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SEKA APO RAÏSSA, La femme dans les conflits armés, partie –I-

SEKA APO RAÏSSA, La femme dans les conflits armés, partie -I-

Doctorante, U. Félix Houphouët-Boigny, Abidjan Cocody, Université de Limoges

 

SOMMAIRE

INTRODUCTION.. 1

CHAPITRE I : LA FEMME, SUJET PASSIF DANS LES CONFLITS ARMÉS. 10

SECTION I : La femme, victime des conflits armés. 10

Paragraphe I : La femme, à la fois victime directe et indirecte des conflits armés. 11

Paragraphe II : Les conséquences de la récurrence des violences faites à la femme. 18

SECTION II : La femme instrumentalisée dans les conflits armés. 24

Paragraphe I : La femme utilisée comme une arme de guerre. 25

Paragraphe II : La femme réifiée en objet sexuel 31

CHAPITRE II : LA FEMME, SUJET ACTIF DANS LES CONFLITS ARMÉS. 42

SECTION I : La femme, sujet actif en tant que personne civile. 42

Paragraphe I : La participation directe de la femme aux hostilités. 43

Paragraphe II : La constitution de la femme en bouclier humain volontaire. 48

SECTION II : La femme, sujet actif en tant que personne combattante. 54

Paragraphe I : La femme, membre des forces armées. 55

Paragraphe II : Les garanties juridiques accordées à la femme combattante. 61

CONCLUSION GÉNÉRALE.. 69

BIBLIOGRAPHIE.. 69

TABLE DES MATIÈRES. 73

 

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

 

AGNU : Assemblée Générale des Nations Unies

AFAT : Auxiliaires Féminines de l’Armée de Terre

Cf. : Confer

CIJ : Cour internationale de Justice

CICR : Comité international de la Croix-Rouge

CIPD : Conférence Internationale sur la Population et le Développement

CNA : Computer Network Attacks (Attaques de réseau informatique)

Convention I : Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades

dans les forces armées en campagne du 12 août 1949

Convention II : Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades

dans les forces armées sur mer du 12 août 1949

Convention III : Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du

12 août 1949

Convention IV : Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949

Conventions de Genève : les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949

CSNU : Conseil de Sécurité des Nations Unies

CPI : Cour Pénale Internationale

CWAC : Canadian Women’s Army Corps (Corps féminin de l’Armée canadienne)DDR : Désarmement, Démobilisation et Réinsertion

DIDH : Droit International des Droits de l’Homme

DIH : Droit International Humanitaire

DIP : Droit International Public

FFA : Forces Féminines de l’Air

HRW : Human Rights Watch (Organisme des Droits de l’Homme)

Id. : Idem

Ibid. : Ibidem

I.S.T : Infection Sexuellement Transmissible

LTTE : Liberation Tigers of Tamil Eelam (Tigre de Libération de l’Eelam Tamoul)

MANUI : Mission d’Assistance des Nations Unies pour l’Irak

Minuss : Mission des Nations Unies au Soudan du Sud

MINUSTAH : Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti

MONUC : Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du

Congo

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

OMP : Opérations de Maintien de la Paix

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

ONUCI : Organisation des Nations Unies en Côte d’Ivoire

Op. cit. : opere citato

OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

OUA : Organisation de l’Union Africaine

P./pp. : page (s)

Protocole I : Protocole Additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des                  victimes  des conflits armés internationaux

 

Protocole II : Protocole Additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des                  victimes  des conflits armés non internationaux

 

PKK   : Partiya Karkerên Kurdistan (Parti des travailleurs du Kurdistan)

PNA : Plan National d’Action

PHR : Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits de l’homme)

RDC : République Démocratique du Congo

RICR : Revue Internationale de la Croix-Rouge

RPG : Rocket-Propelled Grenade (lance-roquettes)

SFF : Section Féminine de la Flotte

SGNU : Secrétaire Général des Nations Unies

SIDA : Syndrome d’Immunodéficience Acquis

SPLA : Sudan People’s Liberation Army (Armée populaire de libération du Soudan)

TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda

TPIY : Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie

TSSL : Tribunal Spécial pour la Sierra Léone

UNHCR : United Nations High Commissioner for Refugees (Haut Commissariat des Nations       Unies aux réfugiés)

 

UNICEF : United Nations of International Children’s Emergency Fund (Fonds des Nations            Unies pour l’enfance)

 

URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

VIH : Virus d’Immunodéficience Humaine

Vol. : volume

W.A.A.C : Women’s Army Auxiliary Corps (Corps auxiliaire féminin de l’armée)W.A.T.S : Women’s Auxiliary Territorial Service (auxiliaire de service territoriale des                              femmes)

YPG : Yekîneyên Parastina Gel (Unités de protection du peuple)

ZANLA : Zimbabwe African National Liberation Army (Armée de libération nationale                     africaine du Zimbabwé)

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

« Partout dans le monde, la guerre, la violence et la haine s’étendent (…), les droits fondamentaux de la personne humaine sont bafoués de plus en plus gravement et de plus en plus systématiquement (…), des blessés sont achevés, des enfants massacrés, des femmes violées, des prisonniers torturés, des victimes privées d’assistance humanitaire élémentaire (…), la famine est utilisée comme méthode de guerre contre des civils, les populations civiles deviennent de plus en plus souvent la principale victime des hostilités… »[1]. Cet extrait de la Déclaration finale de la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre souligne et illustre les atrocités qui accompagnent les conflits armés actuels. En soi, le constat n’a rien de novateur. Si les conflits armés des dernières décennies sont marqués par des caractéristiques « nouvelles ou aggravées » de la violence, il faut noter que ceux-ci existent depuis les premières civilisations. En fait, la guerre fait partie des phénomènes qui accompagnent l’humanité depuis ses origines et, les hommes malgré les horreurs qu’elle traine sur ses pas ne peuvent s’empêcher de la faire. Des tentatives ont néanmoins toujours été faites pour limiter les horreurs de la guerre. De même qu’il n’y a pas de société, quelle qu’elle soit, sans règle de vie, il n’y a pas eu de guerre sans quelques normes, vagues ou précises, ne président au déclenchement des hostilités, à leur conduite et à la fin de celles-ci. Bien que des règles d’humanité aient toujours existé, il faut noter qu’elles ont longtemps été limitées à un contexte précis et variaient selon l’époque, le lieu, la morale, les civilisations… Il faudra attendre le XIXème siècle pour que ces règles prennent une portée universelle, notamment grâce à l’initiative d’Henry Dunant, témoin de la bataille de Solférino qui rédige, suite à  celle-ci, un livre dans lequel il propose deux idées fortes : la création de sociétés volontaires de secours ayant pour but de donner des soins aux blessés de guerre et la formulation d’un principe international, conventionnel et sacré devant servir de base et d’appui aux sociétés de secours[2]. Tel est l’un des premiers jalons du droit international humanitaire moderne.

Désigné également sous les vocables de droit de la guerre ou droit des conflits armés (Jus in bello), le droit international humanitaire a été conçu, non seulement, pour protéger ceux qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités, mais aussi, à restreindre les moyens et méthodes de guerre[3]. Guidé par le principe selon lequel même la guerre a des limites, il vise à préserver une certaine humanité au cœur des conflits. De là, la préoccupation de cette branche du droit international n’est pas le motif de la guerre, moins encore, la légalité de celle-ci, mais plutôt, la réalité des conflits armés auxquels cas elle s’applique exclusivement. Le DIH se veut, ainsi, un droit spécial applicable uniquement en temps de conflit armé. En ce sens, nous porterons notre attention sur la relation droit humanitaire et conflit armé tout en essayant de définir la notion de « conflit armé ». Mais bien avant, nous nous demanderons pourquoi utiliser l’expression « conflit armé » plutôt que le terme « guerre ».

La raison terminologique réside dans le fait que la notion de conflit armé semble couvrir un plus large spectre de situations que le concept de guerre qui aurait une signification plus étroite. Selon le Commentaire de la Première Convention de Genève de 1949, c’est à dessein que l’on a remplacé le mot « guerre » par cette expression beaucoup plus générale. On peut discuter abondamment sur la définition juridique de la guerre. Un État peut toujours prétendre, lorsqu’il commet un acte d’hostilité armée contre un autre État, qu’il ne fait pas la guerre, qu’il procède à une simple opération de police, ou qu’il fait acte de légitime défense. Avec l’expression « conflit armé », une telle discussion est moins aisée[4]. Moins aisée, dans la mesure où la notion de conflit armé repose sur des critères objectifs ayant trait à l’intensité du conflit et au degré d’organisation des forces opposées, tandis que, la notion de guerre est appréhendée comme une situation de fait juridiquement qualifiée (état de guerre) plus que comme une série d’actes violents considérés en eux-mêmes[5]. De ce fait, la notion traditionnelle de « guerre » a été remplacée, depuis 1949, par la notion de « conflit armé »[6].

Condition sine qua non de l’application du droit humanitaire, le conflit armé n’est pas défini en la matière. Du moins, c’est le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) qui en a proposé une définition générale. Dans l’affaire Tadic, le Tribunal a, en effet, affirmé qu’« un conflit armé existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre États ou un conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes armés au sein d’un État »[7]. De cette définition ressort les deux situations de conflits armés prévu par le droit humanitaire : le conflit armé international et le conflit armé non international.

S’agissant du conflit armé international, il est défini à l’article 2 commun aux Conventions de Genève. Il est tout conflit armé qui se déroule entre deux ou plusieurs « Hautes Parties Contractantes »[8], c’est-à-dire entre États. On parle, donc, de conflit armé international lorsqu’un ou plusieurs États ont recours à la force armée contre un autre État et ce, quelles que soient les raisons ou l’intensité de cet affrontement. En effet, l’existence d’un conflit armé international dépend en fait de ce qui se passe sur le terrain. Aucune déclaration de guerre formelle ou reconnaissance de la situation n’est nécessaire ; ce sont les faits qui sont déterminants. Ainsi, tout différend surgissant entre deux États et provoquant l’intervention des membres des forces armées est un conflit armé au sens de l’article 2, même si l’une des Parties conteste l’état de belligérance. Ni la durée du conflit, ni le caractère plus ou moins meurtrier de ses effets ne joue aucun rôle[9].

Notons que le conflit armé international s’étend aux cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie Contractante[10] ainsi qu’aux guerres de libération nationale dans lesquelles les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère, et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes[11].

En ce qui concerne le conflit armé non international, l’article 3 commun aux Conventions de Genève[12] et l’article 1 du Protocole additionnel II nous renseignent sur sa définition.

Au sens de l’article 3 commun, un conflit armé non international est tout conflit « ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes ». Sont inclus, les conflits armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non gouvernementaux. Selon la situation, les hostilités peuvent opposer les forces armées gouvernementales et des groupes armés non gouvernementaux ou de tels groupes entre eux. Il est à souligner que le groupe armé non étatique, pour être considéré comme partie au conflit, doit avoir un certain niveau d’organisation. Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a établi, en ce sens, des critères qui permettent d’évaluer le niveau d’organisation. Il s’agit notamment de l’existence d’une structure de commandement et des règles et mécanismes disciplinaires au sein du groupe armé ; de la capacité du groupe à se procurer des armes ; de sa capacité à planifier, coordonner et effectuer des opérations militaires durables  etc[13]. Ajoutons que, pour être considéré comme un  conflit armé non international au sens de l’article 3 commun, les violences doivent atteindre un niveau minimal d’intensité. D’autres formes de violence moins graves comme les tensions internes[14] et troubles intérieurs[15] ne tombent pas sous le coup du droit international humanitaire. À cet égard, le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie expose certains facteurs permettant d’évaluer l’intensité du conflit. Il est question de la durée et l’intensité des affrontements ; les types d’armes et autres équipements militaires utilisés ; les différents types de forces participant aux affrontements ; le nombre de victimes… [16]

Le Protocole Additionnel II vient restreindre cette définition et s’applique aux conflits armés « qui se déroulent sur le territoire d’une Haute Partie Contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le présent Protocole »[17]. Cette définition est plus étroite que celle de l’article 3 commun sous deux aspects. D’une part, elle introduit la condition d’un contrôle sur le territoire, en stipulant que les parties non gouvernementales doivent exercer un contrôle qui « leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le présent Protocole ». D’autre part, l’application du Protocole additionnel II est expressément limitée aux conflits armés entre les forces armées de l’État et des forces armées dissidentes ou d’autres groupes armés organisés. Contrairement à l’article 3 commun, le Protocole ne s’applique pas aux conflits armés qui opposent uniquement des groupes armés non étatiques. Dans ce contexte, il faut rappeler que le Protocole II « développe et complète l’article 3 commun …sans modifier ses conditions d’application actuelles »[18]. Cela signifie qu’il y a des situations de conflits armés non internationaux pour lesquels seul l’article 3 pourra s’appliquer, si le niveau d’organisation des groupes dissidents n’est pas suffisant pour pouvoir appliquer le      Protocole II, ou si les affrontements ont lieu entre groupes armés non étatiques. À l’inverse, l’article 3 commun sera applicable dans toutes les situations auxquelles le Protocole II s’applique. Le Statut de la Cour Pénale Internationale, dans son article 8 (2) (f), confirme l’existence d’une définition du conflit armé non international qui ne remplit pas les critères du Protocole II[19].

La confirmation par le statut de la Cour Pénale Internationale de cette définition est pertinente d’autant plus que la plupart des conflits armés contemporains ont lieu à l’intérieur des frontières des États, opposant un État et un ou des groupes armés organisés non étatiques, ou de tels groupes entre eux. La littérature parle à ce sujet d’une constance et dangereuse « privatisation de la guerre », caractérisée par une augmentation des conflits internes et une prolifération des acteurs non étatiques mêlés aux affrontements : guérilla, groupe paramilitaire, rebelles, milices etc[20]. Dans ce contexte, la vie quotidienne de nombreux civils en proie à de telles situations est régie par la peur ou la menace de destruction ou par des souffrances extrêmes. Ainsi, on estime que plus de 90% des victimes de certains conflits des dernières décennies étaient des civils. Les femmes et les enfants qui constituent évidemment la large majorité de ces populations civiles sont, donc, a fortiori de plus en plus exposés à toutes sortes de sévices.

