Santé
Vous trouverez ici la vidéo de la soirée ainsi que les réponses et bibliographies associées à la deuxième session de questions du second semestre 2022
Micro-trottoir
Soirée
Vous pouvez retrouver ces vidéos en versions sous-titrées via les liens suivants : – Vidéo micro trottoir avec sous titres – Vidéo soirée avec sous titres
Réponses des experts
Pourquoi ce développement des épizooties et des pandémies ?
On parle de pandémie pour une maladie infectieuse qui se répand à travers le monde. C’est différent d’une épidémie, qui est généralement contenue au sein d’une région ou d’un pays.
Le développement du commerce mondial et les déplacements de personnes favorisent les pandémies. Plus il y a d‘échanges, plus le risque d’apparition d’une pandémie augmente.
Une épizootie est une épidémie qui frappe une ou plusieurs espèces animales. Si elle concerne aussi les humains, on parlera de zoonose, ce que cible sans doute cette question.
Les virus et les bactéries sont partout. Certains sont dangereux pour les humains, d’autres inoffensifs. Prenons le cas des virus chez les animaux :
– certains sont des réservoirs de virus, c’est-à-dire qu’un virus donné peut se développer dans leur organisme mais sans forcément avoir de conséquence,
– d’autres animaux sont simplement des vecteurs, c’est-à-dire qu’ils collectent le virus au contact des réservoirs dans un environnement donné et ils les diffusent ailleurs.
Le développement de notre système immunitaire s’est effectué durant des millénaires. Il résulte d’un équilibre entre les agents pathogènes [1] présents dans notre environnement, avec lesquels nous sommes en contact, et notre corps.
L’envahissement des espaces naturels par les humains, la déforestation et le changement climatique vont modifier les équilibres des écosystèmes naturels. Cela entraîne des relations entre prédateurs et proies et le déplacement des espèces qui vont parfois se rapprocher des humains pour trouver de la nourriture comme la souris à pattes blanches aux États-Unis. Tous ces changements vont faire que nous serons au contact de virus que notre organisme ne sait pas combattre. D’où un risque accru d’épidémie, d’autant plus fort, que la densité de population humaine est importante.
Tout cela est maintenant bien documenté, le nombre de zoonose a fortement augmenté depuis une cinquantaine d’années et, si nous continuons à transformer les espaces naturels (forêts, zones humides…) nous verrons le nombre de zoonoses encore augmenter. Les échanges internationaux les transformeront en pandémies.
Quelques exemples :
1- L’épidémie du virus du Nipah qui provoque une maladie respiratoire. La déforestation en Malaisie a poussé une chauve-souris frugivore à chercher sa nourriture plus près des humains, et donc, de leurs élevages de porcs. Les déjections des chauves-souris ont infecté les porcs qui ont transmis le virus à des fermiers et des employés des abattoirs. Il a fallu abattre des millions de porcs.
2- Aux États-Unis, la perte de grands prédateurs, comme le loup, a entraîné une augmentation de la population de certaines espèces de cervidés comme le chevreuil. Or, de nombreux cervidés sont de très bons « hôtes » de la bactérie responsable de la maladie de Lyme tout en servant de repas aux tiques vectrices de la même bactérie. Sans régulation par les prédateurs, les hôtes intermédiaires se multiplient, et les tiques avec, augmentant le risque pour les humains.
[1] Un agent infectieux qui peut provoquer une maladie chez son hôte.Publications de Jean François Guégan, Serge Morand ou Éric Leroy
Rapport de l’IPBES sur la biodiversité et les pandémies. Octobre 2020.
Disponible sur : https://uicn.fr/un-rapport-cle-de-lipbes-sur-la-biodiversite-et-les-pandemies/
Michel Galliot
Michel Galliot est ingénieur de l’Ecole Nationale de la Météorologie. II a dirigé le centre météorologique de Limoges pendant 10 ans. Il a été chef de la mission scientifique française à Dumont d’Urville en Antarctique pour l’année 2000. Il a travaillé à l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) où il a coordonné le premier plan national d’adaptation au changement climatique. Michel Galliot est président de Limousin nature environnement, la fédération des associations de défense de l’environnement.
On parle de plus en plus de One Health, qu’est-ce que cela définit exactement ?
La santé
Selon l’OMS [1], la santé peut être définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » [A] Il s’agit d’une préoccupation majeure de l’humanité et qui continue d’être analysée du point de vue des maladies touchant l’homme. Cependant le développement des connaissances en matière de maladies infectieuses, provoquées par la transmission d’un agent pathogène (bactéries, virus, parasites, prions, champignons), a démontré la nécessité d’avoir une vision plus large de la dispersion de ces agents infectieux. En effet, au moins 60 % des maladies humaines infectieuses sont d’origine animale.
La récurrence des épidémies et des pandémies [2] (Covid-19, Zika, Ebola, grippe aviaire, SIDA) a renforcé la nécessité d’avoir une approche plus large qu’uniquement la vision des conséquences sur l’Homme. Pour limiter la propagation des maladies à la source, il faut comprendre que les interventions humaines (déforestation, pollution, etc.) sont suspectées de favoriser la transmission à l’Homme d’agents infectieux provenant des animaux [D].
Une seule santé
Depuis une vingtaine d’année, il est admis que la santé des animaux sauvages constitue un pilier fondamental pour la surveillance, la prévention et le contrôle sanitaire international en santé humaine. Pour comprendre et prévenir le développement des maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes, il est recommandé de développer des approches proactives et intégratrices pour mieux prendre en compte toutes les interconnexions complexes qui existent entre les espèces dans les écosystèmes [B]. L’association tripartite (OMS, OMSA [3] et FAO [4]) associées à l’UNICEF et à la Banque mondiale, ont encouragé une approche globale, intégrant la santé humaine, animale et l’environnement, pour inciter à prendre en considération tous les facteurs d’émergence des maladies [C]. En 2009, le terme « One World, One Health » sera proposé.
Objectifs
Le concept One Health associe étroitement santé humaine, animale (dont la faune sauvage) et environnementale (y compris l’alimentation). Les objectifs sont [D] :
– une vigilance à l’égard de maladies infectieuses émergentes (épidemio-surveillance),
– la lutte contre la résistance aux anti-infectieux,
– la reconnaissance des perturbations qui surviennent dans notre environnement et qui favorisent l’émergence de nouvelles maladies, infectieuses ou non, ou l’aggravation d’affections existantes.
Applications
La pandémie liée au SARS-CoV-2 a fait prendre conscience de l’intérêt de passer d’une approche univoque de la santé à une approche One Health même si « le concept One Health va bien au-delà de la prévention des crises sanitaires et est étroitement lié à une vision holistique de la santé et aux liens entre santé, qualité de l’environnement (eau, air, etc.), climat, alimentation et agriculture et biodiversité » [1]. Le conseil scientifique, créé lors de cette crise, a souligné la nécessité de cette approche visant notamment à la surveillance des émergences au niveau international, à la promotion de recherche transdisciplinaire et à une formation repensée.
L’approche sur la prévention de l’antibiorésistance portée en France par la feuille de route interministérielle, publiée en novembre 2016, est construite selon l’approche One Health intégrant la surveillance en santé humaine, animale et en environnement sur la consommation d’antibiotiques (santé humaine et environnementale), sur la surveillance de eaux de surface, des eaux souterraines et des sols et sur l’apparition de résistance aux antimicrobiens dans ses trois secteurs [E].
Limites
La vision intégrative se heurte à de multiples difficultés, techniques, financières et humaines. L’approche One Health sert souvent de parapluie à des recherches trop souvent anthropocentrées.
Cependant des réseaux intersectoriels sont en développement en France (Amr-Env réseau Promise) et en Europe (JamraiII).
D’autres approches, également intégratives, sont développées (Planetary health, Ecohealth, Ecosystem health) avec des méthodologies plus ou moins avancées mais toutes considérant que le maintien de la qualité de l’environnement est un facteur majeur pour répondre aux enjeux sanitaires futurs.
[1] Organisation mondiale de la Santé[2] Au cours des 40 dernières années, on a constaté une pandémie émergente chaque année.
[3] Organisation mondiale de la santé animale
[4] Organisation pour l’alimentation et l’agriculture
Disponible sur :https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/contribution_conseil_scientifique_8_fevrier_2022_one_health.pdf [2] Morand et al. « De One Health à Ecohealth, cartographie du chantier inachevé de l’intégration des santés humaine, animal et environnementale ». Iddri. Décryptage, mai 2020, n°4. Disponible sur : https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/decryptage/de-one-health-ecohealth-cartographie-du-chantier-inacheve-de [3] « One Health : une seule santé pour les êtres vivants et les écosystèmes ». Anses. 2023. Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/content/one-health-une-seule-sant%C3%A9-pour-les-%C3%AAtres-vivants-et-les-%C3%A9cosyst%C3%A8mes [4] Parodi André-Laurent. « Le concept “One Health”, une seule santé : réalité et perspectives ». Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 2021, vol. 205, n°7, p. 659—661.
DOI : https://doi.org/10.1016/j.banm.2021.05.001 [5] Santé Publique France. « Prévention de la résistance aux antibiotiques : une démarche “une seule santé” » [Rapport synthèse]. Novembre 2022. Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-associees-aux-soins-et-resistance-aux-antibiotiques/resistance-aux-antibiotiques/documents/rapport-synthese/prevention-de-la-resistance-aux-antibiotiques-une-demarche-une-seule-sante#:~:text=La%20Journ%C3%A9e%20europ%C3%A9enne%20d’information,de%20l’environnement%2C%20d%C3%A9cideurs.
Christophe Dagot
Professeur à l’École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges en Génie de l’Eau & Environnement de l’Université de Limoges Chargé de mission DD&RS Chercheur dans l’UMR Inserm 1092 sur la contribution de l’environnement à la dissémination des bactéries résistantes aux antibiotiques
Pourquoi les rivières sont importantes pour la santé ?
L’eau est un élément essentiel à notre vie, et environ 71 % de la surface de la Terre en est recouverte. Alors comment expliquer qu’on se sente mieux près d’un cours d’eau que dans une forêt ou un parc ?
S’il est si agréable d’être à proximité d’un ruisseau, d’un lac ou d’une étendue d’eau, cela pourrait être lié au fait que les rivières contiennent non seulement des plans d’eau (c’est-à-dire des espaces bleus qui ont des effets salutogènes[1] importants) mais sont presque toujours associés à une abondance d’arbres et de plantes (c’est-à-dire des espaces verts). Ceci conduit probablement à une agrégation des avantages associés aux espaces verts et bleus.
Un autre facteur d’explication pourrait être le fait que les canaux et rivières abritent « toute une série d’animaux sauvages, notamment des poissons, des canards, des hérons et d’autres espèces aquatiques ». Plusieurs études ont démontré un lien positif entre la rencontre avec la faune et le bien-être mental favorisant la détente et le bien-être mental.
En fait, nous sommes plus susceptibles de décrire l’environnement à proximité d’une rivière comme étant beau, historique, paisible et inspirant, et en revanche, moins susceptibles de se référer à des termes négatifs tels que laid, peu inspirant, sale et ennuyeux. Cela a une expérience positive pour les sentiments de sécurité et d’inclusion sociale par rapport à tous les autres types d’environnements (tels que l’intérieur, ou l’extérieur dans un environnement urbain, ou près d’espaces verts). De plus, une grande quantité d’espaces bleus dans une zone géographique est significativement associées à des niveaux d’activité physique plus élevés. Finalement, il semblerait que cela stimule la production des hormones anti-dépression (sérotonine, tryptamine et mélatonine) réduisant le stress.
Cependant, et bien que cette prose soit jolie, on sait peu de choses sur les mécanismes et les voies qui relient les espaces bleus et la santé. Mais cela procure des bienfaits psychologiques qui durent pendant au moins de 24 heures donc autant ne pas s’en priver !
[1] Effets bénéfiques pour la santéBergou Nicol et al. “The mental health benefits of visiting canals and rivers: An ecological momentary assessment study”. PLoS ONE, 2020, vol.17, no. 8. DOI : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0271306
Georgiou Michail et al. “Mechanisms of Impact of Blue Spaces on Human Health: A Systematic Literature Review and Meta-Analysis”. International Journal of Environmental Research Public Health, 2021, vol. 18, no. 5, 2486 DOI : https://doi.org/10.3390/ijerph18052486
Emmanuel Joussein
Laboratoire E2LIM
Qu’est-ce que le microbiote ?
Le microbiote représente l’ensemble des micro-organismes (bactéries, parasites, virus et champignons microscopiques) qui vivent dans un écosystème donné, c’est-à-dire, qui colonisent une surface définie ou un espace anatomique. On distingue, par exemple, le microbiote du sol, le microbiote des plantes ou le microbiote humain.
Lorsqu’il se réfère à un espace anatomique, le microbiote désigne l’ensemble des micro-organismes non pathogènes encore dits « commensaux » hébergés par l’hôte. Ces micro-organismes forment une niche physiologique dynamique qui participe à l’équilibre de l’hôte et qui change dans l’espace et dans le temps, en réponse à de nombreux facteurs environnementaux.
La recherche biomédicale cherche ainsi à décrire cet équilibre dynamique en reliant les événements du microbiote à la biologie de l’hôte.
Le microbiote humain…
Le microbiote humain correspond aux micro-organismes qui nichent dans ou sur les parties du corps en contact avec l’environnement comme la peau, la cavité buccale, le tube digestif ou les voies uro-génitales.
Chez l’Homme, le microbiote intestinal représente la plus importante communauté bactérienne du corps (environ 10 000 milliards de bactéries). Sa composition est modulée par le régime alimentaire, l’exercice physique, ou la prise de certains médicaments.
Le microbiote intestinal joue un rôle fondamental dans la digestion en participant au métabolisme des fibres végétales complexes contenues dans les fruits, les légumes et les céréales. Il assure également une protection contre les agents pathogènes en jouant un rôle de barrière. Il participe également à la maturation du système immunitaire. De nombreuses substances produites par le microbiote agissent localement ou à distance pour réguler le fonctionnement de différents organes (cœur, pancréas, système nerveux central).
À l’heure actuelle, il a été établi un lien entre des altérations du microbiote intestinal et la survenue de certaines pathologies comme les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, les maladies métaboliques (diabète de type 2), cardiovasculaires (hypertension artérielle) et auto-immunes.
Microbiome. Genome.gov. 2023. Disponible sur : https://www.genome.gov/genetics-glossary/Microbiome.
Cresci Gail and Bawden Emmy. “The Gut Microbiome: What we do and don’t know”. Nutrition in Clinical Practice, 2015, vol. 30, n°6, p. 734–46. DOI : https://doi.org/10.1177/0884533615609899
Martin François-Pierre et al. “A top-down systems biology view of microbiome-mammalian metabolic interactions in a mouse model”. Molecular Systems Biology, 2007, vol. 3, no.112. DOI : https://doi.org/10.1038/msb4100153
Hooper Lora, Littman Dan and Macpherson Andrew. “Interactions between the microbiota and the immune system”. Science, 2012, vol. 336, no. 6086, p. 1268–1273. DOI : 10.1126/science.1223490
Dietert Rodney and, Silbergeld Ellen. “Biomarkers for the 21st century: listening to the microbiome”. Toxicological Sciences, 2015, vol. 144, no. 2, p. 208–216. DOI : https://doi.org/10.1093/toxsci/kfv013
Le microbiote. Leem. 2019. Disponible sur : https://www.leem.org/le-microbiote
Roland Lawson
Laboratoire IPPRITT
Qu’est ce qui entraine la formation des boutons d’acné lors de l’adolescence ?
Qu’est-ce que l’acné ?
C’est une maladie inflammatoire chronique du follicule pilo-sébacé [1]. Elle concerne 80 % des adolescents. Dans 15-20 % des cas, l’acné est dite « sévère » avec un risque important de lésions cicatricielles. Elle dure en moyenne 3 à 4 ans, puis le plus souvent disparait spontanément. On retrouve ces lésions principalement sur le visage, le dos, les épaules et le thorax.
L’hyperséborrhée ou « peau grasse » est la première manifestation associée à des pores dilatés qui précèdent la survenue des boutons d’acné. La peau est alors brillante et grasse sur le front, la pointe du nez, les joues et le menton. Puis, les comédons apparaissent.
Le comédon ouvert appelé communément « point noir » correspond à un bouchon. Le comédon fermé ou « point blanc » correspond à une accumulation de sébum et de kératine dans le follicule pilo-sébacé fermé. Ces comédons peuvent s’enflammer et devenir des lésions inflammatoires.
Il existe deux types de lésions inflammatoires : les boutons rouges inflammatoires sans pus, qui sont parfois douloureux appelés « papules » et les boutons rouges inflammatoires à tête blanche avec pus appelés « pustules ».
Il peut se développer également des lésions inflammatoires profondes, appelées « nodules » ou « kystes » qui peuvent être à l’origine de cicatrices temporaires (rouges ou pigmentées) ou définitives dues à une inflammation trop importante, persistante ou à des lésions manipulées.
Comment se forment les boutons d’acné ?
Le follicule pileux est composé d’une glande sébacée et d’un poil situé à sa base. La glande sébacée sécrète du sébum qui s’écoule par les pores de la peau pour la protéger. Sécrété en excès au cours de l’adolescence, le sébum devient épais, s’écoule moins bien et des cellules mortes (kératinocytes) obstruent les pores. Une inflammation se crée et déséquilibre la flore cutanée avec une multiplication anormale d’une bactérie appelée le Propionibacterium acnes. Ceci entraine l’apparition de lésions d’acné plus ou moins sévères.
Les causes de la formation de l’acné au cours de l’adolescence ?
· Les hormones sexuelles et de croissance (Ju Q et al, 2017) :
L’hypersécrétion de sébum est corrélée avec le pic hormonal habituellement observé à l’adolescence. La sécrétion des hormones de croissance et androgènes (hormones sexuelles) vont être impliquées dans l’augmentation de la synthèse du sébum. Les personnes qui développent de l’acné auraient une hypersensibilité de leur peau aux hormones masculines circulantes, c’est-à-dire, que la réponse de la peau aux hormones serait exagérée. Il a été démontré qu’en période prémenstruelle, la sévérité de l’acné était plus importante.
· Prolifération des kératinocytes et flore bactérienne (Dréno B, 2017) :
Il existerait également un dysfonctionnement du processus de prolifération des kératinocytes folliculaires qui va être à l’origine de la formation des comédons. L’accumulation de sébum au niveau du canal excréteur de la glande sébacée ainsi que l’absence d’oxygène causée par l’obstruction des pores favorisent la prolifération des bactéries présentent naturellement et qui sont normalement libérées lors de l’excrétion du sébum. On observe ainsi une accumulation anormale de bactéries avec le développement de Propionibacterium acnes au niveau du follicule pilo-sébacé activant l’inflammation responsable de l’acné.
· Composition du sébum et UV (Okoro OE et al. 2021) :
Par ailleurs, des études comparatives entre le sébum d’individus sains et celui d’individus présentant de l’acné, ont mis en évidence une différence qualitative et quantitative au niveau de sa composition. Le squalène, composé lipidique du sébum, va s’accumuler dans le sébum et favoriser les réactions d’oxydation amplifiées par les rayonnements UV. L’augmentation des espèces réactives de l’oxygène due aux réactions d’oxydation amplifiées est responsable en partie de la réaction inflammatoire. La pollution extérieure (Dréno B et al, 2018) agresse la peau et favorise la production de sébum, participant ainsi à l’aggravation de l’acné.
