Quelques propos1 extraits d’un entretien entre Madeleine Philippeau, actrice amateure à Bazoges-en-Pareds, et Michel Poupin, accompagné d’Alain Rouhaud

Entretien entre Madeleine Philippeau
Michel Poupin

Le style oral a été conservé
Fait le jeudi 01/03/2018 à l’EHPAD de La Caillère.

Texte

Note de bas de page 2 :

AR : Alain Rouhaud, professeur d'histoire et géographie au collège Saint-Paul de Sainte-Hermine, connaît personnellement Madeleine Philipeau et a par ailleurs étudié l’histoire des activités paroissiales de Bazoges.
MPh : Madeleine Philipeau.
MP : Michel Poupin.
(…) passage inutile à la compréhension.
(???) passage inaudible.
[aide à la compréhension].

Légende2

(…)

MP : Je peux vous demander votre année de naissance ?

MPh : 1927.

MP : Vous étiez toute seule ? Vous aviez des frères et sœurs ?

MPh : Je suis la quatrième sur cinq. Mon père est mort à 55 ans. Ma mère a perdu une fille à 20 ans. D’abord une petite fille pendant l’autre guerre à 4 ans et demi, après ma sœur qui était née avant est morte à 20 ans. Et mon frère a été tué par les Allemands.

AR : Dans le maquis. Il avait rejoint un maquis dans la Vienne.

MP : Que faisaient vos parents ?

MPh : Mon père était tailleur de pierre et maman, dans le moment, faisait couturière comme beaucoup de gens autrefois. Elle a dû connaître papa quand elle a fait son apprentissage à Bazoges.

MP : Donc, c’était sa profession.

MPh : Ensuite, elle a pris une épicerie quand mon père est mort. Elle était originaire de Saint-Mars-des-Prés, près de Chantonnay et lui était natif de Bazoges.

MP : Vous êtes allée à l’école à…

MPh : … Bazoges. J’ai pas fait d’études secondaires. Je me suis arrêtée au Certificat d’Études à 13 ans.

MP : Vous avez été en apprentissage ?

MPh : Non ! Ma maman m’a gardée au magasin. Parce que au moment où j’ai arrêté, il y avait la guerre. Et puis il y avait beaucoup de tickets de rationnement. « Tu t’occuperas de ça ! Moi, je ferai ma couture ».

MP : Donc, vous êtes devenue épicière comme ça.

MPh : Comme ça.

MP : Et vous êtes restée épicière toute votre vie ?

MPh : Toute ma vie ! Toujours dans le bourg, quartier de la Croix puis dans le bas-bourg à partir de 1946.

AR : Jusqu’en 1991. (…)

MP : Donc vous êtes allé à l’école catholique.

MPh : Catholique. Chez les sœurs de Mormaison.

MP : Et le théâtre, vous l’avez commencé à quel âge, alors ?

MPH : On faisait déjà du théâtre avec la bonne mère, comme on disait autrefois.

AR : A l’école.

MP : Seulement à l’école, ou bien il y avait déjà du théâtre dans la paroisse ?

MPH : Ah, il y en avait déjà, parce que les Thomas jouaient déjà avec René Philippeau, les frères Chataigner, épatants, et toute l’équipe.

MP : A votre avis, ça a commencé quand le théâtre dans la paroisse ? Que vous avez connu…

MPh : Ça a dû commencer après la guerre.

AR : Ça, vous n’en êtes pas sûr, Madeleine ?

MPh : Non.

Note de bas de page 3 :

De deux ans.

AR : Et Paulette Pouponneau, qui est un peu votre aînée3

MPh : Elle a joué aussi, mais avec la bonne mère, elle, avec l’école.

AR : Et ça, c’était avant la guerre ou après ?

MPh : Ah ! tu m’en demandes de trop.

AR : Vous, vous aviez 12 ans quand la guerre a éclaté. Paulette avait 14. Est-ce qu’à 14 ans, on faisait du théâtre ?

