Le Centre de recherches sur les entreprises, les organisations et le patrimoine (CREOP, EA 4332) travaille sur des thématiques au croisement des expertises de juristes privatistes et de gestionnaires.
La structuration de la recherche est désormais réalisée autour des thématiques : [1].
- « Innovation numérique, Bien être et Santé, Patrimoine, Entrepreneuriat et Territoire»
Innovation numérique
L’innovation numérique bouleverse continuellement l’organisation des entreprises, leurs frontières et les marchés sur lesquels elles se portent. La dimension numérique est actuellement analysée sous le prisme des écosystèmes digitaux et des business models qui y sont associés. Les données massives et leur médiation par l’intelligence artificielle engendrent des mutations profondes dans les organisations, tant au niveau stratégique qu’au niveau du fonctionnement de l’entreprise. Ces technologies forment, à ce titre, un enjeu de recherche qui se décline dans l’ensemble des thématiques visées.
L’innovation numérique fait également l’objet d’une double appréhension juridique. D’une part, dans sa fonction normative, le droit se doit d’encadrer ce type spécifique d’innovation. D’autre part, l’innovation numérique peut également être appréhendée juridiquement en tant qu’outil d’aide à la décision, à la résolution des différends, tant en matière amiable que contentieuse.
Ecosystèmes numériques, big data et business models associés
De nouveaux écosystèmes émergent : l’entreprise traditionnelle connaît de multiples remises en cause sur la base de nouvelles formes de coopération numériques. Les théories les plus classiques de l’entreprise se révèlent inappropriées pour décrire ces changements. Le renouvellement des cadres théoriques a pour but de rendre compte du renouvellement des modes opératoires au sein des entreprises au levier des nouvelles technologies (algorithmes etc.) dont elles se saisissent pour analyser les données massives et instaurer de nouvelles coopérations numériques.
Encadrement de l’innovation
L’objectif consiste à éviter toutes les dérives ou abus auxquels elle pourrait donner lieu. Tel est le sens de l’encadrement de la collecte des données personnelles en ligne en vue de concevoir des publicités commerciales ciblées à destination des consommateurs. Dans le même ordre d’idées, le droit à la déconnexion en faveur des salariés, dans le domaine numérique, doit contribuer à mieux délimiter les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle et doit pouvoir être intégré dans les stratégies RH des entreprises. Elle apparaît également telle une technique de nature à faciliter la rédaction, la circulation et la conservation de nombreux actes juridiques (actes notariés, contrats commerciaux, etc.). L’enjeu consiste en grande partie ici à ne pas substituer l’intelligence artificielle juridique à l’activité juridique humaine mais à mettre la première au service de la seconde. A cette fin se développent des médiations en ligne en droit de la consommation ou en droit des affaires et plus largement le recours à la justice prédictive ou aux legal techs. Cette palette de techniques juridiques innovantes enrichit ainsi les outils de la relation client ou les négociations entre professionnels.
Patrimoine
La thématique du patrimoine est un axe majeur de recherche du CREOP. Il héberge une équipe de patrimonialistes reconnue au niveau national depuis de nombreuses années. A ce titre, ils collaborent à plusieurs chroniques de jurisprudence dans des revues (Revue trimestrielle de droit civil, Répertoire Defrénois, Les petites affiches). Ils participent à la rédaction d’ouvrages dans des maisons d’édition reconnues (Successions et libéralités aux éditions Francis Lefebvre sorti en mars 2019). Ils ont rédigé de nombreux articles et contributions (Répertoire civil Dalloz notamment), mené des expertises (Bernard Vareille est le rapporteur au congrès des notaires 2020, membre des instances de formation notariale…) et des formations (sessions de formation à l’Institut national de formation notariale, avocats, huissiers).
Plusieurs thèses ont été soutenues sous la responsabilité des membres de cette équipe.
Pérennité patrimoniale de l’entreprise
A la croisée des chemins du droit et de la gestion, la question de la pérennité patrimoniale de l’entreprise confrontée à un choc grave fait partie de l’axe Patrimoine. La plupart des chefs d’entreprise ont pour souci majeur de se prémunir contre les revers susceptibles d’affecter la survie même de leur affaire. Au stade de la recherche, la faveur pour la pérennité patrimoniale de l’entreprise se traduit par des contributions à l’étude des techniques de lutte contre la vulnérabilité : vulnérabilité aux événements internes susceptibles d’affecter le devenir de l’entreprise, vulnérabilité à des revers dont l’origine peut être externe.