· La génétique (Szabó K et al, 2017) :
Il existe des formes familiales. L’adolescent a plus de risque de développer de l’acné si un ou deux de ses parents en sont atteints. Certaines populations, près du cercle polaire ou isolées sur des îles d’Amérique du Sud, ne sont pas touchées par l’acné. On ne sait pas si c’est une protection due à l’hérédité ou due à leur environnement.
· Le stress (Jović A et al, 2017) :
Le stress augmenterait la sévérité de l’acné et pourrait favoriser le déclenchement de la formation de celui-ci par des mécanismes impliquants des neuropeptides[2] du stress. Par exemple, la substance P (neuropeptide) libéré sous l’effet du stress par les nombreuses cellules nerveuses qui entourent le follicule, peut stimuler la production du sébum.
· Le tabac (Dréno B et al, 2018) :
Il favoriserait l’acné.
· L’alimentation (Di landra A 2016, Claudel JP 2018) :
Une alimentation pauvre en fruit, légumes et poisson favoriserait l’acné (Di Landra A et al 2016), mais des études seraient nécessaires pour mieux connaitre la réelle implication de l’alimentation dans l’acné.
[1] Cavité dans laquelle le poil ou le cheveu prennent naissance[2] Un neuropeptide est un type d’hormone sécrété par un neurone et ayant essentiellement une fonction de neuromodulateur.
Site internet :
« Définition, symptômes et évolution de l’acné ». 2022. Ameli.fr. Disponible sur : https://www.ameli.fr/haute-vienne/assure/sante/themes/acne/definition-symptomes-evolution
Haute Autorité de la sante. « Acné : quand et comment la traiter ? ». 2015. Has.
Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/c_2574402/fr/acne-quand-et-comment-la-traiter
Jegou-Penouil, Marie-Hélène. « L’acné : maladie du follicule pilosébacé ». Dermato info : Société française de dermatologie. 2019. Disponible sur : https://dermato-info.fr/fr/la-peau-des-adultes/l%E2%80%99acn%C3%A9
Publications scientifiques :
Di landra Anna et al. “Adult female acne and associated risk factors: Results of multicenter case-control study in Italy”. Journal of the American Academy of Dermatology, 2016, vol. 75, no. 6, p. 1134-1141
Dréno Brigitte. “What is new in the pathophysiology of acne, an overview”. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology, 2017, vol. 31, no. 5, p. 8-12. DOI : https://doi.org/10.1111/jdv.14374
Dréno Brigitte et al. “The influence of exposome on acne”. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology, 2018, vol. 32, no. 5. p. 812-819. DOI : https://doi.org/10.1111/jdv.14820
Claudel Jean-Paul et al. “Acne and nutrition: hypotheses, myths and facts”. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology, 2018, vol. 32, no. 10, p. 1631-1637. DOI : https://doi.org/10.1111/jdv.14998
Jović Anamaria et al. “The Impact of Psychological Stress on Acne”. Acta Dermatovenerologica Croatica, 2017, vol. 25, no. 2, p. 133-141. Disponible sur : https://hrcak.srce.hr/file/272775
Quiang Ju et al. “Sex hormones and acne”. Clinics in Dermatology, 2017, vol. 35, no. 2, p. 130-137.
DOI : https://doi.org/10.1016/j.clindermatol.2016.10.004
Okoro Obumneme et al. “Lipidomics of facial sebum in the comparison between acne and non-acne adolescents with dark skin”. Scientific Reports, 2021, vol. 11, no. 1. DOI : https://doi.org/10.1038/s41598-021-96043-x
Szabo Kornélia and Kemény Lajos. “Studying the genetic predisposing factors in the pathogenesis of acne vulgaris”. Human Immunology, 2011, vol. 72, no. 9, p. 766-73. DOI : https://doi.org/10.1016/j.humimm.2011.05.012
Claire Demiot
Maitre de Conférence en Pharmacologie à l’UFR de Pharmacie de Limoges Vice-présidente du CPP SOOM IV (Comité de protection des personnes qui rentrent dans des essais cliniques). Étude de l’effet de modulateurs du système rénine angiotensine dans la prévention des neuropathies périphériques toxiques (douloureuses) en préclinique et en clinique. Mise en évidence de nouvelles voies pharmacologiques neuroprotectrices : de l’expression des gènes aux études précliniques. Étude de l’effet neuroprotecteur de nouvelles thérapeutiques innovantes dans les neuropathies périphériques douloureuses en partenariat avec l’industrie. Étude de l’interaction bénéfique entre les petites fibres nerveuses et la peau au cours de situation de stress cutané (Pression induisant une Ischémie/reperfusion [escarre], incision).
Rôle des guerres et des destructions des infrastructures dans le développement des épidémies ?
Question complexe selon qu’on la considère d’un point de vue du droit, de l’historique, de la philosophie, de la politique ou de la technologie. N’étant pas spécialiste de tous ces domaines, mes réponses ne seront que partielles et j’encourage le lecteur à consulter les ouvrages spécifiques pour chacune de ces approches, et notamment l’article de P. Zylberman, considérant que les conflits armés d’aujourd’hui sont essentiellement des guerres menées contre la santé publique.
Guerre et santé publique
Pour résumer, il faut considérer que les maladies infectieuses (ex : rougeole, typhoïde, dysenterie, diphtérie, etc.), si elles sont considérées comme maladies hydriques, sont traditionnellement attachées à la guerre. Elles tuent plus d’hommes que les combats eux-mêmes : les hommes mouraient six fois plus de maladie que des fureurs de la bataille. La typhoïde, la variole, la méningite, la dysenterie et même le tétanos ont éradiqués pas mal de forces armées.
L’impact de la guerre sur la santé au travers de la destruction des infrastructures s’illustre par une multiplication par 100 des maladies précitées lors de la guerre civile en Syrie en 2011. Selon un décompte de l’UNICEF arrêté au mois de mars 2014, 60 à 70 % des hôpitaux et dispensaires syriens ont été détruits ou endommagés.
La destruction des infrastructures sanitaires est finalement récurrente dans les conflits : P. Zylberman rappelle qu’à partir de la mi-juin 2014, l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS) n’a pas hésiteé à bombarder écoles, maisons de retraite, infrastructures sanitaires (eau potable) et centres de santé, à assassiner médecins et infirmiers et à capturer des convois d’aide humanitaire. Fin juin 2014, plus aucun service de traumatologie, de chirurgie ou des urgences ne fonctionnera dans le gouvernorat de Deir Ezzor en Syrie. D’autres chiffres, cités dans le même article, font état de 652 centres de santé détruits sur les 1 919 que comptait le pays (en 2013) ou fermés pour cause de manque d’électricité ou de problèmes de sécurité. La non vaccination de la moitié des enfants et l’emprisonnement de médecins ont provoqué la ré-émergence de la poliomyélite dans un pays déclaré zéro polio en 1995.
De plus, le gonflement des flux migratoires a entrainé la dissémination des maladies et des infections mettant les habitants des pays voisins en danger, comme lors des migrations de très grande ampleur en 1914 depuis la Russie aboutissant à l’établissement d’un cordon sanitaire. Nous ne reviendrons pas sur le développement des armes biologiques depuis la Seconde Guerre mondiale qui a militarisé certaines maladies (certainement le paludisme ou le typhus). Cette militarisation est souvent étroitement liée à la guerre des races. Le typhus, par exemple, devenait la pierre angulaire de l’idéologie raciste dans les territoires d’Europe de l’Est occupés par les Nazis lors de la clôture du ghetto de Varsovie pour des raisons médicales invoquées.
Infrastructure et santé publique
Dernièrement, plusieurs épidémies liées à la destruction des infrastructures ont été signalées. Au Liban, l’OMS a signalé plus de 1400 cas suspects de choléra avec 381 cas confirmés et 17 décès (AFP Nov 2022). La propagation rapide est liée à un système d’assainissement médiocre et des infrastructures en ruine, nécessitant la mise en place de campagnes de vaccination. Rappelons que le choléra est une maladie hydrique, contractée par ingestion d’eau ou d’aliments souillés. La Syrie a subi la même épidémie, liée à la destruction totale ou partielle de 2/3 des usines de traitement de l’eau, de la moitié des stations de pompage et d’1/3 des châteaux d’eau (Nation Unies). Plusieurs cas de choléra ont été détectés en Haïti récemment. En sachant qu’il y a plus de 3 ans, l’épidémie avait causé plus de 10 000 décès entre 2010 et 2019, liée à l’introduction du virus par des casques bleus de l’ONU déféquant dans le fleuve Artbonite, seule source d’eau accessible et gratuite des communautés riveraines.
La relation entre santé publique, infrastructure et développement économique n’est plus à démontrer. Les organismes pathogènes (virus, bactéries, protozoaires, métazoaires), véhiculés par l’eau, sont responsables d’un grand nombre de maladies endémiques [1], telles que les maladies diarrhéiques, de la typhoïde, du choléra, de fièvres, d’infections diverses et variées. Le premier objectif de la production d’eau potable est la protection de la santé publique, celui de l’assainissement est le maintien de la salubrité publique et la protection de l’environnement. Ainsi, le niveau d’hygiène aujourd’hui atteint dans les sociétés occidentales nous paraît naturel, mais il repose sur un équilibre fragile reposant sur des réseaux de surveillance, des technologies efficaces, des procédures à respecter, mais tout dérèglement, guerres, changement climatique est susceptible de le modifier entrainant la recrudescence des maladies hydriques.
A contrario, la guerre, et notamment la Seconde Guerre mondiale, a été un catalyseur pour les avancées médicales. Ainsi, la pénicilline, découverte en 1928 par Alexander Fleming, a été purifiée par Ernst Boris Chain en 1940. Elle est considérée, en 1943, comme un remède miracle à l’entrée en guerre des États-Unis, et profite du modèle économique et commercial américain pour être produit en masse. Les investissements massifs de l’industrie dans la recherche de nouvelles molécules et leur développement se révèlent alors d’une efficacité remarquable.
Si les antibiotiques ont été et restent un moyen essentiel de lutte contre les infections, avec la problématique de l’antibiorésistance, rappelons que la vaccination permet encore la préservation d’une santé collective et la limitation des épidémies et des pandémies, palliant bien souvent, notamment dans les pays en développement ou en crise, aux déficits d’infrastructures.
[1] Ce sont des maladies infectieuses et contagieuses qui touchent particulièrement une région donnée ou une population.Zylberman Patrick. « Les conflits armés d’aujourd’hui sont essentiellement des guerres menées contre la santé publique », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, 2021, vol. 19, p. 13-19.
DOI : https://doi.org/10.4000/crdf.8093
Andremont Antoine. « L’industrie antibiotique, du miracle à l’inefficacité ? Après-demain, 2012, vol. 2, no. 22, p. 11-13. DOI : https://doi.org/10.3917/apdem.022.0011
Christophe Dagot
Professeur à l’École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges en Génie de l’Eau & Environnement de l’Université de Limoges. Chargé de mission DD&RS Chercheur dans l’UMR Inserm 1092 sur la contribution de l’environnement à la dissémination des bactéries résistantes aux antibiotiques.
Quelles sont les différences entre anxiété et stress ?
Le concept de stress est polysémique, il possède plusieurs sens et partage avec l’anxiété le fait de pouvoir qualifier en un mot à la fois, l’état d’une personne, comme agitée et tendue et la description d’une situation comme inconfortable et malaisante.
Toutefois, le stress se démarque par l’origine de sa définition associée à son rôle de mécanisme d’adaptation primaire : soit une cascade de réaction du corps face à une situation perçue de danger (libération de cortisol, augmentation du rythme cardiaque…).
De son côté, l’anxiété dans la recherche fait, elle, référence aussi à au moins deux concepts :
– Dans un premier cas, on parle de niveau d’anxiété et on distingue l’anxiété comme trait de personnalité (nous présentons un haut ou bas niveau d’anxiété dans un grand nombre de situation) ou comme un état momentané (nous présentons un haut ou bas niveau d’anxiété dans une situation précise).
– Dans un autre cas spécifique à l’anxiété, celle-ci fait aussi référence aux troubles anxieux qui s’intègrent dans la nomenclature du DSM-5 des troubles psychiatriques où l’on peut notamment retrouver le « trouble anxieux généralisé » dont les critères diagnostiques incluent par exemple une persistance des symptômes pendant au moins 6 mois.
Il est vrai que ces concepts sont parfois confondus dans le langage commun. C’est pourquoi dans le domaine du soin, il est d’autant plus important de comprendre à quoi fait référence une personne lorsqu’elle utilise ces mots (ex. Que ressent-elle ? À quelle fréquence ? Dans quelle situation ?) afin de mieux orienter son accompagnement et les solutions proposées.
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). American Psychiatric Publishing, 2013. https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596
Canini Frédéric. « Éléments de physiologie et de physiopathologie du stress ». Revue de neuropsychologie, 2019, vol. 11, p. 251-258. DOI : https://doi.org/10.1684/nrp.2019.0520
Gauthier Janel et Bouchard Stéphane. (1993). « Adaptation canadienne-française de la forme révisée du State–Trait Anxiety Inventory de Spielberger ». Canadian Journal of Behavioural Science, 1993, vol. 25, no. 4, p. 559–578.
DOI : https://doi.org/10.1037/h0078881
Servant, Dominique. Gestion du stress et de l’anxiété́. Elsevier Masson, 2022, 320 pages.
Zhor Raimi
Exerce en tant que Neuropsychologue à l’établissement de réadaptation professionnelle EPNAK Limoges. Doctorante en 2ème année de Psychopathologie Cognitive au laboratoire C2S de l’Université de Reims.
Où en sont les recherches contre le cancer ?
Nous pouvons ressentir à la fois de l’espoir et du doute lorsque l’on pose cette question. Du doute car les cancers sont la première cause de mortalité prématurée en France et dans l’imaginaire collectif, ils représentent une maladie effrayante. De l’espoir, car l’issue n’est plus uniquement fatale : aujourd’hui, ils peuvent se soigner, voir même se guérir…
Nos connaissances ont bondi avec les technologies de séquençage du génome qui ont permis d’identifier et de comprendre les anomalies génétiques responsables de la transformation d’une cellule saine en une cellule cancéreuse.
La recherche contre le cancer n’est plus l’apanage des médecins. Des chercheurs de plusieurs disciplines (biologistes, chimistes, pharmaciens, médecins, physiciens) œuvrent au quotidien pour comprendre, prévenir et guérir ce fléau. Des femmes et des hommes, trop nombreux pour être cités, mais dont le travail est essentiel. De cette émulsion collective mondiale a émergé le développement de marqueurs précoces de la maladie et de cibles thérapeutiques inédites.
En effet, ces vingt dernières années ont inauguré une nouvelle ère dans les stratégies cliniques. Nous disposons d’un arsenal thérapeutique grandissant qui a su innover avec les informations génétiques directement collectées sur les tumeurs. Les traitements ont évolué d’une utilisation empirique de drogues cytotoxiques à un catalogue de thérapies dites « ciblées » dirigées spécifiquement contre des anomalies génétiques. Il existe aujourd’hui une cinquantaine de thérapies, entre celles qui visent à corrompre les signalisations de survie cellulaire ou les immunothérapies qui aident le corps à se défendre lui-même. Chaque patient reçoit le traitement le plus adapté à son cancer.
Il y a 20 ans, 1 cancer sur 3 se guérissait. Aujourd’hui, 1 cancer sur 2 se guérit. Et dans 20 ans, que pouvons-nous espérer ? Dans 20 ans, nous avons bon espoir d’atteindre un objectif thérapeutique prometteur en développant des thérapies toujours plus innovantes et efficaces pour les amener jusqu’au lit des patients.
Hanahan Douglas and Weinberg Robert. “Hallmarks of cancer: the next generation”. Cancer discovery, 2011, vol. 144, no. 5, p. 646-74. DOI : 10.1016/j.cell.2011.02.013. PMID: 21376230.
Dubois Manonet al. « L’immunothérapie, une révolution en oncologie : Revue de l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ». Médecines Sciences, 2019, vol. 35, no. 12, p. 937-945.
DOI : https://doi.org/10.1051/medsci/2019225
Dubreuil Patrice. « Inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), un concept et une abréviation en devenir ». Médecines Sciences, 2003, vol. 19, no. 2, p. 133-135. DOI : https://doi.org/10.1051/medsci/2003192133
Site de la ligue contre le cancer : https://www.ligue-cancer.net/
Site de l’institut national du cancer : https://www.e-cancer.fr/
Site de la fondation pour la Recherche sur le Cancer : https://www.fondation-arc.org/
Thomas Naves
Laboratoire CAPTuR
Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur notre santé ?
Elles sont nombreuses tout en variant suivant les régions. Les canicules ont un impact direct par l’effet des très fortes chaleurs. Certains organismes ne peuvent supporter des températures dépassant les 40 ou 50 °C.
De plus les fortes températures favorisent la production d’ozone et accentuent le caractère agressif des polluants. En 2003, la moitié des 15 000 décès en France était due à la pollution. Les périodes de pollution seront plus précoces et plus nombreuses dans l’année.
Notons cependant que les hivers devenant moins rigoureux, la mortalité due aux grands froids va baisser. Il est probable que cette baisse sera plus faible que la hausse de mortalité d’été.
Les fortes précipitations, inondations torrentielles ou submersions marines peuvent entraîner des pertes humaines ou des blessures (53 décès lors de la tempête Xinthia en 2010). Il faut y ajouter tous les problèmes liés à la contamination éventuelle des eaux (persistance de mares résiduelles) qui favorisent le développement de pathogènes. Les incendies de forêt produisent des particules dommageables pour les asthmatiques. Tous les événements extrêmes entraînent du stress et des angoisses ce qui amène à une surconsommation de médicaments, parfois sur de longues périodes après l’événement.
La modification de la phénologie [1] des plantes entraîne des productions de pollens plus précoces, et plus abondantes, augmentant les allergies. Des indices concordants plaident en faveur d’une augmentation de la quantité de pollens émis dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle.
Le déplacement des espèces végétales et leur acclimatation dans de nouvelles aires de répartition peut aussi augmenter les allergies. On peut citer le cas de l’ambroisie en France.
L’élévation de la température permettra aussi l’arrivée de nouvelles maladies, en particulier les maladies à vecteurs. Ce sont des maladies apportées par les animaux qui colonisent de nouveaux territoires. L’exemple le plus connu est celui des moustiques tigres qui transmettent la dengue ou le chikungunya.
Le changement climatique s’ajoute aux autres causes de bouleversement de la biodiversité, modifiant les écosystèmes et donc les équilibres qui existaient entre notre système immunitaire et les pathogènes présents dans notre environnement. La circulation des pathogènes est modifiée et leur possibilité de transmissions aux humains également. Il augmente donc le risque de zoonoses, épidémies transmises par les animaux.
L’augmentation de la température de l’air augmente la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Cela peut favoriser le développement de moisissures et de champignons.
Le réchauffement des eaux de surface favorisera le développement d’algues et la baisse de la teneur en oxygène (eutrophisation) des eaux de baignade. Dans les régions tropicales, là où le traitement de l’eau est peu efficace ou inexistant, cela sera un facteur d’augmentation des infections microbiennes.
Dans le cas des pays les plus pauvres, l’impact du changement climatique sur la production agricole entraînera des risques de malnutrition.
Pour terminer on peut signaler que les pays développés ont les moyens d’avoir une médecine préventive et curative qui peut limiter sensiblement les effets du changement climatique sur la santé.
[1] Étude des variations des phénomènes périodiques de la vie végétale en fonction du climat.Rapport de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique de 2007 sur les risques sanitaires.
Rapport du GIEC 2022.
Publications de Jean-Pierre Besancenot.