Selon des estimations, en effet, les femmes forment avec les enfants, la grande majorité des populations déplacées ou réfugiées[21]. Aussi, les femmes demeurent largement victimes de nombreuses violations des droits de l’homme en période de conflits : violation du droit international humanitaire lorsqu’elles sont au pouvoir de l’ennemi, exécution sommaire, torture, internements arbitraires, transferts forcés, prises d’otages, menaces et intimidations… effets directs ou indirects des hostilités : bombardements, souvent indiscriminés, épidémies, viol sous toutes ses formes (prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation forcée)…[22].

Face à cette réalité, de nombreuses études sexospécifiques[23] se sont alors attardées à dépeindre les situations précaires dans lesquelles les femmes se retrouvent souvent et les divers facteurs qui contribuent à faire d’elles des victimes[24]. Ces études mettent en évidence que les femmes sont des cibles fréquentes – et spécifiques de violence – du fait même d’être femme, c’est-à-dire qu’elles sont particulièrement touchées en raison de leur place dans la société et de leur sexe[25]. C’est notamment le cas de la violence sexuelle, désormais, utilisée comme une véritable arme et stratégie militaire en période de conflit armé[26]. Il est démontré, en effet, que cette pratique est liée, entre autres, au statut des femmes dans la communauté. Fréquemment perçues par leur propre communauté comme étant les gardiennes de la nation et à ce titre, celles qui assurent la transmission des valeurs culturelles, les femmes demeureront, non seulement, extrêmement vulnérables aux violences sexuelles – viol, prostitution forcée, nudité forcée, esclavage sexuel, grossesse forcée, mutilations génitales, etc. -, mais elles seront aussi délibérément ciblées.

Si les récits de viols, d’enlèvements, de tortures, d’abandons, et de prostitution contre la femme en période de conflit armé ont été amplement documentés, la réalité de la femme actrice en période de  conflit armé l’est beaucoup moins. Pourtant, les femmes assument un rôle clé en assurant la survie de leur famille pendant ces périodes de troubles et de destructions. Nombre d’entre elles font preuve d’une force et d’un courage remarquables et trouvent souvent des moyens ingénieux de faire face aux difficultés qui se dressent devant elles. On peut voir des femmes devenir chefs de famille, élargir leur rôle et assumer des responsabilités supplémentaires. On peut aussi les voir rendre des services et fournir aide et assistance aux victimes de conflit armé (nourriture, soins médicaux, abris). Par ailleurs, après un conflit, la femme peut jouer un rôle actif en participant à la consolidation de la paix et à la reconstruction sociale en étant impliquée dans les mouvements de défense de la paix aux niveaux élémentaires, sensibilisant sa communauté à une culture de la paix.

Quand on considère la femme comme une actrice, un autre aspect qui vient à l’esprit est sa participation croissante aux hostilités. En effet, dans bien des cas, la femme participe activement au conflit armé en prenant soit, elle-même les armes soit, en mobilisant la population ou en appuyant les combattants. Le génocide au Rwanda en 1994 en est un bon exemple ; de nombreuses femmes y ont joué un rôle important en tant qu’auteurs des violences[27]. C’est notamment les cas des femmes telles Anne-Marie Nyirahakizimana, Euphrasie Kamatamu, Agnes Ntamabyaliro, Agathe Habyarimana, Pauline Nyiramasuhuko, Consolata Mukangango et Julienne Mukabutera qui sont accusées d’avoir fomenté et participé au génocide[28]. Pour ne citer que celles-ci, des femmes ont participé aux tueries et certaines ont même organisé et conduit des attaques dans lesquelles des centaines de personnes ont perdu la vie. Un grand nombre d’autres femmes invitaient les gens à tuer, brandissant des machettes et des massues cloutées de fabrication artisanale, tandis qu’elles incitaient au génocide en se réunissant autour des églises, des hôpitaux et d’autres lieux de refuge – en fait, il n’existe pas de preuve établissant que les femmes étaient plus enclines que les hommes à cacher des personnes pourchassées. Ainsi, le nombre de femmes ayant pris part à ces tueries et qui ont été condamnées pour participation aux atrocités montre clairement que les femmes ne sont intrinsèquement ni innocentes ni sans défense et que, « si on leur donne à elles comme aux hommes des raisons d’agir – qu’elles soient bonnes ou mauvaises – leur degré de participation au génocide équivaudra à celui des hommes, tout comme la violence et la cruauté dont elles feront preuve »[29]. Notons aussi que, de nos jours, les femmes sont davantage présentes en tant que « kamikaze » au sein des organisations terroristes dans lesquels elles assument souvent les missions d’infiltration et les attentats dans lesquelles elles obtiennent un succès remarquable. Ironie du sort, ce succès se justifie par le fait qu’en tant que femme, elle peut souvent s’approcher au plus près de son objectif, sans doute parce qu’on s’imagine moins bien qu’elle peut accomplir des actes de ce type[30]. Somme toute, la femme est concernée à plusieurs titres par les conflits armés : elle est à la fois victime, personnalité politique, actrice humanitaire, responsable d’organisations non gouvernementales, de groupes sociaux ou politiques, combattante ou actrice de paix et de reconstruction.

Dans ce contexte, nous proposons de jeter un regard sur les multiples réalités auxquelles la femme est confrontée en période de conflit armé. Il s’agit dans ce travail d’attirer l’attention, non seulement, sur l’expérience différenciée des femmes et des hommes, mais aussi de reconnaître que les femmes ne sont pas seulement des victimes et endossent différentes responsabilités lors des conflits armés. En effet, le rôle des femmes, non comme victimes passives, mais bien comme actrices dans les conflits armés reste encore un sujet méconnu et peu traité dans la littérature. De nombreuses avancées ont été réalisées et la femme commence à être soutenue pour le rôle actif qu’elle joue dans la guerre. En témoignent l’adoption de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies et les Prix Nobel de la Paix 2011. Il ne s’agit pas d’un hasard, mais, bien d’une volonté politique ; celle de révéler que les femmes ne sont pas uniquement les victimes passives de la guerre. Nous prenons, donc, le parti de démontrer que la situation de la femme a connu des mutations considérables et que cette dernière doit être désormais prise, non seulement, dans son rôle de victime, mais également, dans celui d’acteur afin que cette dernière soit suffisamment protégée dans les deux cas de figure. Précisons toutefois que, bien qu’elle soit tout aussi une réalité, la femme en tant qu’actrice humanitaire est exclue du champ de ce travail.

Le DIH, en tant qu’il régit les situations de conflits armés, détermine pour les personnes qui se trouvent dans ces situations des prérogatives. La femme, s’inscrivant dans ce cadre, bénéficie alors d’un ensemble de règles la protégeant. Ainsi, il importe d’examiner le DIH en tant que droit régissant les situations de conflits armés ; d’établir les règles protégeant la femme et de déterminer si ces règles la protègent adéquatement. Autrement dit, à quel régime juridique est soumise la femme dans les conflits armés ?

Notre analyse structurée en deux parties s’intéresse, d’une part, à la situation de la femme en tant que sujet passif dans les conflits armés (chapitre I). En effet, il est important de s’attarder sur ce point dans la mesure où la plupart des femmes font parties des personnes non combattantes et s’abstiennent de tout acte d’hostilité. Au-delà de la passiveté, la femme tend à devenir un acteur au cœur des hostilités à titre de combattante ou de civile. Il importe donc d’examiner, d’autre part, la situation de la femme en tant que sujet actif dans les conflits armés (chapitre II).

 

CHAPITRE I : LA FEMME, SUJET PASSIF DANS LES CONFLITS ARMÉS

 

Dans la plupart des conflits armés, les femmes s’abstiennent généralement de participer aux hostilités. Elles constituent la majeure partie des personnes qui ne prennent pas une part active au conflit : la population civile. Ceci s’explique notamment par le fait que, traditionnellement, la femme est censée veiller sur la famille et subvenir à ses besoins quotidiens. C’est elle qui dirige le foyer, s’occupe de sa gestion et porte les lourdes charges du ménage. Aussi, elle est physiquement plus faible, moins formée et moins mobile, et serait par nature plus pacifiste que l’homme. Les nombreuses responsabilités que la femme remplit au sein de sa famille et de sa communauté la rendent particulièrement vulnérable, l’exposant ainsi, aux conséquences horribles des conflits armés.

Parallèlement les personnes civiles constituent, de plus en plus, la grande majorité des personnes ciblées dans les conflits contemporains. Partant, la femme, membre plus vulnérable de cette population civile, se présente comme une victime des conflits armés (section I). Par ailleurs, son rôle essentiel dans la consolidation de la collectivité favorise en retour son instrumentalisation dans ces conflits (section II).

SECTION I : La femme, victime des conflits armés

« La grande majorité de ceux qui subissent les effets préjudiciables des conflits armés (…) sont (…) des femmes (..) »[31]. On considère que pendant les périodes de turbulence sociale, les femmes sont particulièrement sensibles à la marginalisation, à la pauvreté et aux souffrances engendrées par les conflits armés, surtout, lorsqu’elles sont déjà victimes de discrimination en temps de paix. De plus, les conflits armés du XXème et du début du XXIème siècle ont subi une métamorphose alarmante au niveau du genre de victimes qui subissent leurs ravages ; ce qui a aggravé la situation pour la gent féminine. Les nombreuses formes de violences pratiquées lors des conflits et les conséquences qui en découlent touchent davantage la femme, ou du moins de manière différente. Elle est, non seulement, exposée elle-même directement aux travers des conflits, mais aussi sans être directement visée, elle en subit les excès.

En raison de la position vulnérable de la femme dans les conflits armés, une protection particulière s’impose. Ainsi, tout comme le reste de la population civile, elle est protégée des intimidations et des mauvais traitements. Cependant, à cause de ses besoins en matière de santé, d’hygiène et de son rôle de mère, le droit humanitaire prévoit aussi un régime de protection spéciale[32].

Il importe donc de montrer comment la femme est à la fois une victime directe et indirecte des violences lors des conflits armés (paragraphe I), pour ensuite analyser les conséquences de la récurrence de ces violences faites à la femme (paragraphe II).

Paragraphe I : La femme, à la fois victime directe et indirecte des conflits

                           armés

Étant donné que la femme a des rôles sociaux particuliers déterminés par la culture, elle fait l’expérience du conflit de manières différentes. Elle fait des conflits armés une expérience multiforme qui implique insécurité physique et économique, risques accrus de violence sexuelle, blessures, détention, privations et même la mort. Elle est celle qui fait l’objet de beaucoup d’insanités et constitue, par là, majoritairement la catégorie des victimes de guerre.

Même si parfois, elle échappe à ces différents destins tragiques, la femme reste tout de même parmi les victimes des conflits armés, par le seul fait que celle-ci peut, le cas échéant, voir tuer ou disparaitre son mari, ses fils, son père ou ses frères partis comme soldats. Son exposition à ces conséquences néfastes est donc bien souvent involontaire ; son statut social faisant d’elle une cible à part entière.

Ainsi, dans tous les conflits armés, la femme est la première à souffrir des excès de la bellicosité humaine. Elle est, en effet, tantôt victime directe (A), tantôt victime indirecte des conflits armés (B).     

A- Une victime directe

En période de conflit armé, beaucoup de femmes font face à de grandes difficultés et les circonstances dans lesquelles elles vivent, notamment leur proximité avec les combats, les rendent d’autant plus vulnérables. Que les violences soient internes ou transfrontalières, de plus en plus de civils se retrouvent trop souvent pris en étau et sont directement visés ou mis en danger par la proximité de ces combats. Étant donné que le plus souvent les femmes ne partent pas combattre, il y a de fortes probabilités qu’elles soient comptées parmi les victimes directes des attaques menées contre les civils ou faire partie des frais des « dommages collatéraux ». Même lorsqu’ils sont dits « de précision », les bombardements causent de lourdes pertes dans la population civile. Les femmes constituent, en effet, environ 80% des pertes en vies humaines en temps de guerre[33].

En plus de ces cas, les attaques des groupes armés contre des villages pour s’approvisionner en vivres et en matériel, pour détruire les réserves alimentaires ou empoisonner l’eau, ou encore pour empêcher les gens de se déplacer librement et de gagner leur vie ont aussi des conséquences disproportionnées sur la femme.

D’un côté, elle est parfois forcée de donner le gîte à des porteurs d’armes ; et en pareil cas, elle pâtit non seulement du fait de voir les armes envahir son foyer, mais également, elle court le risque de violence découlant de la présence de ces hommes chez elle. De plus, elle s’expose à des représailles de la part de l’autre partie au conflit qui peut, à tort, la percevoir comme étant combattante ou collaboratrice.

De l’autre côté, les conflits armés engendrent de nombreux ménages dirigés par des femmes dont les hommes ont été recrutés, détenus, déplacés, ont disparu ou sont morts. Lorsque les hommes de la famille ne sont plus là, la femme doit invariablement assumer des responsabilités plus lourdes à l’égard de ses enfants et de ses parents âgés et, bien souvent, à l’égard du reste de la communauté. Elle est ainsi chargée des tâches, dans lesquelles elle était aidée par les hommes, la poussant au-delà des limites de son environnement traditionnel. Sa capacité à s’acquitter de ces tâches peut cependant être restreinte par la présence de soldats et par la proximité des combats. Dans de nombreuses communautés, en effet, elle doit parcourir à pied de grandes distances pour chercher de la nourriture, de l’eau, du bois pour le feu ; une activité qui l’expose souvent aux hostilités, aux violences sexuelles et aux mines terrestres.

