Conférence Les chefs d’Etat sont-ils intouchables ?
Conférence
Les chefs d’Etat sont-ils intouchables ?
Cette conférence a été organisée par la Chaire d’excellence Gestion du conflit et de l’après-conflit (Fondation de l’Université de Limoges) et l’OMIJ (Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques), en partenariat avec le Trinôme académique du Limousin dans le cadre du programme de recherche sur l’immunité. Elle s’est tenue le jeudi 22 janvier 2015 à 18h dans l’amphi 250 de la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges et a accueilli près d’une centaine de personnes.
Elle a permis d’apporter un éclairage neuf sur cette question controversée de l’immunité des chefs d’Etat devant les juridictions pénales internationales.
L’auteur de la conférence, Rémy Prouvèze, est maître de conférences en droit public à l’Université de Franche-Comté. Il a soutenu une thèse sur L’immunité de juridiction pénale des autorités étatiques en droit international sous la direction du professeur Ahmed Mahiou.
Texte intégral de la conférence
Les chefs d’Etat sont-ils intouchables ? par Rémy Prouvèze
Premiers représentants du principal sujet de droit international, les chefs d’Etat bénéficient d’un statut particulier en droit international. Classiquement, ils se voient ainsi reconnaître notamment une immunité de juridiction pénale qui les « protègent » de poursuites devant une juridiction étrangère. C’est principalement sur cette question que portera cette conférence.
La question de l’immunité (notamment de juridiction pénale) est donc classique en droit international et pourrait, dès lors, connaître une réponse bien établie et ancrée. Ceci n’est vrai qu’en partie et l’actualité judiciaire internationale a fait apparaître de nombreux questionnements prenant appui sur l’évolution du droit international et surtout du droit international pénal. L’affaire Pinochet en 1998-1999 a ainsi relancé le débat sur l’étendue et les limites de cette immunité, notamment au regard des crimes internationaux les plus graves que les chefs d’Etat peuvent commettre ou auxquels ils peuvent participer. A sa suite[1], un nombre conséquent de procédures à caractère pénal ont été engagées à l’encontre de chefs d’Etat (en exercice ou non)[2], y compris devant la toute jeune Cour pénale internationale[3], sans pour autant qu’elles aboutissent toutes et sans compter celles envisagées ou souhaitées, y compris récemment[4].
Si les développements du droit international pénal ont conduit à des progrès considérables dans la lutte contre l’impunité, la pratique démontre cependant des réticences et des obstacles (juridiques ou non) persistants dans la répression des crimes les plus graves, particulièrement lorsque le premier personnage de l’Etat est concerné et impliqué. Ces difficultés se retrouvent tant devant les juridictions nationales étrangères que devant de la justice internationale pénale, la Cour pénale internationale étant elle-même confronté à certaines limites juridiques et matérielles qui nourrissent également cette interrogation : malgré leur éventuelle implication dans des crimes considérés comme les plus répréhensibles par le droit international, les chefs d’Etats sont-ils (encore aujourd’hui) intouchables ?
La question se pose notamment en raison du « potentiel criminel » important de ces premiers représentants de l’Etat. Les chefs d’État sont en effet susceptibles de jouer un rôle de premier plan dans la commission de crimes internationaux. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des crimes les plus graves – ce que l’on appelle communément le noyau dur des crimes internationaux ou core crimes – pour lesquels leur place dans la hiérarchie civile et militaire et l’appareil d’Etat à leur disposition s’avèrent déterminants[5]. Il en va ainsi dans le cas du crime d’agression[6] qui, pour certains, « [p]ar définition, […] ne peu[t] être que le fait des gouvernants, puisqu’il s’agit d’actes accomplis dans la conduite des relations internationales publiques« [7]. C’est également le cas pour le crime de génocide pour lequel, qu’il s’agisse de la conception ou de la réalisation de tels actes, et même de l’incitation directe et publique, de l’aide ou de l’encouragement à les commettre[8], les fonctions des plus hauts représentants étatiques apparaissent comme un facteur à tout le moins facilitant[9] dans la mesure où elles permettent une utilisation dévoyée de l’appareil étatique et de ses moyens. Il en ira de même pour les crimes contre l’humanité[10] et les crimes de guerre[11].
La nécessité de juger les auteurs de crimes internationaux prend donc un tour particulier lorsque sont en cause des chefs d’Etat : « En châtiant les chefs d’État et les autorités souveraines qui permettent de commettre ou laissent commettre des infractions aux lois internationales, et aussi ceux qui les exécutent, on ne donne pas seulement satisfaction à l’idée de justice, on prend la mesure la plus propre pour que des faits de cette nature ne puissent se renouveler. La crainte du châtiment est le commencement de la sagesse. Cet aphorisme populaire est la vérité même« [12]. Cette nécessité, qui peut apparaître comme impérieuse au regard de la nature et de l’ampleur des crimes commis, peine cependant à s’imposer dans la pratique.
Ainsi, alors que « […] l’implication des autorités publiques dans les atteintes massives au droit humanitaire qui […] ont caractérisés […] [les conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda] ont entraîné le recours à une répression pénale internationale des crimes commis« [13] – une logique similaire ayant conduit à la mise en place de la CPI –, on constate que de nombreux obstacles se dressent lorsque des poursuites sont engagées contre des chefs d’Etat qui auraient commis un crime international. Les obstacles juridiques s’ajoutent ici à la question récurrente de l’opportunité politique des poursuites à l’encontre d’un chef d’Etat par une juridiction étrangère, voire supranationale, en lien avec la question de la pertinence de ce type de poursuites au regard de la paix et de la sécurité internationales[14].
D’un point de vue plus juridique, les difficultés s’avèrent ici classiques et pratiquement rédhibitoires dans le cadre interétatique – à tel point que pendant très longtemps quasiment aucune procédure à caractère pénal n’a été engagée à l’encontre de ces agents étatiques[15] – pour des raisons parfois juridiques, souvent diplomatico-politiques, même si quelques tentatives émergent ici ou là.
Les « freins » juridiques les plus souvent avancés dans le cadre purement interétatique sont le défaut de compétence juridictionnelle[16] et surtout l’immunité du chef d’Etat[17]. Or, si cette dernière notion, pourtant classique en droit international, conserve des zones d’ombre dans son milieu naturel, à savoir devant une juridiction interne étrangère, elle suscite des interrogations tout aussi importantes lorsqu’elle est invoquée en dehors de son champ d’application premier – les relations interétatiques – devant une juridiction internationale pénale et, notamment, devant la CPI. Malgré des dispositions consacrées expressément à l’immunité dans le statut de cette dernière, des questions demeurent à ce sujet, participant de l’ombre politique qui plane sur les prétoires de La Haye[18].
Il conviendra dès lors d’envisager l’immunité de juridiction pénale des chefs d’Etat devant les juridictions nationales étrangères (I), avant de se pencher sur le sort de cette immunité devant les juridictions internationales et notamment la CPI (II).
I – L’IMMUNITE DE JURIDICTION PENALE DES CHEFS D’ETAT DEVANT LES JURIDICTIONS NATIONALES ETRANGERES
L’immunité de juridiction pénale et, plus largement, les immunités en droit international représentent un sujet difficile. Le droit international des immunités est en effet un droit complexe car il est composé de nombreuses règles qui s’appliquent à des situations diverses et dont l’analyse révèle un certain nombre de questions parmi lesquelles on trouve celles relatives à la nature juridique de l’immunité, à son fondement, à sa teneur précise et à d’éventuelles exceptions.
