Protocole d’essai contrôlé randomisé visant à comparer les effets du SNAG entre deux groupes de patients souffrant de lombalgies non spécifiques avec un groupe contrôle Randomized controlled trial protocol to compare the effects of SNAG among two groups of patients with nonspecific low back pain with a control group
Contexte : La lombalgie, affection musculo-squelettique la plus répandue et principale cause d’invalidité en France, peut devenir chronique malgré un pronostic souvent favorable pour la forme aiguë, affectant gravement la qualité de vie et pouvant entraîner une désinsertion sociale et professionnelle. Les techniques Mulligan semblent montrer des résultats prometteurs pour améliorer l’amplitude articulaire et la douleur chez les patients souffrant de lombalgie non spécifique. Cette étude vise à comparer les effets d’un Sustained Natural Apophyseal Glide (SNAG) administré par deux kinésithérapeutes ayant des niveaux de formation différents à la méthode Mulligan, avec un groupe contrôle suivant les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Méthode : Un protocole d’essai contrôlé randomisé a été conçu pour évaluer l’effet d’un SNAG chez 90 patients, âgés de 20 à 55 ans, souffrant de lombalgie aiguë non spécifique avec un risque de chronicité et exerçant une activité professionnelle. Ils seront randomisés dans 2 groupes d’intervention et 1 groupe contrôle. Les évaluations seront effectuées avant et après intervention, à 3 semaines et à 6 semaines. Les données seront analysées avec l’ANOVA, le test du Khi² et le test t de Student.
Discussion : Cette étude pourrait fournir des données supplémentaires sur l’efficacité du SNAG sur la lombalgie aiguë non spécifique avec un risque de chronicité et sur l’importance de la formation spécifique à la méthode Mulligan. Elle pourrait également contribuer à la gestion des arrêts de travail.
Conclusion : Pour renforcer la recherche future, l’intégration d’approches complémentaires pourraient être envisagée.
Background: Low back pain, the most common musculoskeletal disorder, and the main cause of disability in France, can become chronic Despite an often-favourable prognosis for the acute form. It seriously affects quality of life and can lead to social and professional exclusion.
Mulligan techniques show promising results in improving joint range of motion and pain in patients with nonspecific low back pain. This study aims to compare the effects of a sustain natural apophyseal glide (SNAG) administered by two physiotherapists with various levels of training in the Mulligan method, against a control group following the recommendations of the French National Authority for Health (HAS).
Method: A randomized controlled trial protocol was designed to evaluate the effect of a SNAG in 90 patients, aged between 20 and 55, suffering from acute nonspecific low back pain with a risk of chronicity and exercising a professional activity. They will be randomized into two intervention groups and one control group. Evaluations will take place before and after the intervention, at 3 weeks and 6 weeks. Data will be analysed using ANOVA, Chi² test and Student’s t test.
Discussion: This study could provide additional data on the effectiveness of SNAG in acute non-specific low back pain with a risk of chronicity and on the importance of specific training in the Mulligan method. It could also contribute to the management of work stoppages.
Conclusion: To strengthen future research, the integration of complementary approaches could be envisaged.
Introduction
La lombalgie représente un problème de santé publique important dans les pays industrialisés [1]. C’est la pathologie musculo-squelettique la plus répandue dans le monde et la principale cause d’invalidité [2]. En France, elle représente 20% des arrêts de travail et 7% des maladies professionnelles [3]. La forme la plus répandue est la lombalgie non spécifique [1] et la lombalgie aiguë représente le deuxième motif de consultation chez un médecin généraliste en France [4]. Bien qu’ayant généralement tendance à l'amélioration, dans 3 à 6% des cas, elle peut devenir chronique, dégradant significativement la qualité de vie et pouvant entraîner une désinsertion sociale et professionnelle du patient [4]. En outre, chaque année, près de 11,5 millions de journées de travail sont perdues en raison des accidents du travail et des maladies professionnelles liés aux lombalgies. Ces arrêts représentent 30% des absences de travail de plus de 6 mois [5].