Pendant les conflits armés, les mines terrestres et les munitions n’ayant pas explosé à l’impact ne font pas de différence entre le pied d’un soldat et celui d’un non combattant, y compris, celui de la femme. Et même si elle en représente un plus faible pourcentage, en raison de sensibilité socioculturelle, les conséquences sont différentes pour la femme qui subit souvent stigmatisation et rejet. Lorsqu’elles ne la tuent pas, elles causent des blessures horribles qui laissent la femme qui y survit handicapée à vie. Or, la femme est plus appréciée pour son apparence physique. Ce qui veut dire que si elle est considérée comme handicapée, elle peut être jugée inépousable, abandonnée par son mari et laissée seule pour subvenir aux besoins de ses enfants. « En Afghanistan, les femmes handicapées ont une vie particulièrement dure, surtout celles qui n’ont pas de profession. Pour commencer, il leur devient difficile de trouver un bon mari. Parfois, elles sont prises comme deuxième épouse par un homme âgé. Celles qui sont déjà mariées sont souvent maltraitées ou négligées lorsque leur mari prend une autre femme »[34]. Aussi, son statut dans la société et son estime de soi souffrent lorsqu’elle ne peut plus s’occuper des enfants ou des tâches ménagères. L’indigence peut, ainsi, la laisser particulièrement vulnérable aux mauvais traitements, à l’exploitation sexuelle ou à la prostitution comme moyen de survie.

Les conflits armés peuvent également mettre à mal la santé, plus particulièrement, la santé génésique[35] des femmes. Notons qu’elles sont plus vulnérables à la maladie, en raison de leur rôle sexuel et reproductif. L’âge auquel elles deviennent sexuellement actives, la fréquence de leurs grossesses et la qualité des soins qu’elles reçoivent pendant la grossesse et lors de l’accouchement sont des facteurs déterminants de leur état de santé. Or, un conflit armé peut influer négativement sur tous ces facteurs en mettant à rude épreuve les systèmes de santé en entrainant de graves pénuries de matériel, de personnel médical et de médicaments. Il arrive que  les infrastructures soient détruites et que le personnel ait fui les violences alors même que des membres de la communauté restent sur place. Ainsi, pour de nombreuses femmes vivant dans une zone de conflit, il va être difficile de pouvoir accéder à des services de soins de santé adéquats dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Lorsque l’accès à ces services est limité ou lorsque les capacités sont insuffisantes, il peut arriver que des problèmes de santé ne soient pas soignés. La femme enceinte ou qui allaite est particulièrement exposée lors des conflits armés car elle se trouve, souvent, dans une situation d’urgence où sa vie est menacée et qui demande une assistance médicale immédiate. En fait, parmi les dix pays qui présentent le plus haut taux de mortalité maternelle, la plupart est aujourd’hui en guerre ou dans une situation d’après conflit ; c’est notamment le cas de l’Afghanistan, de la Sierra Leone, du Tchad, de l’Angola, du Libéria, de la Somalie et de la République Démocratique du Congo[36]. Les femmes sont, par ailleurs, exposées au danger des armes nucléaires, biologiques et chimiques qui peuvent tuer ou mutiler, laissant des survivantes gravement atteintes dans leur santé. Comme ces armes peuvent causer des dommages génétiques et entraîner des malformations, elles touchent le système de reproduction de la femme et menacent non seulement sa santé, mais aussi celle des générations futures.

Enfin, les conflits armés entraînent souvent des déplacements massifs de populations civiles en forçant les gens à partir de chez eux en toute hâte. Ce phénomène touche la femme de manière disproportionnée, puisque la plupart des personnes déplacées dans le monde sont des femmes et des enfants. Ils représentent au niveau mondial, 80% des réfugiés et des personnes déplacées dans leur propre pays[37]. La vie de nombreuses femmes à travers le monde étant centrée sur leur foyer, quitter leurs régions devient une expérience traumatisante ; surtout, lorsque ces déplacements  occasionnent la dispersion des familles. Elles se retrouvent le plus fréquemment dans les camps de réfugiés qui sont souvent conçus et gérés de telle manière que les femmes qui y vivent souffrent de discriminations et restent menacées de sévices sexuels. Les femmes déplacées et les réfugiées, quittant les zones urbaines pour les zones rurales et vice-versa, peuvent avoir besoin d’aide pour s’adapter à un mode de vie différent exigeant des aptitudes et une expérience qui leur font défaut. Elles ont besoin d’intimité pour préserver leur sécurité, leur dignité, leur santé personnelle et leur hygiène.

Parallèlement, d’autres facteurs – tels que les charges familiales qui incombent aux femmes et les restrictions sociales à leur mobilité – font que celles-ci peuvent moins facilement fuir en cas d’attaques contre la population civile ; elles sont donc plus vulnérables aux violences commises par les combattants. Par ailleurs, en installant des barrages armés ou en fermant les frontières, les groupes armés et les gouvernements imposent des restrictions à la liberté de circulation, créant des situations dans lesquelles les femmes risquent particulièrement de subir des violences sexuelles.

Outre qu’elle est exposée directement aux dangers, la femme doit faire face à des changements de vie dramatiques qui sont spécifiques à son statut social. Elle peut devenir veuve ou orpheline de fait ou par assimilation (en cas de disparition de leurs proches) en continuant à vivre avec le poids de l’absence de ses père, fils, mari ou frère ; ce qui fait d’elle une victime indirecte du conflit armé.

 

B- Une victime indirecte

Le conflit armé est une épreuve pour tout être humain et, plus encore, pour la femme. Pour des centaines de milliers de femmes, une des conséquences les plus terribles d’un conflit armé est la douloureuse et interminable attente de nouvelles de leurs proches. L’incertitude quant au sort des membres de la famille portés disparus est une cruelle réalité pour les femmes qui, de ce fait, sont elles-mêmes des victimes du conflit armé.

Le conflit armé affecte, en effet, les familles de différentes manières. Celles-ci peuvent être dispersées alors qu’elles cherchent à fuir les violences ; le déplacement peut empêcher souvent d’envoyer des nouvelles aux proches ; ou encore des personnes peuvent être arrêtées et détenues, recrutées de force ou emprisonnées. La grande majorité de ceux qui disparaissent étant des hommes, la responsabilité douloureuse d’essayer d’élucider leur sort et de savoir où ils se trouvent retombe sur les femmes de la famille. L’attente de nouvelles de leurs proches, jour après jour, peut avoir de graves conséquences sur l’équilibre émotionnel des épouses, des mères et des filles des disparus. « Sabita Nepali (…) se souvient du jour où des hommes armés combattants dans la guerre civile sont venus et ont emmené son mari. (…) Elle a été traumatisée, son corps n’a plus produit de lait et son bébé n’a pas tardé à mourir de faim. Elle vit maintenant dans une hutte avec sa mère et un enfant survivant »[38].

Pour celle qui reste comme cette jeune femme, le fait d’ignorer le sort d’un proche a un terrible impact émotionnel. Elle pâtit des effets psychologiques dus à l’ignorance du sort de son mari et à l’incapacité dans laquelle elle se trouve de faire son deuil normalement. Elle souffre également des conséquences à long terme qu’entraîne la nécessité d’élever des enfants sans la présence d’un père et sans pouvoir se remarier. Ignorer s’ils sont vivants ou morts, signifie qu’elle est incapable d’abandonner des recherches souvent infructueuses, qui peuvent prendre des années et engloutir les épargnes de toute une vie.

À l’impact considérable que la disparition d’un proche peut provoquer sur le plan émotionnel, il faut ajouter de lourdes conséquences économiques et juridiques pour la femme qui se retrouve seule, notamment dans les situations où elle a peu de possibilités d’étudier ou de travailler en raison de son faible niveau social. Au Népal, par exemple, 90% des personnes disparues sont des hommes, dont 81% sont mariés et 71% sont portés disparus alors qu’ils avaient entre 18 et 35 ans. Ainsi, des familles sont privées de leur principal soutien, et les femmes, qui ont souvent de jeunes enfants à charges, font face à moult problèmes sociaux et économiques du fait de la disparition de leur mari[39].

Le statut juridique de la femme dont des proches ont disparu (en particulier s’il s’agit du mari) est souvent flou dans la mesure où elle n’est plus considérée comme épouse, mais n’est pas encore officiellement enregistrée comme veuve. Cela peut entraver ses droits à hériter, à obtenir la garde de ses enfants, à accéder à la propriété ou même à se remarier, surtout dans les pays qui laissent passer de nombreuses années avant de déclarer officiellement le décès ou l’absence d’une personne. De plus, la femme n’ayant pas le statut officiel de veuve peut se voir refuser l’accès à des programmes d’assistance gouvernementaux. C’est le cas en Irak, où l’accès aux services sociaux destinés à aider les femmes cheffes de famille est réservé aux veuves dont la mort du mari est liée à une situation de violence. Les femmes dont le mari a disparu n’ont parfois pas accès non plus à d’autres formes d’assistance à cause des procédures administratives compliquées. Il leur faut parfois présenter de nombreux documents qu’elles ne peuvent pas toujours réunir tout de suite quand, en plus de leur mari, elles ont perdu leur logement[40].

En outre, la femme n’est pas toujours en mesure de demander de l’aide aux autorités, en raison de difficultés financières, de problèmes de sécurité ou d’obstacles culturels, ou par manque d’information. Bien que les États soient tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour élucider le sort des personnes portées disparues et en informer leurs familles, il arrive bien trop souvent que les parties à un conflit armé ne prennent pas les mesures qui s’imposent. Par exemple, elles ne fouillent pas les lieux où ont été enterrées des personnes pour exhumer les restes humains et les identifier. La guerre Iran-Irak (septembre 1980-août 1988) illustre bien cette longue angoisse : vingt ans après la fin du conflit, des dizaines de milliers d’irakiens et d’Iraniens membre des forces armées sont toujours portés disparus. Dans les deux pays, un nombre incalculable de familles continuent de chercher à savoir ce qu’il est advenu de leurs proches, faisant le tour des hôpitaux, des postes de police, des morgues, des instituts de médecine légale et des organisations  humanitaires. Avec l’insécurité qui règne en Irak, ces efforts comportent souvent des risques considérables[41].

Les femmes dont les maris ont « disparu » ou dont on est sans nouvelles se heurtent souvent aux mêmes problèmes que les veuves. Le veuvage modifie, en effet, dans bien des cas, les rôles de la femme dans la famille et dans la communauté, ainsi que la structure de la famille. Il peut aussi influencer la sécurité physique, l’identité et la mobilité des femmes. L’impact du veuvage varie selon les cultures et les religions. Dans certaines communautés, une femme devenue veuve est responsable des personnes qui étaient à la charge de son mari ; dans d’autres, elle est accueillie au sein de la famille du mari décédé. Dans le dernier cas, cependant, les traditions sociales peuvent parfois être abandonnées par des familles à tel point écrasées par les difficultés économiques causées par le conflit qu’elles ne parviennent plus à faire face, ou par des familles qui n’estiment pas avoir la moindre responsabilité à l’égard de la veuve.

Enfin, les femmes qui sont des épouses, des mères, des sœurs ou des filles de combattants, bien qu’étant elles-mêmes des civiles, peuvent être prises spécifiquement pour cibles dans le but d’exercer des pressions sur une partie ou à titre de représailles. Leur situation étant inextricablement liée au sort des hommes : non seulement elles font partie des mêmes familles et des mêmes communautés, mais en temps de conflit armé, les hommes sont souvent ciblés par le biais des femmes qui leur sont proches.

Ceci dit, l’impact du conflit armé sur la femme dépend en grande partie de la mesure dans laquelle sa sécurité personnelle est touchée, des moyens qu’elle a pour assurer sa survie et celle de sa famille, des éventuelles blessures ou pertes qu’elle subit et, en pareil cas, de la manière dont elle est affectée. Son sort résulte aussi, souvent, de ce qui est arrivé aux hommes de la famille. À travers le monde, et dans plusieurs conflits, on observe que la femme ne cesse de subir des violences. Ces violences récurrentes faites à la femme ont des conséquences en droit international.

Paragraphe II : Les conséquences de la récurrence des violences faites à

                             la femme

La femme fait l’objet de toutes sortes d’insanités lors des conflits et ce, de manière de plus en plus systématique. Le DIH, pour pallier ce phénomène et répondre aux besoins spécifiques de la femme en temps de conflit armé, a mis en place tout un dispositif tendant à accorder à la femme, en plus de la protection générale qui lui est accordée, une protection spéciale. Cette protection tient compte de ses spécificités physiologiques et psychologiques, de sa vulnérabilité accrue dans certaines circonstances, de ses besoins médicaux particuliers. Que ce soit dans le conflit armé international ou non international, les parties au conflit armé doivent protéger la femme, particulièrement celle qui ne participe pas directement aux hostilités. Elle doit, en toutes circonstances, être traitée avec humanité sans aucune distinction de caractère défavorable fondée sur le sexe ou sur toute autre considération[42]. La protection spéciale accordée à la femme, et surtout à une catégorie encore plus vulnérable, vient donc s’ajouter à la protection générale dont bénéficie l’ensemble de la population civile.

Le DIH  accorde un régime juridique spécial variant en fonction du statut de la femme. En tant que femme, elle bénéficie d’une protection contre toutes formes d’atteinte à sa   dignité (A). Ce régime est encore plus protecteur pour la mère ou future mère (B).

A- La protection contre toute atteinte à l’honneur de la femme

Toutes les femmes sont particulièrement protégées contre toute atteinte à leur honneur, notamment le viol, la prostitution forcée et tout attentat à la pudeur[43]. Ces actes sont interdits en tous lieux et en toutes circonstances et la femme, quelque soit sa nationalité, sa race, sa confession, son âge, son état civil, sa condition sociale, a un droit absolu au respect et à l’intangibilité de son honneur. C’est un principe fondamental en droit humanitaire qui protège la femme contre les abus sexuels en période de conflit armé dont elle peut être victime. L’insertion d’un tel principe dans les conventions était certainement motivé par l’expérience douloureuse des civils lors de la seconde guerre mondiale et plus particulièrement « d’innombrables femmes de tous âges qui avaient été l’objet de pires outrages »[44] : viols commis en territoires occupés, brutalités de tout genre, mutilations, transfert de milliers de femmes dans des maisons de prostitution contre leur gré.