Michel Galliot
Michel Galliot est ingénieur de l’Ecole Nationale de la Météorologie. II a dirigé le centre météorologique de Limoges pendant 10 ans. Il a été chef de la mission scientifique française à Dumont d’Urville en Antarctique pour l’année 2000. Il a travaillé à l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) où il a coordonné le premier plan national d’adaptation au changement climatique. Michel Galliot est président de Limousin nature environnement, la fédération des associations de défense de l’environnement.
Quels sont les impacts de la santé mentale sur notre corps ?
Les réactions du corps en réponse au mental : où comment l’on passe de la production de liquide lacrymal (larme) lorsque l’on est triste à des risques cardio-vasculaires associés lorsque l’on souffre d’une dépression diagnostiquée. Voici donc les deux angles pour aborder cette question : le quotidien et la maladie.
Dans le quotidien, nos émotions ressenties et les changements du corps qui les accompagnent sont des exemples du lien corps-esprit. Ces changements sont ponctuels, minimes et ne représentent pas de facteur de risque pour notre santé. Chercher à revoir un ami que l’on apprécie pour la libération de dopamine associée (transmetteur entre les neurones, impliqué lors du plaisir) ou pleurer devant un film triste sont autant d’impacts pourtant bien fonctionnels du mental sur notre corps.
Là où cela devient problématique, et avant de parler des maladies, sont les vives réactions du corps lorsque nous percevons, consciemment ou non, notre environnement comme une menace. C’est le cas du stress chronique induit par l’environnement perçu. Les réactions du corps vont alors souvent de la libération hormonale excessive de cortisol aux contractures musculaires en passant parfois par des changements de la peau, des cheveux, de la digestion, du sommeil, de la vision et du rythme cardiaque et représente une dérive de l’interaction corps-mental qui devient néfaste pour notre santé.
Enfin, parlons de ce lien corps/esprit dans le champ des maladies. En premier, c’est la notion de “comorbidité” qui va nous intéresser. Une comorbidité se définie comme une association de deux maladies, psychiques ou physiques, fréquemment observées dans la population et sans lien de causalité établie, contrairement aux “complications”. Aussi, les facteurs associés aux maladies psychiatriques peuvent parfois être des facteurs de risques de maladies physiques comme la pauvreté et l’exclusion sociale, la génétique, les comportements à risque, les traitements et leurs effets secondaires et de manière plus importante la difficulté d’accès au soin.
Heureusement des impacts corps/esprit positifs existent aussi avec notamment l’activité physique qui apparait comme un bon exemple des bienfaits possibles de l’action du corps sur l’amélioration de nos états mentaux.
Doherty Anne and. Gaughran Fiona. “The interface of physical and mental health”. Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, 2014, vol. 49, no. 5, p. 673–682. DOI : https://doi.org/10.1007/s00127-014-0847-7
Larousse. Comorbidité. Dans Dictionnaire Larousse. Disponible sur : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/comorbidit%C3%A9/186898
Sartorius Norman. “Physical illness in people with mental disorders”. World Psychiatry, 2007, vol. 6, no. 1, p. 3-4. Disponible sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1805725/
Zhor Raimi
Exerce en tant que Neuropsychologue à l’établissement de réadaptation professionnelle EPNAK Limoges.
Doctorante en 2ème année de Psychopathologie Cognitive au laboratoire C2S de l’Université de Reims.
Ça veut dire quoi aujourd’hui être en bonne santé ?
La notion de santé est débattue depuis que l’humanité s’en préoccupe – donc, probablement depuis toujours. L’Organisation Mondiale de la Santé en donne une définition qui n’a pas changé depuis 1946 :
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »
C’est cette conception globale et élargie de la santé qu’une société doit ou devrait permettre. Mais cela suppose d’agir fortement et ensemble sur les très nombreux facteurs déterminants de santé que sont l’éducation, la culture, la qualité de vie au travail, l’emploi, l’environnement, le lien social, les transports, la prévention ou encore l’accès aux soins qui sont marqués par une très forte inégalité sociale et territoriale.
La véritable bonne santé, c’est d’être en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels, sans avoir à prendre de précautions autres que celles exigées par un mode de vie sain.
En effet, une telle dénomination peut être valable à 20 ans et l’être sans doute un peu moins à 70. Il convient donc de la moduler. Vivre vieux ne veut pas dire être en bonne santé. L’espérance de vie en bonne santé définit une existence sans limitation d’activité dans les gestes de la vie quotidienne, donc sans incapacité.
Cette notion d’« incapacité » permet de mesurer les difficultés et les limitations rencontrées dans les activités du quotidien (au travail, au domicile, pour les soins personnels, etc.) à cause d’un problème de santé.
On peut donc décompter les années de vie avec et sans « limitations dans les activités usuelles ».
La différence calculée entre l’espérance de vie à la naissance et l’espérance de vie en bonne santé mesure le nombre d’années, le plus souvent les dernières de l’existence, pendant lesquelles un individu peut voir survenir la maladie.
À l’heure actuelle, une grande quantité d’individus meurt encore, sinon d’une maladie, voire d’une ou plusieurs maladies, qui pourraient, dans leur majorité, être supprimées ou atténuées par le dépistage, la prévention et la bonne hygiène de vie.
Il n’y qu’une seule et même santé pour le vivant : un bien commun à entretenir et préserver pour les générations d’aujourd’hui et de demain.
Eric BrunieReprésentant CFDT |
Guy GabrielReprésentant association La Marguerite |
Qu’est ce que le One Health ?
Contrairement à sa dénomination anglophone, le concept One health (une seule santé) est connu depuis les années 70 sous le terme de zoonose.
Selon l’OMS, les zoonoses sont des affections transmissibles de l’animal à l’homme et réciproquement. La spécialisation médicale, en particulier en infectiologie, a favorisé une approche réductrice de l’épidémiologie, en séparant l’homme des autres mammifères, qui sont souvent des réservoirs infectieux.
Le concept One health prend en compte toutes les conditions de développement des maladies, principalement infectieuses. Le comportement humain, entre autres à travers la mondialisation, favorise les rapprochements entre l’homme et l’animal, qu’il soit domestique, familier ou sauvage.
La mondialisation favorise aussi la circulation des micro-organismes par le déplacement des espèces animales et végétales. L’approche One health prend en compte l’ensemble des paramètres en relation avec les contacts homme-animal.
Gilles Dreyfuss
Parasitologue, Institut de Neuroépidémiologie et parasitologie tropicale
Il n’est pas possible de connaitre les effets à long termes des médicaments au moment de l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché. Quels protocoles de surveillance ont été mis en place et qui est l’autorité responsable de ces suivis ?
Il est en effet impossible de présager des effets à très long terme des médicaments au moment de leur commercialisation initiale. Les essais réalisés durant les phases pré-cliniques, évaluant la toxicité chronique (chez l’animal), ne dépassent pas 6 mois. Les essais cliniques réalisés durant le développement en phase 3 (chez des personnes malades) ne dépassent généralement pas un an.
Néanmoins, la surveillance ne s’arrête pas à la commercialisation du médicament. Le suivi de la population traitée à long terme s’effectue lors de ce que l’on appelle la phase 4. C’est une étude en « vraie vie » avec des effectifs immenses. La phase 4 permet de vérifier la sécurité du médicament au cours de son usage réel, de détecter des effets indésirables rares ou survenant lors d’une utilisation prolongée.
Le système en charge de cette surveillance est la pharmacovigilance. En France, ce système a été mis en place au début des années 1970. Il est décentralisé (31 centres régionaux) et médicalisé (le directeur d’un centre de pharmacovigilance est toujours un médecin pharmacologue). Les centres régionaux de pharmacovigilance fonctionnent en réseau, coordonnés par la Direction de la Surveillance de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). Ils documentent les effets indésirables, jugent de l’imputabilité du médicament, informent le professionnel de santé (ou le particulier) et implémentent la base de données nationale de pharmacovigilance. Ils peuvent aussi être saisi par l’ANSM pour réaliser des enquêtes ciblées pour certains effets indésirables jugés inquiétants.
La pharmacovigilance est de plus en plus organisée au niveau européen, avec un comité spécifique depuis 2012 (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee ou PRAC). Le PRAC donne des avis sur la sécurité de tous les médicaments ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne, mais aussi de tout médicament commercialisé dans plus d’un pays de l’Union européenne.
Nicolas PicardPharmacologue CHU Limoges |
Marylène VianaLaboratoire IRCER |
Pourquoi c’est aussi long d’avoir un rendez-vous chez un spécialiste de la santé ? (gynéco, ophtalmo, allergologue, …)
Cette question pose celle, plus générale, de l’accessibilité aux soins pour tous. L’accès à la santé est devenu un enjeu d’égalité territoriale. À cela plusieurs éléments de réponse :
1/ La pratique, pendant 50 ans, d’une gestion régulée de la formation aux études médicales avec la mise en place du numerus clausus a participé à développer les déserts médicaux en réduisant le nombre de praticiens formés chaque année.
En effet, dans les années 60, le nombre de bacheliers augmente considérablement. Il en va de même pour les étudiants en médecine dont le nombre passe de de 35 000 en 1963 à près de 70 000 en 1968[1].
Un numerus clausus (« nombre fermé ») a été instauré par une loi de 1971 [2] qui permet aux ministres de la santé et de l’enseignement supérieur de fixer des quotas d’étudiants admis en deuxième année de médecine. Ce numerus clausus existe également pour les étudiants en maïeutique, odontologie et pharmacie.
L’effectif était déterminé en fonction du nombre accessible dans les hôpitaux formateurs. Par la suite, les besoins de la population ont davantage été pris en compte.
Ce quota, extrêmement rigide, à la place près, a baissé continuellement pour atteindre un niveau très bas dans les années 90 (3 500 en 1993), pour remonter à 9 314 en 2019.
La réforme du premier cycle des études de santé, inscrite dans la loi santé de 2019 [3], supprime le numerus clausus à compter de la rentrée 2021. Le nombre de médecins à former est désormais déterminé au niveau régional, en fonction notamment des capacités d’accueil des universités et des besoins des territoires. Cependant, au regard de la durée des études, il est important de souligner que la suppression du numerus clausus ne produira ses effets que dans 8 à 10 ans.
2/ Liberté d’installation qui induit une répartition territoriale très inégale de l’offre médicale
Au sein du système de santé français, coexistent deux secteurs d’activité, historiquement construit sur une gestion différenciée entre établissements (hôpitaux publics, mais aussi établissements privés à but lucratif ou non) et médecine de ville ambulatoire ; l’un étatisé et planificateur et l’autre de nature libérale.
La liberté d’installation s’inscrit dans la tradition libérale de la médecine française. Elle trouve sa source dans la Charte de la médecine libérale, élaborée en 1927 par les principaux syndicats médicaux.
Ainsi, chaque médecin de ville peut s’installer et exercer là où il le souhaite sur l’ensemble du territoire national et ce dès la fin de ses études, indépendamment de la répartition de la population et de l’offre médicale.
Cette possibilité entraîne de nombreuses conséquences en termes de démographie médicale. Dans certains territoires, peu attractifs en termes de situation géographique, de contexte économique et d’offre de services et de loisirs, il est très difficile, voire impossible, de se faire soigner par un professionnel de santé de proximité. Ces zones géographiques, localisées aussi bien dans les territoires ruraux que périurbains, sont qualifiées de « déserts médicaux ».
Cette notion renvoie à une double dimension :
– une dimension spatiale liée à la densité de professionnels de santé sur un territoire,
– une dimension temporelle liée au nombre de patients par médecin.
Les conséquences sont les suivantes :
– délais d’attente importants avant de pouvoir consulter un professionnel,
– déport de consultations vers les urgences médicales et aggravation des problématiques de santé liées à l’absence de consultations régulières.
3/ Évolutions sociologiques des aspirations individuelles et collectives
Certains jeunes médecins aspirent à un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Ils souhaitent un exercice salarié afin de bénéficier de la durée légale de travail et de périodes de congés. Le salariat leur permet également d’exercer la médecine de manière moins isolée et de travailler en pluridisciplinarité.
[1] « Le Syndicat Autonome Des Enseignants En Médecine Réclame une Sélection Sévère à l’Entrée Des Facultés, La Création d’Un Secrétariat d’Etat Aux C.H.U. Et d’Universités Des Sciences Médicales » Le Monde.fr, 11 juillet 1969[2] Art. 15 de la Loi n° 71-557 du 12 juillet 1971 aménageant certaines dispositions de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur (JORF du 13 juillet 1971
[3] LOI n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé
Léchenet Alexandre. « Déserts médicaux : la fin du numérus clausus, un impact à long terme sur les territoires ». La gazette des communes. 2021.
Disponible sur : https://www.lagazettedescommunes.com/779389/deserts-medicaux-la-fin-du-numerus-clausus-un-impact-a-long-terme-sur-les-territoires/
Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé. Les conditions d’installation des médecins de ville en France et dans cinq pays européens [Rapport]. 2015. Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Les_conditions_d_installation_des_medecins_en_ville_en_France_et_dans_5_pays_europeens.pdf
Pour en savoir plus sur le système de santé : https://www.vie-publique.fr/fiches/le-systeme-de-sante
Laurent FourcadeChirurgien pédiatrique CHU |
Nathalie PerpinialReprésentante AFP France handicap |
Pourquoi la prévention n’est pas investie par les français alors qu’elle est gratuite ?
Le système de santé français est historiquement bâti et centré sur l’hôpital, dans une logique curative qui a toujours considéré comme secondaires la prévention mais aussi la promotion de la santé et l’éducation à la santé. Cela peut expliquer pourquoi plus de la moitié des Français [1] (54 %) ne savent pas ce qu’est la prévention-santé même une fois précisé qu’il s’agit de « l’ensemble des actions préventives menées dans le but d’éviter ou de réduire l’apparition, le développement et la gravité des accidents, maladies et handicaps, pouvant toucher tout ou une partie de la population ».
D’autres pays, tels que le Canada, la Suède, le Danemark ou la Finlande, ont fait un autre choix. Ils ont accordé une importance particulière à la prévention en partant de l’idée que chaque individu doit être acteur de sa santé et doit prendre soin de lui mais aussi des autres dans une logique de santé communautaire. Il est aujourd’hui démontré que de nombreuses maladies chroniques peuvent être évitées ou retardées par des actions de prévention et d’éducation à la santé (cancers, diabète, hypertension, etc.).
Ces actions probantes seraient ainsi bénéfiques tant en termes de santé publique qu’en termes d’économie de la santé.
Pour la première fois depuis mai 2022, le Ministre de la Santé porte le titre de Ministre de la Santé et de la Prévention. Ceci est peut-être un signe positif des changements des mentalités collectives, des pratiques et des priorités de l’Action Publique, et donc, d’un principe de prévention en santé qui gagne du terrain.
[1] Résultat du sondage réalisé en juin 2019 par Odoxa pour le Figaro Santé, Nehs, la chaire santé Sciences Po et France info.
Eric BrunieReprésentant CFDT |
Guy GabrielReprésentant association La Marguerite |
Nutriscore et Applications de notation de produits, est-ce crédible ou FAKE ?
Le Nutriscore est aujourd’hui très contestable. C’est un outil qui part d’une bonne intention : celle d’orienter les consommateurs vers une alimentation saine mais il a très vite montré ses failles. Beaucoup d’aliments industriels ultra-transformés (qui ont des conséquences néfastes sur la santé comme celles de favoriser le diabète et l’obésité) sont notés « A » ou « B », alors que des aliments simples et que l’on peut considérer comme bons pour la santé (comme l’huile d’olive) sont notés « C ».
La limite du Nutriscore est qu’il ne prend absolument pas en compte les aliments dans leur ensemble. Le score attribué repose sur leur composition nutritionnelle.
« L’huile d’olive ? C’est du gras. Le gras mérite un C ».
« Des céréales bourrées de sucre mais enrichies en fibres reçoivent un B grâce aux fibres qu’elles contiennent ».
Les industriels ont compris l’algorithme derrière ce score et sont ainsi tentés de reformuler leurs produits pour avoir une bonne note. Il n’est pas normal que des « céréales » pour enfants (qui sont pour la majorité d’entre elles des bombes de sucre dès le petit déjeuner) obtiennent un score qui fasse penser que ce sont des produits bons pour la santé. Le Nutriscore est clairement devenu un argument marketing, au détriment de la santé.
Le géant du fast-food américain est d’ailleurs très fier de l’afficher : un comble ! Des applications existent pour savoir ce que l’on mange. On peut opter pour OpenFoodFacts qui affiche différentes notations (dont le Nutriscore), comme la NOVA qui permet de repérer les aliments ultra-transformés. Il existe aussi Siga qui est très complète et prend en compte à la fois la composition nutritionnelle des aliments ainsi que leur degré de transformation.
Pour tout savoir sur le nutri-score : https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score
Vrob. La malédiction du cordon bleu – Une incroyable histoire au royaume de la malbouffe [bande dessinée] Thierry Souccar Éditions, 2022, 109 pages.
Avec son crayon, une solide connaissance du sujet et une pointe d’humour, VROB nous raconte comment les industriels réussissent le tour de force de fabriquer des aliments à bas prix qui ressemblent à des aliments, qui ont le goût d’aliments… mais qui n’ont plus rien d’un vrai aliment
L’histoire pourrait sembler amusante si ces aliments » ultra-transformés » n’étaient pas devenus en l’espace de quelques années la première cause de maladies chroniques et de décès. Mais alors que manger pour être en bonne santé ?
Tout simplement une alimentation plus naturelle, plus vraie, et VROB nous en donne les clés.
https://fr.openfoodfacts.org/
https://siga.care/indice-siga/
Nicolas Picard
Pharmacologue CHU Limoges
Pourquoi l’homéopathie n’est-elle plus remboursée ?
Rappelons d’abord que l’homéopathie est un concept qui repose sur l’administration de principes actifs dilués à des doses extrêmement faibles (« infinitésimales ») en partant de l’hypothèse qu’une substance, qui peut « rendre malade », provoquer une toxicité ou des symptômes à forte dose, peut guérir ou soulager les mêmes symptômes à très faible dose (principe de similitude).
L’homéopathie est apparue en 1807 sous l’impulsion d’un médecin allemand (Samuel Hahnemann) et a été inscrite à la pharmacopée française en 1965. Certains médicaments homéopathiques étaient remboursés à hauteur de 30 % par la sécurité sociale lorsqu’ils étaient prescrits par un médecin. Ce n’est plus le cas depuis le 1er Janvier 2021.
Pourquoi son déremboursement ?
En France, c’est la commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui évalue les médicaments en vue de leur remboursement. Elle est composée de médecins, de pharmaciens, de spécialistes en méthodologie et épidémiologie. Elle tient compte d’une part du « service médical rendu [1] » (SMR) au regard de la gravité de la pathologie, de l’efficacité et des effets indésirables du médicament mais aussi de sa place dans la stratégie thérapeutique. Elle tient compte d’autre part de « l’amélioration du service médical rendu (ASMR) ». En d’autres termes, savoir si le médicament fait mieux que les traitements déjà disponibles.
En mars 2019, la commission a été saisie par le ministère des Solidarités et de la Santé pour se prononcer sur le bienfondé de la prise en charge par l’assurance maladie des médicaments homéopathiques (hors préparations magistrales particulières ou certaines spécialités ayant une AMM). Elle a émis un avis défavorable à sa prise en charge. L’évaluation a concerné de très nombreux domaines d’utilisation (pédiatrie, douleurs diverses, grossesse, etc.). Elle a reposé sur les données d’une revue systématique de la littérature réalisée par le service documentaire de la HAS mais également d’une consultation large des parties prenantes (représentants de professionnels de santé, associations de patients et des usagers, laboratoires pharmaceutiques commercialisant de l’homéopathie).
