AOI 2024 COFIREV – Comment les filles des milieux populaires rêvent-elles leur vie ?

AOI  2024 COFIREV

Porteuses
Patricia Bessaoud-Alonso
Pauline David

Comment les filles des milieux populaires rêvent-elles leur vie ? COFIREV

Contexte et historique du projet

Ce projet s’inscrit dans la continuité de la recherche menée sur les adolescences en milieu rural (CPER ADMIR (2020-2022) et les questionnements qu’elle a suscités dans l’après-coup, en particulier le silence porté par certaines jeunes filles à l’évocation de leur vie adulte. Par conséquent, notre attention se portera sur les jeunes filles de 15 à 18 ans et leurs discours sur leurs rêves de futur, et si elles rêvent, de quoi et comment rêvent-elles ?

L’expérience des jeunes filles de 15 à 18 ans est marquée, pour une grande partie d’entre elles, par le rapport à la scolarité. De fait, les enfants d’ouvriers, et dans une moindre mesure d’employés, sont surreprésentés dans la formation professionnelle initiale (RERS, 2023).

Les jeunes filles se dirigent majoritairement vers les filières du soin, du social ou de la gestion administrative (Depoilly, 2022). Certaines s’engagent dans des études supérieures, soit vers les sections STS après un baccalauréat professionnel, soit en privilégiant les sciences humaines et sociales après un baccalauréat général (Hugrée, Poullaouec, 2022).

Elles semblent respecter les normes genrées dans leur choix d’orientation (choix de filières « féminines ») tout en n’investissant pas pleinement les effets de leurs résultats scolaires : ainsi elles investissent peu les filières scientifiques, même quand leurs résultats dans ces matières leur autoriseraient légitimement une carrière dans ces domaines.

De fait, la question du rêve d’avenir nous semble une manière pertinente de soulever un problème résiduel : pourquoi les jeunes filles semblent refuser les transgressions genrées et ainsi limiter leurs ambitions ? Ce qui peut apparaitre comme une forme de résistance, voire une résignation inconsciente, s’inscrit dans une continuité sociologique et historique (Ansellem-Mainguy, 2021) de la place des filles dans la société et dans une institution familiale encore ancrée dans certaines formes de conservatisme. Pour autant, où se nicheraient des interstices, des espaces d’un « entre deux » face aux injonctions sociales et subjectives.

La rêverie a longtemps été associée, notamment par la littérature, à une activité fantasmatique passive pour des jeunes filles bourgeoises occidentales, nous entendons ici le rêve comme une activité de pensée inhérente à la période adolescente, permettant des négociations entre dispositions biographiques et idéaux d’engagement.

Quel rapport entretiennent-elles à l’école ? Est-ce que la forme scolaire (David, 2021) contribue à limiter leurs ambitions scolaires et professionnelles ? Le rôle des enseignants et autres personnels éducatifs dans l’orientation est documenté : limitation de l’orientation vers les filières scientifiques (Mosconi, 2003, 2022), faire « payer » la transgression pour les jeunes filles en filières professionnelles à socialisation masculine dominante (Thomas, 2013). Ce constat est-il irréversible ? Les prémices d’un mouvement de la place des filles dans l’école, dans les territoires que nous investirons, à travers les choix, les rêves qu’elles portent, pourraient-ils en modifier les effets éducatifs et formatifs sur l’ensemble des sociétés concernées ?

Amsellem-Mainguy, Y. (2021). Les filles du coin: Vivre et grandir en milieu rural. Presses de Sciences Po.

https://doi.org/10.3917/scpo.amsal.2021.01 (https://doi.org/10.3917/scpo.amsal.2021.01)

Bessaoud-Alonso, P. (2024) Pluralité des adolescences : Enquêter en contextes divers, Champ social. (Sous presse)

David, P. (2021) Pratiques d’enseignement en formation professionnelle initiale : entre forme scolaire et socialisation professionnelle, Éducation et sociétés, n° 46.

Depoilly, S. (2022) Soumises, les filles en bac pro ?. Cahiers du Genre, 73, 209-232. https://doi.org/10.3917/cdge.073.0209

(https://doi.org/10.3917/cdge.073.0209)

Colombe, R. Tissot, P. Gavarini, L. (2021) Ces adolescents qui médusent : Comment accueillir ce qu’ils nous adressent ?

Hugrée, C. Poullaec, T. (2022) L’université qui vient. Un nouveau régime de sélection scolaire. Raisons d’agir.

Mosconi, N. (2022) Pour une mixité plus égalitaire, Quelle égalité pour l’école ?, Paris : L’Harmattan.

Mosconi, N. (2003) Rapport au savoir et division socio-sexuée des savoirs à l’école, La lettre de l’enfance et de l’adolescence, n°51.

Objectifs du projet

Objectifs de formation : le master DEF a un ancrage fort sur la question des enjeux éducatifs en espaces francophones dont la visée est de renforcer les partenariats en espaces et territoires francophones. Ce projet permettra des mobilités entrantes et sortantes d’étudiant.es et d’enseignant.es d’universités partenaires et d’ouvrir des accès à des terrains de recherche auprès de partenaires associatifs et institutionnels dans les territoires sélectionnés.

Objectifs de recherche : Il s’agira de saisir comment les filles des milieux populaires urbains et ruraux en Belgique, France, Espagne, Algérie rêvent leur vie. Pour le dire autrement, comment se projettent-elles dans leur vie d’adulte, comment comptent-elles subvenir à leurs besoins ? Depuis les travaux de Baudelot et Establet l’évolution de l’instruction et de la scolarisation des filles au XXe siècle apparait comme une « révolution silencieuse ». Cependant, l’effacement de la distinction des sexes au sein des formations, la reconnaissance professionnelle des femmes, sont, dans certains secteurs une réalité à atteindre ici comme ailleurs. Dans un monde turbulent et incertain, et tandis que sont à la fois identifiés des mouvements de politisation et d’agir féministes des jeunes filles, et des effets de repli ou de conformité aux assignations, comment penser l’activité de projection de ces adolescentes, leurs activités d’« utopisation » du monde ou de résignation ?

Qui sont-elles, ces jeunes filles dans ces contextes donnés ? Vivre en milieu urbain ou rural démêle-t-il, en partie, les fils visibles et invisibles de la place des filles ? Quelle serait la promesse éducative et sociale pour ces jeunes filles ? Comment construisent-elles leurs rêves et leurs désirs ?

A terme, ce premier projet à dimension exploratoire, qui s’appuie sur la réalisation d’entretiens non directif et d’observations, vise à soutenir le dépôt d’un projet international regroupant les différentes universités impliquées dans ce projet (type PRCI). A l’issue de ce programme, pour formaliser la rencontre entre les différents partenaires, nous envisageons la mise en œuvre d’une journée d’études internationale à Limoges et la publication d’un numéro thématique dans une revue francophone internationale.

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
39E rue Camille-Guérin
87036 LIMOGES Cedex
Tél. +33 (5) 05 55 43 56 00
université ouverte 
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