Vincent Sol

Le Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles (LCSN) est reconnu au niveau international pour l’utilisation des photosensibilisateurs et notamment de la photothérapie dynamique. Il vient d’être remarqué par la Revue ChemPlusChem et a fait la page de couverture et le cover-profile de son numéro de septembre 2015 pour un article portant sur l’élaboration de nanoplateformes médicamenteuses capables de transporter des drogues – utilisable notamment dans le traitement des cancers. C’est une opportunité pour mettre en avant les travaux et l’équipe, mais aussi pour faire connaître à l’international ce qui se fait à l’Université de Limoges dans le domaine de la photothérapie dynamique.


Quelle est cette revue et quelle est son importance ?
ChemplusChem est une revue relativement récente de l’éditeur Wiley qui traite tous les domaines de la chimie. **
Notre article a été sélectionné pour faire la page de couverture et le cover-profile du numéro de septembre permettant ainsi de mettre en avant nos travaux et notre équipe, mais aussi de faire connaître à l’international ce qui se fait à l’Université de Limoges dans le domaine de la photothérapie dynamique.
C’est aussi la première fois que le laboratoire fait la page de couverture d’une revue scientifique depuis que le laboratoire a été créé.

Comment avez-vous été sélectionné, notamment au niveau du cover profile ?
L’article était accepté depuis le début de l’année 2015, mais pas encore édité et déjà en ligne sur Scopus sans référence bibliographique.
J’ai été sollicité début juillet par l’éditrice de ChemplusChem pour préparer la couverture et le cover profile du numéro de septembre.

Quel est l’objet de l’article exactement ?
L’article porte sur l’élaboration de nanoplateformes médicamenteuses capables de transporter des drogues – utilisable notamment dans le traitement des cancers. La définition d’un nanoobjet est qu’il doit avoir au moins une de ses trois dimensions de l’espace inférieure à 100 nanomètres. Nous utilisons ces nanoplateformes pour vectoriser des principes actifs dans les cellules tumorales.
En effet, une tumeur crée de nouveaux vaisseaux pour se développer. Elle envoie alors des facteurs de croissance à des récepteurs vers les vaisseaux sanguins. A ce moment-là, il se développe de nouveaux vaisseaux – appelés néo-vascularisation. Ces vaisseaux irriguent la tumeur et lui permettent de croître. Ils permettent également, par la suite, aux métastases de coloniser d’autres tissus. Ces néo-vaisseaux ne sont pas des vaisseaux sanguins classiques car ils ont une certaine porosité – appelée fenestration qui peut aller de 100 à 300 nanomètres. Ce sont donc des petites fenêtres dans lesquelles peuvent rentrer de manière passive des nano-objets. Une fois rentrés, ces nanoplateformes médicamenteuses atteindront la tumeur. C’est ce que nous appelons l’effet EPR (Enhanced Permeability and Retention).
Toutefois, l’organisme est naturellement préparé à se défendre contre l’injection de ces nanoobjets notamment avec les macrophages qui font un travail de dépollution. Il faut donc modifier chimiquement les nano-objets pour les rendre furtifs et qu’ils ne soient pas récupérées par les macrophages qui eux vont les amener préférentiellement vers le foie et les reins. Pour cela, nous avons élaborés des particules inorganiques d’oxydes de fer puis déguisés ces dernières à l’aide d’un polymère de sucre biocompatible – le dextrane. Nous avons ensuite fixé chimiquement nos médicaments en surface.