Ce qui est ressorti de cette évaluation est que l’homéopathie vise des affections ou des symptômes bénins, qu’il n’y a pas de démonstration formelle d’efficacité (en termes de morbidité et/ou de qualité de vie), pas de démonstration d’un intérêt clair en termes de santé publique (comme celui de réduire la consommation d’autres médicaments) et pas non plus de positionnement dans les stratégies thérapeutiques. La commission a rappelé qu’à ce jour, aucun mécanisme d’action complémentaire à celui de l’effet placebo n’a été démontré afin d’expliquer la réponse clinique pouvant être observée avec l’homéopathie.
Cette analyse objective, qui est la même utilisée pour tout médicament, ne permettait pas, selon la Haute Autorité de Santé de justifier une prise en charge particulière par l’assurance maladie de l’homéopathie. L’avis formulé a été suivi par le ministère en charge des Solidarités et de la Santé.
[1] Critère permettant de renseigner les autorités en charge de l’admission au remboursement des médicaments sur leur intérêt clinique.Avis du 26 juin 2019 de la commission de la transparence : évaluation des médicaments homéopathiques soumis à la procédure d’enregistrement prévue à l’article L.5121-13 du Code de la Santé Publique
Nicolas PicardPharmacologue CHU Limoges |
Marylène VianaLaboratoire IRCER |
Comment peut-on expliquer la nécessité de rappeler en 2021 à la population générale de respecter une bonne hygiène des mains en permanence, et en particulier au cours des épidémies, et a fortiori en cas de pandémie ? La société occidentale compte un nombre élevé d’installations sanitaires à disposition de la population.
Une étude de l’Ifop, réalisée pour Diogène-France en février 2020, met en lumière les progrès faits depuis les années 1950 en termes de propreté en France. Elle souligne néanmoins que certaines règles d’hygiène ne sont pas respectées par tout le monde : notamment parmi les personnes âgées, les hommes et les personnes isolées.
Si l’étude révèle que 76 % des Français ont pour habitude de se laver tous les jours, 24 % ne le font pas de manière quotidienne. Se laver un jour sur deux, cela peut surprendre, mais la douche quotidienne n’est pas forcément conseillée par les dermatologues. Et récemment, certains médecins tentent même de lutter contre l’idée qu’il faut nécessairement prendre une douche par jour, et mettent en garde contre le lavage à outrance, soupçonné de dégrader la barrière cutanée.
Mais de manière générale, les Français ne sont pas tous très regardant sur l’hygiène de leurs mains au cours de la journée. 29 % des Français reconnaissent ne pas se laver les mains systématiquement après être allés aux toilettes. 33 % des Français ne se lavent pas systématiquement les mains avant de cuisiner, et près de 50 % ne se les lavent pas avant de manger. Pire encore, seuls 3 Français sur 10 se nettoient les mains avant de s’occuper d’un bébé (38 %), après avoir pris les transports en commun (37 %) ou encore après avoir été au contact d’un animal (30 %). Et plus surprenant, nos concitoyens ne sont « que » 25 % à se laver les mains après s’être mouchés.
Des pratiques très genrées
De manière générale, les chiffres révèlent des disparités importantes entre les genres. Sur l’hygiène globale, 81 % des femmes procèdent à une toilette complète tous les jours, contre 71 % des hommes. Si la quasi-totalité des femmes (94 %) changent de sous-vêtements tous les jours, seuls 73 % des hommes font de même.
Les femmes plus propres que les hommes ?
… changeant de sous-vêtements tous les jours | |
Femmes | 94 % |
Hommes | 73 % |
… se lavant les cheveux tous les deux jours | |
Femmes | 62 % |
Hommes | 51 % |
… se lavant le corps et le visage tous les jours | |
Femmes | 81 % |
Hommes | 71 % |
|
Une différence qui se retrouve aussi dans l’application des règles de base édictées par les pouvoirs publics en matière d’hygiène. À peine 68 % des hommes se lavent les mains systématiquement après être allés aux toilettes, alors que les femmes sont 75 % à le faire. Enfin, 31 % des hommes se lavent les mains après avoir pris les transports en commun, contre 42 % des femmes.
La seule exception entre les hommes et les femmes concerne le lavage des cheveux. 35 % des hommes disent se laver les cheveux tous les jours, alors que 8 % des femmes se shampouinent quotidiennement, ce qui n’est d’ailleurs pas recommandé. Celles-ci se lavent plutôt les cheveux tous les deux jours, ou deux fois par semaine.
Chez les femmes, les pratiques ont considérablement évolué entre 1951 et 2020. Les résultats de l’enquête de 1951, réalisée par le magazine Elle, montrent qu’à l’époque, seule une femme sur deux (51 %) se lavait quotidiennement, en raison d’un manque d’accès au confort sanitaire de base (eau chaude, accès à une douche, un bain, une salle de bain).
Une question de moyens
Les chiffres de cette étude rappellent par ailleurs que l’hygiène corporelle est étroitement liée à l’âge et à l’isolement social. Par exemple, les hommes âgés de 65 ans et plus sont 36 % à se doucher quotidiennement, et les femmes 46 %. Ce sondage de l’Ifop souligne enfin que les Français sont désormais 88 % à avoir accès à une douche dans leur résidence principale.
Néanmoins, une étude réalisée par ce même institut révélait en mars 2019 que 3 millions de Français n’avaient toujours pas les moyens de conserver une hygiène correcte, n’ayant pas accès aux produits de première nécessité (savon, lessive, dentifrice, papier toilette).
Il convient de redéfinir ce qu’est une bonne hygiène afin que chacun citoyens/professionnels s’approprient les fondamentaux de base qu’ils convient de pratiquer.
Guy Gabriel
Représentant association La Marguerite
Comment fonctionne la recherche dans le domaine de la santé ?
La recherche dans le domaine de la santé à la particularité de devoir faire appel à une recherche sur la personne humaine. Elle est donc particulièrement encadrée [1].
En amont de cette recherche sur l’homme qualifiée de « clinique », il est nécessaire de disposer d’éléments solides permettant d’envisager une première intervention chez l’Homme.
Dans le cas de la recherche sur le médicament, des essais précliniques sont conduits afin d’obtenir les éléments jugés indispensables avant une première administration à l’Homme (toxicité aiguë, toxicité chronique, mutagénicité, génotoxicité, etc.).
Lorsque ces données sont rassurantes, les « essais cliniques » peuvent débuter. Ils ont pour objectif d’apporter la preuve scientifique de l’efficacité clinique des traitements et permettent donc de mettre en place des thérapeutiques sur la base de faits avérés et non pas sur des hypothèses ou des raisonnements théoriques. Ils vont aussi permettre de déterminer comment utiliser les médicaments (en particulier la dose à utiliser), d’identifier les risques associés à l’usage du médicament (effets indésirables, interactions médicamenteuses, etc.)
Un essai clinique doit respecter un protocole de recherche clinique. Il doit être rédigé avant de débuter l’essai. Il définit avec précision la question à laquelle l’essai doit répondre ainsi que le plan expérimental (modalités pratiques de l’essai) et les techniques d’analyse des données qui seront utilisées.
Pour un médicament en développement, la recherche clinique est découpée en 4 phases :
Phase 1 | La phase 1 correspond à la première administration à l’Homme. Les personnes impliquées sont des sujets sains. Les objectifs concernent la sécurité d’emploi et la dose maximale tolérée. |
Phase 2 | La phase 2 implique des sujets sains ou des sujets malades en petit nombre (10 à 100). Elles visent à étudier la sécurité d’emploi à court terme, l’effet sur la maladie le cas échéant, la dose efficace, etc. |
Phase 3 | La phase 3 implique cette fois-ci uniquement des personnes malades, en plus grand nombre (plusieurs centaines), qui seront suivies plusieurs mois pour préciser le rapport bénéfice risque du médicament et surtout le comparer aux traitements de référence. |
Phase 4 | La phase 4 débute après la commercialisation du médicament, elle concerne la population traitée. C’est une étude en « vraie vie » avec des effectifs immenses. La phase 4 permet de vérifier la sécurité du médicament au cours de son usage réel, de détecter des effets indésirables rares et d’optimiser l’utilisation du médicament. La pharmacovigilance est le système clé de l’évaluation de phase 4. En France, ce système a été mis en place au début des années 1970. Il est décentralisé (31 centres régionaux) et médicalisé (le directeur d’un centre de pharmacovigilance est toujours un médecin pharmacologue). |
Les Centres régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) documentent les effets indésirables, jugent de l’imputabilité du médicament, informent le professionnel de santé (ou le particulier) et implémentent la base de données nationale de pharmacovigilance. Ils peuvent aussi être saisi par l’ANSM pour réaliser des enquêtes ciblées pour certains effets indésirables jugés inquiétants [2].
Nicolas Picard
Pharmacologue CHU Limoges
Comment sont organisées les réflexions autour de la fin de vie ?
Plusieurs débats traversent régulièrement la société à propos de la fin de vie. Ils soulèvent toujours beaucoup d’émotions tant le sujet est sensible et les histoires de vie à chaque fois, singulières. Aussi, il conviendrait de parler non de la fin de vie mais des fins de vie du fait de temporalités différentes (court, moyen, long terme), de contextes médico-sociaux peu comparables (âge du patient, maladie chronique, maladie dégénérative, certaines pathologies associées au vieillissement, souffrance physique, psychique, etc.), mais aussi de la possibilité ou non d’avoir recours à des soins palliatifs qualitatifs, de la présence d’un accompagnement socio-familial et médical.
Le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) depuis 1983, participe à cette réflexion sociétale en essayant de trouver une juste articulation des principes de liberté, de dignité de la personne, de solidarité, et de respect de l’autonomie. Les évolutions législatives successives tiennent compte de ces grands principes :
– l’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique) est interdite,
– le respect de la personne est garanti même si elle ne peut plus exprimer son avis, par le moyen des directives anticipées, de la désignation d’une personne de confiance et d’une procédure collégiale lors des décisions de fin de vie
– le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement,
– le droit de refuser un traitement,
– le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cas d’une pathologie grave et incurable dont le pronostic est engagé à court terme.
En regard de ces droits, il apparait légitime d’interroger la connaissance de ces lois (et notamment de la dernière, la loi Claeys-Leonetti, du 2 février 2016) par l’ensemble de la société et par les soignants, d’étudier la mise en œuvre de la loi, les moyens mis à disposition et leur répartition sur l’ensemble du territoire.
Cependant, et indépendamment de ces considérations importantes pour évaluer la prise en charge des fins de vie en France en 2022, des demandes plus précises se font entendre concernant notamment des maladies graves et incurables à l’origine de souffrances réfractaires, des maladies neurodégénératives évolutives, des situations de dépendance extrême. Autant de situations n’entrainant pas obligatoirement un décès à court terme, mais qui amènent certains à rouvrir la réflexion sur l’aide active à mourir. Il est à noter que derrière ce mot « d’aide active à mourir », les intervenants du débat n’envisagent pas nécessairement la même chose. Pour certains uniquement de suicide assisté, pour d’autres, de suicide assisté et euthanasie active. Pour la plupart, la demande réitérée et le consentement de la personne dans ces cas précis sont considérés comme fondamentaux. Mais, qu’en est-il de l’absence de demande chez une personne présentant des troubles neurocognitifs qui n’a pas rédigée (personnellement) de directives anticipées ?
En 2022, un débat national a été souhaité par le pouvoir exécutif[1] ; il a été anticipé par :
– une proposition de loi déposée par un député le 8 avril 2021 sur le « droit à une fin de vie libre et choisie »,
– la création d’un groupe de travail sur la fin de vie, au sein du CCNE[2] en juillet 2021 : près de 40 auditions ont été réalisées,
– l’avis 139 du CCNE, paru le 13 septembre 2022,
– un communiqué de presse de l’Elysée (13/09/2022) qui souhaite des débats sur la fin de vie avec une feuille de route définie ainsi :
o Une convention citoyenne qui s’est constituée en octobre et dont les conclusions seront rendues en mars 2023. Elle est organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et pilote travaux et concertations de l’ensemble des parties prenantes.
o Des débats publics sont organisés dans les territoires par les Espaces de réflexions éthique régionaux (ERER), afin d’aller à la rencontre des citoyens pour les informer et les aider à mesurer les enjeux autour de la fin de vie.
– un dialogue avec les soignants et le Centre National des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV),
– des groupes de travail sur l’effectivité des droits menés par les Conférences régionales de santé (CRSA) et les Conseils territoriaux de santé (CTS), en lien avec les ERER,
– un travail concerté avec les soignants, patients, associations et parlementaires, mené par la ministre déléguée en charge de l’organisation territorial et des professions de santé.
En conclusion, si le législateur décide de faire évoluer la loi actuelle, un certain nombre de critères éthiques devront être respectés. De même le débat ne devrait pas se focaliser sur la question du droit et de la liberté individuelle, car la société française a du mal à parler de ce qui fait difficulté :
– le vieillissement,
– la perte d’autonomie physique et psychique,
– la dépendance, la fin de vie qui « s’éternise » du fait de soins et de traitements plus performants,
– l’insuffisance de l’offre de soins palliatifs, dans une société qui renvoie à une vision de performance, de bonne santé et non de dépendance ou de sentiment d’indignité en regard de son apparence ou du poids qu’on ferait porter à autrui.
Restons sur ce sujet avec beaucoup d’humanité et de respect.
[1] Cf. communiqué de presse de l’Élysée du 13 septembre 2022.[2] Comité Consultatif National d’Éthique.
CNNE. Avis 121 « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir ». p. 40. Disponible sur : https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis_121_0.pdf
CNNE. Avis 139 « Questions relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité ». Disponible sur : https://www.ccne-ethique.fr
Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs
Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ; dite « loi Leonetti »
Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ; dite « loi Claeys-Leonetti »
Espace de Réflexion Éthique BFC. « Doit-on être libre de choisir sa fin de vie ? » [Webinaire]. Youtube. 2021. 1 h 31. Disponible sur : https://youtu.be/3iWTlzyGaeU
Site internet du Centre National de la fin de vie et des soins palliatifs : www.parlons-fin-de-vie.fr
Site de l’association pour le Droit de Mourir dans la Dignité : https://www.admd.net
Site de la cellule d’animation régionale, soins palliatifs et accompagnement en Nouvelle-Aquitaine : https://www.capalliatif.org
Maryse Fiorensa Gasq
Le Dr Maryse Fiorenza-Gasq, est gynécologue-obstétricienne à l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant au CHU de Limoges. Elle exerce les fonctions de Directrice de l’Espace de Réflexion Ethique de Nouvelle Aquitaine (ERENA) et de Directrice de l’ERENA site de Limoges. Elle est aussi Coordinatrice de la Conférence Nationale des Espaces de Réflexion Ethique Régionaux (CNERER).
Est-ce-que l’IMC est fiable ?
L’indice de masse corporelle (IMC) est un indicateur, qui comme tout indicateur, ne doit être interprété que dans ce qu’il propose. Il permet d’apprécier rapidement la corpulence et le statut nutritionnel d’un patient. Trop bas ou trop haut, il est associé à une augmentation de la mortalité (La mortalité totale augmente avec l’IMC essentiellement à partir d’un IMC ≥ 28 kg/m2, sauf pour les patients âgés.). Il se calcule en divisant le poids (en kg) par le carré de la taille (m2)
La première fois qu’un patient est vu, on sait d’un coup d’œil où se situe le patient au sein des courbes d’IMC. C’est la répétition de son calcul lors des consultations qui est pertinente pour suivre son évolution.
Trop haut :
Le diagnostic de surpoids et d’obésité repose sur l’IMC.
Mesurer l’IMC tout au long de l’enfance et de l’adolescence permet de dépister et diagnostiquer précocement un surpoids ou une obésité. Au-dessus de 30, on parle d’obésité.
Le poids et la taille doivent être inscrits dans le dossier du patient pour calculer l’IMC et en surveiller l’évolution (changement de couloir).
Trop bas :
Le diagnostic de dénutrition est exclusivement clinique. Il repose sur l’association d’un critère phénotypique (gênes et environnement) et d’un critère étiologique (facteurs d’une maladie) chez l’enfant comme chez l’adulte.
– L’albuminémie (taux d’albumine dans le sang) n’est pas un critère diagnostique ; c’est un critère de sévérité de la dénutrition.
– Le poids doit être mesuré à chaque consultation et/ou hospitalisation et renseigné dans le dossier médical.
– Un IMC normal ou élevé n’exclut pas la possibilité d’une dénutrition (ex. : une personne en surpoids ou obèse peut être dénutrie).
Ce qu’il ne fait pas :
Le plus pertinent est de ne pas l’utiliser seul. C’est associé avec l’évolution pondérale et la variation pondérale que son interprétation sera la plus pertinente. Une modification rapide dans un sens ou dans l’autre fera rechercher des facteurs confondants comme la déshydratation (en baisse) ou la présence d’œdèmes (en hausse).
Il ne répond pas aux problématiques de masse grasse ou de masse graisse qui nécessitent des outils complexes et coûteux. Votre balance connectée, outre le fait de divulguer des données de santé à des inconnus, n’est absolument pas fiable pour répondre à cette question.
Dénutrition :
Haute Autorité de Santé et Fédération Française de nutrition. Diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte : Méthode Recommandations pour la pratique clinique. Novembre 2019. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/reco277_recommandations_rbp_denutrition_cd_2019_11_13_v0.pdf
Obésité :
Haute Autorité de Santé. Surpoids et obésité de l’adulte : prise en charge médicale de premier recours. Synthèses des recommandations de bonne pratique. Septembre 2011. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2011-09/2011_09_27_surpoids_obesite_adulte_v5_pao.pdf
Laurent Fourcade
Chirurgien pédiatrique CHU
Alimentation, nutrition et santé animale ?
La réponse proposée ne prend en compte que les conditions nutritionnelles des espèces élevées par l’Homme. Les conditions d’élevage des animaux ont considérablement changé depuis quelques décennies, en particulier pour des raisons économiques.
La surconsommation de viande de mammifères et de volailles, et de produits laitiers, a favorisé une standardisation des méthodes d’élevage pour des raisons de rentabilité, donc de coût à la consommation. L’animal doit être mis sur le marché dans les délais les plus brefs grâce à l’élevage en batterie (volailles) ou en stabulation (mammifères). La promiscuité, qu’imposent ces méthodes, favorise l’utilisation généralisée d’une alimentation souvent artificielle et l’emploi systématique de médicaments anti-infectieux afin d’éviter des épizooties. Le recours à la consommation de ces produits d’origine animale par l’Homme, indépendamment de leur qualité médiocre, conduit à l’ingestion de produits résiduels issus de l’alimentation et des traitements médicamenteux subis par l’animal. Le développement des méthodes d’élevage dites « bio » limite un peu ces effets induits, tout comme le retour aux méthodes d’élevage traditionnelles. En revanche, le prix de revient des produits d’origine animale est plus élevé, donc incompatible avec l’argument commercial du prix bas cher à la grande distribution en France.
Gilles Dreyfuss
Parasitologue, Institut de Neuroépidémiologie et parasitologie tropicale
Comment sont contrôlés les médicaments ?
Les médicaments sont des produits qui font l’objet de très nombreux contrôles afin de garantir leur qualité, leur sécurité et leur efficacité. Ces contrôles se situent à trois niveaux :
1. Avant la mise sur le marché
Aucun médicament n’est autorisé à être fabriqué et commercialisé sans avoir été contrôlé par une autorité de santé : pour la France, c’est l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et produits de santé). Le laboratoire pharmaceutique doit en effet déposer une demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) auprès de l’ANSM et fournir un dossier regroupant toutes les informations relatives au développement (essais in vitro, pré cliniques, cliniques, formulation…), à la fabrication et au contrôle du médicament. C’est sur la base de ces données que les experts de l’agence vont juger de la sécurité d’utilisation du médicament, la maîtrise de sa fabrication et son efficacité.
