Accueil d’une délégation coréenne
Accueil d’une délégation coréenne
La Chaire d’excellence « Gestion du conflit et de l’après-conflit » a eu l’honneur et le plaisir de recevoir la visite d’une délégation coréenne dans ses locaux le 27 novembre 2014.
Les membres de cette délégation sont des élus et employés de la mairie de la ville de Hwaseong dans la province du Gyeonggi en Corée du Sud, ville de 540 00 habitants située à 80 kilomètres de Séoul. M. Jeong Seung-ho est le Directeur de la Culture et du Tourisme au département Culture et Tourisme de la ville, Mme Cha Woo-sin est en charge du planning des Relations publiques au bureau des Affaires publiques de la ville, M. Kim Woo-jin est en charge de l’Autonomie locale et de la Coopération dans le département Assistance Autonomie Locale de la ville, et M. Lee Jae-il est en charge des Propriétés culturelles dans le département Culture et Tourisme de la ville. La délégation était accompagnée de M. Kim Myung-Yul, président de l’association Culture en Dialogue Corée/France qui assurait la traduction.
Dans le cadre de l’axe Gestion mémorielle du conflit, la Corée du Sud fait immédiatement penser au Musée de la guerre et des droits des femmes, construit à la mémoire des « femmes de réconfort », qui furent contraintes de se prostituer pour l’armée et la marine impériales japonaises durant la Seconde Guerre mondiale, à partir des années 1930 et jusqu’à la défaite du Japon en 1945. Implanté à Séoul dans un bâtiment à l’architecture moderne mais modeste en 2012, ce musée a vocation à « guérir plutôt qu’exposer les plaies ».
Toutefois, ces atrocités ne sont pas les seules qui ont été perpétrées au cours des conflits impliquant le Japon et la Corée.
En 1919, la Corée est sous domination coloniale japonaise ; elle connaît alors un soulèvement de la population dans la région de Séoul, et en l’espace d’un mois, la révolte se propage dans la région de la ville de Hwaseong. Au printemps 1919, les citoyens du village de Jeam-ri à Hwaseong ont participé au Mouvement de l’Indépendance dans le but de reconquérir leur souveraineté abandonnée aux forces japonaises.
La police et l’armée japonaises ont alors commis des atrocités durant toute cette période, et plus particulièrement le 15 avril 1919. Tout d’abord, les hommes adultes du village qui participaient à la manifestation ont été rassemblés dans l’église de Jeam-ri sous un faux prétexte. Les soldats, sous le commandement du Lieutenant Arita, ont d’abord ouvert le feu sur les personnes situées dans l’église, tirant à travers les fenêtres. Ils ont ensuite lancé de l’huile sur l’église avant d’y mettre le feu. Les maisons situées aux abords de l’église ont également pris feu, et les militaires et policiers ont incendié d’autres habitations. Au total, une trentaine de maisons de Jeam-ri ont été détruites. Ceux qui ont tenté de s’échapper de l’église ont été exécutés. Des femmes ont également été tuées dans la rue alors qu’elles courraient vers l’église. On ne connaît pas le nombre exact de victimes tuées à l’extérieur de l’église. Les militaires et policiers ont continué de semer la terreur, et six autres personnes ont été abattues dans le village voisin de Koju-ri par la suite.
Les cadavres ont été transportés sur des brancards puis enterrés au cimetière public de Doiri, à environ 4 kilomètres du lieu du désastre.
La reconstitution des étapes de ce massacre indique qu’il s’est déroulé selon un plan minutieux qui ne doit rien au hasard : envoi d’éclaireurs pour intercepter l’éventuelle retraite des villageois de Jeam-ri, utilisation d’une liste des meneurs des villageois, identification et exécution des meneurs mais aussi d’autres habitants du village.
Deux rescapés du massacre ont pu apporter leur témoignage, et en septembre 1982, durant huit jours, des recherches archéologiques ont été menées afin de retrouver les cadavres des victimes. Les restes des vingt-trois martyrs de l’église ont été enterrés tous ensemble, leur tombe constituant un monument dans un vaste ensemble mémoriel portant le nom de Centre de la mémoire de Jeam-ri.
Ce Centre de la mémoire, ouvert en 2001, a été créé dans le but de rendre hommage au Mouvement d’Indépendance du 1er mars à Hwaseong, ainsi qu’aux victimes. Il est constitué de plusieurs monuments, de galeries d’exposition et de l’église, qui a été reconstruite en 1970 grâce à des fonds provenant en partie d’associations japonaises. Cette église a une architecture très moderne ; elle épouse la forme des chiffres coréens 1 et 3, évoquant la date du 1er mars, jour de la naissance du Mouvement d’Indépendance.
Les halls d’exposition abritent deux salles. La première comprend dix panneaux insistant sur le contexte du massacre de Jeam-ri, sur le massacre lui-même à partir des témoignages des rescapés. La seconde salle est consacrée au Mouvement du 1er mars dans la province de Gyeonggi et dans l’ensemble du pays ; huit thèmes y sont abordés, en particulier les exactions du Japon et du gouvernement d’intérim entre 1910 et 1920, dans un ordre chronologique. Le Centre de la mémoire dispose en outre d’une salle vidéo, dans laquelle est projeté un film de 17 minutes sur le massacre de Jeam-ri, fondé sur le témoignage des victimes rescapées.
Un centre pédagogique incite à un travail permanent de mémoire au sein des établissements d’enseignement.
En plus des différents bâtiments évoqués précédemment, une Tour de la mémoire a été érigée en 1959, puis reconstruite en 1983 car jugée trop modeste. Elle rend hommage aux vingt-neuf martyrs de la région (les vingt-trois victimes de l’église ainsi que six personnes tuées dans le village voisin de Koju-ri).
Le Centre de la mémoire de Jeam-ri accueille de nombreux visiteurs et notamment japonais. En 2019, à l’occasion du centenaire du drame, un réexamen scientifique des évènements aura lieu.
La Chaire d’excellence « Gestion du conflit et de l’après-conflit » s’est engagée à faire connaître et à diffuser l’histoire de ce village martyr, à aider au programme de réexamen scientifique et, dans le cadre de ses programmes de recherche, d’inclure ces exactions en Corée dans les études menées sur les crimes de guerre en Asie.
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