Le concept Mulligan est une approche basée sur l’idée que l’amplitude articulaire et la douleur sont étroitement liées et que le soulagement de la douleur peut entraîner une restauration de la fonction normale [6]. Dans cette approche, l’une des techniques clés pour le traitement du rachis est la mobilisation en charge dans une direction parallèle au plan facettaire spinal [7]. L’une de ces techniques est le Sustained Natural Apophyseal Glide (SNAG) qui implique l’application d’une pression soutenue sur une vertèbre spécifique pendant que le patient effectue simultanément un mouvement actif dans la direction opposée [7]. Ces mobilisations visent à restaurer la mobilité articulaire normale, réduire la douleur et améliorer la fonction [7].
Plusieurs études ont examiné l’efficacité des techniques Mulligan, notamment le SNAG pour la prise en charge de la lombalgie non spécifique et bien que présentant des résultats mitigés, elles semblent être en faveur du SNAG pour améliorer l’amplitude articulaire et la douleur. Ainsi, une étude a montré qu’une application de SNAG en flexion lombaire améliore l’amplitude de mouvement sans influencer la douleur chez un petit groupe de patients souffrant de lombalgie [8]. Une étude clinique placébo contrôlée randomisée a suggéré l’intérêt clinique du SNAG sur des patients souffrant de lombalgies non spécifiques en phase aiguë en termes d’amplitude de mouvement du tronc, de kinésiophobie, de douleur et de fonction avec cependant des effets modérés sur la vitesse de mouvement du tronc. Les auteurs admettent toutefois que des études complémentaires, menées sur des échantillons moins hétérogènes, pourraient préciser ses résultats ainsi que sa durée dans le temps [9]. Une revue de littérature de 2018 a indiqué que le SNAG peut réduire la douleur et l’incapacité tout en augmentant l’amplitude de mouvement chez les patients souffrant de douleurs lombaires, bien que la conclusion concernant la douleur et l’incapacité ait été qualifiée de modérée et l’efficacité des techniques Mulligan sur la vitesse de mouvement reste incertaine [10]. Par ailleurs, les résultats d’une étude récente en 2021 ont montré une différence significative entre les patients ayant reçu un SNAG réel et un SNAG fictif en termes de douleur et d’amplitude en flexion [11].
Malgré le besoin d’études complémentaires pour préciser ses effets et sa durabilité, les études semblent démontrer que le SNAG est prometteur pour améliorer l’amplitude articulaire et la douleur chez les patients souffrant de lombalgies non spécifiques. Nous ignorons cependant quelles sont les variations d’efficacité d’un SNAG selon le niveau de formation des kinésithérapeutes.
Cette étude vise donc à combler cette lacune en comparant les résultats entre un kinésithérapeute ayant suivi le cursus complet de la formation spécifique à la méthode Mulligan et un kinésithérapeute ayant eu une formation de courte durée à ce geste, avec un groupe contrôle suivant les recommandations de première intention de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Méthode
Cette étude vise à comparer les effets d’un SNAG administré par un kinésithérapeute ayant suivi le cursus complet de formation spécifique à la méthode Mulligan et un kinésithérapeute ayant eu une formation courte à ce geste, avec un groupe contrôle suivant les recommandations de première intention de l’HAS
La conception du protocole suit les recommandations de la version française des lignes directrices CONSORT de 2010, dédiées à la rédaction et à la lecture des essais contrôlés randomisés.
Description de la population
90 patients âgés de 20 à 55 ans, souffrant de lombalgie non spécifique en phase aigüe avec un risque de chronicité modéré ou élevé (score supérieur à 3 aux questionnaire STarT Back Screening Tool) et exerçant une activité professionnelle.
L’amélioration fonctionnelle sera évaluée à l’aide de l’Oswestry Disability Index (ODI). Ce choix est motivé par les résultats d’une méta analyse de 2013 qui révèlent que l’ODI présente une précision élevée dans l’évaluation de l’invalidité lombaire [12].
L’intensité de la douleur sera évaluée à l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA). En ce qui concerne le changement minimal détectable, les valeurs observées pour l’EVA varient de 0,08 mm pour l’arthrose du genou à 36,20 mm pour les lombalgies aiguës non spécifiques, suggérant une interprétation prudente en fonction du contexte spécifique de cette étude [13].
La durée de l’arrêt de travail sera recueillie lors de l’évaluation finale, à 6 semaines afin de ne pas omettre un arrêt qui aura été prescrit au cours de l’étude.