2. Pendant la fabrication
Toutes les matières premières sont contrôlées avant utilisation afin de s’assurer qu’il s’agit des bons produits et qu’ils répondent aux critères de pureté requis.
Le bon déroulement des différentes étapes de fabrication est vérifié par le suivi des paramètres opératoires mais également par le prélèvement d’échantillons (contrôles sur produits semi-finis).
À la fin de la fabrication, des prélèvements sont à nouveau réalisés pour vérifier que leurs caractéristiques sont conformes à ce qui a été présenté dans le dossier d’AMM (contrôles sur produit fini).
L’ensemble des résultats ainsi que les enregistrements des paramètres opératoires sont consignés dans le dossier de lot. Ce dossier doit être conservé pendant toute la durée de validité du lot + 1 an. Des échantillons de chaque lot sont également conservés afin de pouvoir effectuer ultérieurement de nouveaux contrôles si besoin.
3. Après la fabrication
Une fois que le lot de médicaments est mis sur le marché, il reste toujours sous la surveillance des autorités de santé. Il s’agit de la pharmacovigilance qui permet d’avoir connaissance de tout évènement susceptible de remettre en question les qualités du médicament et de prendre des décisions pour protéger les patients (suspension d’AMM, retrait de lot…).
Enfin des programmes de contrôle sont conduits par l’ANSM pour vérifier la qualité des médicaments présents sur le marché. Les analyses sont réalisées par les laboratoires de contrôle de l’ANSM et visent à s’assurer de la conformité des médicaments aux spécifications mentionnées dans l’AMM. Chaque année, 200 à 300 médicaments sont contrôlés par l’ANSM.
ANSM. Autorisation de mise sur le marché pour les médicaments. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/page/autorisation-de-mise-sur-le-marche-pour-les-medicaments
ANSM. Bonnes pratiques de fabrication de médicaments à usage humain. Août 2023. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/documents/reference/bonnes-pratiques-de-fabrication-de-medicaments-a-usage-humain
Surveillance du marché : contrôle du médicament, disponible sur : https://archive.ansm.sante.fr/Activites/Controle-en-laboratoire/La-surveillance-du-marche/La-surveillance-du-marche/Surveillance-du-marche-Controle-des-medicaments
Marylène Viana
Laboratoire LABCiS UR 22722
Quels sont les dispositifs pour lutter contre les médicaments frauduleux ?
Les médicaments frauduleux, également appelés « médicaments falsifiés » ou « faux médicaments », sont des médicaments dont l’identité, la composition ou la source est représentée délibérément de façon trompeuse.
Ces faux médicaments représentent plus de 10 % du marché mondial du médicament en moyenne mais avec de grandes variations selon les pays :
– Moins de 1 % du marché de la plupart des pays industrialisés (néanmoins ce fléau prend de l’ampleur avec internet où 50 % des ventes sont des faux médicaments)
– 10 à 40 % dans les pays en voie de développement.
Ce marché des faux médicaments ne cesse de progresser car le trafic de médicaments est beaucoup plus lucratif que le trafic de drogue (x20). Il se concrétise par des flux physiques (via des conteneurs), à travers l’organisation d’activités illicites (reconditionnement et réintroduction dans le circuit légal) et de plus en plus via internet.
Historiquement, la falsification concernait essentiellement les médicaments contre le dysfonctionnement érectile, les anorexigènes et les dopants. Aujourd’hui, toutes les classes de médicaments sont touchées : antibiotiques (les plus falsifiés 28 % des contrefaçons ce qui correspond à 5 % des antibiotiques vendus dans le monde), antipaludéens, médicaments contre le sida, médicaments anti-cancéreux, médicaments pour l’hypertension, hypocholestérolémiants, hormones, stéroïdes…
Même si la France est relativement épargnée en raison de la sécurité du circuit du médicament, plusieurs saisies ont été réalisées sur le territoire français :
2013 : Saisie de 1,2 million de sachets d’aspirine de contrefaçon
2014 : Les douaniers du Havre ont réalisé une saisie record de 2,4 millions de faux produits, (aspirine, anti-diarrhéiques et produits contre les troubles de l’érection en provenance de Chine).
2019 : Plus de 415 000 comprimés de diazépam (un anxiolytique) ont été saisis par les douanes à Calais.
Les médicaments falsifiés peuvent être classés en 4 catégories :
- Médicament ne contenant aucun principe actif : Risque d’échec thérapeutique (32,1 % des médicaments falsifiés)
- Médicament contenant le principe actif sous ou sur dosé : Risque d’échec thérapeutique ou d’effet indésirable voire de toxicité
- Médicament contenant des impuretés ou substances toxiques (mercure, arsenic, mort aux rats…) : Risque majeure de toxicité inattendue
- Médicament contenant un autre principe actif que le produit authentique : Effet imprévisible, potentiellement toxique
L’apparence de ces médicaments est très proche de celle du médicament « original » car l’emballage est pratiquement le même (il y a même du trafic d’emballage).
Pour lutter contre ce fléau, tous les acteurs concernés sont mobilisés :
– En France : le LEEM (organisation professionnelle des entreprises du médicament) est très actif via notamment :
o les actions de son comité anti-contrefaçon mis en place dès 2003,
o la signature de plusieurs chartes de lutte contre la falsification avec les différents acteurs impliqués,
o et la réalisation de formations sur les médicaments falsifiés auprès des douaniers et gendarmes.
– Au niveau européen : la sérialisation et l’authentification de chaque boîte de médicament apportent une sécurité supplémentaire et la convention Médicrime constitue le 1er outil de lutte pénale contre la contrefaçon. La convention érige en infraction pénale les 4 actions suivantes : fabrication de médicaments contrefaits, fourniture et trafic de médicaments contrefaits, falsification de documents administratifs et infractions similaires menaçant la santé publique. Chaque état où l’infraction a été commise fixe les peines requises, selon sa législation. En France, c’est le Code de la Santé Publique (article L.5421-13) et le code de la propriété intellectuelle (article L.716-9 et L.716-10) qui prévoient des sanctions spécifiques. Les peines maximales encourues sont de 7 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende.
– Au niveau mondial : Interpol mène des opérations dans toutes les régions du globe pour saisir les faux médicaments et arrêter les trafiquants.
Sérialisation et authentification
Depuis le 9 février 2019, en application de la Directive européenne 2011/62 du 8 juin 2011 « médicaments falsifiés », chaque boîte de médicament sur prescription doit disposer d’un N° de série permettant d’assurer la traçabilité. Cette sérialisation permet aux acteurs de la chaîne de distribution de vérifier que chaque boîte est bien enregistrée dans une base de données nationale et européenne. Concrètement chaque boîte doit comporter un code barre « datamatrix » contenant les 3 informations obligatoires suivantes : code identifiant de présentation (CIP), N° de lot et date de péremption.
Par ailleurs, toutes les boîtes doivent disposer d’un dispositif d’inviolabilité permettant d’assurer que la boîte n’a pas été ouverte, ainsi que d’un dispositif d’authentification du médicament (hologramme, marquage chimique, encre UV invisible à l’œil nu…) permettant de vérifier l’origine du médicament.
Lutter contre les faux médicaments : une urgence pour la santé publique mondiale, rapport du LEEM, novembre 2019, disponible sur https://www.leem.org/la-falsification-de-medicaments
Directive européenne 2011/62/UE du parlement européen et du conseil du 8 juin 2011, disponible sur https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:174:0074:0087:fr:PDF
ANSM. Informations sur les règles de vente en ligne de médicaments. 2021. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/vente-en-ligne-de-medicaments
OMS : Produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés, disponible sur https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/substandard-and-falsified-medical-products
Marylène Viana
Laboratoire LABCiS UR 22722
Quid sur la notion de consentement éclairé ?
La notion de consentement va de pair avec la notion d’information, ce sont des droits du patient et des obligations pour les professionnels de santé.
En effet, tout professionnel de santé doit délivrer une information claire, complète, compréhensible et adaptée à la situation de la personne qu’il prend en charge. Cela signifie qu’il ne s’adressera pas de la même façon à un adulte, un enfant ou une personne en situation de handicap.
Donner son consentement éclairé implique de connaître les alternatives thérapeutiques envisageables, avec leurs avantages et leurs inconvénients. C’est sur la base de cet échange, que le patient pourra accepter ou refuser ce que préconisent les professionnels de santé. On parle de « co-décision ». Le patient exprime alors son accord, ou son refus du projet de soins, ainsi que concernant les modalités de sa mise en œuvre.
La seule exception est le contexte de l’urgence : face à une situation de santé grave et urgente et dans l’incapacité d’expression du patient et de ses représentants, les médecins et les équipes soignantes doivent réaliser les soins nécessaires.
Le recueil du consentement concerne toute personne, avec des spécificités pour les enfants et les majeurs vulnérables, qui sont chacun associés à la décision en fonction de leur degré de maturité ou de leur capacité.
Pour les mineurs, le consentement des titulaires de l’autorité parentale sera recueilli et pour les personnes sous tutelle (protection juridique avec représentation relative à la personne), leur tuteur (la personne chargée de la mesure de protection) co-signera les documents, avec validation par le juge des Contentieux de la Protection (anciennement juge des tutelles) pour les actes invasifs et graves.
Pour l’aider dans sa prise de décision, le patient majeur peut se faire aider par sa personne de confiance. Le patient doit donc donner son accord, appelé consentement, pour tout acte médical et soignant.
Le plus souvent le consentement est donné par oral, parfois par écrit, dans des conditions prévues par la loi comme pour la recherche biomédicale. Toutes ces informations sont tracées dans le dossier médical.
On recueille le consentement afin de respecter la personne, son corps et sa volonté.
Article L1111-4 du Code de la santé publique. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031972276/2016-02-04
Conseil national de l‘Ordre des médecins. « Recueillir le consentement de mon patient ». 2019. Disponible sur : https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/exercice/recueillir-consentement-patient
France Assos Santé. Consentement éclairé et désignation d’une personne de confiance. Disponible sur : https://www.france-assos-sante.org/66-millions-dimpatients/patients-vous-avez-des-droits/consentement-aux-soins/
Ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique
Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Sophie Trarieux Signol
Représentant ERENA – CHU
Peut on soigner des maladies en modifiant notre propre ADN ?
Oui, on peut soigner des maladies en modifiant notre propre ADN et les premiers essais de thérapie génique chez l’Homme ont vu le jour dans les années 2000. Ces travaux pionniers, réalisés par les Professeurs Alain Fischer, Marina Cavazzana et Salima Hacein-Bey-Abina à l’hôpital Necker des enfants malades, ont permis de corriger un défaut génétique chez des bébés bulles, dont le système immunitaire était déficient [1]. Cette thérapie génique a permis de guérir plusieurs enfants en reconstituant leur système immunitaire. Néanmoins, certains d’entre eux avaient développé des leucémies suite à des effets non maîtrisés de celle-ci.
Depuis, les techniques de thérapie génique ont considérablement évolué et de nouveaux outils, appelés « ciseaux moléculaires » (CRISPR/Cas), sont apparus dans les années 2010 [2]. Un petit cocorico car la française Emmanuelle Charpentier a grandement contribué à la découverte de ces ciseaux moléculaires. Elle a d’ailleurs obtenu le prix Nobel de Chimie en 2020 conjointement avec sa collègue américaine Jennifer Doudna [3]. Ces ciseaux moléculaires permettent de corriger des mutations et de modifier l’ADN de façon très précise. Ils sont désormais largement utilisés dans différents domaines. Cette généralisation s’accompagne bien évidemment d’un long débat éthique. Ce débat concerne surtout la manipulation du génome humain ayant pour but de modifier la descendance. Cette pratique n’est pas acceptée mais une expérience de manipulation d’embryons a été réalisée en 2018 par un chercheur chinois.
Actuellement, de nombreuses thérapies utilisent ces ciseaux moléculaires pour corriger des mutations et soigner diverses maladies génétiques. Ces maladies touchent par exemple les globules rouges, le foie, la peau, les yeux et aussi des cancers. Les résultats sont très prometteurs et cet outil de thérapie génique représente l’avenir pour le traitement de nombreuses maladies génétiques et en cancérologie.
DOI : 10.1126/science.1225829. [3] Ledford Heidi, Callaway Ewen. “Pioneers of revolutionary CRISPR gene editing win chemistry Nobel”. Nature, 2020, vol. 586, no. 7829, p. 346-347.
DOI : 10.1038/d41586-020-02765-9.
Laurent Delpy
Directeur de Recherche au laboratoire CRIBL
Pourquoi certaines maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson n’ont pas de soin chimique permettant de supprimer totalement les symptômes, sans parler de guérir la maladie.
Cette question pose le problème majeur des maladies neurodégénératives, qui sont liées à la non-capacité de régénération du cerveau. La perte de neurones, quelle que soit la voie ou l’aire du cerveau concernée, se traduit généralement par une perte irréversible de la fonction. Les traitements du futur seront peut-être à même de corriger cela. Mais c’est ainsi qu’évolue la maladie de Parkinson, et la perte d’efficacité du traitement à la L-DOPA.
Véritable gain thérapeutique des années 1970, la lévo-DOPA (L-DOPA) est une molécule précurseur de la dopamine. La dopamine est le neuro-médiateur synthétisé par les neurones dopaminergiques qui contrôlent, entre autres, le tonus musculaire. Un neuromédiateur est une molécule qui permet aux neurones de dialoguer entre eux. Au cours de la maladie de Parkinson, on observe une disparition progressive de ces neurones, et on donne aux patients de la L-DOPA par voie orale. Cette molécule, lorsqu’elle arrive dans le cerveau, est stockée par les neurones dopaminergiques pour être transformée en dopamine selon les besoins. Elle permet la prise en charge de la majorité des signes cliniques (l’akinésie[1], la rigidité et les tremblements). Elle permet un allongement significatif de la durée de vie du patient. Mais progressivement, la maladie évoluant, et la perte des neurones dopaminergiques avançant, le patient perds en capacité de stockage et de transformation de la L-DOPA en dopamine. Cela conduit à une perte d’efficacité thérapeutique. Malheureusement, il n’est pas possible de donner directement de la dopamine aux patients par voie orale, car celle-ci n’arrive pas au cerveau. Concernant les traitements d’avenir, on évoque la thérapie cellulaire et l’utilisation de cellules souches, mais aussi l’utilisation de pompes intracrâniennes pour l’injection contrôlée de dopamine (projet DIVE).
[1] Trouble du mouvementSerge Battu
Laboratoire CAPTuR
En quoi l’IA peut-elle permettre de créer de nouvelles molécules et élargir notre pharmacopée ?
Avant de répondre à cette question, il est important de redéfinir ce qu’est l’intelligence artificielle. C’est un vaste domaine dans lequel ont été développés des algorithmes permettant à la machine de « simuler l’intelligence humaine ». Il reste néanmoins à redéfinir certains aspects afin d’éviter de propager les grands fantasmes issus des univers de science-fiction. En pratique, et en simplifiant, dans un code informatique d’IA, la machine utilise les données pour améliorer elle-même son « interprétation » ou son « analyse » qui se traduit pour nous, en données de sortie.
En parallèle, il est important de noter que la pharmacopée est l’ensemble des matières premières à intérêt pharmaceutique ou médical, et non forcément un référencement des molécules.
En se focalisant sur la découverte et l’invention de nouvelles molécules, les outils d’IA disponibles permettent, à partir d’un immense jeu de données initial, d’extraire des tendances pouvant apporter des explications donnant ce qu’on appelle un modèle. C’est d’autant plus important qu’humainement, quand les informations de départ sont trop nombreuses, il est difficile, voire impossible pour l’humain, de ne pas s’imposer un biais d’interprétation, même inconsciemment.
Le but ultime des modèles d’IA dans le domaine de la « Drug Discovery » est avant tout d’être prédictif, c’est-à-dire d’être capable de connaitre à l’avance l’effet que pourrait avoir, par exemple, une molécule, sur une cible donnée. Profitant des évolutions de ces dernières décennies concernant la puissance des ordinateurs, et surtout des superordinateurs, il est tout à fait possible d’envisager que l’IA pourrait permettre de concevoir de nouvelles molécules ayant un effet donné.
Cependant, à mon sens, l’IA ne permettra pas, concrètement d’inventer de nouvelles molécules pour élargir la pharmacopée. Elle peut suggérer, uniquement et c’est désormais le cas, de nouvelles structures. Cependant, pour qu’une molécule et ses effets puissent être envisagés concrètement hors de la recherche fondamentale et donc pour une possible phase de recherche et développement (R&D) voire clinique, il y a de multiples et nombreux paramètres à considérer autres que l’effet attendu sur une cible. Aujourd’hui, l’IA peut difficilement prédire tout ce qui fait que seule une infime quantité de molécules arrivent sur le marché en tant que médicament. Ce tout inclut les effets indésirables, le comportement de la molécule dans l’organisme (la pharmacocinétique), la possibilité de mettre en forme la molécule pour l’administrer à un patient (pharmacotechnie), etc.
Envisager que l’IA, seule, permettrait d’inventer de nouvelles molécules, est particulièrement optimiste aujourd’hui. Cela relève plus de la science-fiction. Cependant, il n’en reste pas moins que c’est un outil incontournable et indispensable pour accompagner les disciplines de la recherche plus « classique ».
Larousse. Intelligence Artificielle. Dans Dictionnaire Larousse. Disponible sur : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intelligence/43555#180249
CNIL. Comment permettre à l’Homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle [Synthèse d’un débat public]. Décembre 2017. Disponible sur: https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/cnil_rapport_garder_la_main_web.pdf
Florent Di Meo
Laboratoire IPPRITT
Les compléments alimentaires probiotiques, c’est quoi ?
Un complément alimentaire est une denrée alimentaire dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constitue une source concentrée de nutriment ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses (Article 2 du décret N°2006-352 du 20 Mars 2006).
La présentation sous des formes galéniques[1] classiquement utilisées pour les médicaments peuvent susciter une confusion dans l’esprit du consommateur. Ainsi, l’étiquetage des compléments alimentaires, leurs présentations et la publicité qui en est faite ne doivent pas attribuer à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, ni évoquer ses propriétés (Article 8 du même décret).
Un probiotique est un micro-organisme vivant, qui lorsqu’il est administré en quantité adéquate, exerce un effet bénéfique sur l’hôte. Ces micro-organismes sont souvent des bactéries (ex : Lactobacillus) qui n’ont aucun effet pathogène pour la santé humaine. Il ne faut pas confondre probiotiques et prébiotiques. Un prébiotique est une substance fermentescible qui possède un effet bénéfique sur la flore intestinale. Par exemple, ce sont des oligosaccharides ou des fibres.
L’effet de ces micro-organismes probiotiques pour la santé humaine serait multiple. En effet, des études ont démontré que plus la diversité bactérienne du microbiote est importante, plus la réponse immunitaire (ex : suite à un vaccin) sera efficace. A contrario, une diminution de la charge bactérienne intestinale est associée à des effets délétères sur la santé et favorise le développement de diarrhées, de diabètes de type 2 ou d’autres maladies chroniques.
Le monde du micro-organisme est particulièrement complexe, et le microbiote intestinal est propre à chacun. Par conséquent, les données issues de décennies de recherches sur l’efficacité des compléments alimentaires probiotiques dans la prévention et le traitement des maladies demeurent contradictoires, controversées et déroutantes. Certaines personnes seraient par exemple “hospitalières” par rapport à certaines bactéries probiotiques, tandis que d’autres non.