La nature juridique de l’immunité
En droit international, l’immunité peut être définie comme une exemption dont bénéficient des personnes ou entités (Etats, Chefs d’Etats, agents diplomatiques, fonctionnaires consulaires, organisations internationales et leurs agents, forces militaires étrangères…) et qui les fait échapper à des procédures ou à des obligations relevant du droit commun. A ce titre, et en tenant compte de la multitude et de la diversité des régimes en la matière, l’immunité apparaît comme une exception à la souveraineté territoriale d’un État et à sa liberté juridictionnelle[19], même si on a pu y voir un principe du fait de l’importance de cette institution reconnue et bien ancrée dans l’ordre juridique international[20].
L’immunité de juridiction est une exception de procédure qu’un État (l’État lui-même mais aussi ses organes de gouvernement, ses représentants et ses démembrements ou subdivisions politiques comme le prévoit la Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens du 2 décembre 2004) ou une organisation internationale peut opposer à la juridiction de tribunaux étrangers. C’est en effet la juridiction du tribunal saisi, c’est-à-dire son pouvoir de juger, et non sa compétence qui est ici en cause[21], la question de l’immunité précédant ainsi, en principe, celle de la compétence.
L’immunité de juridiction pénale est donc un obstacle procédural qui empêche le juge saisi de se prononcer sur la demande qui lui est faite. Plus précisément, en droit processuel français, l’invocation de l’immunité de juridiction pénale d’un chef d’Etat prendra la forme d’une fin de non recevoir (sui generis) d’ordre public, qui devrait être soulevée d’office par le juge même si le défendeur n’est pas présent à l’instance (en principe du moins, au vu des intérêts en jeu et de l’article 6 § 1 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats de 2004).
Le fondement des immunités
La détermination du fondement des immunités représente une autre illustration de la complexité de la question. En effet, plusieurs théories ont tenté d’apporter une base juridique aux immunités, mais, vu la diversité des situations, il est difficile de trouver un fondement commun à l’ensemble des immunités reconnues en droit international.
La souveraineté des États est présentée classiquement comme le fondement des immunités de ces sujets de droit international (ce qu’exprime la formule latine « par in parem non habet imperium »). Pour les agents de ces sujets du droit international, et notamment les plus haut placés comme les chefs d’Etat, plusieurs fondements ont pu être avancés, pour expliquer, justifier l’immunité de juridiction pénale. On trouve ainsi des fondements juridiques comme la transposition ou l’extension de l’adage « par in parem non habet imperium » aux chefs d’Etat (ce qui renvoie à la souveraineté de l’Etat qu’ils représentent, incarnent, personnifient…) ou l’exterritorialité (qui postulait que l’agent étatique était réputé ne pas avoir quitté son territoire national). On trouve également des fondements para ou extra-juridiques, comme la dignité du souverain, la courtoisie internationale, ou l’intérêt de la fonction.
Si la souveraineté demeure une partie importante du fondement des immunités des autorités étatiques au premier rang desquelles le chef de l’Etat (puisqu’il est le premier représentant de l’Etat, voire son incarnation), la tendance actuelle consiste néanmoins à voir dans l’intérêt de la fonction qui justifie l’immunité reconnue aux chefs d’Etat le fondement principal des immunités[22]. L’exemption de juridiction criminelle dont bénéficient les plus hauts représentants de l’État reposerait plutôt, en effet, sur un faisceau ou une combinaison de plusieurs facteurs : généralement sur l’adage « par in parem non habet imperium » (en raison du caractère sacré qu’on a pu lui reconnaître), sur les principes de souveraineté et d’indépendance (du fait de son rôle de représentation et de sa « personnification » de l’entité étatique), parfois, sur la notion de courtoisie, mais également (et selon une tendance croissante en droit des immunités chez une large part de la doctrine et de la pratique) sur des nécessités fonctionnelles.
Quelle immunité de juridiction pénale pour les chefs d’Etat ?
L’immunité des plus hautes autorités de l’État est peut-être le problème le plus compliqué que connaît le droit international dans cette matière. En l’absence de traité général sur la question, ces immunités relèvent essentiellement du droit coutumier et ont été « ravivées » par l’actualité judiciaire et notamment l’affaire Pinochet au cours de l’année 1999.
On relèvera que la question des immunités, notamment juridictionnelles, de ces agents étatiques est compliquée par l’existence d’une double immunité pour certains d’entre eux, dont les chefs d’État[23]. Les chefs d’Etat se voient ainsi reconnaître par le droit international :
- en tant qu’agents de l’État, une immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions (immunité ratione materiae) ;
- et, à titre plus personnel, une immunité de fonction (immunité ratione personae) aussi longtemps que ces agents étatiques exercent les fonctions qui nécessitent cette « protection ».
Les chefs d’État se voient ainsi reconnaître une inviolabilité et une immunité de juridiction pénale totales tant qu’ils sont en fonction (immunité ratione personae) et limitées aux actes pris dans l’exercice de leurs fonctions une fois qu’ils ont quitté celles-ci (immunité ratione materiae). L’immunité ratione personae couvre tant les actes officiels que privés, qu’ils aient été commis avant ou pendant la période d’exercice des fonctions.
Il conviendra de rappeler ici que les chefs d’Etat bénéficient de cette immunité quelle que soit leur désignation par le droit interne de leur Etat[24] ou les conditions dans lesquelles ils ont accédé au pouvoir. Les seuls critères pertinents ici semblent être l’effectivité du pouvoir exercé et la reconnaissance : du moment où celui censé être le titulaire du pouvoir exerce une autorité effective dans son pays et bénéficie d’une certaine reconnaissance, il est considéré comme chef d’État et se voit reconnaître le bénéfice de l’immunité de juridiction pénale[25].
La question des exceptions à ces immunités : le cas des crimes internationaux
Les développements du droit international pénal et les progrès de la lutte contre l’impunité ont posé la question de la possible ou éventuelle existence d’exceptions à l’immunité des agents étatiques. Cette question se pose essentiellement à l’égard des juridictions internes et a été soulevée en 1999 par l’affaire Pinochet : la Chambre des Lords britannique a affirmé, à cette occasion, qu’un ancien chef d’État ne bénéficiait pas d’une immunité de juridiction pénale pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions lorsque ces actes sont constitutifs de crimes internationaux et notamment de torture[26].
La jurisprudence qui a fait suite à cette décision s’est cependant montrée aléatoire et parfois est revenue à une position plus classique et favorable aux agents étatiques. Tel est le cas de la décision rendue par la CIJ dans l’affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (ou affaire Yerodia, du nom du ministre des Affaires étrangères congolais qui faisait l’objet dudit mandat) qui ne reconnait aucune exception coutumière à l’immunité (totale) du ministre des affaires étrangères en exercice[27], ce qui logiquement est aussi valable (a fortiori) pour le premier représentant de l’Etat, c’est-à-dire le chef de l’Etat.
La CIJ a néanmoins reconnu certaines « limites » à cette immunité de juridiction pénale « totale ». Une de ces limites réside dans le fait que cette immunité n’est pas « éternelle » : elle cesse avec la fin des fonctions. Ne subsiste alors que l’immunité ratione materiae. Par ailleurs, cette immunité s’avère relative car elle peut être écartée, mais seulement lorsque cela résulte de résolutions obligatoires du Conseil de sécurité (ce qui est le cas des TPI) ou de dispositions conventionnelles en ce sens (ce qui est le cas de la CPI)[28].