Design de l’étude
Essai contrôlé randomisé à bras parallèles, uni-centrique et en double aveugle pour les deux groupes d’intervention et en simple aveugle pour le groupe contrôle.
Un échantillon de 90 participants a été choisi, conformément aux recommandations de la littérature [14]. En effet, les données sont quantitatives et des tests T de Student seront effectués si l’ANOVA révèle des différences significatives entre les trois groupes. Les 90 participants sont répartis de manière aléatoire et équitable avec un ratio d’allocation de 1 :1 dans trois groupes :
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Groupe A : 30 patients seront pris en charge par un kinésithérapeute ayant suivi une formation spécifique à la méthode Mulligan et recevront 3 séries de 6 SNAG conformément aux principes et aux techniques enseignées.
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Groupe B : 30 patients seront pris en charge par un kinésithérapeute ayant reçu une formation courte et recevront le même traitement.
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Groupe C : 30 patients suivront les recommandations de première intention de l’HAS.
Intervention :
Positionnement :
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Le patient est installé en position assise sur la table de traitement, les paumes reposant sur la face antérieure de ses cuisses.
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Le thérapeute se positionne derrière et légèrement sur le côté du patient.
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Une ceinture est soigneusement enroulée autour du bassin du patient et du haut des cuisses du thérapeute.
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La main de contact du thérapeute est placée sous le processus épineux (central) ou le processus transverse (unilatéral) de L1 à L4 avec le pouce sur L5 [16].
Mains/point de contact :
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Main stabilisatrice posée sur la table comme contre-appui.
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Eminence hypothénar de la main effectuant le glissement en contact avec le processus épineux ou le processus transverse du niveau vertébral approprié [16].
Principes d’application :
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Le patient est encouragé à cambrer le dos sans se pencher en arrière à partir des hanches.
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Avant le début du mouvement, un glissement dirigé vers le crâne est appliqué avec une force suffisante pour rester indolore.
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Le glissement est maintenu pendant que le patient effectue une extension lombaire jusqu’à la sensation de douleur et il est maintenu jusqu’à la position de départ.
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En cas de persistance de la douleur pendant le mouvement, des ajustements peuvent être apportés au niveau vertébral, à la direction du et/ou à la force du glissement [15].
En accord avec plusieurs études antérieures, les patients effectueront 3 séries [9, 11, 16] de 6 répétitions [9, 11].
Recommandations de l’HAS :
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Rassurer le patient quant au pronostic de la lombalgie non spécifique , généralement favorable en quelques semaines.
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Informer le patient que l’exercice physique représente le traitement principal de la lombalgie non spécifique.
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Expliquer au patient la nécessité de réintégrer ses activités quotidiennes et surtout de reprendre son activité professionnelle le plus rapidement possible.
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Inciter le patient à pratiquer une activité physique adaptée et une activité sportive (progressive ou fractionnée selon les préférences du patient).
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Kinésithérapie [17], le choix du traitement sera laissé au thérapeute.
Ces recommandations ont un niveau de preuves B (données scientifiques à partir d’une seule étude clinique randomisée ou de larges études non randomisées).
Mode de diffusion et de sélection
Les participants seront recrutés au sein d’un cabinet libéral en région parisienne, comptant au moins trois kinésithérapeutes, dont l’un aura suivi une formation spécifique à la méthode Mulligan (d’une durée totale de 6 jours) et l’un aura une formation courte de deux heures qui sera focalisée sur la technique du SNAG.
Tous les patients volontaires et satisfaisant aux critères d’éligibilité seront inclus dans l’étude.
Un opérateur indépendant effectuera la répartition des patients de façon équitable et aléatoire entre les trois groupes. Cette répartition sera réalisée par assignation secrète selon la méthode de l’enveloppe scellée. Les enveloppes contenant les informations de groupe seront conservées de manière confidentielle par cet opérateur jusqu’à la fin de l’étude qui durera 9 mois.
L’étude sera menée conformément aux principes éthiques de la recherche clinique avec l’obtention libre et éclairée du consentement des patients et la supervision d’un comité d’éthique.
La recherche sera enregistrée, soumise au CPP puis transmise à l’ANS. Une déclaration de conformité à la MR003 sur le site de la CNIL avec obtention d’un numéro d’enregistrement.