[1] Forme sous laquelle le médicament se présente (comprimé, gélule, sirop, collyre, crème, etc.)Pour consulter le dictionnaire de l’Académie de Pharmacie : https://dictionnaire.acadpharm.org/
Gulliver Emily et al. “Review article: the future of microbiome-based therapeutics”. Alimentary Pharmacoly &Therapeutics, 2022, vol. 56, no. 2, p. 192-208.
DOI : https://doi.org/10.1111/apt.17049
Lloyd-Price Jason et al. « The healthy human microbiome”. Genome Medicine, 2016, vol. 8, no. 51. DOI : https://doi.org/10.1186/s13073-016-0307-y
Marion Millot
Laboratoire LABCiS
Les huiles essentielles sont elles bonnes pour la santé ? Peuvent elles remplacer certains médicaments ?
Les huiles essentielles sont des produits odorants d’origine végétale, généralement de composition complexe. Elles sont obtenues soit par entraînement à la vapeur d’eau, soit par un procédé mécanique (expression à froid dans le cas de l’épicarpe de fruits de Citrus), soit par distillation sèche.
Présentes dans de nombreuses plantes appartenant notamment à quelques familles (ex : Apiaceae, Asteraceae, Lamiaceae, Myrtaceae, Rutaceae), elles sont localisées dans des organes spécifiques (poils et canaux sécréteurs, poches sécrétrices).
Liquides à température ambiante, les huiles essentielles sont volatiles (différence avec les huiles fixes). Elles sont constituées de nombreux composés. Pour une espèce donnée, la composition chimique de l’huile essentielle est variable (partie de la plante considérée, existence de chimiotypes, influence du cycle végétatif, du procédé d’obtention, de facteurs environnementaux…).
Les huiles essentielles sont utilisées principalement en parfumerie, dans les produits d’hygiène, dans les industries agro-alimentaires comme aromatisants, mais également en pharmacie !
Par définition, toujours très concentrées en substances actives, les huiles essentielles possèdent des activités pharmacologiques diverses, dont des propriétés antiseptiques marquées (ex : cannelle, eucalyptus, girofle, lavande, sarriette, thym), spasmolytiques ou encore sédatives (ex : angélique, basilic, camomille, girofle, mélisse, menthe, thym). Souvent irritantes, elles peuvent être toxiques (par voies externe et surtout interne), en particulier chez l’enfant, et sont donc à utiliser en thérapeutique avec prudence.
Plusieurs huiles essentielles sont inscrites à la Pharmacopée Européenne et il existe sur le marché, plusieurs médicaments contenant des huiles essentielles. À titre d’exemple, on peut citer le BALSOLENE® sous forme de solution pour inhalation (huile essentielle d’Eucalyptus et de Niaouli), le COQUELUSEDAL® sous forme de suppositoires (Huile essentielle de Niaouli 40 mg) ou encore l’huile essentielle de Lavande SCHWABE® (capsule molle, 80 mg) pour traiter l’anxiété.
Attention, l’utilisation d’huile essentielle en automédication entraîne des approximations quant à la quantité utilisée et la forme d’utilisation (pure ou diluée dans une huile végétale). Or, cette notion de quantité est primordiale en thérapeutique. Il faut donc utiliser les huiles essentielles avec précaution (surtout chez les personnes âgées et les jeunes enfants), toujours de façon diluée dans une huile végétale et en prenant, si possible, conseil auprès de votre pharmacien !
Pour consulter le dictionnaire de l’Académie de Pharmacie : https://dictionnaire.acadpharm.org/
Dictionnaire VIDAL 2022
Kalenba D. and Kunicka A. “Antibacterial and antifungal properties of essential oil”. Current Medicinal Chemistry, 2003, vol. 10, no. 10, p. 813-829.
Vigan Martine. “Essential oils: renewal of interest and toxicity”. European Journal of Dermatology,. 2010, vol. 20, no. 6, p. 685-692.
Marion Millot
Laboratoire LABCiS
On dit qu’il faut remettre régulièrement de la crème solaire. Est-ce parce que le soleil a une réaction chimique avec la crème qui fait qu’elle se détériore ou est-ce que c’est parce que la peau absorbe la crème ? Si je mets de la crème solaire 2h avant de sortir mais que je reste à l’ombre/à l’intérieur sera-t-elle toujours efficace au moment de l’exposition au soleil ?
Outre la protection apportée contre les coups de soleil, plusieurs études proposent également que les crèmes solaires seraient efficaces contre les dommages photo-induits sur l’ADN et ses conséquences (mélanomes, vieillissement, etc.). L’intérêt de la crème n’est donc pas uniquement d’éviter les brûlures…
L’efficacité reste très fortement dépendante de l’application en termes de fréquence mais également de quantité. Il s’avère qu’en général nous n’appliquons pas suffisamment de crème solaire lors de son utilisation, induisant inexorablement à une baisse de l’efficacité. En moyenne, une étude (170) aurait suggéré que moins de 50 % de la dose idéale soit appliquée sur la peau.
Les besoins de renouvellement de la crème sont liés à différents facteurs physico-chimiques. Une crème solaire reste une émulsion, c’est-à-dire un mélange à base de corps gras et d’huile. Selon les marques et produits, le composant majoritaire peut être soit l’un, soit l’autre. Quoiqu’il en soit, l’impact de l’eau est une composante importante. Que ce soit en se baignant, ou simplement en transpirant, la quantité de crème présente à la surface de la peau sera éliminée au fur et à mesure, et ceci, même si nous ne nous exposons pas directement au soleil ou si nous ne nous baignons pas.
De plus, par sa teneur en corps gras, la crème sera petit à petit absorbée par la peau. Il existe de nombreux composés protecteurs différents au sein d’une même crème solaire, ayant des actions différentes contre les UV A, UV B et UV C. Certains auront une protection plus « physique », de type barrière permettant la diffusion des rayonnements dans toutes les directions, diminuant alors la quantité de rayons atteignant les couches cellulaires, plus profondes.
D’autres molécules auront la capacité d’absorber les rayonnements UVs, mettant alors la molécule dans un état dit « excitée ». Il est important de garder à l’esprit que la nature peut-être souvent vue comme une flemmarde. Si une particule a « trop d’énergie », alors, elle tendra à se stabiliser en restituant le trop plein d’une façon ou d’une autre. Dans les filtres chimiques aux UV, les molécules tendent à retourner à leur état stable, en éliminant le surplus sous forme de « vibrations », c’est-à-dire de chaleur. Bien sûr, pas suffisamment pour entraîner des brûlures ! Par contre, il peut également arriver que certaines molécules subissent une transformation chimique à l’état « excitée », on parle de photo-réactivité. Ceci peut alors modifier la molécule initiale, qui peut être transformée en une autre molécule qui ne possède pas nécessairement la capacité d’absorber les rayonnements. Quoiqu’il en soit, ce type de phénomène doit être relativement mineur pour assurer l’efficacité d’une crème.
Pour résumer, il est important de se remettre de la crème toutes les 2 h car il est possible que certaines réactions photo-induites dégradent petit à petit les composants filtrants. Mais surtout, il est important de réappliquer de la crème car une seule application est très rarement suffisante. De plus, à l’ombre ou au soleil, la transpiration élimine petit à petit la crème présente sur la peau, diminuant la protection contre les UVs.
Isabelle Savoye. Exposition solaire, compléments alimentaires en antioxydants et risque de cancers cutanés dans la cohorte de femmes E3N [Thèse de Doctorat en Santé publique et épidémiologie]. 2017. Université Paris-Saclay (COmUE). Disponible sur : https://theses.hal.science/tel-02426236
Reich Adam et al. “Application of sunscreen preparations: a need to change the regulations”. Photodermatology, Photoimmunology & Photomedicine, 2009, vol. 25, no. 5, p. 242–244. DOI : https://doi.org/10.1111/j.1600-0781.2009.00450.x
Marie Lecureux. Modélisation électromagnétique pour le filtrage UV appliquée à la protection solaire [Thèse de doctorat Optique / photonique]. 2014. École Centrale Marseille. Disponible sur : https://theses.hal.science/tel-01837028
Florent Di Meo
Laboratoire IPPRITT
Vous pensez qu’un jour on pourra réellement guérir les gens du cancer ?
Le cancer ou les cancers ? (bibliographie 1)
Le mécanisme de cancérisation démarre avec une cellule dont l’ADN est fortement abimé. La lésion majeure de l’ADN conduit à une transformation de la cellule qui devient cancéreuse :
· elle perd en partie son « caractère différencié » (ce qui la distingue des cellules d’un autre tissu ou organe ; une cellule du muscle n’a pas les mêmes propriétés qu’une cellule du cerveau),
· elle acquiert la capacité d’échapper au processus de mort programmée (chaque cellule a une durée de vie limitée),
· elle gagne la capacité à se diviser indéfiniment et elle perd sa capacité à être contrôlé par son environnement ce qui conduit à une multiplication anarchique,
· elle fabrique des molécules qu’elle ne fabriquait pas jusqu’alors dont certaines provoquent l’angiogenèse c’est-à-dire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, indispensables à l’irrigation de la tumeur et donc à son maintien et à son développement.
Dans certains cas, la cellule passe dans le sang ou la lymphe (un circuit constitué de vaisseaux, parallèle à la circulation sanguine et présent dans tout le corps) et migre vers des endroits où elle s’installe donnant naissance à des métastases.
À noter que l’organisme dispose d’un système de surveillance et d’élimination des cellules cancéreuses : c’est le système immunitaire. Un système immunitaire défaillant ou épuisé favorise le développement des cancers.
Parce que le mécanisme de cancérisation est similaire pour les différents types de cellules composant l’organisme, il est d’usage de parler du cancer. Or, sur le plan médical, il existe de multiples formes de cancer en fonction de la localisation dans l’organisme (un cancer de la peau est différent d’un cancer du cerveau) et du type de cellule à l’origine du cancer. L’organisme comprend environ 200 types de cellules différentes. Chaque tissu et chaque organe comprend plusieurs types de cellules différentes pouvant être à l’origine de cancers différents. Par exemple, le « cancer de la peau » désigne tout autant le carcinome basocellulaire, le carcinome épidermoïde ou le mélanome, qui émanent de la transformation de types de cellules différentes. Pour répondre à la question posée, il est essentiel de parler des cancers et non pas du cancer.
Guérir du cancer (bibliographie 1, 2 et 3)
Une guérison, c’est la disparition complète et définitive d’une maladie. En cancérologie, on parle de guérison dès lors que plus aucun signe de la maladie n’est détecté à l’issue d’une période, en général de 5 ans, de suivi de l’individu après la fin des traitements.
Guérir du cancer est une réalité, les données statistiques le montrent. L’Institut National du Cancer (INCA) indique sur son site qu’actuellement en France 1 cancer sur 2 se soigne. Mais les données statistiques montrent également que le taux de survie à 5 ans varie en fonction du type de cancer. Ainsi, en 2015, le taux de survie à 5 ans était de 93 % pour le mélanome mais seulement de 11 % pour le cancer du pancréas. Il est aussi important de prendre conscience que depuis de nombreuses années, le taux de survie à 5 ans augmente et le taux de mortalité tous cancers baisse tous les ans ; entre 2010 et 2018, le taux de décès a diminué tous les ans de 0,7 % pour les femmes et de 2,0 % pour les hommes. Ces données donnent de l’espoir qui est cependant terni par le constat que, pour les adultes comme pour les enfants, la guérison du cancer va trop souvent de pair avec une qualité de vie amoindrie. Trois personnes guéries sur cinq atteintes d’un cancer déclaraient en 2015 avoir conservé des séquelles, en partie liées à la toxicité des thérapies anti-cancéreuses.
La recherche en cancérologie (bibliographie 1, 4, 5 et 6)
Si de plus en plus de personnes guérissent du cancer, c’est notamment grâce à la recherche menée partout dans le monde, y compris dans les laboratoires de l’Université de Limoges (CRIBL CNRS U7276 Inserm U1262, CAPTuR Inserm U1308, LABCiS, XLIM CNRS U7252). La recherche a permis de faire évoluer les techniques d’imagerie médicale et les tests en laboratoires (recherche de molécules « marqueurs » de cancer) qui apportent des solutions pour détecter précocement la présence d’un cancer ; le diagnostic précoce contribue à l’amélioration du taux de survie. La recherche en cancérologie a aussi permis de mieux comprendre le mécanisme de cancérisation et ensuite de proposer de nouvelles solutions thérapeutiques. À la chimiothérapie classique qui vise, grâce à l’administration de molécules, à détruire toutes les cellules qui prolifèrent dont les cellules cancéreuses, s’ajoute maintenant la chimiothérapie ciblée. La thérapie ciblée dispose actuellement de plus de 100 molécules qui détruisent uniquement les cellules cancéreuses sans toucher les autres cellules qui prolifèrent normalement dans l’organisme. La radiothérapie (irradiation des cellules) et la chirurgie ont aussi beaucoup évolué vers des méthodes beaucoup plus précises et moins invasives (qui impactent moins l’organisme). L’utilisation des thérapies ciblées ou précises devraient limiter leurs effets indésirables et réduire les séquelles médicamenteuses chez les patients.
De nombreuses autres solutions thérapeutiques sont à l’étude actuellement : les plus innovantes ciblent, non plus les cellules cancéreuses elles-mêmes, mais les vaisseaux sanguins des tumeurs ou les cellules du système immunitaire pour pallier leur défaillance ou régénérer leurs compétences anti-cancéreuses, comme la thérapie dite CAR-T cell. Cette thérapie révolutionnaire consiste à extraire les cellules du système immunitaire d’un individu atteint d’un cancer, à modifier in vitro (dans des tubes, en laboratoire) ces cellules de façon pérenne pour les rendre capables de reconnaitre et de détruire sélectivement les cellules cancéreuses, puis à administrer, en une unique injection, ces cellules modifiées. Les premiers résultats de traitement de malades avec cette thérapie CAR-T cell viennent d’être publiés dans la revue scientifique Nature et sont encourageants.
Soigner un jour tous les cancers : rêve ou réalité ?
Les médecins oncologues disposent déjà d’un arsenal thérapeutique important qui permet la guérison d’1 cancer sur 2 en France. La recherche en cancérologie est extrêmement active et propose de nouvelles pistes thérapeutiques prometteuses qui associées à un diagnostic très précoce permettent d’envisager la possibilité de soigner, un jour, tous les cancers.
Disponible sur : https://www.inserm.fr/dossier/immunotherapie-cancers [6] Article prépublié le 10 novembre 2022 par la revue Nature, en anglais, présentant les résultats de l’essai de thérapie CAR-T cell sur des patients atteints de cancer : Foy SP et collaborateurs, Nature (2022), https://doi.org/10.1038/s41586-022-05531-1 .
Anne Druilhe
Chercheuse de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), spécialisée en physiopathologie animale, discipline qui s’attache à décrypter les mécanismes conduisant d’un état sain à un état malade
Est ce qu’on trouvera un moyen de prévention efficace afin que la maladie ne puisse pas se développer ?
Répondre à la question en parlant de toutes les maladies n’est pas envisageable. La question faisant suite à une question sur le cancer, j’ai imaginé que les deux questions avaient été posées par la même personne. J’ai donc pris la liberté de parler des moyens de prévention efficaces afin que le cancer ne se développe pas.
Causes des cancers (bibliographie 1)
Au cours de leur vie, les cellules de l’organisme subissent des lésions de leur ADN. L’ADN lésé est réparé par le système de réparation que possède la cellule. Le mécanisme de cancérisation démarre avec une cellule dont l’ADN est fortement abîmé et qui n’est pas réparé. La lésion majeure de l’ADN conduit à une transformation de la cellule qui devient cancéreuse. Contrairement à la cellule saine qui a une durée de vie limitée et est détruite suite à la mise en place d’un processus de mort programmée, la cellule cancéreuse échappe à ce processus. Elle échappe aussi au contrôle de sa multiplication par son environnement ce qui conduit à une prolifération anarchique. La transformation conduit aussi la cellule cancéreuse à produire des molécules qu’elle ne fabrique pas normalement et qui la distingue des cellules saines. Le système immunitaire surveille en permanence l’organisme et reconnaît les molécules anormalement produites et détruit les cellules cancéreuses qui les portent.
La cellule est donc fortement contrôlée. Pour qu’un cancer se développe, il est nécessaire que plusieurs facteurs agissent de concert en favorisant l’apparition des lésions de l’ADN tout en limitant ou en empêchant le bon fonctionnement des systèmes de contrôle. Les facteurs qui favorisent l’apparition du cancer sont de 2 types : facteurs externes et facteurs internes.
Plusieurs facteurs externes ont été identifiés : ils sont liés à l’environnement dans lequel évolue l’individu (rayonnements solaires ou nucléaires, certaines bactéries et virus, exposition professionnelle à des produits cancérogènes comme l’amiante…) ou à son mode de vie (tabac, alcool, alimentation, surpoids…).
Les 2 facteurs internes connus sont l’âge et l’hérédité. Le vieillissement a un effet majeur. Même si les cancers apparaissent à tout âge, ils sont beaucoup plus fréquents après 60 ans ce qui est expliqué par un cumul des agressions externes subies par les cellules et probablement une moindre efficacité des systèmes de réparation cellulaire et du système immunitaire. Dans moins de 10 % des cancers, l’hérédité, appelée aussi « prédisposition génétique », joue un rôle. Dans ce cas, la personne qui porte la prédisposition à un cancer a plus de risque de développer le cancer en question que les autres personnes, parce que, à sa naissance, cette personne contient des cellules dont l’ADN présente des petites lésions héritées de leurs parents. Lors du vieillissement et en fonction de l’exposition aux facteurs externes, ces petites lésions précancéreuses peuvent évoluer vers des lésions majeures de l’ADN, mettant en action le processus de cancérisation.
Les moyens de prévention (bibliographie 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7)
Prévenir une maladie, c’est agir afin de diminuer la probabilité de survenue de la maladie en question ou de ses conséquences.
Trois niveaux de prévention sont classiquement distingués :
– la prévention primaire qui cherche à éviter l’apparition de la maladie,
– la prévention secondaire qui vise à diagnostiquer et traiter précocement la maladie,
– et la prévention tertiaire dont l’objectif est de limiter les conséquences de la maladie dans le domaine social et psychoaffectif. Dans le cas des cancers, compte tenu des séquelles physiques que ressentent de nombreuses personnes guéries, nous traiterons aussi dans la prévention tertiaire des moyens pour limiter les séquelles physiques.
La prévention primaire des cancers s’adresse aux facteurs qui causent, favorisent le développement de la maladie et donc aux facteurs externes connus qui sont tous évitables.
Ainsi les scientifiques estiment que 40 % des cancers pourraient être évités en :
– ne fumant pas, limitant sa consommation d’alcool, évitant de s’exposer trop au soleil, ayant une alimentation saine, surveillant sa prise de poids, ayant une activité physique adaptée,
– se faisant vacciner contre les agents infectieux à risque lorsque le vaccin existe (cas des vaccins contre l’hépatite B et contre le papillomavirus, responsables pour le premier de cancers du foie et pour le second des cancers du col de l’utérus), etc.