La Cour de cassation française avait exprimé en 2001 une position similaire dans une procédure concernant le Colonel Kadhafi, chef d’État libyen alors en exercice, en reconnaissant la possibilité d’exceptions uniquement conventionnelles à l’immunité[29]. Cette décision s’avérait cependant plus ouverte que celle de la CIJ dans la mesure où la juridiction française laissait entendre qu’une (ou plusieurs) exception conventionnelle à l’immunité de juridiction pénale d’une autorité étatique en exercice était envisageable, la décision de la Cour dans l’affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000 exclut une telle possibilité tant que le dirigeant étranger est en fonction, peu importe quand, dans quelles circonstances et quels actes se sont produits.
Plus récemment, on peut relever, dans un sens encore plus rétrograde, qu’une juridiction américaine a considéré que l’immunité d’un ancien chef d’État (en l’occurrence l’ancien Président chinois Jiang Zemin) était aussi étendue que celle d’un chef d’État en exercice[30].
Il est donc difficile d’en tirer la conclusion qu’il existe une norme générale coutumière consacrant une exception à l’immunité des agents étatiques en cas de crimes internationaux. Tout au plus reconnaît-on des exceptions conventionnelles.
On constatera plutôt une tendance jurisprudentielle qui essaie de traduire en droit positif une interprétation logique – mais qui demeure pour le moment théorique – selon laquelle la nature impérative des normes interdisant les crimes internationaux devrait emporter la reconnaissance d’exceptions à l’immunité des agents de l’État.
Règle d’exception qui déploie ses effets dans les rapports interétatiques comme le reconnaissent certaines institutions internationales[31], les jurisprudences interne[32] et internationale[33], l’immunité de juridiction pénale des chefs d’Etat soulève également un certain nombre d’interrogations lorsqu’elle est évoquée en dehors de son champ d’application naturel, devant des juridictions internationales pénales et plus particulièrement la CPI.
II – LA QUESTION DE L’IMMUNITE DES CHEFS D’ETAT devant les juridictions internationales pénales : UNE INOPPOSABILITE A GEOMETRIE VARIABLE
Devant les juridictions internationales pénales, l’immunité est apparemment écartée par les statuts de celles-ci – à l’appui de cette affirmation sont souvent mentionnés les exemples de l’article 7 de la Charte du tribunal de Nuremberg ; l’article IV de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; l’article 7 § 2 du statut du TPIY ; l’article 6 § 2 du Statut du TPIR ; l’article 6 § 2 du Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone ; et l’article 27 du Statut de la CPI – même si, pour certains auteurs, il faut plus y voir un effet de la nature internationale – et parfois supra-étatique – de ces juridictions.
Ces dispositions de ces statuts ont en effet pu être présentées comme autant d’exceptions ou dérogations à la règle immunitaire, ce qui ne va pas sans confusions. Faisant fi de la nature procédurale de l’immunité de juridiction pénale des chefs d’Etat et au prix d’une assimilation parfois abusive de la qualité officielle de la personne poursuivie à l’immunité qui peut en découler, ces dispositions semblent en réalité s’intéresser plus à la responsabilité pénale individuelle qu’au droit des immunités.
L’inopposabilité de l’immunité devant les juridictions internationales pénales est par ailleurs confirmée, d’une part, par la jurisprudence de la CIJ[34] et, d’autre part, par la pratique : on constate ainsi que Slobodan Milosevic, alors Président en exercice de la République fédérale de Yougoslavie, a été inculpé par le TPIY en 1999 ; que Charles Taylor, ancien président du Libéria, a été jugé et condamné par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone en 2012 ; que les présidents soudanais Al-Bachir et kenyan Kenyatta sont actuellement sous le coup de mandats d’arrêt internationaux émis par la CPI qui, par ailleurs, devrait voir s’ouvrir prochainement le procès de Laurent Gbagbo, ancien président de la Côte d’ivoire.
Ces dernières poursuites devant la CPI s’appuient sur le statut de celle-ci et des dispositions qui « excluent » l’immunité des chefs d’Etat et sur lesquelles il convient de revenir.
L’immunité des chefs d’Etat face au Statut de la CPI
L’article qui nous intéresse principalement ici est l’article 27 et notamment son § 2[35] qui vise « [l]es immunités ou règles de procédures spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne en vertu du droit interne ou du droit international […] ». L’immunité apparaît ici bien comprise en tant qu’exception d’ordre procédural empêchant la poursuite au pénal de certaines autorités en raison de leur qualité officielle. Cette immunité n’en est pas pour autant opposable dans la mesure où le Statut précise que ces règles « […] n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne ». Cette disposition peut donc être lue comme excluant l’applicabilité de ce corps de règle devant la Cour[36], les rédacteurs du Statut de Rome ayant certainement entendu formaliser l’inopposabilité de la notion devant cette juridiction internationale pénale.
Il convient cependant de nuancer cette inopposabilité. En effet, selon l’article 98 § 1 du Statut de Rome, « [l]a Cour ne peut présenter une demande d’assistance qui contraindrait l’État requis d’agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d’immunités des États ou d’immunité diplomatique d’une personne ou de biens d’un État tiers, à moins d’obtenir au préalable la coopération de cet État en vue de la levée de l’immunité ».
La nature conventionnelle de l’instrument, suivant le principe classique de l’effet relatif des traités, en limite logiquement le champ d’action. La référence aux États tiers dans la disposition précitée en atteste. Les États parties au Statut de Rome se doivent, par conséquent, de respecter les obligations découlant du Statut de la CPI, mais également leurs autres obligations internationales, dont celles découlant du droit des immunités.
Le problème se posera justement à ce niveau, dans leurs rapports avec les États non parties. Ces derniers et leurs agents continuent de bénéficier du droit des immunités qui est donc dans un sens opposable à la CPI dans la mesure où celle-ci devra en tenir indirectement compte concernant des États ou des personnes ne relevant pas de sa juridiction[37], la nécessaire conciliation des différentes obligations pouvant avoir des répercussions négatives, ou du moins limitatives, sur les activités de la Cour.
Cette analyse vient nuancer – ou compléter – certaines argumentations développées pour justifier l’inopposabilité de l’immunité de juridiction pénale devant une juridiction internationale pénale. Les quelques décisions en la matière se fondaient principalement sur la nature du crime poursuivi[38] ou, simplement, sur la nature de la juridiction saisie[39]. L’immunité joue en effet dans les rapports interétatiques, des rapports d’une nature horizontale[40], et non dans un rapport plus vertical, entre une communauté et un de ses membres. Les juridictions internationales pénales peuvent être ainsi vues comme transcendant les rapports interétatiques[41] : il ne s’agit plus dès lors d’un jugement par des paires (en référence au fondement classiquement retenu pour l’immunité qu’exprimerait l’adage latin par in parem non habet imperium[42]), mais par une juridiction supra nationale qui dispose d’un imperium différent de celui des juridictions nationales[43] et qui, de par son impartialité et indépendance à l’égard des Etats, ne peut se voir opposer une immunité[44].