Les luttes contre la vulnérabilité aux événements internes, susceptibles d’affecter le devenir de l’entreprise, prennent largement appui sur les techniques du droit patrimonial. Le décès, la retraite du principal porteur de parts, son divorce ne sont que quelques exemples d’événements qui rendent vulnérable l’entreprise en raison de l’imbrication des intérêts patrimoniaux personnels et de la nécessaire pérennité du patrimoine affecté à l’entreprise. Plus généralement le patrimoine des acteurs économiques nécessite une gestion fine en considération des règles de droit fort techniques qui régissent la matière.
Les luttes contre la vulnérabilité aux événements extérieurs se traduisent essentiellement par les tentatives de prévention des difficultés, et par le redressement judiciaire en cas de cessation des paiements. De plus, de nouveaux défis existent pour les petites entreprises notamment avec l’ubérisation de l’économie ou le Brexit qui illustre que le changement du contexte économique et politique influence leur devenir.
Cette thématique a fait l’objet de deux journées d’études suivies de publications. La première en 2013, « Entreprises et ruptures familiales », s’est traduite par la publication d’un numéro spécial de la revue des Petites Affiches (2014). La seconde, « Les difficultés des petites entreprises: regards croisés droit gestion », tenue en novembre 2018 a fait l’objet d’actes en cours de rédaction.
Le patrimoine numérique en droit patrimonial de la famille
L’avènement du numérique pose la question de la transformation du patrimoine au sens du droit privé. En utilisant des ordinateurs et des outils connexes, nous créons et partageons des ressources numériques auxquelles nous attachons de la valeur. Ce patrimoine peut être représenté par une variété importante de documents : textes, sons, images fixes et animées, bases de données, logiciels, images… d’origine numérique ou convertis sous forme numérique Chacun peut donc participer à la constitution d’un patrimoine numérique du moment qu’il possède du matériel informatique.
La nature juridique de ce patrimoine est singulière et il devient nécessaire de s’interroger sur l’impact de cette nature sur son régime juridique. La question se pose notamment du devenir du patrimoine numérique lorsque la personne se marie, divorce, est placée sous un régime de protection ou décède. Les règles classiques du droit patrimonial de la famille sont-elles véritablement adaptées ? Ainsi sous le régime légal, ces biens tombent-ils dans le patrimoine commun ? Peuvent-ils faire l’objet d’une indivision ? Le conjoint a-t-il le droit de s’immiscer dans sa gestion ? Les héritiers du défunt ont-ils le droit de le revendiquer ? Ce sont quelques exemples d’interrogations qui se posent aujourd’hui.
La liquidation en droit patrimonial de la famille et l’intelligence artificielle
La liquidation des régimes matrimoniaux, des successions et de l’indivision est un exercice très singulier qui consiste à tirer les conséquences des textes en vigueur et de la jurisprudence pour la préparation et la mise en œuvre des partages patrimoniaux. C’est pourquoi, davantage que d’autres matières, cette question se prête à la mise au point de systèmes prenant appui sur l’intelligence artificielle et destinée à faciliter le travail du liquidateur. L’expertise reconnue des patrimonialistes non seulement en droit patrimonial mais encore sur différentes questions limitrophes (droit de l’entreprise, transmission de l’entreprise, approche Droit et Gestion) permet de développer ce nouvel axe de recherches.
Entrepreneuriat et Territoire
Les liens entre entrepreneuriat, droit et territoire (défini en tant qu’espace géographique pensé, produit culturel et processus d’agglomération) ne sont plus à démontrer. Qu’il s’agisse de conseiller et d’accompagner juridiquement l’entrepreneur dans le lancement de son activité, de pérenniser celle-ci ou encore de prévenir ou remédier à ses difficultés financières ainsi qu’aux différends qu’il peut rencontrer. En gestion, un projet AAP est actuellement porté par le CREOP sur les enjeux et les difficultés de l’affirmation d’un territoire du luxe en Nouvelle-Aquitaine.