Il n’existe pas de moyens de prévention primaire qui s’adressent aux facteurs internes, qui sont inévitables. Par contre, les moyens de prévention secondaire sont efficaces pour les personnes exposées aux facteurs internes. En effet, plus un cancer est repéré tôt, avant qu’il n’évolue, moins les traitements sont lourds et meilleures sont les chances de guérison. C’est ce constat qui conduit les pouvoirs publics à déployer des campagnes de dépistage ou une détection précoce pour les individus à risque (personnes âgées, membre d’une famille avec prédisposition génétique, etc.) et pour les cancers les plus fréquents. Le dépistage consiste à rechercher un signe de la présence d’un cancer sur un individu qui se sent en bonne santé. Il existe 3 programmes de dépistage organisés en France qui concernent le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l’utérus. La détection précoce s’adresse à des individus présentant des signes d’alerte. On parle par exemple de détection précoce pour le cancer de la peau.
Pour éviter les séquelles physiques, psychoaffectives et sociales, il existe des moyens de prévention tertiaire. Les séquelles physiques résultent en partie de l’utilisation de traitements efficaces contre le cancer mais toxiques pour le reste de l’organisme. La recherche en cancérologie a permis de développer des traitements ciblant uniquement les cellules cancéreuses sans altérer les cellules environnantes et des méthodes chirurgicales moins invasives (qui impactent l’organisme de façon minime). En France, les associations de malades, Fondation pour la recherche sur le cancer et La ligue contre le cancer, œuvrent quotidiennement pour améliorer la qualité de vie des malades à travers l’accompagnement individuel psychologique, juridique, financier… et les campagnes de communication vers le grand public. Ces actions contribuent à limiter les effets psychoaffectifs et sociaux.
Les défis à relever dans la prévention
Il existe différents moyens de prévention qui sont efficaces pour les individus qui les appliquent : hygiène de vie, vaccination, dépistage ou détection précoce. Pour que ces moyens de prévention soient efficaces à l’échelle de la population française, le défi de taille est de faire adhérer la population aux principes de précaution. Il faut également faire évoluer le regard de la population sur le cancer, encore trop souvent considéré comme incurable, ce qui explique en partie les conséquences sociales. L’amélioration de la prévention passera aussi par une recherche active sur les causes des cancers et sur le développement :
– d’imagerie médicale performante pour repérer les petites masses tumorales,
– de tests pour détecter la présence de « marqueurs » très précoces des cancers dans le sang, dans la salive, dans les urines, dans les selles,
– et de thérapies ciblant exclusivement les cellules cancéreuses.
Anne Druilhe
Chercheuse de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), spécialisée en physiopathologie animale, discipline qui s’attache à décrypter les mécanismes conduisant d’un état sain à un état malade
Arrivera-t-on à cloner uniquement des organes pour une transplantation ?
Une des réponses à cette question tient en un mot, ou plus exactement un acronyme : hiPSC (cellules souches humaines pluripotentes induites).
Qu’est-ce qu’une cellule souche ? C’est une cellule qui a pour fonction spécifique de donner par division et par un processus de différenciation, les cellules qui constituent notre organisme. Par exemple, une cellule souche au niveau de l’intestin va permettre le renouvellement de l’organe. Une cellule souche musculaire finira par donner une cellule du muscle, etc.
Qu’est-ce qu’une cellule souche pluripotente ? Les cellules souches pluripotentes sont des cellules présentes dans la blastula, une des toutes premières étapes de notre développement embryonnaire. Elles sont à l’origine de tous nos tissus et organes.
Depuis maintenant environ 15 ans, il est possible en prélevant des cellules de l’épiderme, appelés fibroblastes, d’induire chez ces cellules un processus de dédifférenciation pour les retransformer en cellules souches pluripotentes ! On transforme une cellule adulte, en une cellule embryonnaire ! C’est un outil formidable dont les applications sont multiples. Une des futures applications concerne la greffe d’organe comme une greffe du foie. On prélève quelques cellules de la peau du patient, que l’on transforme en hiPSC. Il existe plusieurs stratégies possibles selon l’origine de la pathologie et selon le mode de production. Par exemple, si la pathologie est d’origine génétique, il est possible de corriger le défaut dans les cellules hiPSC. Ces cellules sont alors utilisées pour le développement, soit in-vitro, soit in-vivo, d’un nouveau foie, dépourvu du défaut initial et totalement compatible avec le receveur, puisque le donneur et le receveur sont la même personne. Nous ne sommes qu’aux balbutiements de cette technologie, on parle d’organoïdes, c’est-à-dire de mini-organes. Ils sont déjà un support majeur d’étude des pathologies ou de la recherche pour de nouveaux traitements.
Serge Battu
Laboratoire CAPTuR
Pourquoi la disparition programmée des herboristeries contrairement à l’Allemagne ?
La délivrance du diplôme d’herboriste a cessé depuis la loi du 11 septembre 1941, confirmée et validée par une ordonnance du 23 mai 1945.
L’herboriste était un praticien d’une profession de santé, anciennement régie par la loi du 21 germinal an 11, consistant à vendre au public des plantes ou parties de plantes médicinales, indigènes, et dépourvues de toxicité ainsi que certains mélanges. Des associations militent auprès des pouvoirs publics pour le rétablissement du diplôme d’herboriste et la reconnaissance de cette profession. Une proposition de loi allant dans ce sens a été présentée au Sénat le 12 juillet 2011. Une enquête publique a été réalisée et les différents professionnels du secteur ont été entendus (petit producteur de plantes médicinales, école de plantes, enseignants chercheurs, pharmaciens…)
Au niveau européen, il est rare que le statut de l’herboriste soit précisément encadré comme s’il s’agissait d’une profession réglementée. Lorsqu’il existe, le statut est parfois obsolète. L’absence de normes particulières à la profession laisse alors assez flou son statut juridique, ce qui motive des demandes récurrentes de reconnaissance de la part d’organisations professionnelles plus ou moins fortes et structurées.
En Allemagne, le métier d’herboriste tel qu’il est conçu en France peut être assimilé au Heilpraktiker, littéralement guérisseur, dont la profession est réglementée par la loi du 17 janvier 1939 sur l’exercice de la médecine sans titularisation.
L’activité de Heilpraktiker couvre le fait de soigner, de soulager ou de prévenir les maladies et les douleurs au moyen de fleurs, de racines ou de feuilles de plantes médicinales, de composants végétaux tels que des huiles essentielles ou de préparations de plantes médicinales telles que des extraits secs, des teintures ou jus pressés.
Il n’existe pas de formation de Heilpraktiker reconnue par l’État allemand. Pourtant, ils sont estimés aujourd’hui à plus de 40 000 en Allemagne. D’après la presse, le décès en juillet 2016 de trois patients ayant suivi une thérapie contre le cancer dans un cabinet de guérisseur en Rhénanie du Nord-Westphalie, a conduit le ministre fédéral de la santé à se prononcer pour une révision du cadre de la loi de 1939, tandis que la ministre de la santé de Rhénanie du Nord-Westphalie a exigé que la formation des guérisseurs soit contrôlée et structurée par l’État. La société pour la phytothérapie soutient une initiative visant à créer au sein des universités publiques allemandes des instituts de recherche et des chaires de phytothérapie.
Sénat. Les plantes médicinales et l’herboristerie : à la croisée de savoirs ancestraux et d’enjeux d’avenir. Rapport d’information n°727 (2017-2018), déposé le 25 septembre 2018. Disponible sur : https://www.senat.fr/rap/r17-727/r17-72712.html
Marion Millot
Laboratoire LABCiS
Quel est le meilleur sport pour la santé ?
Avant de répondre à cette question, je tiens à rappeler que les bénéfices pour la santé de la pratique régulière d’une activité physique sont avérés, quels que soient l’âge et le sexe. Pourtant, moins de la moitié des Français âgés de 15 à 75 ans atteignent un niveau d’activité physique favorable à la santé.
Il est important de souligner que les relations entre l’activité physique et la sédentarité sont complexes. Pour agir sur l’état de santé, il faut agir sur les deux, à la fois augmenter le niveau de l’activité physique et limiter la sédentarité.
J’ai choisi de répondre à votre question en me posant moi-même des questions et en cherchant à y répondre :
Quel est le meilleur sport pour le corps humain ?
Il s’agit de sports qui jouent sur les capacités cardiaques, qui font travailler le cœur et permettent de le maintenir en forme. On retrouve principalement la marche, la course à pied, le vélo, la natation, l’aviron.
Quel est le sport le plus complet ?
La natation est considérée comme le sport le plus complet et constitue une excellente option pour faire de l’exercice tout au long de l’année.
Quel est le meilleur sport pour vivre longtemps ?
Une étude a révélé une réduction de 47 % du risque de décès prématuré pour les personnes qui pratiquent un sport de raquette.
En conclusion, quel sport tous les jours ?
Des exercices au poids de corps, de la marche, des étirements, de la gym douce, du jogging ou de la natation. L’Organisation Mondiale de la Santé préconise un minimum de 10 000 pas ou 20 minutes d’activité physique par jour.
Bertrand Liagre
Laboratoire LABCiS
Découvre-t-on de nouveaux moyens de soigner ?
En effet, le domaine de la santé bénéficie du développement des nouvelles technologies apportant continuellement de nouveaux outils thérapeutiques [1]. Sans être exhaustif, on peut citer l’utilisation de la robotique qui se généralise pour les interventions chirurgicales. Également, les imprimantes 3D et les biomatériaux qui permettent de créer des prothèses sur mesure adaptées à chaque patient [2]. À cette médecine de précision, on peut aussi ajouter le domaine de la e-santé qui permet le suivi des patients grâce aux technologies connectées. D’un point de vue génétique et immunologique, les avancées technologiques permettent désormais de mettre au point des thérapies ciblées. On peut notamment corriger un gène par thérapie génique, utiliser des petits ARN appelés « ARN interférents » pour empêcher la production d’une mauvaise protéine (ex : une protéine provoquant des dépôts dans le cœur dans le cas de l’amylose). La vaccination massive contre le Covid a aussi mis en évidence la rapidité de développement de vaccins en utilisant les stratégies à ARN messagers. En cancérologie, les stratégies d’immunothérapies, basées sur l’injection d’anticorps ciblant spécifiquement la tumeur, sont désormais largement utilisées pour éliminer les cellules cancéreuses en épargnant les cellules saines. De même, l’immunothérapie à base d’anticorps permet de « réveiller » notre système immunitaire pour mieux lutter contre les cancers. Enfin, on peut aussi récupérer les cellules immunitaires d’un patient atteint de cancer pour les modifier génétiquement afin de reconnaitre plus efficacement sa tumeur, et ensuite les réinjecter chez le malade pour soigner son cancer [3]. Pour conclure, les technologies pour la santé permettent d’améliorer grandement les soins apportés aux malades.
Laurent Delpy
Directeur de Recherche au laboratoire CRIBL (Unité Mixte de Recherche CNRS UMR7276 – INSERM U1262 -Université de Limoges), qui s’intéresse aux ARNs et à la biologie normale et pathologique des plasmocytes.
On a réussi le séquençage du génome humain : est-ce que cela peut ouvrir la voie à de nouvelles thérapies , anti-cancers notamment ?
Le séquençage du génome humain (bibliographie 1 et 2)
Le monde vivant repose sur l’utilisation d’une molécule particulière, un acide nucléique, qui prend en général la forme d’un acide désoxyribonucléique ou ADN. L’ADN est composé de quatre éléments de base appelés A, T, G, C, qui s’enchaînent dans un ordre particulier. Certains enchaînements d’éléments de base constituent un code que la cellule sait lire et qui lui permet de fabriquer une protéine. La protéine fabriquée peut avoir différentes fonctions et servir de briques de structure cellulaire, d’enzymes (capable de couper ou d’assembler des peptides, des lipides, des glucides), de transporteurs, de récepteurs… Les enchaînements qui forment un code s’appellent des gènes. Les gènes sont séparés par des éléments de base qui s’enchaînent mais sans former de code et que l’on appelle séquences non codantes. Les scientifiques s’accordent à dire que les séquences non codantes jouent un rôle, qu’il reste à bien préciser, dans le fonctionnement normal des cellules.
Au total, l’ADN humain contient un peu plus de 3 milliards d’éléments de base, que l’on appelle « génome ». Le génome contient environ 20 000 gènes ce qui représente 2 % des 3 milliards d’éléments de base. Dans une cellule, l’ADN n’est pas composé d’une molécule unique. Dans la plupart des cellules qui constituent l’organisme humain, il y a 46 molécules d’ADN appelées chromosomes : 22 molécules sont présentes en deux exemplaires identiques (22 paires de chromosomes) auxquelles s’ajoutent soit deux chromosomes dits X dans les cellules des femmes ou un chromosome X et un dit Y (différent du X) chez les hommes. Les gènes et les séquences non codantes se répartissent sur l’ensemble des chromosomes.
Le séquençage du génome humain permet de connaître l’enchaînement des éléments de base dans chaque chromosome. En 2003, les scientifiques du projet Génome humain annonçaient avoir achevé le premier séquençage du génome humain… Ceci n’était pas tout à fait vrai puisqu’à l’époque près de 10 % du génome, essentiellement des séquences non codantes, restaient à séquencer. Le 31 mars 2022, la revue scientifique Science publiait un article dans lequel les auteurs indiquaient avoir réussi le séquençage complet d’un génome humain… Là encore, pas tout à fait exact puisque la séquence complète du chromosome Y n’a toujours pas été résolue. Le séquençage a été possible grâce au développement parallèle de technologies dits de séquençage et d’outils informatiques capables de gérer une immense quantité de données.
Cancer et génome : actuellement (bibliographie 3, 4, 5, 6 et 7)
Le mécanisme de cancérisation démarre avec une cellule dont la séquence de l’ADN est modifiée du fait de mutations (un élément de base remplacé par un autre) ou de pertes de parties de chromosomes. Ces lésions de l’ADN conduisent à la production de protéines anormales voire à l’absence de certaines protéines importantes ce qui perturbe fortement le fonctionnement de la cellule : celle-ci se transforme et devient cancéreuse. Elle se met notamment à proliférer de façon anarchique ; lors de la multiplication d’une cellule, les cellules qui en résultent ont le même ADN, incluant les mutations, que la cellule initiale et sont donc des cellules cancéreuses. La transformation conduit aussi la cellule cancéreuse à produire des molécules qu’elle ne fabrique pas normalement et qui la distingue des cellules saines ou qui lui permettent de pénétrer dans la circulation et de migrer vers d’autres endroits de l’organisme où la cellule cancéreuse va former des métastases (développement d’un cancer à distance du site d’origine). À noter que l’organisme dispose d’un système de surveillance et d’élimination des cellules cancéreuses : c’est le système immunitaire. Un système immunitaire défaillant ou épuisé favorise le développement des cancers.
Les traitements à base de molécules ou chimiothérapies ciblées visent à détruire les cellules cancéreuses sans affecter les cellules normales. Les chimiothérapies ciblées agissent en ciblant les anomalies engendrées par les lésions de l’ADN. Pour un même cancer, il arrive que la chimiothérapie soit moins efficace ou qu’elle produise des effets secondaires plus marqués chez certains individus. La différence de réponse à la chimiothérapie est en partie attribuée à des différences portant sur les lésions de l’ADN.
Les traitements les plus innovants ciblent, non plus les cellules cancéreuses elles-mêmes, mais les cellules du système immunitaire pour pallier leur défaillance ou régénérer leurs compétences anti-cancéreuses, comme la thérapie dite
CAR-T cell. Cette thérapie, encore à l’étude et très prometteuse si l’on en croit les derniers résultats publiés en novembre 2022, consiste à extraire les cellules du système immunitaire d’un individu atteint d’un cancer, à modifier in vitro (dans des tubes, en laboratoire) ces cellules de façon pérenne pour les rendre capables de reconnaitre et de détruire sélectivement les cellules cancéreuses, puis à administrer, en 1 unique injection, ces cellules modifiées.
En révélant les lésions de l’ADN des cellules cancéreuses, le séquençage donne accès à une meilleure connaissance des causes des cancers, ce qui permet d’envisager de nouvelles solutions thérapeutiques. De plus, le séquençage permet aussi de bien identifier, pour chaque individu, les anomalies présentes ce qui ouvre la porte à une chimiothérapie personnalisée, adaptée à chaque malade. La faisabilité de cette approche est démontrée ; un très bel exemple est celui de l’étude européenne sur les cancers pédiatriques MAPPYACTS à laquelle des équipes françaises ont contribué et qui a été publiée cette année dans la revue scientifique Cancer Discovery. Enfin, le séquençage est essentiel au développement des thérapies de type CAR-T cell.
Cancer et génome : le futur (bibliographie 1 et 8)
Le génome des cellules normales et des cellules cancéreuses n’a pas encore révélé tous ses secrets ; des preuves commencent à apparaitre montrant que les séquences non codantes pourraient jouer un rôle dans les mécanismes de cancérisation. Ainsi, le séquençage de l’intégralité des séquences non codantes pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans les thérapies anti-cancéreuses : celui des traitements agissant sur ces séquences.
1- Un article dans le média de vulgarisation scientifique, The conversation, qui explique clairement ce qu’est le génome humain et en quoi consiste la découverte majeure du séquençage de la boîte noire du génome humain, en libre accès sur : Hartley Gabrielle. https://theconversation.com/les-scientifiques-ont-complete-le-casse-tete-du-genome-humain-180630
2- Autre article sur le même sujet que le précédent, mais un tout petit peu plus technique, en libre accès sur : https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2022/06/msc220104/msc220104.html
3- Les dossiers du site de l’Institut National du CAncer (INCA) qui expliquent les mécanismes de cancérisation et en quoi consiste la génomique des cancers et les perspectives qu’elle ouvre : https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Qu-est-ce-qu-un-cancer et https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Comprendre-la-recherche
4- Le site de France médecine génomique 2025, programme géré par l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) qui regroupe les grands acteurs de la recherche : https://pfmg2025.aviesan.fr/presentation/ . Le plan, rédigé en 2016, téléchargeable à partir du site présente également les perspectives de la médecine dite génomique.
5- Un dossier sur l’immunothérapie, y compris la thérapie CAR-T cell dans le cancer, préparé par l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) : https://www.inserm.fr/dossier/immunotherapie-cancers
6- Un article prépublié le 10 novembre 2022 par la revue Nature, en anglais, présentant les résultats de l’essai de thérapie CAR-T cell sur des patients atteints de cancer : Foy SP et collaborateurs, Nature (2022), https://doi.org/10.1038/s41586-022-05531-1 . L’information peut être lue dans certains quotidiens français
7- L’article sur le site de l’Institut Gustave Roussy, Villejuif, premier centre européen de lutte contre le cancer, montre, à travers un exemple concret, comment le séquençage du génome humain peut ouvrir la voie à de nouvelles thérapies : https://www.gustaveroussy.fr/fr/lespoir-de-nouvelles-therapeutiques-grace-au-sequencage-du-genome-tumoral
8- Une revue en français (pour compenser son ancienneté 2014) sur le rôle de certaines séquences non codantes notamment dans le développement des cancers ; en accès libre sur : https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2014/08/medsci2014308-9p790/medsci2014308-9p790.html.
Anne Druilhe
Chercheuse de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), spécialisée en physiopathologie animale, discipline qui s’attache à décrypter les mécanismes conduisant d’un état sain à un état malade
Comment fonctionne un antibiotique ?
Pour répondre à cette question, je vais prendre l’exemple de l’amoxicilline, l’antibiotique le plus prescrit en France actuellement. Il fait partie de la famille des Béta-Lactamines ou Pénicillines.
Pour comprendre ce mode d’action, il faut examiner ce qu’est une bactérie en la comparant à nos propres cellules. Dans les deux cas, vous allez trouver un milieu cellulaire, appelé cytoplasme, dans lequel se trouve tous les éléments permettant la vie, et la multiplication de la cellule : ADN, ARN, protéines, etc.