Cette affirmation qui voit l’indépendance et l’impartialité du juge comme cause de l’inopposabilité de l’immunité peut prendre appui sur l’exemple de l’arbitrage international[45], mais reste à relativiser dans la mesure où ce sont les Etats qui, par un biais ou un autre, créent ces juridictions, ce qui peut (ou a pu) avoir quelque influence sur l’activité de tels tribunaux et sur leur indépendance et impartialité (réelles ou supposées), contribuant parfois à qualifier la justice internationale pénale de « justice de vainqueurs »[46].
Une jurisprudence imprécise et source d’interrogation
C’est principalement sur l’argument de la nature internationale de la juridiction que la CPI elle-même s’est appuyée pour rejeter l’immunité du président soudanais Al-Bashir dans deux décisions des 12 et 13 décembre 2011[47].
Le problème avec l’argumentation développée par la Chambre préliminaire dans ces deux décisions est double :
- D’une part, les juges se fondent en partie sur la confusion précédemment évoquée entre immunité et responsabilité[48] en invoquant des sources « irrelevant » alors que la référence à l’article 27 § 2 du Statut pouvait suffire dans la mesure où cette disposition s’impose aux juges de la CPI lorsque ceux-ci sont saisis[49];
- Et, d’autre part, la Cour ne définit pas ce qu’est une juridiction internationale pénale ou comment en identifier une, comme a pu le soulever le professeur Schabas[50]. Ce dernier, par ailleurs, remet en cause la pertinence de cet argument qui, s’il pouvait apparaître fondé concernant les TPIY et TPIR[51], l’est beaucoup moins dans le cadre d’une juridiction internationale pénale établie par traité, même si celle-ci tend à l’universalité avec 121 Etats parties[52]. De plus, dans ce cas, on peut se demander à quoi servirait l’article 98 du Statut de la CPI ?[53]
S’appuyant sur l’arrêt de la CIJ dans l’affaire Yerodia, le professeur Schabas suggère ainsi que l’immunité des chefs d’Etat serait inopposable seulement devant certaines juridictions internationales pénales[54] : celles mises en place par la communauté internationale dans son ensemble et non pas celles établies par traité – a fortiori lorsque ces dernières sont l’œuvre d’un nombre réduit d’Etats – qui ambitionneraient de juger les premiers représentants d’Etats non parties qui bénéficient de l’immunité en vertu d’une coutume internationale générale[55].
Une autre question peut être soulevée ici : la nature du crime poursuivi a-t-elle une quelconque influence ? Comme cela a été précédemment évoqué, la nature du crime poursuivi a été retenue par le TPIY pour fonder l’inopposabilité de l’immunité dont bénéficiait Slobodan Milosevic en tant qu’ex-chef d’Etat. On pourrait également relever, en s’appuyant sur une lecture attentive de l’arrêt Yerodia, que la CIJ précise l’inopposabilité de l’immunité devant des juridictions internationales « […] dès lors que celles-ci sont compétentes »[56]. Or, les crimes pour lesquels Omar Al Bashir est poursuivi, par exemple, relèvent précisément de la compétence ratione materiae de la CPI qui, par ailleurs, est compétente dans cette affaire en raison de la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité[57]. De plus, ces crimes, qui sont souvent vus comme les plus graves, ont pu être reconnus (plus ou moins explicitement) comme une exception à l’immunité de juridiction pénale des autorités étatiques devant des juridictions internes[58].
La combinaison de l’inopposabilité de l’immunité de juridiction devant certaines juridictions internationales compétentes et de l’exception à cette même immunité en cas de crimes internationaux pourrait expliquer la solution retenue par la Chambre préliminaire dans l’affaire Al Bashir[59]. Reste qu’il s’agit là de la conjugaison de deux principes qui demeurent contestés, ce qui empêcherait de les appliquer dans le cadre de la CPI à la poursuite du chef d’un Etat non partie au Statut de Rome au regard des règles élémentaires du droit des traités.
Le cas Al Bashir apparaît néanmoins à part ici, la Cour ayant été saisie par une résolution du Conseil de sécurité[60], « […] which means that even states that are not parties to the ICC statute must execute the Court’s orders and warrants »[61]. Le caractère contraignant de la résolution permettrait ainsi d’élargir la portée de la Convention de Rome (et de son article 27 § 2) et par conséquent le champ d’action de la Cour, permettant ainsi, in fine, de faire échec à la défense basée sur l’immunité de juridiction pénale du chef d’Etat, ainsi qu’à son inviolabilité. A notre sens, il en ira de même lorsqu’un Etat non partie au traité instituant la CPI a accepté la juridiction de celle-ci, conformément à l’article 12 § 3 du Statut de Rome, comme c’est le cas dans l’affaire Gbagbo[62].
Si l’obstacle quasi insurmontable de la remise du chef d’Etat accusé à la CPI est franchi, reste encore à déterminer sa responsabilité quant aux crimes qui lui sont reprochés. Apparaît alors, entre autre, une nouvelle zone incertaine, mouvante, dans laquelle les juges doivent s’aventurer afin de préciser l’implication de ce premier représentant étatique dans la commission des crimes à juger[63]. Or, pour cela, encore faut-il que la Cour dispose des moyens de juger ces accusés particuliers que sont les chefs d’Etat, c’est-à-dire notamment que le Procureur puisse mener les enquêtes nécessaires à étayer les accusations portées et que les accusés comparaissent devant la Cour.
Se pose alors un autre problème : celui de la difficile coopération des Etats. Celle-ci est déjà compliquée lorsque les chefs d’Etat ne sont pas impliqués par les poursuites (notamment lorsque celles-ci ne sont pas souhaitées ou demandées par l’Etat concerné). Elle est encore plus difficile lorsqu’un chef d’Etat est mis en cause.
Si le cas Gbagbo n’a pas ou peu posé de difficulté[64], les exemples des présidents soudanais et kenyan (présidents en exercice !) sont particulièrement parlant ici. Concernant le président soudanais Al-Bashir, celui-ci fait l’objet de 2 mandats d’arrêt internationaux émis en 2009 et 2010 par la CPI pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre et demeure cependant toujours « en fuite », ce qui ne l’empêche pas de se déplacer dans d’autres Etats qui ne donnent pas suite aux demandes de la CPI[65]. Dans le même sens, dans l’affaire Kenyatta, la procureure de la CPI s’est heurtée au refus de coopération du Kenya, ainsi qu’à une série d’obstacles concernant les témoins potentiels qui auraient été intimidés, les conduisant à retirer leur témoignage ou à refuser de témoigner, quand ceux-ci ne sont pas décédés[66]. Ces obstacles ont fini par « décourager » la Procureur qui a annoncé coup sur coup, à quelques jours d’intervalles, le retrait des charges retenues contre Uhuru Kenyatta[67] et la suspension des investigations dans l’affaire Al Bashir[68], faute de coopération des autorités des Etats concernés… et des Nations Unies concernant le président soudanais !
* * *
Si les procédures à l’encontre de Omar Al Bashir et Uhuru Kenyatta (voire Laurent Gbagbo) suscitent des réactions et contestations, ce n’est pas tant en raison de la qualification retenue par la Cour quant à leur degré d’implication dans la réalisation des crimes qui leur sont reprochés que du fait de l’existence même de telles poursuites. Le peu de cas atteste de cette réticence des Etats et donc des difficultés de la Cour à poursuivre ce genre d’accusés. De fait, la coopération des Etats dans la remise de tels accusés ne relève pas de l’évidence et demeure problématique.
