Programme Réparation post-conflictuelle
Argumentaire
Le traitement de crime d’exception, tels que les crimes de guerre, crimes de masse et génocide, a placé la justice pénale internationale, mais aussi les tribunaux nationaux saisis sur le fondement de la compétence universelle, devant un obstacle majeur lié à la difficulté de la réparation. À la question « comment réparer l’irréparable ? », on répond la plupart du temps en présentant un système alternatif : réparation matérielle et réparation symbolique, d’une part, et réparations individuelles et réparations collectives, de l’autre[1]. Mais cette réponse du droit est-elle en adéquation avec la demande des victimes ou des sociétés concernées ? Dans beaucoup de cas, il semble qu’il faille répondre par la négative, et cela pour deux raisons tenant à l’inadaptation des outils juridiques, et à l’hétérogénéité des représentations et des contextes culturels. En effet la réparation est trop souvent envisagée selon les seuls critères prévalant dans les sociétés occidentales développées.
L’analyse des expériences restauratrices, conduites dans les périodes post-conflictuelles, révèle en effet toutes les limites de l’approche quantitative, mise en œuvre dans le cadre du traitement juridique des conflits. Déjà Aristote, raisonnant sur la justice de droit commun et cherchant une relation de symétrie entre le dommage et la peine, posait, sans la résoudre vraiment, la question de la commensurabilité du dommage et de la sanction[2]. On conçoit comment la réponse est encore plus difficile, s’agissant de situations criminelles dans lesquelles, sans même parler de réparation, c’est l’appréciation des conséquences dommageables qui est problématiques. Il est donc difficile d’envisager la question de la réparation, sous le seul angle de la logique rétributive.
Devant l’aporie des mécanismes juridiques, peut-être convient-il d’inverser l’analyse, en commençant par inventorier les demandes exprimées en matière de réparation, et par-delà de s’interroger sur ce que cette typologie peut nous dire sur le rôle que les victimes souhaitent voir jouer par la réparation. Cette approche constituant le préalable nécessaire à toute construction de processus réparateur. Ce questionnement est d’autant plus souhaitable que les études anthropologiques et historiques décrivent une très grande variété de demandes.
C’est pourquoi cet appel à contribution se donnera pour but d’éclairer la fonction de la réparation, envisagée en dehors du schéma classique de la réparation judiciaire analysée dans ses seuls aspects distributifs. À cet égard, le choix a été fait de centrer l’attention sur l’honneur dont de nombreux travaux, historiques ou anthropologiques, ont montré le rôle déterminant dans les mécanismes de gestion des conflits. On voit par là que le champ d’application de l’honneur ne doit pas être restreint à la réparation des seules atteintes à l’honneur, comme le proposait Bentham dans sa typologie des réparations[3].
Par ce programme, les responsables de la Chaire souhaitent contribuer à une amélioration des processus réparateurs en s’appuyant sur la prise en compte des dimensions culturelles et des représentations mobilisables par les mécanismes de réparation. C’est pourquoi le présent appel d’offres ne porte pas sur la réparation de l’honneur, mais sur la mobilisation de ce concept dans le processus réparateur. À cet égard et sans que cette liste soit limitative, deux principaux axes de recherche pourront être explorés.
Axe 1 : L’honneur comme objectif de la réparation
En interrogeant les sources on s’efforcera d’enrichir la typologie des rôles assignés à l’honneur dans les processus réparateurs.
Le demandeur d’honneur
Les individus
Les groupes
Les morts
Les dieux…
Les équivalents honorables
Évaluer l’honneur
Substituer l’honneur
La temporalité de l’honneur
Honneur et prescription
Honneur et mémoire
Axe 2 : L’honneur comme moteur de la réparation
Tel que l’ont envisagé anthropologues et historiens, l’honneur va bien au-delà des concepts statiques de marqueur d’honorabilité ou d’estime de soi[4]. Plus qu’un objectif à atteindre, l’honneur peut être envisagé comme ce qui pousse à agir. C’est cet aspect dynamique qu’il convient d’analyser dans le processus réparateur.
– L’honneur entre devoir social et obligation juridique
– L’honneur et les mécanismes vindicatoires
– L’honneur comme pouvoir juridique d’agir sur autrui
– L’honneur entre perte et reconquête
– Du mépris à la damnatio memoriae
– La demande en réparation excessive
– Honneur et résilience
Méthodologie
La Chaire d’excellence Gestion du conflit et de l’après-conflit s’intéressant particulièrement aux mécanismes liés à la justice internationale, il est clair que les exemples choisis ne se limiteront pas aux seuls aspects de droit positif conduits selon les paradigmes en vigueur dans les systèmes juridiques européens ou influencés par eux.
L’approche choisie consiste à croiser les analyses en utilisant les ressources des sciences humaines et sociales propres à enrichir la compréhension des mécanismes de gestion non juridiques des conflits, envisagés dans une perspective à la fois diachronique et synchronique. Par conséquent, toutes les aires géographiques ou culturelles ainsi que toutes les périodes peuvent être envisagées.
On pourra procéder par voie de synthèse, ou par étude de cas pourvu que dans tous les cas il s’agisse de travaux originaux.
Modalité de soumission
Un résumé de 500 mots environ, accompagné de vos coordonnées professionnelles devront nous être adressés avant le 15 mai 2015.
La proposition sera soumise au comité de lecture en vue d’une publication par la Chaire. Les projets retenus devront être rendus pour le 15 juillet 2015.
Les auteurs s’engagent à réserver à la Chaire l’exclusivité de l’article et à autoriser sa publication en ligne. En cas de plagiat, les auteurs seront tenus pour seuls responsables.
Contacts :
Pascal Texier, Axe Gestion non juridique du conflit :
Pascal Plas, Directeur de la Chaire d’excellence Gestion du conflit et de l’après-conflit :
WORKSHOP CLOS LE 15 JUILLET 2015.