MPh : Oh oui…

MP : Mais dans un cadre scolaire.

MPh : Voilà.

AR : Que des filles ?

MPh : Bien sûr [rires].

MP : Et chez les garçons, il y avait du théâtre aussi ?

MPh : Non.

AR : Vous avez parlé des Thomas et de René Philippeau… ?

MPh : Quand André Thomas arrivait devant un rideau tout le monde se mettait à rire… Il n’avait rien dit et tout le monde se mettait à rire !

AR : Ça, c’était l’acteur du village…

MP : Vers quelle année… ?

AR : Les frères Thomas sont nés dans les années 20.

MPh : Comme mon frère Albert qui est né en 21.

AR : Moi, je pense que les garçons allaient au service militaire à cette époque-là, à vingt-ans. Donc ces jeunes-là faisaient du Théâtre avant leur service militaire ?

MPh : Après, après… Pierre, André et Louis Thomas (des voisins), tous les trois ont fait du théâtre.

MP : Alors, vous, vous avez commencé quand à jouer ?

MPh : Bonne question ! Je m’en rappelle pas.

AR : Quel âge vous aviez ?

MPh : Alors, maman est décédée en 64. Je jouais avant.

MP : Vous connaissez encore des gens qui jouaient avec vous ?

Note de bas de page 4 :

Cf. l’entretien de l’après-midi avec Marthe...

MPh : Mamate [Marie-Marthe Ferchaud], ta mère, ton père [Jeanne-Marie Raingeaud et Émile Rouhaud]4

AR : Mais… une génération un peu plus… qui a quinze ans de différence, ça compte… Mais les gens de votre âge, des années 25, qui jouait au théâtre.

MPh : Il doit pas en rester beaucoup.

AR : Même s’ils sont décédés, qui ?

MPh : (8 :49) François Patarin, Paul Portrait, André Blaizeau (né en 23).

AR : Alors André, c’était quoi son rôle dans les pièces de théâtre ?

MPh : Le principal homme [acteur].

AR : Que faisait-il ?

MPh : Je me rappelle, on a joué « J’y suis, j’y reste ». C’était le principal, avec Mamate, l’acteur principal.

AR : C’est pas lui qui organisait…

MPh : … Ah non, c’était André Blaizeau.

MP : Mais quelle était la part du curé dans cette affaire ?

MPH : Il ne venait jamais, on s’en occupait pas du curé. Le curé voyait rien là-dedans.

MP : Au Gué de Velluire, le théâtre servait à payer l’instituteur.

MPh : Ah ben, pas nous…

AR : A quoi servait l’argent ?

MPh : Je l’ai jamais su.

MP : C’était quand même une organisation paroissiale ?

MPh : Oui.

MP : Donc l’argent allait à la paroisse.

MPh : Peut-être. Je peux pas vous le dire.

AR : Est-ce que vous savez qui choisissait les pièces ?

MPh : André.

MP : Tout seul ?

MPh : Ça, je le sais pas (…).

MP : C’était le leader, le meneur de groupe.

AR : Il est décédé il y a pas très longtemps, c’était un voisin de mes parents, je le connaissais bien aussi. Ça, c’était une ressource.

MP : Est-ce qu’il a gardé des livrets ?

AR : On peut demander à Jean-Claude et à Gilles… Est-ce qu’André aurait gardé les livrets ?

MPh : Tu les as chez ta mère, les livrets ?

AR : Je ne sais pas si maman a gardé les livrets.

MPh : Mamatte les a gardés. J’en ai aussi !

AR : Ça, c’est quelque chose, Madeleine, qu’il ne faudrait pas jeter.

MPh : Je ne jette rien. (…).

MP : Votre rôle, vous l’appreniez dans le livret ?

MPh : Oui. Chacun avait son livret.

MP : Ça, c’est dans les années 60.

AR : J’y suis, j’y reste, c’est 65-66. (…) C’est la première pièce.