Encore une fois, les affaires Al Bashir et Kenyatta illustrent le mieux ces difficultés, difficultés qui ne sont pas propres aux procédures menées à l’encontre de chefs d’Etat devant la CPI (ni à la CPI) mais qui revêtent un tour particulier quand il s’agit du premier (ou ancien premier) personnage de l’Etat. Classiquement, le chef de l’Etat symbolise, incarne, personnifie l’Etat[69]. Y porter atteinte, c’est porter atteinte à l’Etat, à son indépendance, à sa souveraineté[70]. D’où les réticences ou refus de certains Etats de coopérer avec la Cour qui prennent leur véritable source dans la sphère politique, voire idéologique, et non exclusivement juridique. La peur de se retrouver à la place de l’accusé recherché (surtout lorsque celui-ci est un chef d’Etat) est souvent à l’origine de l’inaction des autorités étatiques qui pourraient exécuter les décisions et demandes de la CPI[71].
Parmi d’autres, l’exemple des poursuites à l’encontre des chefs d’Etat démontre que, avec 10 ans d’existence, la CPI est encore une jeune juridiction internationale dont la croissance et l’activité demeurent entravées par un certain nombre d’obstacles dont l’ordre juridique international peine à se débarrasser… si tant est que les Etats, les sujets premiers et originels de celui-ci, le souhaitent vraiment. Tant que cela ne sera pas le cas, il y a de très fortes chances que les chefs d’Etat demeurent encore un moment intouchables.
[1] L’affaire Pinochet a eu, à ce propos, un rôle de détonateur en ce qui concerne l’ouverture de poursuites criminelles à l’encontre d’autorités étatiques en exercice ou non. Voir, par exemple, A. BORGHI, L’immunité des dirigeants politiques en droit international, Bâle, Helbing & Lichtenhahn/Bruylant/LGDJ, 2003, p. 161.
[2] On pourra citer, entre autres, les poursuites engagées en France contre le colonel Kadhafi, au Sénégal et en Belgique contre Hissène Habré et celles engagées en Belgique contre Yasser Arafat, Ariel Sharon, Tony Blair G.W. Bush, etc.
[3] L’ex-Président ivoirien Laurent Gbagbo et les présidents en exercice Al Bashir (Soudan) et Kenyatta (Kenya) font l’objet de poursuites devant la CPI. L’adhésion de la Palestine à la CPI (qui prendra effet le 1er avril 2015) est susceptible également d’entraîner un certain nombre de procédures à l’encontre d’autorités israéliennes (notamment les plus hautes), le bureau du procureur de la Cour ayant annoncé le 16 janvier 2015 avoir entamé un examen préliminaire sur « la situation » dans les territoires palestiniens, ce qui constitue la première étape formelle d’une procédure qui pourrait déboucher sur des inculpations pour crimes de guerre par exemple.
[4] Certaines voix se sont ainsi élevées récemment pour que soient poursuivis et traduit en justice Kim Jong Un, Bachar El Assad ou Vladimir Poutine par exemple.
[5] Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, Rapport de la Commission du Droit International, 1996, Doc. A/51/10, ACDI, 1996, vol. II, 2ème partie, Nations Unies, A/CN.4/SER.A/1996/Add.1 (Part 2), p. 24, § 1.
[6] « Les auteurs d’un acte d’agression ne peuvent se trouver que dans les catégories d’individus qui possèdent l’autorité ou le pouvoir requis pour être en mesure de jouer éventuellement un rôle déterminant dans la commission d’une agression » (CDI, Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, op. cit., p. 45, § 2).
[7] C. LOMBOIS, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 2nde éd., 1979, p. 109, nous soulignons.
[8] Art. III, c) de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; Art. 4 § 3, c) et 7 § 1 du Statut du TPIY et 2 § 3, c) et 6 § 1 du Statut du TPIR ; Art. 25 du Statut de la CPI.
[9] Voir N.L.C. THWAITES, « Le concept de génocide dans la jurisprudence du TPIY : avancées et ambiguïtés », RBDI, 1997, n° 2, pp. 588-590 ; J. VERHOEVEN, « ‘Le crime de génocide. Originalité et ambiguïté », RBDI, 1991, n° 1, pp. 7-8. Voir également TPIY, Ch., Radovan Karadzic et Ratko Mladic, IT-95-5-R61 et IT-95-18-R61, Examen des actes d’accusation dans le cadre de l’article 61 du règlement de procédure et de preuve, 11 juillet 1996, §§ 41 et 83-84 ; TPIY, Slobodan Milosevic, IT-02-54-T, Amended Indictment ‘Bosnia’, 21 avril 2004, §§ 5-9 et 23-26. Rafaëlle Maison estime même que, « [d]ans la mesure où le génocide est une infraction collective de type étatique, il est possible de soutenir que ses auteurs principaux sont les personnes en position d’autorité dans l’État, qui ont planifié et ordonné l’infraction […] » (R. MAISON, « Le crime de génocide dans les premiers jugements du Tribunal Pénal International pour le Rwanda », RGDIP, 1999, pp. 144-145).
[10] Voir, par exemple, TPIY, Ch., Ratko Mladic et Radovan Karadzic, IT-95-5-R61 et IT-95-18-R61, Examen des actes d’accusation …, op. cit., §§ 41 et 44-48. Voir également les actes d’accusation édictés à l’encontre de Slobodan Milosevic (IT-02-54) dans les affaires ‘Bosnie’ (21 avril 2004, §§ 33-41 et 43-45), ‘Croatie’ (28 juillet 2004, §§ 34-61, 63-70 et 73-76) et ‘Kosovo’ (29 octobre 2001, §§ 55-68). Voir aussi TPIR, Ch., Jean Kambanda, ICTR 97-23-S, Jugement portant condamnation, 4 septembre 1998, §§ 39-40.
[11] « L’histoire abonde malheureusement en cas où ce sont les autorités civiles qui se sont rendues coupables de crimes de guerre ; les autorités militaires ne sont donc pas les seules en cause […] », C. PILLOUD et al., Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 : commentaire du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, CICR, Martinus Nijhoff, 1986, article 86, p. 1034, n° 16). Voir également E. DAVID, Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 3ème éd., 2002, p. 662.
[12] FAUCHILLE cité in J. GRAVEN, « Le difficile progrès du règne de la justice et de la paix internationales par le droit. Des origines à la Société des Nations », in « Jura hominis ac civis » – René Cassin Amicorum Disciplorumque Liber, II, Paris, Pedone, 1970, p. 550.
[13] S. SUR, « Le rôle des juridictions pénales internationales. Premier bilan et réformes », conférence à Fribourg, le 15 avril 2008, pp. 2-3 (http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/JPI_-_Serge_SUR-_conference_Fribourg.pdf, consulté le 18 juillet 2012).
[14] Voir Ibid., p. 8. Ces questions ont été soulevées à propos de la (non) poursuite de l’Empereur japonais Hiro Hito (voir J.W. DOWER, Embracing the Defeat : Japan in the Wake of World War II, New York, W. N. Norton & Company, 1999, p. 326). Des craintes similaires par rapport à la paix dans les régions concernées, déjà exprimées au moment de la mise en accusation de Slobodan Milošević, ont été réitérées à propos de celle de Omar Al-Bashir (voir, par exemple A. CASSESE, « Flawed International Justice for Sudan », http://www.mediafire.com/?zyzjnofumlz, cité in W. SCHABAS, « Cassese: Flawed International Justice for Darfur », 15 juillet 2008, http://humanrightsdoctorate.blogspot.com/2008/07/cassese-flawed-international-justice.html, consulté le 16 juillet 2012).