Ce principe sera réaffirmé, plus tard en 1977, par le protocole additionnel I[45]. Avec ce protocole, le principe selon lequel la femme est protégée contre toute atteinte à son honneur a désormais un champ d’application général et protège la femme se trouvant sur le territoire des parties en conflit, aussi bien celle affectée par le conflit armé que l’autre femme protégée ou non par la convention IV[46]. Selon les commentaires du Comité International de la Croix Rouge, l’article 76 du Protocole I complète la convention IV en étendant son cercle de bénéficiaire et constitue un complément substantiel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, moins détaillé à cet égard, car axé sur l’égalité des sexes. L’interdiction du viol et des autres formes de violence sexuelle à l’égard de la femme a été reprise par le protocole additionnel II en son article 4.2 (e) qui interdit les atteintes à la dignité (…) notamment (…) le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur.

Cette interdiction a, désormais, valeur de norme coutumière et est applicable dans tous les conflits armés et en toutes circonstances[47].

La femme arrêtée, détenue ou internée bénéficie de règles protectrices garantissant des conditions de vie décente dans les lieux d’internement. En effet, le droit humanitaire autorise le belligérant à recourir à certaines méthodes à l’égard des personnes, s’il y a des raisons sérieuses et légitimes de penser qu’elle fait partie d’organisations destinées à troubler l’ordre ou qu’elle est susceptible de nuire sérieusement à sa sécurité par d’autres moyens, tels que le sabotage ou l’espionnage. En règle générale, « chaque fois qu’il sera nécessaire, à titre de mesure exceptionnelle et temporaire, de loger des femmes  internées n’appartenant pas à un groupe familial dans le même lieu  d’internement que les hommes, il devra leur être obligatoirement  fourni des lieux de couchage et des installations sanitaires séparés »[48], les femmes et les hommes d’une même famille pouvant être logés ensembles[49]. Il s’agit d’un cas d’application des dispositions générales de l’article 27, 2e alinéa, relatives au respect de l’honneur de la femme. Pour les mêmes raisons, la femme internée ne pourra être fouillée que par une femme[50]. L’article 75 (5) du Protocole I prévoit que « dans les camps d’internement de civils (…), les femmes doivent être gardées dans des locaux séparés de ceux des hommes et placées sous la surveillance immédiate de femmes »[51]. Cette disposition sera  reprise par le Protocole II en son article 5 (2). Cependant, dans les cas où il ne sera pas possible de prévoir des locaux séparés, il faudrait en tout état de cause prévoir des lieux de couchage et des installations sanitaires séparés[52]. Cette mesure est un élément essentiel du respect de l’interdiction des atteintes à la dignité de la femme notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur. Cette règle constitue une norme de droit international humanitaire coutumier applicable dans tous les conflits armés[53].

Par ailleurs, les peines disciplinaires doivent tenir compte du sexe de la personne punie [54] et  les femmes inculpées ou punies doivent être logées dans des locaux séparés et placées sous la surveillance immédiate de femmes[55]. La convention IV rappelle ainsi le principe du traitement différencié, mais de manière générale. Rien n’empêche d’ailleurs la Puissance détentrice de prévoir, pour la femme, un régime de détention disciplinaire moins dur que celui de l’homme et dans des installations moins inconfortables. Une telle distinction entre les sexes n’est en effet pas considérée comme contraire au principe général interdisant toute discrimination[56].

Le régime spécial de protection prend aussi en compte des femmes jugées encore plus vulnérables en raison de leur situation biologique spécifique : la femme enceinte, la femme en couche et la mère d’enfants en bas âge.

B- La protection de la femme en tant que mère ou future mère

Lors d’un conflit armé, la femme enceinte ou en couche bénéficie d’une protection supplémentaire. Le Protocole I consacre le principe selon lequel « les cas des femmes enceintes arrêtées, détenues ou internées pour des raisons liées aux conflits armés doivent être examinés en priorité absolue »[57]. L’expression « priorité absolue » souligne le caractère obligatoire de la disposition et exprime la volonté que la femme enceinte soit libérée aussi rapidement que possible.

En ce qui concerne la mère d’enfants en bas âge, elle doit aussi être traitée en priorité lorsqu’elle est détenue ou arrêtée. Si la question de l’âge reste en suspens dans ce texte (article 76 du protocole I), la formule couramment employée est celle de la Convention IV qui traite généralement du cas des mères d’enfants de moins de 7 ans. Cet âge est donc celui en principe retenu dans l’application de l’article 76 du Protocole I précité.

Ainsi, on s’efforcera de conclure des accords en vue de la libération des mères avec nourrissons et enfants en bas âge, de leur rapatriement, du retour à leur lieu de domicile ou de leur hospitalisation en pays neutre[58]. Cet article n’oblige pas la conclusion de tels accords mais constitue une recommandation pressante, fondée sur l’expérience de la deuxième guerre mondiale, au cours de laquelle plusieurs rapatriements d’internés ont été réalisés durant les hostilités, aux termes d’arrangements conclus par les belligérants[59]. Comme l’internement n’est pas une peine mais une mesure de précaution prise dans l’intérêt de la Puissance détentrice, elle ne doit pas nuire gravement aux personnes qui en font l’objet. Dans ces conditions, les internées atteintes d’une maladie contagieuse ou dont l’état nécessite un traitement spécial, une intervention chirurgicale ou l’hospitalisation, devront être admises dans tout établissement qualifié pour les traiter et y recevront des soins qui ne devront pas être inférieurs à ceux qui sont donnés à l’ensemble de la population[60]. Elles ne doivent pas être non plus transférées tant que leur santé pourrait être compromise par ce déplacement, à moins que leur sécurité ne l’exige impérieusement[61].

Ainsi, les articles 14 et 15 de la convention IV disposent que les parties au conflit pourront créer des zones neutralisées ou de sécurité destinées à mettre à l’abri des effets du conflit armé la population civile, y compris, en particulier les femmes enceintes et les mères d’enfants de moins de sept ans pour peu, bien sûr, qu’elles s’abstiennent de toute activité de soutien direct à l’effort de guerre. L’article 23 de la convention IV impose, pour sa part aux États, l’obligation d’accorder le libre passage de tout envoi de  vivres indispensables, des vêtements et de fortifiants réservés aux femmes enceintes ou en couches. Il faut entendre par vivres indispensables, les aliments de base – par  exemple, le lait, la farine, le sucre, la graisse, le sel – nécessaires à la santé et au développement normal physique et psychique des personnes auxquels ils sont destinés. De même, l’article 70 (1) du protocole I vise les situations autres que l’occupation, lorsque la population civile d’une partie au conflit est insuffisamment approvisionnée, situation dans laquelle « des actions de secours de caractère humanitaire et impartial seront entreprises, et priorité sera donnée (…) aux femmes enceintes ou en couches et aux mères qui allaitent »[62].

L’article 17 impose aux belligérants[63] de s’efforcer de conclure des arrangements pour l’évacuation d’une zone assiégée ou encerclée (…) de femme en couche, et pour le passage du personnel et du matériel sanitaires à destination de cette zone. Les femmes enceintes et en couches, ainsi que les mères qui allaitent sont les bénéficiaires prioritaires des envoies de secours. Cette priorité est une obligation qui s’impose à toutes les personnes chargées de la distribution des secours[64]. Ce traitement favorable s’étend à l’offre supplémentaire de nourriture en fonction des besoins physiologiques nécessités par leur état[65].

La femme bénéficie aussi de mesures préférentielles[66] en matière de protection. Étrangère sur le territoire d’une partie au conflit, la femme jouit d’un traitement préférentiel dans l’octroi de soins médicaux ou d’assistance sociale et de cartes d’alimentation ; les femmes enceintes ou en couches bénéficiant de supplément de nourriture. Les mères d’enfants de moins de sept ans bénéficieront, quant à elles, dans la même mesure que les ressortissantes de l’État intéressé, de tout traitement préférentiel accordé aux ressortissantes nationales des catégories correspondantes[67]. S’agissant des territoires occupés, la puissance occupante a l’obligation de ne pas entraver les mesures préférentielles en matière alimentaire, médicale et de protection contre les effets du conflit armé, qui auraient pu exister en faveur des femmes enceintes et des enfants en bas âge[68]. Allant dans le même sens, l’article 70 (1) du Protocole I dispose que « lors de la distribution des envois de secours, y compris des articles sanitaires, priorité sera donnée (…) aux femmes enceintes, aux femmes en couches et aux mères qui allaitent ».

Enfin, dans toute la mesure du possible, les parties au conflit armé s’efforceront d’éviter que la peine de mort soit prononcée contre les femmes enceintes ou les mères d’enfants en bas âge dépendant d’elles pour une infraction commise en relation avec le conflit armé. Que ce soit dans un conflit armé international ou non international, une condamnation à mort contre ces femmes pour une telle infraction ne sera pas exécutée[69]. En effet, beaucoup de codes pénaux nationaux qui comportent encore la peine de mort, connaissent cette restriction et la pratique qui consistait à différer l’exécution jusqu’après l’accouchement a été presque partout abandonnée, en droit ou en fait[70]. Il faut signifier  toutefois que l’expression « dans toute la mesure du possible » a un caractère d’une obligation limitée contrairement à la seconde phrase du paragraphe 3 de l’article 76 du Protocole I[71] qui constitue une interdiction claire et sans restriction. Ainsi, en aucun cas, les femmes ne pourront faire l’objet d’une exécution à mort pour une infraction commise.

En un mot, la femme bénéficie d’un ensemble de règles juridiques spéciales qui la protège en période de conflit armé. Nombre de ces règles relèvent du droit coutumier et ont, donc, une force obligatoire pour les parties à un conflit, que celles-ci aient ratifié ou non les traités pertinents. Toutefois, en pratique, la réalité est tout autre. Les différentes règles de protection de la femme s’avèrent méprisées sur le champ de bataille ; les principes du DIH sont continuellement contournés ; les droits de la femme sont foulés au pied et constamment violés. On constate, en effet, avec regret, que cette dernière est de plus en plus instrumentalisée dans les conflits armés.

SECTION II : La femme instrumentalisée dans les conflits armés

Lors des conflits armés, les personnes civiles sont sujettes à toutes sortes de mauvais traitements et exposées à des dangers considérables (attaques des forces adverses, tactiques d’intimidation, etc.). Étant donné que la femme représente la majeure partie de ces personnes, elle est la plus touchée par ces maux. D’un côté, c’est elle que les belligérants utilisent, parfois, comme instrument en vue se protéger contre quelques attaques. De l’autre côté, en raison de son sexe et de son rôle essentiel dans la consolidation de la collectivité, la femme est fréquemment prise pour cible de violences sexuelles. En ce sens, la femme est une véritable « proie » pour les hommes en armes qui cherchent, par ces pratiques, à terroriser, humilier ou détruire des communautés tout entières.

Dans ce travail, il conviendra de montrer comment, pendant les conflits, les belligérants utilisent la femme comme une arme de guerre (paragraphe I) puis, comment cette dernière est réifiée en objet sexuel (paragraphe II).

Paragraphe I : La femme utilisée comme une arme de guerre

Une arme de guerre peut être définie soit, comme un instrument servant à neutraliser, blesser, tuer ou causer une destruction matérielle soit, comme un dispositif de défense ou de protection contre une attaque lors d’un conflit armé[72]. La Seconde Guerre mondiale a vu un développement important des armes de tous types, en puissance et en quantité. Bien plus, au cours des dernières années, tout un arsenal de nouvelles technologies a fait son apparition sur les champs de bataille modernes[73]. Précisons que toutes ces nouvelles armes, qu’elles soient offensives ou défensives, ont pour enjeu commun de nuire à l’adversaire.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’utilisation de la femme comme bouclier humain involontaire. Cette pratique consiste à placer des femmes en des lieux jugés stratégiques afin d’éviter leur bombardement, à dissimuler des combattants dans des zones civiles, ou encore à les faire marcher devant des soldats. L’objectif étant de se défendre contre une attaque en dissuadant l’adversaire de frapper un objectif militaire ou des combattants, sous peine de tuer des innocents ou des cibles illégitimes.

Bien que cette pratique soit sanctionnée par le droit international (B), l’utilisation de la femme comme bouclier humain involontaire est, de plus en plus, observée dans conflits armés modernes (A).

A- L’utilisation de la femme comme bouclier humain involontaire

L’utilisation de la femme comme bouclier humain involontaire dans les conflits armés est loin d’être un phénomène nouveau. En effet, cette technique a été utilisée lors de la guerre  Franco-Prusse de 1870-1871, des guerres de Boers et des deux conflits mondiaux. Citons à titre d’exemple l’accusation portée en 1914 contre les troupes allemandes pour avoir « fait marcher devant eux les femmes et les enfants pour déboucher des villages sur le champ de bataille »[74]. Les conflits armés contemporains semblent voir ce phénomène se développer.

Pendant le conflit armé pakistanais, des centaines de femmes étaient retenues contre leur gré dans la « Mosquée rouge » à Islamabad pour servir de boucliers humains en cas d’assaut. Une trentaine de terroristes armés retranchés à l’intérieur de cette Mosquée empêchaient, en effet, ces dernières de quitter l’édifice ; il y aurait au total dans le complexe 300 à 400 femmes et enfants otages[75].

Au Nigéria également, des femmes et des filles enlevées par le groupe islamiste Boko Haram ont été utilisées « en première ligne » lors des combats menés par ledit groupe. Ces pauvres femmes servaient de boucliers humains lors des violents affrontements entre l’armée nigériane et la secte islamiste. Du moins, c’est ce qui ressort du rapport de l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Human Rights Watch[76] qui affirme que la secte islamiste Boko Haram enverrait les femmes otages qu’ils ont capturé directement sur le front pour dissuader les forces armées et de les prendre pour cibles. Ce rapport, comportant des témoignages très durs des rescapées parmi le groupe de lycéennes détenues par ces derniers, a fait la lumière sur les pratiques dudit groupe. Une jeune fille de 19 ans retenue, pendant trois mois, dit avoir été forcée de participer à des attaques du groupe. Selon son témoignage, les membres du  groupe islamiste lui ont demandé de porter les munitions et de s’allonger dans l’herbe pendant qu’ils combattaient. Selon Human Rights Watch, plus de 500 femmes et jeunes filles ont été enlevées depuis le début de l’insurrection en 2009, parmi lesquelles plusieurs servent de boucliers humains lors des combats.

