La dissidence est une action par laquelle des individus ou des groupes se séparent d’une communauté religieuse, politique ou philosophique en contestant par leurs pratiques ou discours la légitimité de celle-ci. Agissant de l’intérieur, le dissident est considéré comme plus dangereux que l’ennemi, qui vient de l’extérieur. L’Église quant à elle est amenée à combattre les « dissidences » du Christianisme que sont les hérésies. Tout au long de l’Histoire, les dissidents avec leurs hétérodoxies ont contribué à produire des discours contre-hégémoniques. Les grandes crises politiques des années 50 et 60, puis les mouvements contestataires ont contribué à mettre en cause la légitimité du modèle américain qui, désormais, doit faire face à un nombre croissant de « dissidents » – c’est le cas de Noam Chomsky, par exemple. Au sein de la gauche française, en revanche, on commence à prendre ses distances par rapport aux directeurs de conscience de Moscou, au profit de groupes maoïstes ou trotskistes, parfois pour finir par passer dans le camp américain (nouveaux philosophes). Julia Kristeva voit même l’apparition d’« un nouveau type d’intellectuel : le dissident » (1977). Représenté surtout par Foucault et Deleuze, ce type contribue à formuler une esthétique de la dissidence dépassant autant la rhétorique de la rupture des avant-gardes historiques que l’insouciance ludique du postmodernisme.

Parce que la dissidence constitue toujours un acte communicatif, les dissidents et « indignés » choisissent forcément l’espace public, qu’il soit réel – les places de Pékin, du Caire, d’Athènes, d’Ankara ou de Kiev – ou virtuel – à l’instar des whistle blowers américains. Politique, artistique, littéraire, la dissidence œuvre à l’effondrement des systèmes et des discours qui portent ces derniers, comme l’illustre, il y a vingt-cinq ans, la chute du mur de Berlin. Ce volume réunit les contributions d’un colloque international et pluridisciplinaires, organisé par les équipes HLLI et EHIC en novembre 2014 à Boulogne-sur-Mer.

Shaker Verlag