MPh : Y a pas beaucoup de photos [manipulations de photos].

AR : Qu’est-ce que vous aviez comme rôle là-dedans ?

MPh : La sorcière…

AR : C’est vous qui choisissiez les rôles ou pas ?

MPh : Ah non !

MP : Qui choisissait, alors ?

AR : André ?

MPh : ? ? ?

AR : Maquillée ? Qui vous maquillait ?

MPh : Lucette Garnier.

AR : Ah, la coiffeuse.

MPh : … qui nous suivait partout, partout.

AR : Aux répétitions aussi ?

MPh : Ah non ! Quand on allait jouer à l’extérieur de Bazoges, un petit peu.

MP : Et vous alliez loin, comme ça ?

AR : Saint-Vincent-Sterlanges c’est à 15 km.

MP : Et il y en a d’autres qui venaient jouer chez vous ?

MPh : Je ne vois pas.

MP : Qui faisait les décors ?

MPh : Michel Calandreau

AR : Déjà à votre époque ? (…) C’est le peintre (actuellement à la retraite).

MP : Il faisait tout ?

MPh : Il était tout seul. (…)

MPh : A la fin, on empruntait les accessoires à Chantonnay… on louait.

MP : Donc vous payiez un peu.

MPh : Ça, je n’en sais rien du tout. Je ne sais pas pourquoi… On n’osait peut-être pas le demander.

AR : Mais vous faisiez payer les entrées, quand même ?

MPh : Ah, ben ouais.

MP : Combien ?

MPh : Ah, ben ça, je pourrais pas vous le dire. (…)

MP : Et vous, qu’est-ce qui vous a motivé pour jouer ?

MPh : Parce que ça me plaisait !

MP : Vous avez essayé, et puis vous avez continué ?

MPh : Voilà !

AR : Quelle est la première pièce que vous avez jouée, Madeleine ? Parce qu’il y a un souvenir sur ces pièces jouées en 65-66. Mais entre la Guerre et 67, il y a quand même 20 ans ! (…)

MPh : ? ? ?

MP : En tant que jeune adulte, vous ne vous souvenez pas avoir vu des pièces jouées par la troupe paroissiale, avant de jouer vous-même ?

MPh : Je m’en souviens parce que la bonne Mère était là, mais je ne vous dirai pas quoi.

AR : Quand vous dites, la bonne Mère, là, c’est dans le cadre scolaire. ( ? ? ?) Elle faisait faire du théâtre ?

MPh : On allait aux répétitions dans le froid. C’était pas chauffé.

AR : Où étaient faites les répétitions ?

MPh : Au patronage.

MP : Mais là, c’était dans le cadre scolaire. Mais entre le cadre scolaire et 1964, il y a 20 ans au moins. Le théâtre existait…

MPh : Je ne sais pas quand ça a commencé… Ce dont je me souviens, c’est que Marie (sa femme) rouspétait tout le temps… tout le temps ! Il aurait fait davantage !

AR : Oui, elle le retenait. Ça ne me surprend pas, ce que vous me dites… (…) Marie retenait André par rapport au théâtre. Il se serait engagé davantage.

MP : Et vous, vous jouiez quel type de rôle ? Marquise, sorcière… et après ?

AR : Qu’est-ce qui vous plaisait dans le théâtre ?

MPh : Je ne sais pas [rires]…

AR : Monter sur scène… ?

MPh : En tous les cas, ça ne me fait rien du tout de paraître sur scène !

AR : Pas de trac ?

MPh : Non !

MP : C’était toujours les mêmes qui jouaient ? Il y avait beaucoup d’acteurs ou très peu ?

MPh : Ceux qui sont là, et puis c’est tout.

MP : Une dizaine, en tout, alors ?

MPh : Oh oui ! Ça dépendait des pièces.

MP : C’était une petite équipe soudée ?

MPh : Je me rappelle de ta mère [Jeanne-Marie Raingeaud] elle passait me prendre.