Cette manière d’utiliser les femmes comme boucliers humains correspond à la forme la plus classique de la pratique. Celle-ci consiste pour une partie à un conflit armé à placer, sous une contrainte physique, des personnes civiles auprès ou à l’intérieur d’objectifs militaires afin de protéger ces objectifs contre les attaques ennemies[77].

D’autres cas d’utilisation de la femme comme bouclier humain ont été recensés. Mais cette fois, la pratique consistait pour une partie au conflit à placer des objectifs militaires ou ses combattants au sein de la population civile, et partant, des femmes dans l’intention de se protéger contre les attaques ennemies. Nonobstant l’absence de contrainte physique sur la population civile, l’intention spécifique qui caractérise l’utilisation des boucliers humains est tout de même réalisée du simple fait de la présence des objectifs militaires au milieu de cette population.

Dans la pratique, cette forme a été utilisée en Lybie, dans la ville de Misrata, en 2011, où les troupes du Colonel Kadhafi ont utilisé 107 civils, parmi eux des femmes parquées dans une fabrique de tuiles pour protéger du matériel de guerre (chars d’assaut, d’artillerie, de lance-roquettes anti-char (Rocket Propelled Grenade : RPG) et d’armes légères). Ces dernières ont été utilisées comme boucliers humains afin de dissuader l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) de frapper des caches de munitions. Des sites civils qui abritent de nombreuses femmes tels que des marchés, des mosquées ou des écoles ont également été utilisés pour protéger des armes. C’est le cas du « vieux marché aux poissons » de la même ville qui a notamment permis de cacher cinq chars. Selon les informations de l’ONG Physicians for human rights (PHR) des civils, y compris des femmes, ont été forcés à se constituer en boucliers humains[78].

Enfin, dans le cadre du conflit Sri-Lankais, des civils ont été empêchés de fuir les combats afin de servir de « tampon » humain. Le groupe armé LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam) n’a pas hésité à tirer à plusieurs reprises sur la population, femmes et enfants inclus qui ont essayé d’atteindre le territoire tenu par le gouvernement. Les civils et, partant, les femmes ont donc été utilisés à des fins stratégiques, notamment pour créer un « tampon » entre les rebelles et les forces gouvernementales[79].

L’utilisation de la femme comme bouclier humain se révèle comme une pratique couramment usitée dans les conflits contemporains. Elle revêt différentes formes. D’abord, des femmes otages placées de force auprès ou à l’intérieur d’objectifs militaires ; ensuite, des objectifs militaires ou des combattants placés au sein de la population civile, et partant, des femmes ; enfin des femmes membres de la population civile empêchées de fuir les zones de combat dans l’intention de se protéger contre les attaques ennemies. Notons, toutefois, que même si la pratique des boucliers humains involontaires dans les conflits armés est récurrente, le droit international, à travers ses instruments juridiques, la frappe d’interdiction.

B- La sanction de la pratique par le droit international

La pratique de boucliers humains involontaires dans les conflits armés est une tactique qui a été critiquée pour son inhumanité et sa cruauté. Même si elle a perduré tout au long des guerres du XXème siècle, après la fin de la Guerre Froide et enfin dans les conflits armés modernes, il n’en demeure pas moins que cette pratique soit contraire au droit international.

Il importe de préciser qu’en droit humanitaire, l’utilisation de boucliers humains involontaires fait l’objet d’une interdiction générale concernant l’ensemble de la population civile. Les femmes demeurent, cependant, la frange de la population la plus ciblée par cette mesure de protection d’autant plus qu’elles sont susceptibles d’être utilisées en tant que boucliers humains. Relativement aux conflits armés internationaux, les conventions de Genève consacrent expressément cette interdiction. Au contraire, dans les conflits armés non internationaux, cette interdiction a plutôt un caractère coutumier.

Dans les conflits armés internationaux, l’interdiction d’utiliser des boucliers humains a connu un début de règlementation dans la Convention de Genève de 1929 sur la protection des prisonniers de guerre. En effet, l’article 7 de cette convention prévoyait déjà l’obligation pour les parties au conflit d’évacuer immédiatement les prisonniers de guerre vers des camps assez éloignés des zones de combat, à moins que leur maintien temporaire dans de telles zones ne soit motivé par des nécessités de santé. Ils ne doivent pas être, non plus, exposés inutilement à des dangers en attendant leur évacuation. De même, l’article 9 (4) de la même convention interdisait d’utiliser la présence des prisonniers dans les zones de combat pour conjurer les attaques ennemies[80]. Toutefois, le développement technique des combats constaté lors de la Seconde Guerre mondiale a révélé les insuffisances de cette convention. C’est ainsi que, lors de la Conférence d’experts gouvernementaux de 1947, le Comité International de la Croix Rouge proposa un élargissement de la portée de l’article 9 (4) de la Convention de 1929 afin de rendre la disposition plus efficace[81]. Ainsi, dans les Conventions de Genève de 1949, il est interdit d’utiliser des boucliers humains[82]. Cette interdiction concerne aussi bien les prisonniers de guerre que les personnes protégées.

S’agissant des prisonniers de guerre, l’article 19 de la Convention III, reprenant l’article 7 alinéas 1 à 3 de la Convention de 1929, prévoit l’obligation pour les parties au conflit d’évacuer immédiatement les prisonniers de guerre vers des camps assez éloignés des zones de combat, à moins que leur maintien temporaire dans de telles zones ne soit motivé par des nécessités de santé, et ils ne doivent pas être exposés inutilement à des dangers en attendant leur évacuation[83]. C’est surtout l’article 23 (1) de ce même instrument qui vise explicitement  la question des boucliers humains en disposant : « aucun prisonnier de guerre ne pourra, à quelque moment que ce soit, être envoyé ou retenu dans une région où il serait exposé au feu de la zone de combat, ni être utilisé pour mettre par sa présence certains points ou certaines régions à l’abri des opérations militaires ». Par conséquent, les prisonniers de guerre ne doivent « en aucun cas être internés à proximité d’objectifs militaires proprement dits (…) exposés aux bombardements les plus lourds »[84].

L’article 51 (7) du Protocole I réaffirme l’interdiction d’utiliser des boucliers humains de la manière suivante : « la présence ou les mouvements de la population civile ou de personnes civiles ne doivent pas être utilisés pour mettre certains points ou certaines zones à l’abri d’opérations militaires, notamment pour tenter de mettre des objectifs militaires à l’abri d’attaques ou de couvrir, favoriser ou gêner des opérations militaires. Les parties au conflit ne doivent pas diriger les mouvements de la population civile ou des personnes civiles pour tenter de mettre des objectifs militaires à l’abri des attaques ou de couvrir des opérations militaires ».

À la lecture de cette disposition, il y a lieu de noter que par rapport aux articles 23 (1) et 28 respectivement des Conventions III et IV, un élargissement de la portée de l’interdiction d’utiliser des boucliers humains a été fait, tant du point de vue ratione materiae que du point de vue ratione personae. Alors qu’en 1929, l’interdiction se limitait au champ d’application des troisième et quatrième Convention de Genève, et n’avait donc trait qu’aux prisonniers de guerre et aux « personnes protégées »[85], l’article 51 (7) du Protocole I protège ainsi la population civile dans son ensemble. La « présence » de civils utilisés comme boucliers humains couvre deux types de situations : celles où des civils sont placés sur ou à proximité d’objectifs militaires, et celles où ce sont des objectifs militaires qui sont placés au milieu des civils. L’article 51 (7) prend également en compte l’hypothèse où il s’agit des                         « mouvements » de la population civile qui couvrent des opérations militaires. L’esprit de la règle d’interdiction de l’utilisation de boucliers humains consacrée à l’article 51 (7) du Protocole I permet d’octroyer une protection maximale à la population civile. Précisons que l’interdiction d’utiliser des boucliers humains appartient au tissu du droit international humanitaire coutumier[86] et a été érigé en crime de guerre, à l’article 8 (2) (b) (xxiii) par le Statut de Rome de 1998, instituant la Cour Pénale Internationale[87].

Au contraire des conflits armés internationaux, aucune règle conventionnelle n’interdit expressément l’usage de boucliers humains dans les conflits armés non internationaux. Cette interdiction découle plutôt de l’article 13 (1) du Protocole II, lequel garantit aux personnes civiles une « protection générale contre les dangers résultants d’opérations militaires ». C’est, cependant, au regard du droit coutumier que l’on peut affirmer l’interdiction d’utiliser des boucliers humains également dans le contexte de ces conflits[88]. L’usage de boucliers humains est souvent assimilé à la prise d’otages, pratique interdite par le droit coutumier mais également par l’article 4 (2) (c) du Protocole II. On remarquera, toutefois, qu’en période de conflits armés non  internationaux, contrairement à ce qui a été fait dans le cadre de conflits armés internationaux, le Statut de Rome n’a pas érigé l’emploi de boucliers humains en crime de guerre.

Au total, l’interdiction d’utiliser des boucliers humains est prévue par les règles régissant la conduite des hostilités dans les conflits armés internationaux et non internationaux. Relevons toutefois qu’en pratique, la règle de l’interdiction absolue d’utiliser des boucliers humains a été très souvent mise à rude épreuve dans des conflits armés, contribuant ainsi à une victimisation plus accrue de la femme. Les conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda se sont, cependant, révélés comme l’élément déclencheur ayant attiré l’attention internationale sur une autre forme d’atrocité, jusque là occultée, commise systématiquement contre la femme. Il s’agit de la réification de la femme en objet sexuel.

Paragraphe II : La femme réifiée en objet sexuel

Les conflits armés créent un contexte propice à une propagation des crimes sexuels. La loi et l’ordre n’ont plus cours ; la retenue morale et sociale fait place aux périls et aux privations de la guerre ; et le sentiment que les rapports sexuels sont un dû s’installe au sein des groupes armés qui mettent à sac, pillent et violent en toute impunité, traitant les femmes comme des « trophées de guerre ». De nos jours, la violence sexuelle est malheureusement devenue une caractéristique pour certaines sociétés et s’est hissée à coté d’autres formes de violences qui accompagnent les conflits, comme un moyen de détruire la dignité de la personne humaine. Sans nier le fait qu’elle puisse frapper à la fois l’homme et la femme, la violence sexuelle est néanmoins assurément plus susceptible d’être commise contre la femme[89]. La violence sexuelle apporte aux combattants du « plaisir » et sa présence sert entre autre au fameux, en l’occurrence plutôt infâme, repos du guerrier[90]. Une autorisation plus ou moins explicite est parfois donnée aux soldats, aux miliciens et aux civils engagés dans des conflits armés pour se « servir » à volonté dans la case de l’ennemi lorsqu’ils peuvent le faire. Les soldats considèrent alors la femme comme un objet sexuel présent pour la satisfaction de leurs appétits charnels. Ils pillent son corps et sa dignité comme on pille les demeures.

En ce sens, la femme apparait comme la principale victime des violences        sexuelles (A) ; la pratique la plus courante étant celle de sa réduction à l’esclavage sexuel (B).

A- La femme, principale victime des violences sexuelles

La violence sexuelle est un crime dont la femme est la première victime. Loin de se limiter à la pénétration physique du corps humain, elle peut comporter des actes qui ne consistent pas dans des contacts physiques[91].  Elle comprend, entre autres, le viol individuel ; collectif ; les mutilations des organes génitaux, du sein ou de tout autre partie intime de la femme ; le fait de déshabiller la femme en public ; la transmission volontaire du VIH-Sida et toutes les autres formes de tortures sexuelles.

Instrument aussi bien stratégique que tactique, la violence sexuelle est délibérément utilisée comme une véritable arme de guerre[92] dans toutes sortes de conflits armés. Elle vise à conquérir, à chasser ou à dominer les femmes et les groupes humains auxquels elles appartiennent. Elle peut aussi être employée pour extorquer des informations, punir, terroriser ou humilier. C’est une arme universelle qui permet à ceux qui l’emploient de dépouiller leurs victimes de leur dignité et de détruire en elles tout sentiment d’amour-propre. Une arme qui sert aussi à semer la terreur et la destruction au sein de populations entières.

La femme est prise pour cible parce que ses agresseurs ont la volonté de porter atteinte à son intégrité mentale et physique. Elle est agressée publiquement pour montrer que « ses » hommes sont incapables de la défendre. En effet, la femme représente, par essence, la famille. Elle est perçue comme la garante de la culture ; le dépositaire symbolique de l’identité culturelle, d’une caste, de l’ethnie ou de la nation et celle qui assure la pérennité du groupe à travers son rôle naturel dans la procréation. Dans beaucoup de cultures, l’intégrité de son corps, notamment à travers l’exigence de la virginité avant le mariage et le devoir de fidélité après, représente des valeurs morales cautionnant son honneur et celui de ses proches. À travers les spoliations de son corps, les agresseurs tentent d’humilier leur ennemi et de le déstabiliser. Abuser de la femme durant les conflits armés vise, donc, à diminuer l’adversaire en le frappant au plus profond de sa dignité. Le viol humilie toute la famille et le groupe des survivants qui 1’environne. Bien plus, pour l’homme, c’est s’accaparer ses terres, l’enfanter par son ennemi ; c’est aussi une manière de réduire ses chances de survie. La violence sexuelle est, ainsi, la symbolisation et le topo du déshonneur de l’autre. En Inde, suite aux conflits violents en 1984, un grand nombre de femmes hindoues violées se sont suicidées. Devenues la honte de leur famille et l’incarnation de l’impureté, elles n’avaient plus d’avenir[93].

Les combattants qui violent au cours des guerres justifient souvent leurs actes par cette dégradation sociale élargie. C’est dans cette logique que s’inscrivent les viols commis pendant le conflit en ex-Yougoslavie dans lequel les troupes serbes se servaient du viol comme instrument pour faire fuir des populations de territoires entiers. La purification ethnique était d’autant plus efficace que le viol porte atteinte au groupe ennemi dans ce qu’il a de plus intime. Poussant la logique de la modification de la composition ethnique des territoires à l’extrême, elles ont créé ce que le droit a désigné ensuite sous le vocable de ₺grossesse forcée₺. Il ne s’agit alors pas uniquement de faire fuir un peuple d’une région mais, en quelque sorte, de détruire le groupe « de l’intérieur »[94].

