Création, Corpus, Patrimoine


L’axe pluridisciplinaire « Création, corpus, patrimoine » (CCP) interroge les liens entre production artistique, pratiques des publics, et institutions culturelles et patrimoniales de l’Antiquité à nos jours. De sa genèse à sa postérité, il envisage, les multiples opérations de réception dont l’œuvre d’art est le produit et l’objet. En effet, la création de l’œuvre est déjà le résultat d’une série d’opérations de réception implicite par les acteurs de l’art, à travers la série de choix qu’ils réalisent parmi les formes, théories et modèles de leur temps, qu’ils poursuivent ou non ; puis, réception il y a, à proprement parler, dans les appropriations, usages et réinventions qu’en font les communautés sociales et politiques de spectateurs, d’auditeurs, de collectionneurs, de conservateurs qui s’en emparent dans le temps. Historien·nes, historien·nes de l’art et musicologues du CRIHAM mobilisé·es par ces questions étudient sur le plan historique, esthétique et anthropologique les voies de la fabrique des images et des sons, et leurs usages au sein des cultures visuelles et sonores des sociétés anciennes et contemporaines.

La progression des trois termes de l’axe dessine le processus de patrimonialisation largement à l’œuvre dans les sociétés occidentales, mais la notion transverse et structurante de « réception » invite à envisager aussi leurs interactions réciproques, au-delà d’une succession linéaire : les modalités de réception critique et publique modèlent en amont les choix artistiques (avec la question des genres artistiques par exemple) tandis que les phénomènes de fortune historique sont eux-mêmes de puissants vecteurs de la création.

Le terme de « Création » est entendu dans toute sa diversité comme processus génétique complexe de poétique mettant en jeu plusieurs acteurs, leurs savoirs, techniques et théoriques, et leurs représentations. La production des artistes et musiciens est abordée selon les problématiques sociales propres à chaque art et/ou période, ainsi l’angle de la commande concerne-t-il largement l’époque moderne et les arts du grand format (architecture, peinture et sculpture publiques), les questions de production/consommation, voire d’industrialisation les arts du multiple (gravure, photographie, film), et la problématique du passage à la scène, au jeu, au concert et au déploiement dans l’espace les arts de la performance (musique, art lyrique, danse, installations). De manière décloisonnée, les interactions entre les arts ˗ notamment la question du son et du bruit dans les arts visuels, celle des rapports entre architectes et photographes, entre architecture et sociologie de l’art, ou les formes hybrides de spectacle vivant ˗ et les échanges entre les espaces européens et extra-européens sont actuellement travaillées par différent.e.s chercheur.se.s. Dans ce premier axe, les questions de transfert, de circulations, de modèles, d’emprunts et de normes et de hiérarchies sont posées entre différents espaces et à différentes échelles : rapport nord-sud ; rapport centres/capitales et villes moyennes ; place des espaces dits subalternes ou « périphériques », notamment à travers la question des voyages d’artistes et des mobilités d’objets.

La notion de « corpus » est envisagée dans sa dimension trans-historique et -géographique de rassemblement de sources autour d’un artiste, d’un architecte, d’une école, d’une institution, d’un mécène, d’un édifice. Elle engage une réflexion historiographique et critique sur le travail de l’historien·ne de l’art et de la musique, ses sources et ses méthodes pour la construction de son objet : comment rendre compte et produire des outils de compréhension, de contextualisation et d’analyse ? La question du corpus engage une réflexion sur l’œuvre et l’archive, et l’usage que dans chaque sens, l’une fait de l’autre. Le terme insiste sur la variété des formes artistiques qui intéressent les historien·nes : bande dessinée, caricature, jeu vidéo, film ; bibelot et objet du quotidien ; art monumental et monuments ; patrimoine oral et immatériel ; fêtes, concerts, représentations, expositions, festivals… Ces sources interrogent aussi la manière dont les publics s’approprient les corpus définis et éclairés par les chercheur·ses.

En sciences humaines, la question du « patrimoine », comme phénomène de transmission, conservation et valorisation, est une dynamique à analyser de manière plurielle par les notions de « publics » ou de « communautés » et dans la temporalité de sa diffusion au sein de la société. Comment le passé interagit-il dans le présent ? Quelles sont les formes matérielles de sa conservation (collection, musée, formes numériques) et de sa mémoire ? Quels sont les usages politiques, religieux, idéologiques des œuvres anciennes en société dans les espaces publics et privés de leur consommation, collective ou privée ? Que disent la muséographie, la programmation de concerts et de spectacles, l’utilisation des images photographiques, les pratiques de recréation historique, de nos rapports au passé – lointain ou proche – dans le temps présent ? L’usage et le spectacle des images politiques dans l’espace public s’enracinent dans un palimpseste de valeurs et de pratiques. Les images de la guerre et des génocides posent de manière aiguë la question de la pérennité, de l’oubli et des détours de la mémoire collective. La collecte des musiques traditionnelles dans le monde francophone intervient dans un contexte de menace de disparition. Nos objets d’étude variés posent à travers les problématiques de destruction, de conservation, de sauvetage, mais aussi de valorisation, de tourisme patrimonial et éco-durable la question de la pérennité des cultures sensibles.

L’axe « Création, corpus, patrimoine » promeut l’ancrage du Criham dans la vie culturelle régionale de la Nouvelle-Aquitaine, et ses politiques de recherche, préservation, réhabilitation et communication mais engage aussi, aux niveaux national et international, des partenariats scientifiques et professionnels avec les institutions patrimoniales, muséales, artistiques et les centres de création contemporaine.  

Programme ANR Tituli

ANR – Tituli 

Ce projet concerne les rouleaux mortuaires ou rouleaux funéraires, des parchemins transmis de monastère en monastère, à l’occasion de la mort d’un clerc ou d’une personne importante de la communauté émettrice. Il s’agit d’étudier des documents rarement étudiés, appelés rouleaux des morts, [...]