[15] L’exil de Napoléon à Saint Hélène, par exemple, s’apparente plus à une mesure de police qu’à une sanction décidée à l’issue d’une procédure pénale : voir S. SUR, « Le rôle des juridictions pénales internationales. Premier bilan et réformes », op. cit., p. 2. Voir également E. DECAUX, « Le statut du chef d’État déchu », AFDI, 1980, pp. 105-107.
[16] Dans l’affaire Hissène Habré, les juridictions sénégalaises se sont, dans un premier temps, retranchées derrière cet argument pour ne pas donner suite à la procédure engagée par certaines victimes de l’ancien dictateur tchadien en exil. Voir Sénégal, Cour de Cassation, 1ère ch., Souleymane Guengueng et autres contre Hissène Habré, Arrêt n°14, 20 mars 2001, disponible sur http://www.hrw.org/french/themes/habre-cour_de_cass.html, consulté le 13 juillet 2012.
[17] Voir Cass. crim., Procureur général près la Cour d’appel de Paris c. Association SOS Attentats, Mlle Béatrice de Boery ep. Castelnau d’Essenault (Affaire Kadhafi), 13 mars 2001, RGDIP, 2001, n°2, p. 474 ; House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and Others Ex Parte Pinochet, 24 mars 1999, ILM, 1999, vol. 38, pp. 581-663.
[18] Voir, par exemple, la position de l’Union africaine à l’égard de la CPI et surtout des poursuites engagées contre des chefs d’Etat africains (S.A. NDIAYE, « C.P.I./UA : Une réaction politisée, des fondements juridiques incertains », Sentinelle, n° 290, 22 janvier 2012, http://www.sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2012/20120122_bull_290/bulletin_sentinelle_290.php#117, consulté le 8 juillet 2012) ou, dans la même veine, celles exprimées par le Kenya, au nom du Groupe des Etats africains, ainsi que par l’Egypte, le Rwanda et le Mozambique lors des travaux récents de la Sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la compétence universelle (AGNU, « Les délégations de la Sixième Commission soulignent l’importance de la compétence universelle dans la lutte ‘contre l’impunité des auteurs de crimes graves’ », AG/J/3415 , Communiqué du 12 octobre 2011, http://www.un.org/News/fr-press/docs/2011/AGJ3415.doc.htm, consulté le 20 juillet 2012). Voir, plus largement, S. SUR, « Le rôle des juridictions pénales internationales. Premier bilan et réformes », op. cit., pp. 9-10.
[19] Voir CPJI, Affaire du « Lotus », arrêt du 7 septembre 1927, Série A, n°10, p. 19 : « [t]out ce qu’on peut demander à un État, c’est de ne pas dépasser les limites que le droit international trace à sa compétence ; en deçà de ces limites le titre à la juridiction qu’il exerce se trouve dans la souveraineté ». Voir également CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, opinion séparée du juge Guillaume, Rec. CIJ, 1996, I, p. 291, § 9. Pour la doctrine, voir, entre autres, H. KELSEN, « Théorie du droit international public », RCADI, 1953, III, vol. 84, p. 121 ; J.A. CARRILLO-SALCEDO, « Droit international et souveraineté des États. Cours général de droit international public », RCADI, 1996, vol. 257, p. 44.
[20] Voir TPIY, Ch. d’appel, Tihomir Blaskic, IT-95-14-AR 108 bis, Arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre 1997, § 38, http://www.icty.org/x/cases/blaskic/acdec/fr/71029JT3.html.
[21] M. COSNARD, La soumission des États aux tribunaux internes. Face à la théorie des immunités des États, Pedone, Paris, 1996, p. 33. Voir également Cass. civ., General National Maritime Transport Company c. Marseille-Frêt, 4 février 1986, RCDIP, 1986, p. 719 ; Cass. civ., Cons. Duvalier et autres c. État haïtien et autres, 29 mai 1990, RCDIP, 1991, p. 386.
[22] Voir Institut de Droit International (IDI), Résolution sur les immunités de juridiction et d’exécution des chefs d’État et de gouvernement en droit international, Vancouver, 26 août 2001, Préambule, § 3, http://www.idi-iil.org/idiF/resolutionsF/2001_van_02_fr.PDF.
[23] Cette double immunité est également reconnue pour les chefs de gouvernement, ainsi que les ministres des affaires étrangères.
[24] Les principes d’autonomie constitutionnelle des Etats et de non ingérence permettent aux Etats de s’organiser comme ils l’entendent, selon la forme, le régime politique qu’ils déterminent… et avec les autorités de leur choix pour exercer le pouvoir.
[25] Comme le rappelle le Professeur Ascensio, « [l]e fait qu’un chef d’État ait été reconnu ou pas par le gouvernement de l’État du for est apparu comme un élément déterminant dans plusieurs affaires américaines (…) » (H. ASCENSIO, « Retour sur l’immunité internationale des chefs d’État », RPDP, n°1, mars 2004, p. 129). Les affaires Aristide et Noriega ont démontré la tendance américaine à se focaliser sur la reconnaissance officielle par l’Exécutif au détriment de la réalité du pouvoir, notamment en présence d’une concurrence de chefs d’État. Afin de ne pas ignorer la réalité matérielle, l’effectivité et la reconnaissance de facto retenues par Lord Slynn of Hadley dans l’affaire Pinochet apparaissent comme « (…) la moins mauvaise des solutions – en tout cas la plus réaliste – (…) » (M. COSNARD, « Quelques observations sur les décisions de la Chambre des Lords du 25 novembre 1998 et du 24 mars 1999 dans l’affaire Pinochet », RGDIP, 1999, p. 314.).
[26] House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and Others Ex Parte Pinochet, op. cit., pp. 581-663.
[27] CIJ, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit., § 58.
[28] Ibid., §§ 60-61. La Cour mentionne également que cette immunité ne jouera pas si le dirigeant étatique est poursuivi devant une juridiction interne de son propre Etat ou devant certaines juridictions internationales compétentes, ou si l’Etat y renonce.
[29] Cass. crim., Affaire Kadhafi, op. cit., p. 474.
[30] Cour d’appel, 7ème circuit, 8 septembre 2004, AJIL, 2003, pp. 974-977.
[31] CDI, Projet sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, ACDI, 1991, vol. II, 2ème partie, art. 5 et 6 et leurs commentaires, pp. 23-24 ; AGNU, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, Résolution 59/38, 2 décembre 2004, art. 5 et 6. Voir également IDI, Les immunités de juridiction et d’exécution du chef d’État et de gouvernement en droit international, 24 août 2001, art. 2 et 11 § 3.
[32] Par exemple, dans l’arrêt Lafontant c. Aristide (États-Unis, District Court, EDNY, Gladys M. Lafontant v. Jean-Baptiste Aristide, 27 janvier 1994, ILR, 1996, vol. 103, p. 585), l’objectif de l’immunité des chefs d’État est ainsi défini : « Heads of state must be able to freely perform their duties at home and abroad without the threat of civil and criminal liability in a foreign legal system » (nous soulignons).