La violence sexuelle a été ainsi utilisée pour affirmer la domination sur l’ennemi. La sexualité de la femme étant perçue comme placée sous la protection des hommes de la communauté, sa profanation est un acte de domination, qui revient à affirmer sa suprématie sur les mâles de la communauté ou du groupe adverse qui fait l’objet de l’attaque[95]. Les statistiques des Nations Unies ont montré qu’au début des années 1990, entre 20 000 et        50 000 femmes ont subi des violences sexuelles en Bosnie-Herzégovine[96].

Quelques milliers de kilomètres plus loin, cette pratique a également été observée au Rwanda, en 1994, où les extrémistes hutus utilisaient le viol pour perpétrer le génocide contre les tutsis. Tout au long de ce génocide, le viol et autres formes de violences furent dirigées contre les femmes tutsies, en raison à la fois de leur sexe et de leur appartenance ethnique. La propagande extrémiste qui exhortait les Hutus à commettre le génocide, dénonçait spécialement la sexualité des femmes tutsies comme étant le moyen utilisé par les Tutsis pour infiltrer et contrôler les Hutus. Cette propagande prenait la violence sexuelle contre les femmes tutsies comme un moyen de déshumaniser et de soumettre tous les Tutsis. Plusieurs femmes ont ainsi été violées : plus de 500.000[97]. D’autres femmes ont réussi à survivre, seulement pour s’entendre dire qu’elles ne seraient autorisées à vivre que pour mieux “mourir de chagrin”. De plus, la très grande majorité des survivantes aurait été volontairement contaminée par le virus VIH/SIDA au cours de ces viols, condamnée ainsi à une mort lente.

En Côte d’Ivoire, la violence sexuelle a été fréquemment utilisée contre les femmes depuis les événements du 19 septembre 2002 comme une arme de guerre dans les différentes zones de combats, de déplacements ou de résidence. Human Rights Watch a documenté des cas de violences sexuelles tels que des viols individuels et en groupe, l’esclavage sexuel, l’inceste forcé, et l’agression sexuelle insigne. De nombreux combattants ont violé des femmes assez âgées pour être leurs grand-mères, des enfants n’ayant pas plus de six ans, des femmes enceintes, et des mères allaitant. Des femmes furent violées devant leurs parents, et parfois même violées par des membres de leurs familles sous peine de mort. Certaines femmes et filles ont eu des fusils, des bâtons, des crayons, et autres objets insérés dans leur vagin. Certaines survivantes du viol ont donné naissance à des enfants conçus par leurs violeurs. De surcroît, la victimisation sexuelle des filles et des femmes s’est souvent accompagnée d’autres violations générales des droits humains à leur encontre, contre leurs familles et leurs communautés[98]. Les violences qui ont été portées à la connaissance de la Commission d’enquête internationale[99] par des témoins et quelques rares fois directement par les victimes, ont fait mention de ce genre de barbaries. La Commission a notamment reçu le témoignage d’un homme qui a été contraint de violer sa propre fille devant le reste de la famille. Suite à cette scène, la mère est devenue folle. Dans un autre village, une femme enceinte a été déshabillée en public et a été obligée de simuler l’acte sexuel pendant plusieurs heures. Elle a accouché d’un mort né le lendemain[100].

Par ailleurs, l’Initiative Conjointe visant à lutter contre les violences sexuelles à l’égard des femmes et des enfants en période de conflits armés a répertorié, en seulement novembre 2003 et en seulement l’Est de la République Démocratique du Congo, 40 000 cas de viols[101]. En 2010, la ville de Goma, au Nord-Kivu, se voyait attribuer le triste nom de         « Capitale du viol » par l’ONU. En 2013, les statistiques récoltées par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Refugiés (UNHCR) au Nord-Kivu ont enregistré 705 cas de violence sexuelle dans la région depuis le mois de janvier, dont 619 cas de viol. Les chiffres officiels des Nations unies apportent des preuves supplémentaires de la menace croissante qui pèse sur les femmes et les filles. Ils montrent que les cas enregistrés de violence sexuelle dans le  Nord-Kivu sont passés de 4 689 cas en 2011 à 7 075 en 2012[102].

En outre, dans un rapport publié le 29 juin 2015 sur les droits de l’homme, la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) affirme que le nombre de cas de violences sexuelles, notamment de viols, de viols collectifs et d’enlèvements, a considérablement augmenté pendant la récente recrudescence des combats dans la région du Haut-Nil en avril et en mai. Des femmes, principalement des Shilluk, auraient été enlevées par des soldats de l’APLS dans l’État du Haut-Nil. Dans leur rapport, les enquêteurs de l’organisation onusienne évoquent une « brutalité nouvelle » dans le sanglant conflit civil qui ravage le Soudan du Sud depuis un an et demi. Ils relèvent des incidents séparés au cours desquels « des femmes et des filles ont été tuées par balle ou brûlées vives dans leurs tukuls après avoir été victimes de viols collectifs ». Au moins 172 femmes et filles auraient été enlevées et 79 soumises à des violences sexuelles, notamment des viols collectifs[103].

L’humiliation, la douleur et la terreur infligées par les violeurs à la femme visent, ainsi, non seulement à la dégrader en tant qu’individu, mais au-delà, à avilir le groupe dont elle fait partie.  Elle est aussi prise pour cible parce qu’elle porte en elle l’avenir humain de son propre groupe : sa faculté de procréer est alors anéantie par mutilation, ou détournée, parce qu’elle est contrainte de porter les enfants de « l’ennemi ». Les femmes portant un enfant d’un violeur ennemi devant composer avec la contradiction « incorporée » de la   haine-amour[104]. Au Rwanda, les “grossesses de la guerre”, “enfants de la haine”, “enfants non désirés” ou encore “enfants mauvais souvenir” tels qu’ils sont nommés, sont estimés entre 2.000 et 5.000 par l’Office National de la Population (ONAPO)[105].

Au Rwanda comme partout ailleurs dans le monde, le viol et les autres types de violences basées sur la discrimination sexuelle laissent de sévères conséquences sociales. Les blessures physiques et psychologiques endurées par les rescapées des viols sont aggravées par un sentiment d’isolement et l’ostracisme qu’on leur fait subir.  Les femmes qui ont subi des violences sexuelles n’osent pas révéler ces drames publiquement. Certaines craignent d’être rejetées par leur famille et plus largement par la communauté ou de ne pas être en mesure de la réintégrer. Aussi, elles ont peur d’avoir des difficultés à se marier. D’autres ne parlent pas, par peur des représailles de leurs agresseurs. Des survivantes ayant été violées souffrent souvent d’une grande culpabilité pour avoir survécu plutôt que s’être laissées exécuter.

Notons que ces viols et autres agissements sexuels dégradants peuvent être également le fait des forces de maintien de la paix[106]. Au cours de la mission des Nations Unies au Cambodge en 1992, le nombre de prostituées est passé de 6 000 à 25 000 et la prostitution enfantine a augmenté. En 2004, il a été signalé qu’en République démocratique du Congo (RDC) de nombreuses filles et femmes échangeaient avec les soldats de la paix des faveurs sexuelles contre de la nourriture et d’autres articles dont dépendait leur survie[107]. Des cas d’abus sexuels sur des femmes et des filles attribués aux soldats de l’Organisation des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) ont également été signalés. L’un des plus choquants est celui dénoncé par l’ONG Save the Children UK dans son rapport en date du 27 mai 2008 qui fait état du viol d’une fille de 12 ans par 10 soldats de l’ONUCI[108]. D’après les chiffres des Nations Unies, au moins 81 allégations d’abus sexuel ou d’exploitation ont été formulées à l’encontre du personnel de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) au cours des six dernières années, dont 16 en 2013 (à la mi-novembre)[109].

La détérioration ou l’effondrement des systèmes de protection policiers et juridiques, la confusion et le trouble qui règnent en temps de guerre, la brutalité propre au conflit, les conflits multiples inhérents à la psychologie du combat et les pratiques propres au temps de guerre, de représailles et de vengeance, sont autant de phénomènes qui fournissent des occasions et des encouragements sans fin à la violence sexuelle. Malheureusement, la généralisation des viols de part et d’autres n’a ni camp, ni logique, mais se résume en une  idée : la tragédie des femmes.

Dans un conflit armé, être une femme est donc un facteur de risque ; la femme quel que soient son âge, appartenance ethnique, classe sociale ou affiliation politique, servant souvent d’esclave sexuelle dans les groupes armés.

 

B- La femme, esclave  sexuelle dans les groupes armés

L’esclavage sexuel est défini comme la condition d’une personne sur laquelle s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux, y compris, l’accès au sexe (souvent par le viol ou d’autres formes de violence sexuelle), et comprend la plupart des formes, sinon toutes, de la prostitution forcée[110]. En effet, l’esclavage, définit par la Convention relative à l’esclavage de 1926 et le Protocole de 1953 amendant cette même convention, se réfère à l’état ou à la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux[111]. Par conséquent, l’esclavage sexuel comprend des droits de propriété de nature sexuelle à travers le viol ou d’autres formes de violence sexuelle.

Loin d’être une pratique nouvelle, la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle est une pratique que l’on retrouve dans la plupart des conflits armés, tout au long de l’histoire de l’humanité, et qui se perpétue après la cessation des hostilités. L’exemple le mieux connu de tels enlèvements à grande échelle est celui de ce qu’on a appelé les « femmes de réconfort » (« comfort women ») en Extrême-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce terme d’apparence anodine est loin de refléter les épreuves atroces que ces femmes ont subies pendant leur détention. Généralement « recrutées » pour maintenir le moral des troupes japonaises, ces femmes appartenaient à des maisons closes dites « centres de délassement » ou « maisons de confort » dans lesquelles elles satisfaisaient à tout moment leurs geôliers. Elles étaient souvent battues, torturées ou même mutilées par les soldats. Certaines d’entre elles étaient même exécutées parce que le soldat n’était pas satisfait. D’autres qui essayaient de s’échapper étaient battues, parfois à mort.

Au cours de la période récente, dans d’autres pays en conflit armé, des femmes ont aussi été enlevées puis retenues captives par des forces combattantes pour servir d’esclaves sexuelles. Elles ont été retenues et agressées sexuellement avec violence par plusieurs hommes, plusieurs fois par jour et ce, parfois pendant des mois. C’est notamment le cas du Rwanda. En effet, pendant le génocide, les femmes étaient soumises à un esclavage sexuel aussi bien collectivement que par des “mariages” forcés. Ces “mariages” forcés comme l’on désigne souvent au Rwanda ont duré quelques jours et parfois toute la période du génocide, voire au-delà. Les viols furent parfois suivis de mutilations sexuelles, incluant des mutilations du vagin et de la zone pelvienne à la machette, au couteau, avec des bâtons, de l’eau bouillante, et dans un cas relevé à l’acide[112].

Ceci n’est pas un cas isolé. En Côte d’Ivoire, depuis l’irruption du conflit armé en 2002 entre le gouvernement ivoirien et des groupes rebelles basés au nord et à l’ouest du pays, de nombreuses femmes et des filles ont été enlevées et sont devenues les esclaves sexuelles des rebelles. Elles ont été violées individuellement, violées collectivement au cours d’incidents isolés, et violées successivement sur de longues périodes (des périodes allant de plusieurs jours à plus d’un an). Suite à leur enlèvement et leur esclavage sexuel, des femmes et des filles ont subi des sévices brutaux, et ont dû supporter des coups, blessures, humiliations, et d’autres peines au-delà de la violence sexuelle. De nombreux rebelles ont contracté des « mariages » avec ces femmes enlevées qu’ils forçaient à être leurs « femmes ». Les rebelles changeaient aussi fréquemment de « femmes » quand ils se fatiguaient d’elles ou quand leurs « femmes » s’enfuyaient, tombaient malades, ou mouraient. Tandis que certaines esclaves sexuelles étaient utilisées dans les camps pour du travail forcé comme chercher de l’eau, cuisiner, nettoyer, et accomplir d’autres tâches domestiques traditionnellement féminines, d’autres furent incarcérées dans de petits espaces confinés où elles étaient prisonnières juste pour les relations sexuelles, et même parfois attachées. Certaines survivantes ont raconté qu’elles étaient considérées comme la « propriété » d’un combattant, qui semblait assurer un certain degré de protection contre des crimes comme le viol collectif[113].

Par ailleurs, en septembre 2009, Amnesty International a publié un rapport dénonçant les violences contre les femmes réfugiées dans l’est du Tchad fuyant le Darfour (Soudan). L’organisation a recueilli des informations faisant état de très nombreux viols et autres actes de violences contre les femmes, le phénomène atteint des proportions alarmantes selon l’ONG. Selon Amnesty, les Janjawids (miliciens armés du Darfour) ont utilisé le viol comme arme pour humilier et punir ; les agressions ont souvent été perpétrées en public et des femmes ont été emmenées dans les campements des Janjawids où elles ont été gardées pendant plusieurs mois comme esclaves sexuelles[114].

Dans d’autres conflits encore, des femmes sont capturées comme butin de guerre, enlevées, conduites dans des maisons où elles sont violées et torturées sur une période, puis vendues par des combattants. Cette pratique ignominieuse est une réalité dans certains États du Proche-Orient en conflits armés. En effet, un grand nombre de femmes et de filles qui ont fui les zones contrôlées par l’État islamique disent avoir été victimes, d’agressions sexuelles, d’esclavage sexuel et de mariage forcé. De jeunes femmes sont « vendues » sur des marchés ouverts ou « données » en cadeau à des combattants de l’État islamique. Des témoignages de première main provenant de personnes déplacées font état de violences sexuelles systématiques, en particulier contre des femmes et des filles yazidies, la plupart des victimes ayant entre 8 et 35 ans. La Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak (MANUI) note que l’État islamique a délibérément publié une « ordonnance» fixant le prix variable selon l’âge d’une fille yazidie ou chrétienne. En fait, l’État islamique, dans ses matériaux de propagande, utilise comme stratégie de recrutement la promesse de se voir attribuer une femme ou une fille. Au 6 novembre 2014, la MANUI signale qu’environ 2 500 femmes et enfants, la plupart membres de minorités ethniques et religieuses, demeurent détenus par l’État islamique dans le nord de l’Irak. La Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit a condamné l’enlèvement et la détention de femmes et enfants yazidis, chrétiens, turcomans et chabaks, constatant qu’environ 1 500 civils ont peut-être ainsi été réduits en esclavage sexuel[115].