Processus entrepreneuriaux et modèles d’affaires
Plusieurs recherches relatives aux modes de management et aux modèles d’affaires d’entreprises innovantes ont également donné lieu à des publications dans des revues internationales HCERES A. En droit, plusieurs recherches développées en lien avec ce thème renforcent utilement l’analyse des processus entrepreneuriaux et business models proposés par les gestionnaires. Celles-ci ont conduit à s’interroger sur les formes de sociétés (EURL ; entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) ou d’entreprises (EIRL ; entreprise individuelle à responsabilité limitée) les mieux à même de répondre aux besoins des PME-TPE ou aux moyens de valoriser leur capital humain. En synergie, avec l’axe « bien-être et santé », elles permettent également d’apporter des réponses aux difficultés financières, aux vulnérabilités de leurs dirigeants et aux différends qui les opposent à leurs parties prenantes.
Labels et circuits courts
Le territoire donne lieu à des recherches tant en marketing territorial qu’à l’étude de labels. Le rôle que la grande distribution peut jouer au sein des systèmes alimentaires territorialisés est analysé dans le cadre d’un AAP région et questionne la légitimité des GSA à commercialiser des produits alimentaires locaux ; les labels qui certifient qu’un produit a été fait en respectant les normes de l’agriculture biologique ou qu’il respecte bien un certain code de fabrication éthique sont également étudiés. Les problématiques de transmission de savoir-faire rares et de leur lien avec le numérique autorisent également les regards croisés droit-gestion.
Les brevets, obtentions végétales, marques, labels, sont dans les préoccupations de plusieurs membres du CREOP. Il s’agit de relier le droit de la propriété intellectuelle et la sensibilité des consommateurs à l’innovation ainsi qu’aux marques et labels.
Bien-être et santé
En sciences de gestion et du management, le thème du bien-être et de la santé se développe en management des ressources humaines au sein des entreprises privées et publiques. Les recherches du CREOP portent tant sur les modes de management et les compétences liées aux pratiques de gestion d’entreprises privées ou publiques qu’à l’activité d’organisations œuvrant dans le domaine de la santé. Parmi une large palette d’outils, le droit contribue à recréer du lien social, à restaurer la confiance entre des personnes physiques, qu’ils soient membres d’une famille, partenaires commerciaux (B to B et B to C) ou dirigeants d’entreprise en vue d’anticiper l’avenir et ses aléas ou de restaurer la confiance. En cela, et de manière complémentaire aux sciences de gestion, il a vocation à garantir le bien-être et la santé des sujets de droit.
Médiation et conflits
La médiation autorise à ce titre une lecture bi-disciplinaire riche entre juristes et gestionnaires. Le thème a fait l’objet d’une journée d’études en 2018, puis d’un ouvrage collectif « Médiation et entreprises : regards croisés droit et gestion » (2019). La médiation et plus largement les MARD (modes alternatifs de résolution des différends) contribuent à ce maintien ou à cette restauration du bien-être et ce, qu’il s’agisse de les mobiliser dans le cadre de conflits familiaux, de relations d’affaires ou de travail. Le bien-être des consommateurs peut également être garanti en leur permettant d’obtenir aisément réparation des préjudices de consommation qui les opposent, souvent par milliers, à des professionnels par le biais de recours collectifs.
Déconnexion et bien-être au travail
Le droit à la déconnexion consacre le droit de ne pas être continuellement joignable par son employeur en dehors de son temps de travail, pour des motifs liés à l’exécution de son travail. L’objectif est de préserver son temps de repos et d’assurer le respect de la vie personnelle et familiale. Cette consécration a nécessairement des interactions avec la question du bien-être et de la santé au travail. Sur le plan de la gestion, la réactivité et l’immédiateté sont progressivement devenus des critères d’évaluation de la performance et de rentabilité des organisations. La gestion de la connexion ou de la déconnexion est ainsi devenue un enjeu majeur, pour les entreprises et pour les salariés et une approche bi-disciplinaire est fondamentale. Une thèse est en cours de rédaction sur ce sujet par un doctorant du CREOP.
[1] Chaque thème peut être pensé sous forme de « bloc », de briques isolées ou de briques ré-agencées entre elles.