[33] « Cette règle s’applique indubitablement aux relations des États entre eux », les juridictions et organisations internationales ne faisant qu’en « tenir compte »… (TPIY, Tihomir Blaskic, IT-95-14-AR 108 bis, Arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre 1997, § 41).
[34] CIJ, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit., § 61.
[35] L’immunité n’est pas envisagée par le § 1 selon lequel « […] la qualité officielle de chef d’État […] n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine » et qui vise à préciser le champ d’application ratione personae du Statut de la Cour en retenant une application égale, peu importe la qualité officielle de la personne soumise à la juridiction de la Cour.
[36] M. COSNARD, « Les immunités du chef d’État », in SFDI, Le chef d’État et le droit international. Colloque de Clermont (juin 2001), Paris, Pedone, 2002, p. 201.
[37] Voir en ce sens P. GAETA, « Official Capacity and Immunities », in A. CASSESE, P. GAETA & S.R.W.D. JONES (ed.), The Rome Statute of the International Criminal Court : a Commentary, Oxford, Oxford University Press, 2002, pp. 995-996.
[38] TPIY, Ch., Slobodan Milosevic, IT-99-37-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles, 8 novembre 2001, §§ 26-34, spéc. § 31. Voir H. ASCENSIO et R. MAISON), « L’activité des tribunaux pénaux internationaux », AFDI, 2001, p. 246. Voir aussi House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and Others Ex Parte Pinochet, 24 mars 1999, op. cit., pp. 581-663 ; et, plus implicitement, Cass. crim., Affaire Kadhafi, op. cit., p. 474.
[39] Voir par exemple Special Court for Sierra Leone, Appeals Chamber, The Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, SCSL-2003-l-AR72(E), Decision on Immunity from Jurisdiction, 31 mai 2004, §§ 51-52. Voir à ce propos la prudence de l’Institut du Droit International : « Rien dans la présente Résolution n’implique ni ne laisse entendre qu’un chef d’État jouisse d’une immunité devant un tribunal international à compétence universelle ou régionale » (IDI, Résolution sur les immunités de juridiction et d’exécution des chefs d’État et de gouvernement en droit international, op. cit., Art. 11 § 3).
[40] Voir, par exemple, D. AKANDE, « International law immunities and the International Criminal Court », AJIL 2004, vol. 98, n° 3, p. 415.
[41] H. ASCENSIO, « Retour sur l’immunité internationale des chefs d’État », op. cit., p. 133.
[42] Voir, par exemple, en doctrine : H. LAUTERPACHT, « The Problem of Jurisdictionnal immunities of Foreign States », BYBIL, 1951, p. 221 ; C. ROUSSEAU, Droit international public, Tome IV, « Les relations internationales », Paris, Sirey, 1980, p. 123 ; I. SINCLAIR, « The law of sovereign immunity : recent developments », RCADI, 1980, II, vol. 167, p. 121. En jurisprudence, voir : Etats-Unis, Cour suprême, The Schooner Exchange v. Mac Faddon, 1812, 7 Cranch 116 ; France, Cour d’appel de Poitiers, État roumain c. Dlle Arricastre et autres, 16 juin 1949, RCDIP, 1951, p. 660 ; House of Lords, I Congreso del Partido, 16 juillet 1981, ILR, 1983, vol. 64, p. 313 et Pinochet, 24 mars 1999, op. cit., p. 598.
[43] Voir H. ASCENSIO, « La notion de juridiction internationale en question », in SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Colloque de Lille, Pedone, Paris, 2003, pp. 178-181.
[44] Selon la Chambre d’appel du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, « [t]he nature of the Tribunals has always been a relevant consideration in the question whether there is an exception to the principle of immunity » (Special Court for Sierra Leone, Taylor – Rendering of Decision on Motion made under protest and without waiving immunity accorded to a Head of State requesting the Trial Chamber to quash the indictment and declare null and void the warrant of arrest and order for transfer of detention 23 july 2003 (Immunity motion), SCSL-03-01-I-059, 31 mai 2004, § 49). La jurisprudence s’avère néanmoins incertaine comme l’illustrent les décisions apparemment contradictoires du TPIY dans les affaires Blaskic (TPIY, Tihomir Blaskic, op. cit., § 41) et Krstic (TPIY, Radislav Krstic, IT-98-33-A, Arrêt relatif à la demande d’injonctions, 1er juillet 2003, § 26).
[45] Voir CCI, Sentence intérimaire rendue dans l’affaire n° 2321 en 1974, JDI, 1975, Obs. Y. DERAINS, pp. 938-944 ; P. BOUREL, « Arbitrage international et immunités des États étrangers, à propos d’une jurisprudence récente », Rev. Arb., 1982, pp. 120-135 ; B. OPPETIT, « Arbitrage et contrats d’État. L’arbitrage Framatome et autres c. Atomic Energy Organization of Iran », JDI, 1984, p. 55 ; J. GILLIS-WETTER, « Pleads of Sovereign Immunity and Act of Sovereignty before International Arbitral Tribunals », JIA, 1985, pp. 7-20.
[46] Voir, par exemple, C. BASSIOUNI, « Le droit pénal international : son histoire, son objet, son contenu », RIDP, vol. 52, 1981, p. 59.
[47] Voir CPI, Ch. prél. I, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, ICC-02/05-01/09, Decision Pursuant to Article 87(7) of the Rome Statute on the Failure by the Republic of Malawi to Comply with the Cooperation Requests Issued by the Court with Respect to the Arrest and Surrender of Omar Hassan Ahmad Al Bashir (ci-après Decision on the Failure by the Republic of Malawi), 12 décembre 2011, §§ 36, 38-43 ; et Décision rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome concernant le refus de la République du Tchad d’accéder aux demandes de coopération délivrées par la Cour concernant l’arrestation et la remise d’Omar Hassan Ahmad Al Bashir, 13 décembre 2011, § 13. On relèvera avec M. Dapo Akande que ce sont les premières décisions de la Cour relatives à l’immunité, un point important que la Cour a pourtant déjà eu l’opportunité de traiter et alors que les articles 27 et 98 du Statut de la CPI qui évoquent l’immunité soulèvent depuis un moment un certain nombre de questions. Voir D. AKANDE, « ICC Issues Detailed Decision on Bashir’s Immunity (… At long Last …) But Gets the Law Wrong », 15 décembre 2011, EJIL: Talk!, http://www.ejiltalk.org/, consulté le 12 juillet 2012.
[48] CPI, Ch. Prél. I, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, ICC-02/05-01/09, Decision on the Failure by the Republic of Malawi, op. cit., § 38.
[49] Voir D. Jacob, « A Sad Hommage to Antonio Cassese: The ICC’s confused pronouncements on State Compliance and Head of State Immunity », 15 décembre 2011, http://dovjacobs.blogspot.fr/2011/12/sad-hommage-to-antonio-cassese-iccs.html, consulté le 10 juillet 2012. M. Jacob estime à ce propos que l’énumération des sources visées par la Cour « […] is a typical judicial application of the « cheerleader effect »: all the references look good together, but taken separately might not be so convincing ».
[50] Voir W. SCHABAS, « Obama, Medvedev and Hu Jintao may be Prosecuted by International Criminal Court, Pre-Trial Chamber Concludes », 15 décembre 2011, http://humanrightsdoctorate.blogspot.fr/2011/12/obama-medvedev-and-hu-jintao-may-be.html, consulté le 10 juillet 2012.