En Irak comme dans plusieurs pays en conflit armé, les violences sexuelles sont parmi les violations du droit de la femme les plus fréquentes et les plus traumatisantes qu’elle puisse subir. Les agressions de ce type causent des traumatismes graves parfois indélébiles : elles constituent non seulement une atteinte intolérable à l’intégrité physique, à l’intimité et au mental de la femme victime, mais également, une déstabilisation du statut social pour cette dernière. Aussi, les victimes de viol souffrent généralement de sentiment d’insécurité pour l’avenir et de sentiment de culpabilité.

Bien qu’elle ne date pas d’hier, la violence sexuelle n’est reconnue que depuis peu comme une menace fondamentale pour la sécurité. Elle figure désormais dans les crimes individuels dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux et fait l’objet de plusieurs condamnations dans les Résolutions de l’ONU[116]. Les crimes que constituent les violences sexuelles ont été mis davantage en lumière et se sont vu accordés une plus grande importance dans les poursuites engagées au titre du droit humanitaire. La violence sexuelle sous toutes ses formes est donc interdite.

Ceci dit, la femme est présente dans les conflits armés en tant que victime impuissante. Trop souvent, du fait de sa situation précaire, elle fait l’objet de discriminations multiples et vit dans la crainte d’être victime d’actes spécifiques de violence. La violence sexuelle, désormais, utilisée comme stratégie délibérée vise à déstabiliser les familles et les communautés dont l’intégrité est perçue comme intrinsèquement liée à la « vertu » des femmes. Pour la femme, la guerre peut être synonyme de violence, de peur, de perte d’êtres chers, de privations des moyens de subsistance, de violences sexuelles, d’abandon, de charges familiales accrues, de déplacement, de blessures physiques, et parfois même de mort. Elle la force à assumer des rôles qui ne lui sont pas familiers et l’oblige à renforcer ses mécanismes d’adaptation habituels et à en acquérir de nouveaux. Les femmes constituent donc un groupe particulièrement vulnérable ayant besoin de protection.

Malgré toutes les souffrances que la femme endure pendant les conflits armés, il faut se garder du postulat selon lequel elle ferait nécessairement et invariablement partie de la population civile et ne serait qu’une victime impuissante. Volontairement ou non, elle joue un rôle de plus en plus actif lors des conflits armés. On peut voir des femmes porter l’uniforme militaire et participer au combat. D’autres encore, sans être membres de forces armées, peuvent héberger, nourrir ou aider leurs homologues masculins.

La femme ne constitue donc pas un groupe homogène : elle vit la guerre de multiples façons ; en tant que sujet passif mais également en tant que sujet actif.

 

[1] Déclaration finale de la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre. Genève, 1993.

[2] Henry Dunant, « Un souvenir de Solférino ». Genève, Comité International de la Croix-Rouge (CICR),     1950-1990.

Ce livre, décisif dans l’élaboration des règles du droit international humanitaire conventionnel, est également à l’origine du Comité International de la Croix Rouge (CICR).

[3] Le DIH a deux principaux rameaux : le droit de la Haye et le droit de Genève. Le droit de la Haye limite le choix des moyens à nuire à l’ennemi. Il s’agit de limiter, voire d’interdire certaines méthodes et moyens de combat qui tuent sans discrimination ou provoquent des souffrances excessives. Quant au droit de Genève, il concerne principalement la protection des victimes des conflits armés, c’est-à-dire les non-combattants et celles et ceux qui ne participent plus aux hostilités. Le droit de Genève a un caractère spécifiquement humanitaire et vise le seul profit des victimes. Il est à préciser que ces deux courants juridiques ont fusionné, en 1977, avec l’adoption des deux Protocoles additionnels.

[4] Marco Sassòli, Antoine Bouvier, Anne Quintin avec la collaboration de Juliane Garcia, « Un droit dans la guerre ? Cas, documents et supports d’enseignement relatifs à la pratique contemporaine du droit international humanitaire ». Genève, CICR, Volume I, Présentation du droit international humanitaire, Seconde édition, p. 26.

[5] Abraham Gadji, « L’Organisation des Nations Unies (ONU)  et la crise ivoirienne ». Article à paraitre, p. 2.

[6] Les termes « conflit armé » et « guerre »  sont indifféremment employés dans ce travail.

[7] Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, Le Procureur c/ Dusko Tadic, Arrêt Relatif à l’Appel de la Défense concernant l’Exception Préjudicielle d’Incompétence, IT-94-1-A, 2 octobre 1995, paragraphe 70.

[8] Conventions de Genève du 12 août 1949 (ci-après Conventions de Genève), article 2(1).

[9] Pictet Jean, « Commentaire de la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne ». Genève, CICR, 1952, p. 34.

[10] Conventions de Genève, article 2 (2).

[11] Protocole Additionnel I (Protocole 1), article 1(4).

[12] Cet article est considéré comme une convention en miniature. En effet, la Cour Internationale de Justice         (CIJ) en 1986 dans son arrêt a affirmé que les dispositions de l’article 3 commun reflètent le droit international coutumier et représentent la règle minimale à laquelle les parties à tout type de conflit armé n’ont pas le droit de déroger. Cf. CIJ, Affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt sur le fond, 27 juin 1986, paragraphes 218 et 219.

[13] TPIY, Le procureur c/ Fatmir Limaj, jugement, 30 Novembre 2005, paragraphe 94-134.

[14] Il s’agit de situations de tension grave (politique, religieuse, raciale, sociale, économique, etc.) ou encore de séquelles d’un conflit armé ou de troubles intérieurs. Ces situations présentent l’une ou l’autre de ces caractéristiques, sinon toutes à la fois: des arrestations massives ; un nombre élevé de détenus « politiques » ; l’existence probable de mauvais traitements ou de conditions inhumaines de détention ; la suspension des garanties judiciaires fondamentales ; en raison soit de la promulgation d’un état d’exception, soit d’une situation de fait ; des allégations de disparitions. Bref, il ya tensions internes lorsque, sans qu’il y ait troubles intérieurs, l’emploi de la force armée est une mesure préventive pour maintenir le respect de la loi et de l’ordre.                Cf. Commentaire des Protocoles additionnels. Paragraphe 4476.

[15] Il s’agit de situations où, sans qu’il y ait à proprement parler de conflit armé non international, il existe cependant, sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée et comporte des actes de violence. Ces derniers peuvent revêtir des formes variables, allant de la génération spontanée d’actes de révolte à la lutte entre des groupes plus ou moins organisés et les autorités au pouvoir. Dans ces situations, qui ne dégénèrent pas nécessairement en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire aux forces armées, pour rétablir l’ordre intérieur. Le nombre élevé des victimes a rendu nécessaire l’application d’un minimum de règles humanitaires. Bref, il y a des troubles intérieurs lorsque, sans qu’il y ait conflit armé, l’Etat utilise la force armée pour maintenir l’ordre. Cf. Commentaire des Protocoles additionnels, paragraphe 4475.

[16] Voir TPIY, Le procureur c/ Fatmir Limaj, jugement, 30 Novembre 2005, para. 135-170.

[17] Protocole II, article 1 (1).

[18] Idem.

[19] « Il s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ».

[20] Julie Gagne, « Les multiples réalités des femmes dans les conflits armés, in femmes et conflits armés. Réalités, leçons et avancement des politiques ». Canada, Les presses de l’université Laval, collection politique étrangère et  sécurité, p. 35.

[21] Charlotte Lindsey-Curtet, Florence Tercier Holst-Roness, Letitia Anderson, « Répondre aux besoins des femmes affectées par les conflits armés- un guide pratique du CICR ». Genève, CICR, novembre 2004.

[22] Comité International de la Croix Rouge, la protection des femmes dans les conflits armés. Extrait de la protection des populations civiles en période de conflit armé ; XXVIe conférence internationale de la          Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 15 septembre 1995.

[23] L’approche sexospécifique met en lumière le rôle de la femme et permet une meilleure compréhension des réalités vécues par celle-ci lors des conflits armés. C’est une approche qui a favorisé une certaine conscientisation de la communauté internationale, ce qui à son tour eu pour effet de mener à l’élaboration d’une série d’instruments juridiques relatif à la femme. Notons toutefois que, ce n’est qu’au début des années 1990 que l’enjeu plus global et plus complexe d’une analyse sexospécifique des conflits – c’est-à-dire d’une analyse qui tient compte des questions de genre – est mentionné dans le discours public international.

[24] Amnesty international, « Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés », document public ; Pulchérie Nomo Zibi, « Les femmes victimes de conflits armés en Afrique et la réforme du secteur de la sécurité », analyse stratégique, 10 novembre 2009, la quatrième conférence mondiale de Beijing sur les femmes ; la résolution 1325 de l’ONU.

[25] ONU, « Déclaration et programme d’action de Beijing – quatrième conférence mondiale sur les femmes ». Paragraphe 135 du programme.

[26] Audition parlementaire aux Nations Unies, « Violence sexuelle à l’encontre des femmes et des enfants dans les Conflits armés », New York, 20 – 21 novembre 2008 ; Aymeric Elluin, Violences faites aux femmes dans les conflits armés. Quel bilan des efforts de la communauté internationale ? De la prévention à la répression ; Claire Fourçans,  « Les violences sexuelles faites aux femmes pendant les conflits armés et la réponse des juridictions pénales internationales », Séminaire Femmes et conflits, Intervention du 29 avril 2008 ; le sommet mondial pour mettre fin aux violences sexuelles dans les conflits, 10-13 juin 2014.

[27] Au Rwanda, les femmes ont représenté environ 6% des détenus, emprisonnés pour des motifs liés au génocide. Cf. Nicole Hogg, « Women’s participation in the Rwandan genocide: mothers or monsters? ». Revue Internationale de la Croix-Rouge (RICR), Volume 92, n°877, Mars 2010, p. 70.

[28] Certaines ont été jugées et condamnées (Anne-Marie Nyirahakizimana, Euphrasie Kamatamu, Agnes Ntamabyaliro) par les juridictions rwandaises. D’autres sont recherchées par les tribunaux rwandais pour comparution (Agathe Kanziga Habyarimana). D’autres encore ont été condamnées par des tribunaux belges (Consolata Mukangango et Julienne Mukabutera) ou par le TPIR (Pauline Nyiramasuhuko). Cf. Nicole Hogg,    « Women’s participation in the Rwandan genocide : mothers or monsters ? ». RICR, Volume 92, n°877, Mars 2010.

[29] Medina Haeri et Nadine Puechguirbal, « De l’impuissance à l’action : la pluralité des expériences des femmes dans les conflits armés ». RICR, volume 92, sélection française 2010, p. 70.

[30] Lindsey Charlotte, « Les femmes face à la guerre- étude du CICR sur l’impact des conflits armés sur les femmes ». Genève, CICR, août 2002, p. 24.

[31] Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution 1325, 31 octobre 2000.

[32] Le droit international des droits de l’homme prévoit aussi un régime de protection spéciale aux femmes en période de conflit tant au plan international qu’au plan régional. Au plan international, nous pouvons citer : la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 (article 15), les deux pactes internationaux de 1966 – l’un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l’autre aux droits civils et politiques –  (article 4), la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes ( article 1 (1)) et la plateforme d’action de Beijing. Au plan régional, ce sont le Protocole de la Charte des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique de Juillet 2003.

Ces normes sont complétées par la « soft law » : la Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d’urgence et de conflit armé de 1974, les résolutions de l’ONU notamment la résolution 1325 de 2000, 1820 de 2008 ; 1888 et 18889 de 2009 ; 1960 de 2010 et 2106 de 2013.

Par ailleurs, les statuts des tribunaux pénaux internationaux (Tribunal International Pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ; Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et la Cour Pénale Internationale (CPI) et leurs jurisprudences en matière de violences sexuelles viennent renforcer cette protection.

[33] Jean-Marc Sorel et Cornelí-Liviu Popescu, « la protection des personnes vulnérables en temps de conflit armé ». Bruxelles, édition Bruylant, collection Magna carta, 2010, p 258.

[34] CICR, les femmes et la guerre, février 2008, p.16.

[35] La santé génésique est définie comme le « bien-être général, tant physique que mental et social, de la personne humaine, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités ». Définition adoptée lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) au Caire en 1994, et entérinée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1995. La santé génésique de la femme couvre généralement les cinq domaines suivants: maternité sans risque, protection contre les violences sexuelles, planification familiale, prévention et traitement des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA, et soins obstétriques d’urgence.

[36] Medina Haeri et Nadine Puechguirbal, op. cit., p. 74.

[37] Jean-Marc Sorel et Cornelí-Liviu Popescu, op. cit., p. 258.

[38] CICR, « les femmes et la guerre ». op. cit,  p. 6.

[39] Medina Haeri et Nadine Puechguirbal, op. cit., p. 75.

[40] Idem, pp.75-76.

[41] Ibidem, p. 75.

 

[42] Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949      (Convention IV), article 3 (1).

[43] Id., article 27 (2) ; Protocole I, article 75 (2) et article 76 (1) ; Protocole II, article 4.2 (e).

[44] Commentaire des Protocoles additionnels, Genève, CICR, 1986, P.917.

[45] Protocole I, article 76 (1) : « Les femmes doivent faire l’objet d’un respect particulier et seront protégées, notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et toute autre forme d’attentat à la pudeur ».

[46]Ce principe, tel que formulé dans la Convention IV, avait une portée ratione personae en ce sens qu’il visait la femme protégée au sens de la convention IV.

