolution et empêche le libre échange économique du marché. En deuxième lieu, nous sommes en présence de deux types de manipulateurs intérieurs diffus et inconnus : d’une part, une instance qui fait circuler des rumeurs sur l’image de la continuité de l’augmentation du prix de la devise ; et de l’autre, une instance surnommée les « Sultans du marché » qui n’ont pas de figure manifeste, mais qui aiguisent l’émotion économique pour leur propre intérêt. Et en troisième lieu, on se trouve en présence des manipulateurs intérieurs institutionnels (entreprises, sociétés privées ou gouvernementales) volontaires qui profitent d’une manière directe ou indirecte de l’intensité de la situation soit pour se rattraper sur leur déficits financiers soit pour faire des gains considérables.
Cette contribution aura pour objectif d’examiner d’un côté le rôle de la sanction manipulatoire et de l’autre la place des instances de manipulation qui modifient le comportement des iraniens face à l’éclat périodique de la valeur des monnaies étrangères.
Mots clés : sanction manipulatoire, devise étrangère, présence atone et tonique, comportement économique, instance de manipulation