L’analyse des résultats
Une comparaison des caractéristiques démographiques des participants au sein de chaque groupe sera effectuée au préalable afin de vérifier que les groupes de cette étude présentent une distribution normale.
Des ANOVA seront utilisées pour mettre en évidence d’éventuelles différences entre les deux groupes d’interventions et le groupe contrôle sur l’amélioration fonctionnelle et l’intensité de la douleur. Des tests du Khi² permettront de déterminer s’il existe une association significative entre l’appartenance à un groupe et la durée de l’arrêt de travail entre les groupes deux par deux.
L’hypothèse nulle (H0) est : il n’existe aucune différence statistiquement significative entre les trois groupes.
L’hypothèse alternative (H1) est : il existe une différence statistiquement significative entre les trois groupes en termes d’amélioration fonctionnelle à court terme.
Si les résultats des ANOVA et des tests du Khi2 révèlent une différence statistiquement significative entre les trois groupes, des tests Post-Hoc seront effectués pour déterminer la nature de cette différence. Les groupes seront comparés deux à deux avec des tests t de Student appariés pour l’amélioration fonctionnelle et la douleur et des tests du Khi2 montreront une éventuelle association entre le traitement et la durée de l’arrêt de travail. Enfin, un test de Benjamini-Hochberg corrigera le taux de faux négatifs liés à la multiplicité des comparaisons.
Discussion
Cette étude a pour objectif de comparer les effets d’un SNAG administré par deux kinésithérapeutes ayant des niveaux de formation différents à la méthode Mulligan chez des patients souffrant de lombalgie non spécifique en phase aigüe avec un risque de chronicité, avec un groupe contrôle suivant les recommandations de l’HAS.
L’hypothèse nulle (H0) est qu’il n’y aura aucune différence statistiquement significative entre les trois groupes.
L’hypothèse alternative (H1) est qu’il y aura une différence statistiquement significative entre les trois groupes en termes d’amélioration fonctionnelle à court terme.
Limites de l’étude et perspectives
Un biais de sélection pourrait être présent. En effet, , les patients les plus atteints ou ayant des croyances quant à un traitement spécifique pourraient être surreprésentés dans l’un des groupes.
Selon l’HAS, les techniques manuelles sont possibles, pour la prise en charge des lombalgies présentant un risque de chronicité, « uniquement dans le cadre d’une combinaison multimodale de traitements incluant un programme d’exercice supervisé » [17]. Cependant, une revue systématique publiée en 2014 semble apporter, pour les lombalgies aigües et subaigües, des preuves fortes en faveur de la thérapie manuelle seule par rapport au placébo et des preuves modérées pour la combinaison thérapie manuelles et soins médicaux usuels par rapport aux soins médicaux seuls, pour la douleur, la fonction et l’amélioration de la santé à court terme [18].
Cette étude pourrait apporter des données supplémentaires, non seulement sur l’efficacité de la thérapie manuelles, et en particulier du SNAG, sur la lombalgie non spécifique en phase aigüe avec un risque de chronicité par rapport aux recommandations de première intention de l’HAS, mais également des données sur l’importance de la formation spécifique à la Méthode Mulligan. Elle pourrait également apporter une contribution à la gestion des arrêts de travail liés à la lombalgie en mettant en évidence une éventuelle association entre les groupes et la durée de l’arrêt de travail.
Conclusion
La prise en charge de la lombalgie avec un risque de chronicité est de plus en plus orientée vers une approche bio-psycho-sociale [4], et dans la mesure où une revue de littérature de 2022 conclue que l’efficacité de la méthode Mulligan sur les effets bio-psycho-sociaux et de son approche cognitivo-comportementale pour la gestion de la douleur lombaire son controversés et nécessite des études complémentaires pour mieux comprendre son impact sur le patient souffrant de lombalgie [19], les recherches futures pourraient examiner l’influence des techniques de Mulligan sur les aspects psychologiques tels que le stress, l’anxiété et la dépression, ainsi que sur les aspects sociaux tels que le soutien social et les interactions sociales. Ces études pourraient, par exemple, explorer comment l’approche cognitivo-comportementale peut être combinée avec les techniques de Mulligan, permettant ainsi d’explorer l’impact des facteurs psycho-sociaux sur la douleur lombaire et les arrêts de travail associés.