Charles-Joseph Natoire (1700-1777)
Sous la direction de Susanna Caviglia
Lauréat du Grand Prix en 1721, reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1734, promu adjoint à professeur en 1735 puis professeur en 1737, nommé directeur de l’Académie de France à Rome en 1751: Charles-Joseph Natoire fut, d’un point de vue institutionnel mais aussi pour nombre de ses contemporains, l’un des grands peintres français du XVIIIe siècle. Son talent avait été reconnu dès ses débuts à l’Académie de France à Rome où il séjourna en qualité de pensionnaire du roi (1723-1728). Dès son retour à Paris, il fut appelé à répondre aux grandes commandes de la noblesse et de la cour, peignant pour Versailles, Marly et Fontainebleau, pour l’hôtel de Soubise et la Bibliothèque royale, pour les manufactures de Beauvais et des Gobelins. L’oeuvre de Natoire se construit sur l’imitation des maîtres et de la nature, une notion essentielle de la conception de l’art à l’époque moderne qui explique la curiosité que l’artiste manifeste, tout au long de sa carrière, pour les œuvres des maîtres anciens comme pour celles de ses contemporains français et italiens. L’art de Natoire est aussi marqué par la prédilection affirmée des commanditaires pour les sujets légers et par la nouvelle conception du décor intérieur conçu comme un «tout ensemble» réduisant les espaces dévolus aux peintres. Dans ce contexte, l’art de Natoire traduit un cheminement cohérent qui se manifeste sous plusieurs formes. L’inflexion galante des thèmes traités pose la question d’une dimension universelle sous-jacente à l’œuvre : l’idée de l’amour comme force inéluctable s’exerçant sur tous les hommes. Le mélange des genres favorise un renouvellement formel et expressif de la peinture d’histoire. L’emploi de figures aisément identifiables, caractérisées par une grâce inscrite dans une logique d’exploration et de sublimation de la beauté, exprime l’idéal esthétique et social de l’artiste. Son œuvre peint apparaît construit autour d’une mise à distance du monde réel – par la dimension burlesque («Histoire de Don Quichotte»), par l’évocation d’un monde heureux (tableaux mythologiques) ou de l’histoire nationale («Histoire de Clovis») – fondée sur une interrogation des valeurs contemporaines. Chez Natoire, prime l’idée d’une dignité de l’être affirmée dans toute sa simplicité qui légitime la proclamation de la beauté, surtout féminine, à travers la présentation de figures dont la puissance des corps est associée à la pureté de la ligne. Ce choix plastique relève de ce qui est au cœur de la démarche artistique de Natoire: un questionnement sur la possibilité de raconter une histoire, et plus spécifiquement de représenter l’action, aboutissant à l’élaboration de solutions qui excluent le mouvement et privilégient l’isolement des personnages. L’art de Natoire traduit ainsi sa volonté de reconstruire une peinture d’histoire à la légitimité morale et intellectuelle fortement entamée. Lors de sa direction de l’Académie de France à Rome, Natoire élabore une conception personnelle du paysage, mêlant l’observation exacte de la nature à une tendance à l’idéalisation issue de la tradition classique. La réalité y apparaît filtrée par une vision sereine et harmonieuse qui associe respect du vernaculaire et sens du pittoresque. Ces productions s’inscrivent dans la réflexion incessante menée par Natoire sur l’art de peindre et le métier d’artiste. Attaché avec zèle à la réussite des pensionnaires, son statut de directeur de l’Académie de France à Rome lui permet de transmettre ses valeurs et son geste artistiques, réaffirmant le primat du dessin, élargissant les modèles à étudier et pérennisant l’étude de la nature. À Rome, Natoire s’inscrit dans un réseau étroit de relations artistiques et mondaines, tenant son rôle de peintre sur la scène romaine sans crainte d’en affronter les antagonismes. Grâce à l’étude de ses activités de peintre, de pédagogue et de directeur de l’Académie de France à Rome, émerge une vision nouvelle, à contre-pied de l’image d’un peintre purement décoratif et de celle d’un artiste isolé du contexte romain qui lui ont été longtemps attachées. Natoire retrouve ainsi la place de premier de plan qu’il occupa dans l’histoire de l’art français de son époque.
Voir le site de l’éditeur : http://www.arthena.org/charles-joseph-natoire-1700-1777
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