Quel type de médicament et pourquoi un oxyde de fer ?
Le LCSN est reconnu au niveau international pour l’utilisation des photosensibilisateurs et notamment de la photothérapie dynamique. Nous utilisons la lumière pour amener de l’énergie aux molécules. Le photosensibilisateur n’est pas la molécule toxique et il ne produit par contre l’espèce toxique qu’une fois exposé à la lumière – contrairement à des molécules utilisées en chimiothérapie qui sont toxiques. Une fois exposées à la lumière, nos molécules transfèrent leur énergie aux molécules environnantes – tout particulièrement à l’oxygène qui produit alors de l’oxygène singulier qui est actif et toxique uniquement à l’endroit où il est produit Pour traiter des cancers profonds, nous pourrions utiliser une fibre optique. Nous proposons également en utilisant les propriétés des nanoparticules de fer, d’échauffer ces dernières, sous l’action d’un champ magnétique. Ce phénomène d’hyperthermie agira comme une thérapie supplémentaire (double thérapie portée par la même plateforme) en cas de résistance au médicament.

Peut-on parler d’une méthode naturelle de traitement des cellules cancéreuses ?
La photothérapie est connue depuis très longtemps, notamment par les Egyptiens pour traiter les problèmes de peau, mais pas appliquée au niveau anticancéreux.
Pour traiter des cancers plus profonds, nous devrons amener une fibre optique et utiliser une nanoparticule de fer, qui sous un champ magnétique va s’échauffer. On a donc aussi un aspect thermique – appelé hyperthermie qui permet une double thérapie, une double action en cas de résistance.
L’autre aspect du fer est qu’on peut le détecter par IRM et voir s’il est vraiment à l’endroit souhaité.
Nous espérons donc qu’un jour, nous pourrons amener et cibler l’oxyde de fer sur l’endroit à traiter à l’aide d’un aimant assez puissant.

Peut-on parler d’une avancée, d’une découverte ?
Les nanoparticules utilisées actuellement sont inorganiques et ne sont pas détruites. Il se pose donc la question de leur devenir – Sont-elles toxiques ou non à long terme, notamment lorsqu’elles sont rejetées dans les effluents ?
Il y a par ailleurs un nombre important de travaux de recherche dans le monde sur les nanoparticules mais personne n’avait encore greffé chimiquement, par une méthode originale et de façon covalente, ce type de photosensibilisateurs.
C’est une avancée qui nous a permis de développer également d’autres nanoparticules, mais cette fois complètement naturelles et d’origine végétale.

Quelles seront les applications, les développements cliniques ?
Nous cherchons des contacts avec des industriels et des praticiens. Des molécules sont prêtes. Le milieu pharmaceutique et médical est souvent compliqué à aborder lorsque l’on évoque ce type d’approche un peu innovante.

Qu’espérez-vous de l’article ?
Nous espérons continuer à faire connaître nos travaux sur les photosensibilisateurs et les nanoparticules à l’international mais aussi donner une image dynamique de notre région et de la recherche à l’Université de Limoges. Nous sommes un des seuls laboratoires en France à aller de la synthèse de nouveaux photosensibilisateurs jusqu’à l’activité biologique in vivo. Ce travail est aussi le fruit de collaboration avec d’autres équipes française. Notre approche est maintenant de travailler sur d’autres lignées cellulaires cancéreuses pour montrer l’utilité de ces principes actifs notamment sur des cancers solides comme ceux du colon et de la prostate qui sont accessibles à la lumière.

Quel peut-être l’impact de cet article sur l’évaluation du laboratoire et des auteurs ?
Pour les auteurs, c’est un plus, et pour le doctorant qui a fait sa thèse sur cette recherche, c’est particulièrement intéressant d’être en premier auteur. L’article sera mis en avant lors de la rédaction du dossier, mais aussi de l’oral par les membres du HCERES. Ce sont des outils qui valorisent le travail du laboratoire.

Avez-vous eu des retours ?
Le fait d’avoir fait la couverture apporte un plus et attire l’attention des collègues qui travaillent dans notre domaine. L’article est par ailleurs trop récent pour avoir été cité et il faut attendre pour en savoir plus.

** Classement de la revue de l’ISI Journal Citation Reports : © Ranking: 2014: 43/157 (Chemistry Multidisciplinary)

Contact : Vincent Sol

> Voir l’article sur le site de l’éditeur, et sur HAL-Unilim