[47] Règle 93, Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, « Droit international humanitaire coutumier, volume I : Règles ». Bruxelles, CICR, Bruylant, 2006, p.427.

[48] Convention IV, article 85.

[49] Id., articles 82 et 76 ; protocole I, article 75 (5).

[50] Convention IV, article 97.

[51] Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne du 12 août 1949 (Convention I), articles 76 et 124 ; Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949 (Convention III), article 97.

[52] Commentaire des Protocoles additionnels, Genève, CICR, 1986, p.1414.

[53] Règle 119, Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, op. cit. p. 568.

[54] Convention IV, article 119. 4 (1).

[55] Id. article 124.

[56] Krill Françoise, « La protection de la femme dans le Droit International Humanitaire ». Genève, CICR, Extrait de la Revue internationale de la Croix Rouge, n°756,1985, p. 10.

[57] Protocole I, article 76 (2).

[58] Convention IV, article 132 (2).

[59] Krill Francoise, op. cit. p11.

[60] Convention IV, article 91.

[61] Id., article 127 (3).

[62] Daniela-Anca Deteseanu, « La protection des femmes en temps de conflits armés » in la protection des personnes vulnérables en temps de conflit armé. Bruxelles, édition Bruylant, collection Magna carta, 2010, p.266.

[63] Il s’agit d’une obligation qui pèse sur un cercle de sujets plus large que les États seuls. Elle s’applique à tous les belligérants, qu’ils soient des États ou des groupes armés organisés. Pourvu qu’ils prennent part au conflit.

[64] Convention IV, article 23 (1) ; protocole I, article 70 (1).

[65] Convention IV, article 127.

[66] Les mesures préférentielles sont les dispositions promulguées dans les pays en guerre en faveur des personnes dont la vulnérabilité justifie une sollicitude spéciale. Par exemple : cartes d’alimentation supplémentaires, facilités pour les soins médicaux, assistance sociale et spéciale, dispense de certains travaux, etc ; Cf. « La protection des femmes dans les conflits armés ». Extrait de la protection des populations civiles en période de conflit armé ; XXVIe conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 15 septembre 1995.

[67] Convention IV, article 38 (5).

[68]Id., article 50 (4).

[69] Protocole I, article 76 (3) ; Protocole II, article 6 (4).

[70] Commentaire des protocoles additionnels. op. cit. p. 919.

[71] Cet article dispose : « Dans toute la mesure du possible, les Parties au conflit s’efforceront d’éviter que la peine de mort soit prononcée contre les femmes enceintes ou les mères d’enfants en bas âge dépendant d’elles pour une infraction commise en relation avec le conflit armé. Une condamnation à mort contre ces femmes pour une telle infraction ne sera pas exécutée ».

[72] Il est à noter que le droit international humanitaire restreint ou interdit l’usage d’armes dont l’effet va au-delà du seul but d’affaiblir l’ennemi. Cette limitation est fondée sur les trois critères suivants : elles tuent inévitablement, elles causent des blessures ou des maux superflus, elles ont des effets indiscriminés.

En fonction de ces trois critères, un certain nombre d’armes a été expressément prohibé par des conventions internationales. Parmi elles, les mines antipersonnel, les armes à sous-munitions, les armes à laser aveuglantes, les balles dum-dum ainsi que les armes biologiques et les armes chimiques. Certaines de ces interdictions relèvent aujourd’hui du droit international coutumier. Les armes nucléaires ne sont pas expressément interdites.

[73] Le cyberespace a créé un nouveau domaine potentiel pour faire la guerre. Les parties aux conflits armés font une utilisation croissante des systèmes d’armement télécommandés, tels que les drones ; les systèmes d’armement automatiques connaissent eux aussi un succès grandissant, et l’on envisage d’employer certains systèmes autonomes, comme les robots de combat, sur les champs de bataille de demain. Cf. Discours d’ouverture de Jakob Kellenberger, président du CICR, « Le droit international humanitaire et les nouvelles technologies de l’armement ». XXXIVe table ronde sur les sujets actuels du droit international humanitaire, San Remo, 08 septembre 2011.

[74] Arrassen Mohamed, « Conduite des hostilités, droit des conflits armés et désarmement ». Bruxelles, Bruylant, 1986, p.157.

[75] Le figaro, « Assaut sur la mosquée rouge ». Disponible sur le site http://www.lefigaro.fr/international/2007/07/10/0100320070710ARTWWW90228assaut_sur_la_mosquee_rouge.php, consulté le 15 janvier 2015.

[76] Human Rights Watch, « “Those Terrible Weeks in Their Camp”: Boko Haram Violence against Women and Girls in Northeast Nigeria ». Rapport publié le  27 octobre 2014, Londres. Ce rapport de 63 pages, s’appuie sur des entretiens avec plus de 46 témoins et victimes d’enlèvements commis par Boko Haram dans les États du Nigéria (Borno, Yobe et Adamawa). Parmi ces témoins figurent des jeunes filles qui faisaient partie du groupe de 276 filles de l’école secondaire de Chibok enlevées par Boko Haram, en avril 2014, et qui ont réussi à s’échapper.

[77] Protocole I, art. 51 (7).

[78] Physicians for Human Rights, « Witness to war crimes : evidence from Misrata, Libya ». Rapport publié en août 2011.

[79] L’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Human Rights Watch constate une utilisation délibérée des civils, et partant, des femmes afin de se protéger des attaques. Il convient toutefois de noter que l’ONG  ne mentionne pas de déclarations de membres du LTTE attestant de l’intention de cette pratique. En outre, le rapport ne parle, en aucun cas, de bouclier humain en l’absence d’élément intentionnel; il préfère parler de « tampon humain » entre les forces rebelles et gouvernementales. Pour plus d’informations voir le site https://dommagescivils.wordpress.com/2011/07/13/notes-sur-le-conflit-sri-lankais/, consulté le 15 janvier 2015.

[80] Pictet Jean (sous la direction), « Les Conventions de Genève du 12 août 1949 : commentaire Convention III ». Genève, CICR, 1958, p. 198.

[81] Id.

[82] Conventions III et IV.

[83] Pictet Jean, op. cit., p. 182.

[84] Commentaire des protocoles additionnels, op. cit.,  p. 199.

[85] Les personnes protégées par la Convention sont les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une Partie au conflit ou d’une Puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes. Les ressortissants d’un État qui n’est pas lié par la Convention ne sont pas protégés par elle. Les ressortissants d’un État neutre se trouvant sur le territoire d’un État belligérant et les ressortissants d’un État cobelligérant ne seront pas considérés comme des personnes protégées aussi longtemps que l’État dont ils sont ressortissants aura une représentation diplomatique normale auprès de l’État au pouvoir duquel ils se trouvent. Cf. article 4 de la convention IV.

[86] Règle 97, Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, op. cit. p.  345 et suivants.

[87] « Aux fins du Statut, on entend par “crimes de guerre” (…) le fait d’utiliser la présence d’un civil ou d’une autre personne protégée pour éviter que certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d’opérations militaires ».

[88] Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, op. cit. p. 347.

[89] La violence sexuelle est susceptible d’être commise contre les hommes. L’affaire Duško Tadić est à cet égard révélatrice. En effet, cette affaire a été la première portée devant une juridiction pénale internationale pour violence sexuelle contre des hommes. Dans ce procès, la Chambre de première instance du TPIY a conclu que, après la prise de contrôle de Prijedor et des environs, au nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, les forces serbes ont interné des milliers de Musulmans et de Croates dans des camps. Au cours d’un épisode atroce survenu au camp d’Omarska, l’un des détenus a été contraint de mordre les testicules d’un autre prisonnier, tandis que des hommes en uniforme, dont l’accusé Duško Tadić, les encerclaient en lui criant de mordre plus fort. En mai 1997, la Chambre de première instance a déclaré Duško Tadić coupable de traitements cruels (violation des lois ou coutumes de la guerre) et d’actes inhumains (crime contre l’humanité), pour sa participation à ces faits et à d’autres crimes. D’autres cas de violences sexuelles perpétrées contre des hommes ont été examinés par le Tribunal, notamment dans les affaires Češić, Mucić et consorts et Simić.

[90] Mohammed Ayat, « Quelques apports des Tribunaux pénaux internationaux, ad hoc et notamment le TPIR, à la lutte contre les violences sexuelles subies par les femmes durant les génocides et les conflits armés ». Revue de Droit Pénal International, 2010, pp.789–790.

[91] Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Le Procureur c/ Jean-Paul Akayesu, Jugement, ICTR-96-4-T, 2 septembre 1998, paragraphe 596-688.

[92] Le viol est considéré comme une méthode de guerre lorsque des forces ou groupes armés l’utilisent pour torturer, blesser, extraire des informations, dégrader, faire fuir, intimider, punir, ou simplement pour détruire le tissu communautaire. Cf. « les femmes et la guerre ». Op. cit. p.12.

[93] Fenneke Reysoo, « Situations de conflit armé comme champs d’analyse des rapports de genre »  in « hommes armés, femmes aguerries ». Actes du colloque de l’Institut Universitaire d’Études du Développement (IUED), Collection Yvonne Preiswerk, Genève, 2001, p.17.

[94] Claire Fourçans, « Les violences sexuelles faites aux femmes pendant les conflits armés et la réponse des juridictions pénales internationales ». Séminaire Femmes et conflits, Intervention du 29 avril 2008.

[95] Charlotte Lindsey, op. cit., p. 58.

[96] Daniela-Anca Deteseanu, op. cit. p. 257.

[97] Id.

[98] Human Rights Watch, « Rapport sur les Violences sexuelles commises par les forces rebelles et                  pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire ». New York, Volume 19, N°11 (a), août 2007, p. 5.

[99] Cette commission d’enquête internationale a été créée conformément aux dispositions de l’annexe IV point 2 de l’accord de Linas Marcoussis et à la Déclaration du Président du Conseil de sécurité du 25 mai 2004 (PRST/2004/17). Elle avait pour mission d’enquêter sur les allégations de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur tout le territoire de la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002, d’établir les faits et les circonstances des violations et dans la mesure du possible, d’identifier leurs auteurs et d’élargir les enquêtes sur les allégations de ces violations aux pays voisins en cas de besoin. Elle a enquêté du 19 septembre 2002 au 15 octobre 2004. Cf. Abraham Gadji, op.cit. p.17.

[100] Commission d’enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, « Rapport sur la situation des droits de l’homme en République de Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu’au 15 octobre 2004 ». Genève, 2005, p.38-62.

[101] Innocent Biruka, « La protection de la femme et de l’enfant dans les conflits armés en Afrique ». Paris, Budapest, Kinshasa, l’Harmattan, 2006, p. 19.

[102] Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), « Augmentation de la violence sexuelle au Nord-Kivu en RDC ». Point de Presse, 30 juillet 2013.

[103] Nations Unies (Conseil de sécurité),  « Rapport du Secrétaire général sur le Soudan du Sud couvrant la période allant du 14 avril au 19 août 2015 ». 21 août 2015.

[104] Fenneke Reysoo, « Situations de conflit armé comme champs d’analyse des rapports de genre »  in « hommes armés, femmes aguerries ». Actes du colloque de l’Institut Universitaire d’Études du Développement (IUED), Genève, Collection Yvonne Preiswerk, 2001, p.17.

[105] Human Rights Watch/Africa Human Rights Watch Women’s Rights Human, « Les vies brisées: Violence sexuelle pendant le Génocide rwandais et sa conséquence ». Rwanda, la lettre hebdomadaire de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH),  Hors Série n°226, janvier 1997, p. 5.

[106] Ensemble des forces armées envoyées par la communauté internationale à des fins de protection de la population ou pour faire respecter des accords de paix dans un État sur le territoire duquel survient un conflit armé.

Il est à noter que le Conseil de sécurité s’était déjà préoccupé des allégations de manquements et notamment d’exploitation sexuelle portées contre certains membres des contingents affectés à des opérations de maintien de la paix. Cf. Les résolutions 1603 du 3 juin 2005, 1609 du 24 juin 2005, etc.

[107] Save the Children UK, « Aucun recours : la sous-représentation de l’exploitation et de la violence sexuelles subies par les enfants aux mains des travailleurs humanitaires et des soldats de la paix ». Londres, 2008.

[108] Abraham Gadji, op. cit., p. 17.

[109] Human Rights Watch, « Rapport mondial 2014, Événements de 2013 ». Extraits en français, New York, 2014, p. 91.

[110] Nations unies, « Formes contemporaines d’esclavage : rapport sur les viols systématiques, l’esclavage sexuel et les pratiques esclavagistes lors de conflits armés ». Rapport final soumis par Mme Gay J. McDougall, Rapporteur spécial (New York : Nations Unies, 1998), E/CN.4/Sub. 2/1998/13, paragraphe 27.

[111] Convention relative à l’esclavage de 1926, article 1 (1). Le Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI) comprend le trafic des femmes et des enfants dans sa définition de l’esclavage. L’article 7 (1) (g) nomme l’esclavage comme crime contre l’humanité avec la définition émise dans l’article 7 (2) (c).

[112] Human Rights Watch/Africa Human Rights Watch Women’s Rights Human, « Les vies brisées: Violence sexuelle pendant le Génocide rwandais et sa conséquence ». Rwanda, la lettre hebdomadaire de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH),  Hors Série n°226, janvier 1997, p. 4.

[113] Human Rights Watch, « Rapport sur les Violences sexuelles commises par les forces rebelles et                  pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire ». New York, Volume 19, No. 11 (a), août 2007, pp. 48-49.

[114]Amnesty International, « Il n’y a pas de place pour nous ici. Violences contre les réfugiées dans l’est du Tchad ». Document public, Septembre 2009, p. 13. 

[115] Nations Unies (Conseil de sécurité), « Les violences sexuelles liées aux conflits ». Rapport du Secrétaire général, 23 mars 2015.

[116] En 2000, la Résolution 1325 sur les femmes, adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, bien que non-contraignante, est la première dédiée à cette question. Elle sera suivie de quatre autres textes : les résolutions 1820 en 2008, 1888 et 1889 en 2009 et 1960 en 2010.

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