[51] Ces juridictions ayant été mises en place par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies prises en vertu du Chapitre VII avec les effets contraignants que l’on connaît. Voir CSNU, Résolution 827 (1993), 25 mai 1993 (Tribunal (ex-Yougoslavie)) et Résolution 955 (1994), 8 novembre 1994 (Situation concernant le Rwanda (création tribunal international)).
[52] W. SCHABAS, « ‘Obama, Medvedev and Hu Jintao may be Prosecuted … », op. cit.
[53] Ibid. Voir également D. AKANDE, « ‘ICC Issues Detailed Decision on Bashir’s Immunity… », op. cit.
[54] Voir CIJ, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit., § 61.
[55] W. SCHABAS, « Obama, Medvedev and Hu Jintao may be Prosecuted … », op. cit. Voir également D. AKANDE, « ICC Issues Detailed Decision on Bashir’s Immunity … », op. cit. ; et « International law immunities and the International Criminal Court », op. cit., p. 417.
[56] CIJ, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit., § 61. Nous soulignons.
[57] Voir infra.
[58] Voir, par exemple, les décisions de juridictions nationales précitées dans les affaires Pinochet et Kadhafi, et en doctrine : M. RUFFERT, « Pinochet Follow Up : The End of Sovereign Immunity ? », NILR, 2001, n°2, p. 188 ; J. SALMON, Manuel de droit diplomatique, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 304, § 404 ; H. ASCENSIO, « Retour sur l’immunité internationale des chefs d’États », op. cit., p. 134 ; ou, plus sceptique, J. VERHOEVEN, « Les immunités propres aux organes et autres agents des sujets du droit international », in J. VERHOEVEN (dir.), Le droit international des immunités : contestation ou consolidation ?, Bruxelles, LGDJ/Larcier, 2004, pp. 120-121 et 127-130. Contra, voir J.Y. DE CARA, « L’affaire Pinochet devant la Chambre des Lords », AFDI, 1999, pp. 75 et p. 95. Voir également contra, CIJ, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit., § 58 ; Union africaine, Communiqué de presse nº002/2012 sur les décisions de la Chambre préliminaire I de la Cour Pénale Internationale (CPI) en vertu de l’article 87 (7) du Statut de Rome concernant le prétendu refus de la République du Tchad et de la République du Malawi d’accéder aux demandes de coopération émises par la Cour dans le cadre de l’arrestation et de la remise du Président Omar Hassan Al Bashir de la République du Soudan, Addis-Abeba, 9 janvier 2012, http://www.au.int/en/sites/default/files/PR002-2012.pdf, consulté le 16 juillet 2012. Il s’agit là d’une approche très classique de la notion immunitaire qui semble occulter certains développements du droit international pénal et qui n’est pas sans rappeler l’orthodoxie de la CIJ dans l’affaire Yerodia, que l’Union africaine cite à l’appui de son propos. Pour une critique de cette position de l’UA, voir R. BANZEU, « UA/CPI : Réaction de l’Union Africaine aux décisions de la Chambre préliminaire I de la Cour Pénale Internationale déférant le défaut de coopération du Tchad et du Malawi au Conseil de Sécurité des Nations Unies », Sentinelle, n° 290, 22 janvier 2012, http://www.sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2012/20120122_bull_290/bulletin_sentinelle_290.php#117, consulté le 10 juin 2012.
[59] La Chambre préliminaire précise à ce propos que « […] the Chamber finds that customary international law creates an exception to Head of State immunity when international courts seek a Head of State’s arrest for the commission of international crimes » (CPI, Ch. Prél. I, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, ICC-02/05-01/09, Decision on the Failure by the Republic of Malawi, op. cit., § 43).
[60] CSNU, Résolution 1593 (2005), 31 mars 2005 (Rapports du Secrétaire général sur le Soudan).
[61] A. CASSESE, ‘Flawed International Justice for Sudan’, op. cit.
[62] La Côte d’Ivoire a accepté la compétence de la CPI le 18 avril 2003 « […] aux fins d’identifier, de poursuivre, de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les évènements du 19 septembre 2002 » (Déclaration de reconnaissance de la Compétence de la Cour Pénale Internationale, 18 avril 2003, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/FF9939C2-8E97-4463-934C-BC8F351BA013/279779/ICDE1.pdf, consulté le 12 juillet 2012). Cette déclaration a été confirmée notamment le 14 décembre 2010 (http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/498E8FEB-7A72-4005-A209-C14BA374804F/0/ReconCPI.pdf, consulté le 12 juillet 2012).
[63] Voir R. PROUVEZE, « Quelques réflexions à propos de la poursuite des chefs d’Etat devant la CPI, nouvel avatar d’une épine récurrente dans le pied de la justice internationale pénale », L’Observateur des Nations Unies, n° 32, 2012, pp. 125-130.
[64] Les difficultés pour la remise de Laurent Gbagbo à la CPI ont été surmontées et étaient essentiellement de l’ordre de la politique interne. De plus, le fait que Laurent Gbagbo n’était plus en exercice et que l’acceptation de la compétence de la Cour par la Côte d’Ivoire était antérieure à la mise en accusation (et alors qu’il était chef d’Etat en exercice…) a facilité les choses.
[65] Le président soudanais s’est ainsi rendu notamment au Tchad, au Kenya, en Egypte et tout récemment, le 8 décembre dernier, en Ethiopie qui, malgré une demande expresse de la CPI, n’a pas donné suite en laissant Omar Al Bashir quitter son territoire libre.
[66] A ces difficultés s’est ajoutée une campagne internationale menée par le Kenya, soutenue par l’Union africaine, pour mettre un terme aux poursuites contre les deux présidents africains en fonction poursuivis par la Cour (cf. supra).
[67] Voir Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Madame Fatou Bensouda, à propos du retrait des charges contre M. Uhuru Muigai Kenyatta, 5 décembre 2014, http://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Pages/otp-statement-05-12-2014-2.aspx, consulté le 20 janvier 2015.
[68] Voir « ICC prosecutor shelves Darfur war crimes inquiries », BBC News, 12 décembre 2014, http://www.bbc.com/news/world-africa-30458347, consulté le 20 janvier 2015.
[69] Voir, par exemple, A. WATTS, « The Legal Position in International Law of Heads of State, Heads of Government and Foreign Minister », RCADI, 1994, III, p. 102.
[70] Voir, par exemple, A. WEISS, « Compétence ou incompétence des tribunaux à l’égard des États étrangers », RCADI, 1923, I, p. 529 ; C.F. GABBA, « De la compétence des tribunaux à l’égard des souverains et des États étrangers », JDI, 1889, pp. 549-554 et JDI, 1890, pp. 34 et 37.
[71] C’est sans doute une des raisons officieuses de l’opposition précitée de l’Union africaine à propos des poursuites menées par la CPI à l’encontre de Omar Al Bashir. Voir, sur ce point, S.A. NDIAYE, « CPI/Soudan, venue du Président Omar Al Bashir à Djibouti : l’universalisme pénal mis à l’épreuve », Sentinelle, n° 266, 22 mai 2011, http://sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2011/20110522_bull_266/sentinelle_266.htm#10499, consulté le 20 juillet 2012.
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