Une des différences majeures, dans le cas qui nous intéresse, se situe au niveau de l’enveloppe de la cellule. Nous sommes composés de plusieurs milliards de cellules. Chaque cellule est délimitée par une fine membrane composée de lipides et de protéines. Les bactéries sont composées d’une seule cellule (être monocellulaire) directement exposée au milieu extérieur. La membrane des bactéries est complétée par une paroi externe, plus épaisse, constituée de lipide, de protéines et de glucides, constituant une sorte de coque protectrice. L’amoxicilline va agir en s’associant à certaines protéines et enzymes, qui ont pour rôle la fabrication de cette paroi. Cette liaison de l’amoxicilline va empêcher les enzymes bactériennes de fonctionner et de fabriquer cette paroi. Cela va fragiliser la bactérie et la tuer. Mais certaines bactéries développent des résistances aux antibiotiques, et aux pénicillines en particulier, en fabriquant des enzymes qui vont à leur tour casser la molécule de pénicilline. L’antibiotique ne peut alors plus se fixer et empêcher la synthèse de la paroi bactérienne. C’est pour cela que les antibiotiques, ce n’est pas automatique !
Serge Battu
Laboratoire CAPTuR
Les prothèses en céramique, grand progrès contre les « rejets » ?
Le terme de « rejet » n’est pas adapté dans le cadre des implants synthétiques. En effet, il fait référence aux réactions que l’organisme d’un receveur peut développer vis-à-vis d’un « transplant » (cœur, poumons, foie, reins) ou d’un « greffon » (cornée, moelle osseuse) venant d’un donneur. Afin de ne pas entraîner sa destruction complète, il sera nécessaire d’avoir recours, à vie, à un traitement immunosuppresseur[1]. [1,2]
Les matériaux synthétiques, utilisés pour faire des implants, sont au moins biocompatibles (tolérés par l’organisme), mais être « biocompatible » ce n’est pas être simplement non-toxique. Le matériau doit assurer une fonction, souvent structurelle ou mécanique, tout en n’induisant pas de réponse négative de la part des cellules et des tissus biologiques du patient. C’est donc l’ensemble de ces raisons qui amène à son choix. En revanche, si l’implant ne peut pas être rejeté par l’organisme du patient comme lors d’une greffe d’organes, il peut y avoir un « échec de l’implant ».
Dans le cas des substituts osseux, la pose d’un implant est une consolidation osseuse et l’échec de l’implant sera lié à un défaut d’ostéointégration. L’ostéointégration est le processus de cicatrisation qui se met en place après implantation et qui dure plusieurs mois. Au cours de ce processus, les cellules du tissu osseux adhèrent à la surface du matériau, lequel présente une porosité propice à ce phénomène, conduisant au développement d’os à sa surface. On parle alors d’ostéoconduction.
Les substituts osseux étudiés à l’IRCER[2] sont en céramique d’hydroxyapatite, un composé chimique très proche de la phase minérale des os. Utilisée en tant que substitut osseux depuis les années 80, l’hydroxyapatite a fait ses preuves. Elle est parfaitement reconnue par les cellules du tissu osseux et est ostéoconductrice. L’apport des travaux de l’IRCER dans le domaine de ces substituts se situe à deux niveaux :
– Le savoir-faire en génie des procédés de mise en forme du laboratoire a permis, en partenariat avec le Professeur Brie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Limoges, d’élaborer des implants crâniens de grandes dimensions et sur-mesure par impression 3D (fabrication additive). Ces implants de composition très proche des os du crâne sont denses et présentent des macropores (quelques centaines de micromètres) à leur périphérie. Ces macropores permettent aux cellules osseuses de coloniser l’implant (ostéoconduction) à la jonction avec l’os natif du patient. Ainsi, au bout de quelques mois, l’implant est parfaitement intégré et est soudé aux os du crâne et assure donc l’ostéointégration de l’implant. [3, 4, 5]
– Des études plus en amonts sont conduites à l’IRCER par l’équipe « Biocéramiques » afin de comprendre et stimuler les processus liés à l’ostéointégration, c’est-à-dire l’ostéoconduction et l’angiogenèse[3]. En effet, il est essentiel d’alimenter les cellules osseuses. Pour se faire, le laboratoire affine la composition chimique des céramiques en hydroxyapatite en y ajoutant certains ions connus pour stimuler ces processus ou en modifiant la forme des macropores. [6,7]
En conclusion, les céramiques ne peuvent pas être rejetées par l’organisme.
Les travaux conduits à l’IRCER visent à améliorer l’ostéointégration des implants céramiques en hydroxyapatite en modifiant leur composition chimique et en utilisant les techniques de fabrication additive pour en optimiser l’architecture (forme de pores) et la forme (médecine personnalisée).
[2] Institut de Recherche sur les Céramiques
[3] Processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants.
Thierry ChartierLABEX ∑-LIM |
Chantal DamiaLaboratoire IRCER |
Pourquoi pour les IRM faut il une perfusion d’iode ?
L’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) est un examen radiologique de plus en plus prescrit. Elle permet en fonction de la zone explorée de diagnostiquer ou suivre l’évolution de différentes pathologies. Ses principales applications sont le diagnostic d’AVC, de tumeurs cérébrales, le bilan de lésions du foie ou de la prostate, l’exploration de lésions ostéo-articulaires et bien d’autres. L’IRM est notamment très utilisée en pédiatrie car elle n’utilise pas de rayons X contrairement au scanner ou à la radiographie.
Pour un examen IRM, différentes séquences sont utilisées en fonction de la pathologie à caractériser. Les principales séquences sont le T1, le T2, le FLAIR et le TOF. Elles permettent en fonction des champs magnétiques et des durées d’impulsion de faire varier la vitesse de mouvement des molécules d’eau des différents tissus. Grâce à l’impulsion du champ magnétique, les protons des molécules d’eau à l’intérieur des tissus sont déphasés. C’est le temps que mettent ces protons à revenir à leur point d’équilibre qui permet, grâce à des calculs mathématiques (transformée de Fourier), de générer des images.
Contrairement au scanner qui utilise l’iode pour opacifier les vaisseaux, le produit de contraste utilisé en IRM est le gadolinium (élément chimique faisant partie de la série chimique des lanthanides et des terres rares). Il n’y a cependant pas besoin d’injection pour voir les vaisseaux qui sont explorés grâce aux séquences dites « en temps de vol » générées par la vitesse du sang au sein des vaisseaux. Les produits de contraste avec gadolinium sont utilisés pour l’exploration de tumeur ou de processus infectieux notamment avec une prise de contraste de la lésion plus ou moins intense. Le produit de contraste gadoliné le plus utilisé est le Dotarem produit par le laboratoire français Guerbet.
Kim Hee-Kyung, Lee Gang, Chang Yongmin. “Gadolinium as an MRI contrast agent”. Future Medical Chemistry, 2018, vol. 10, no. 6, p. 639-661.
DOI : https://doi.org/10.4155/fmc-2017-0215
Huynh Kevin et al. “Updated guidelines for intravenous contrast use for CT and MRI”. Emergency Radiology, 2020, vol. 27, no. 2, p. 115-126.
DOI : https://doi.org/10.1007/s10140-020-01751-y
Runge VM. “Magnetic resonance imaging contrast agents”. Current Opinion in Radiology, 1992, vol. 4, no. 1, p. 3-12. PMID: 1739599.
Wolf GL. “Current status of MR imaging contrast agents: special report”. Radiology, 1989, vol. 172, no. 3, p. 709-10.
DOI : https://doi.org/10.1148/radiology.172.3.2672095
Aymeric Rouchaud
Laboratoire XLIM
En quoi l’intelligence artificielle peut-elle apporter une avancée dans le diagnostic d’une pathologie ?
L’intelligence artificielle (IA) inclut plusieurs technologies dont la plus populaire aujourd’hui repose sur l’apprentissage. La machine apprend à diagnostiquer des pathologies en différenciant les données normales de celles anormales sur la base de règles qu’elle trouve toute seule. Elle cherche ainsi à mimer le comportement humain qui assoit sa prise de décision en se basant sur son expérience.
Si on montre à une IA un grand nombre d’exemples pathologiques et non pathologiques, on peut ainsi admettre que son expérience va être importante, et que la qualité de son diagnostic va être élevée. Elle permet potentiellement d’accumuler l’expérience de nombreuses personnes en apprenant de ces cas cliniques, pathologiques ou non [1].
Elle permet également de voir des détails, des tendances, des indices dans des données médicales nombreuses, trop nombreuses pour être visibles à « l’œil nu ». Cela peut être des concentrations parfois subtiles dans des analyses sanguines, permettant de poser un diagnostic.
L’intelligence artificielle peut aussi nous indiquer les zones discriminantes dans les données, en d’autres termes, s’il faut privilégier telle ou telle analyse sanguine, ou telle ou telle modalité d’imagerie ou telle ou telle zone dans une image pour diagnostiquer une pathologie.
L’IA n’est pas capable de poser un diagnostic contextualisé pour chaque patient, ne pouvant travailler qu’avec un nombre de données figées. Elle ne sait pas exploiter les données cliniques en quantité variable d’un patient à l’autre recueillies par le médecin qui sait en outre en apprécier et en nuancer l’importance. Elle n’intègre souvent pas de méthodes de diagnostic explicite, non basée sur l’apprentissage comme les médecins [2,3]. Elle n’est donc utilisée qu’en complément des diagnostics humains, en tant qu’outil d’aide à la décision.
Frédéric Claux
Laboratoire XLIM
L’IRM est une solution d’imagerie médicale très utilisée en routine. Elle nécessite un champ magnétique fort de l’ordre du Tesla. Or, le champs magnétique terrestre est de l’ordre de 0,00005 tesla (50 microtesla). Il y a donc un facteur 1000000 (1 million) entre ces deux champs. Est-ce que l’impact du champs magnétique sur la santé est connu ? Quelles sont les études faites à ce sujet ?
Avant de parler des effets sur la santé des champs magnétiques en IRM, il faut rappeler qu’en opposition à l’imagerie par rayons X, l’IRM est une imagerie non irradiante fonctionnant grâce à un aimant au cœur de l’appareil d’IRM. De par son côté non irradiant, l’IRM n’apporte aucun risque d’exposition aux radiations. Cependant, en raison de l’utilisation d’un puissant aimant, l’IRM ne peut pas être pratiquée sur des patients porteurs de matériel implanté de type stimulateur cardiaque. Le risque est le dérèglement de stimulateurs ou la mobilisation de matériaux ferromagnétiques. Pour chaque patient, il y a donc des procédures de vérification très strictes avant l’entrée dans l’IRM.
Le champ magnétique de la plupart des appareils d’IRM utilisés en France est compris entre 1.5 et 3 Tesla. Des machines dédiées à la recherche peuvent avoir des champs magnétiques de 7 T ou au-delà. Le champ magnétique terrestre est effectivement compris entre 33 000 et 70 000 nT. Le champ des IRM, utilisées en pratique clinique, est donc 100 000 fois supérieur. Cependant, les patients sont soumis à ce champ uniquement pendant la durée de l’examen qui excède rarement 20 minutes. Seules des études animales ont été réalisées et ont montré que l’exposition pour une durée limitée à des champs magnétiques intenses comme les IRM n’ont jamais fait la preuve d’une quelconque toxicité sur l’organisme. L’IRM étant réalisée couramment depuis 1985 (40 ans bientôt !), sans qu’aucun effet préjudiciable n’ait été rapporté, permet d’affirmer la sécurité du champ magnétique. Une étude prospective comparant les patients ayant bénéficié une IRM versus ceux n’en ayant pas eu présenterait un problème éthique étant donné que ces outils d’imagerie contribuent à sauver des millions de vies.
Concernant les IRM à très haut champ (7 T et au-delà), des études actuellement en cours rapportent des sensations d’inconfort transitoires tels que des vertiges, étourdissements, fausses sensations de mouvement, nausées, nystagmus[1], magnétophosphènes[2] et effets électrogustatifs qui sont plus fréquents et potentiellement plus prononcés à 7 T qu’à des intensités de champ plus faibles.
[1] Mouvement rythmique involontaire des yeux.[2] Troubles visuels caractérisés par la perception de taches lumineuses appelées magnétophosphènes.
Hoff Michael et al. “Safety Considerations of 7-T MRI in Clinical Practice”. Radiology, 2019, vol. 292, no. 3, p. 509-518. DOI : https://doi.org/10.1148/radiol.2019182742
Aymeric Rouchaud
Laboratoire XLIM
Comment fait-on pour compter les photons reçus lors d’examens d’imagerie cliniques ?
Pour un examen médical utilisant une onde lumineuse visible ou des rayons X, la mesure doit se faire à très faible flux lumineux. Cette situation résulte de l’atténuation de l’onde par les tissus ou/et de la limitation de la dose de radiation à laquelle on souhaite exposer le patient. Le flux lumineux à détecter atteint alors de très faibles niveaux conduisant à une détection en régime de comptage de photons. Un peu comme la pluie remplissant un réservoir, les échanges avec le détecteur sont quantifiés comme des gouttes. Chaque quantum (quantité déterminée) est appelé un photon et a une énergie très faible de l’ordre de 10-19 J. C’est une énergie 10-19 fois plus faible que celle associée à une pomme élevée de 1 m dans le champ de gravité terrestre ! Pour arriver à détecter une si faible énergie, le photon est utilisé pour générer une charge (le plus souvent un électron dans un matériau semi-conducteur). Le courant ainsi généré doit être amplifié par un facteur supérieur à un million pour devenir facilement observable. Chaque photon génère une impulsion électrique. Pour connaitre le flux lumineux observé, il suffit donc de compter les impulsions.
Métivier Françoise. « Un compteur de photons ». Photoniques, 2014, vol. 64, p. 52-54.
Disponible sur : https://www.photoniques.com/articles/photon/pdf/2013/02/photon201364p52.pdf
Philips Healthcare. Du scanner à détection spectrale au comptage photonique Philips. Youtube. 28 octobre 2021. 4 min 35. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=fmh0RQwP3uk
François Reynaud
Laboratoire XLIM
La 5G-quels risques pour la santé ?
Avant d’apporter des éléments de réponses à cette question, quelques spécificités de la cinquième génération de téléphonie mobile (5G) peuvent être notées.
En effet, la 5G n’est plus « simplement » un système de téléphonie mobile mais elle propose des utilisations dans un large panel d’applications tel que les domaines de la télémédecine, des médias, des transports, de l’industrie de demain, etc.
L’apport technologique de la 5G s’appuie principalement sur le saut de performances proposé avec notamment, en comparaison à la 4G, une multiplication par 10 des débits de transmission et du nombre d’utilisateurs ainsi qu’une réduction par 10 des temps des réponses (latence du réseaux).
Le déploiement de la 5G porte sur trois nouvelles bandes de fréquences à savoir : 700 MHz, 3.5 GHz et prochainement la bande du 26 GHz.
Par rapport aux technologies actuelles, l’augmentation des usages et des équipements liés à la 5G pose toujours des questions sur l’impact énergétique et également sur l’exposition humaine.
En ce qui concerne l’exposition des individus aux signaux de la 5G, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié en 2021 un rapport d’expertise [1,2] (actualisé en février 2022) sur les effets potentiels de la 5G sur la santé.
Les premières conclusions de ce travail d’expertise collective indiquent qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de preuve avérée d’effet sanitaire lié aux sources de champs électromagnétiques usuelles.
Concernant le déploiement de la 5G en particulier dans les bandes 3.5 GHz et 26 GHz, le rapport d’experts constate également le manque de données scientifiques.
Pour acquérir des nouvelles connaissances et répondre aux interrogations, 4 projets [3] d’envergure sur les effets des ondes électromagnétiques de la 5G sur l’humain et l’environnement ont été lancés en 2022, dans le cadre du programme Horizon de l’Union Européenne ainsi que plusieurs projets soutenus par l’ANSES en France.
Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2019SA0006RA-2.pdf [2] Anses. « 5G : pas de risques nouveaux pour la santé au vu des données disponibles ». 2021.
Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/content/5g-pas-de-risques-nouveaux-pour-la-sant%C3%A9-au-vu-des-donn%C3%A9es-disponibles [3] Exposure to electromagnetic fields (EMF) and health. Environment and health (2021) (HORIZON-HLTH-2021-ENVHLTH-02). Disponible sur : https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/opportunities/portal/screen/opportunities/topic-details/horizon-hlth-2021-envhlth-02-01
Délia Arnaud-CormosLaboratoire XLIM |
Philippe LévêqueLaboratoire XLIM |
Peut on fabriquer des médicaments reposants sur des nanotechnologies ?
Les nanotechnologies et les nano-objets regroupent les techniques et les outils du monde de l’infiniment petit : le millionième de millimètre, 30 000 fois plus fin que l’épaisseur d’un cheveu.
À l’échelle du nanomètre (1 nm = 0,000000001 m) | |
Virus | 12-300 nm |
Nanoparticules | 0.01-100 nm |
Petit Liposomes | 10 nm |
ADN | 2 nm |
Travailler à une telle échelle ouvre d’énormes perspectives dans de nombreux domaines tels que l’informatique, la cosmétique, l’énergie…
La définition des nanotechnologies repose sur une notion commune de dimensions. Il s’agit toutefois d’une famille très hétérogène en termes de nature des matériaux mis en œuvre.
Par exemple :
– les nanotubes de carbone confèrent légèreté et résistance à des articles de sport,
– les nanoparticules d’oxyde de silicium renforcent la brillance des vernis,
– les particules de dioxyde de titane améliorent la filtration des UV dans les crèmes solaires
– les liposomes entrent dans la formulation de crèmes hydratantes…
La santé et la médecine n’échappent pas à cette dynamique. La biologie humaine est un domaine d’application idéal pour les nanotechnologies. Elles vont permettre de structurer des assemblages moléculaires destinés à interagir, traiter ou reconstituer un tissu ou un organe particulier dans le corps humain.
Le potentiel des nanotechnologies permet d’envisager la miniaturisation de dispositifs et le développement de nouveaux outils de diagnostic in ou ex vivo.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le formidable potentiel de cette approche dans le domaine de la santé à travers le développement des deux principaux vaccins à ARN messager contre le SARS-CoV‑2 : le vaccin Comirnaty de Pfizer/BioNtech et le vaccin Spikevax de Moderna.
La partie « nano » de ces vaccins correspond au vecteur (véhicule) dans lequel est inséré l’ARN messager (ARNm). Cet ARNm sert à fabriquer la protéine S (Spike) et doit être acheminé jusque dans le cytoplasme des cellules pour y être traduit en protéine.
L’ARNm est une forme d’acide ribonucléotidique (ARN) qui permet de copier et de diffuser l’information génétique.
Pour ces deux vaccins, l’ARNm est transporté au sein d’une bulle de gras pleine (nanoparticules de lipides) ou creuse (liposome). Ils ont nécessité la mise au point d’assemblages de lipides aux propriétés physicochimiques adaptées.
Le développement technologique a permis de disposer de vecteurs stables et administrable qui protègent l’ARNm jusque dans les cellules et permettent de le libérer une fois la membrane cellulaire franchie.
Garcion Emmanuel et Inserm. « Nanotechnologies : un nouveau pan de la médecine ». Inserm. 2022. Disponible sur : https://www.inserm.fr/dossier/nanotechnologies/
« Nanotechnologies et médecine : une révolution annoncée ». Techniques Ingénieur. 2010. Disponible sur : https://www.techniques-ingenieur.fr
Matthieu Maury. « Les promesses révolutionnaires des nanotechnologies dans la santé ». L’Usine Nouvelle. 2009. Disponible sur : https://www.usinenouvelle.com/article/les-promesses-revolutionnaires-des-nanotechnologies-dans-la-sante.N114285
Jean-François Boé
Représentant Catalent SAS Limoges