AR : Et vous alliez répéter où ?

MPh : Au patronage.

MP : Il y avait une grande salle, alors… (…)

AR : Aujourd’hui, cette grande maison a été rachetée et elle est privée (…) A quelle époque de l’année vous faisiez les représentations ?

MPh : C’était toujours l’hiver.

AR : C’était long, les répétitions ?

MPh : au moins deux heures…

AR : … la représentation.

MP : C’était une fois par semaine… ?

MPh : Je m’en rappelle pas.

MP : Est-ce qu’il y avait un souffleur ?

MPh : Oui !... Jeannette… il me semble.

AR : C’était des pièces pour rire ou… ?

MPh : Pas pour rire. (…) On n’a jamais joué les Misérables.

MP : Les mystères de Paris ? Monte Cristo ?

Note de bas de page 5 :

A une quinzaine de kilomètres de Bazoges.

MPh : Non plus. Ça s’est joué à Antigny5.

AR : Vous alliez au théâtre à Antigny ?

MPh : J’y suis allée une fois.

MP : Au début ou tardivement ?

MPh : Oh, pas tardivement. (…)

MP : Est-ce qu’il y avait d’autres distractions, loisirs…

MPh : Pas beaucoup. Il y avait des bals de temps en temps. Nous, on n’avait pas le droit d’y aller. (…)

MP : Qui y allait alors ?

MPh : Toute la population autrement.

MP : Il y avait une école laïque aussi ?

MPh : Aussi ! Garçons et filles.

AR : Il y avait 5 écoles à Bazoges…

MP : C’était moitié-moitié comme répartition ?

MPh : Oh non. Y avait pas beaucoup d’élèves dans le public.

AR : Aujourd’hui, c’est à peu près équivalent. Plutôt 4/5 privé, 1/5 public à l’époque.

MP : Vous jouiez combien de fois dans l’année ?

MPh : Au moins trois fois.

MP : Et il y avait beaucoup de monde dans la salle paroissiale ? (…)

AR : Entre 150 et 200 personnes ?

MPh : Peut-être. (…)

MP : Et les costumes ?

MPh : On les cherchait chez les gens.

MP : Il y en a qui les fabriquait, aussi ?

MPh : Oh non, non…

MP : Donc, c’était un échange de services…

MPh : Entre nous.

AR : Vous ne répétiez pas habillée ?

MPh : Non.

AR : Est-ce qu’il y avait une répétition générale ?

MPh : Ah oui.

AR : Devant qui ?

MPh : Pas beaucoup de personnes. (…) Jamais on a eu le curé.

AR : Aux répétitions non plus ?

MPh : Non plus.

MP : C’était toujours le même curé ?

MPh : Ah non.

Note de bas de page 6 :

Que j’ai eu comme directeur du petit séminaire de la Flocellière de 1960 à 1964.

MP : Ah, mais c’était Poyer6 ? (…).

AR : Poyer serait arrivé en 1970 (jusqu’en 90 environ). Avant, il y a eu Biteau. Il s’occupait du théâtre ?

MPh : Non. Il ne venait pas à la Générale non plus. (…)

MP : André Blaizeau était un proche du curé ?

MPh : Oh non.

AR : Il pratiquait. (…)

MP : Donc l’Église n’a pas vraiment influé, alors qu’on est en plein bocage… ?

MPh : Quand on a joué, il y en avait qui n’étaient pas très contents… les vrais pratiquants, comme chez Baudry, à la Touche…

AR : Ah oui ? Mais pourquoi ?

MPh : Parce que la pièce était trop évoluée.

AR : Pour certains Bazogeais, les pièces étaient trop audacieuses…

Note de bas de page 7 :

Car le théâtre – non paroissial - a repris avec une nouvelle équipe.

MPh : Plutôt celles d’aujourd’hui7… pas celles d’autrefois.

MP : Donc il n’y a pas eu de problèmes autrefois car les pièces choisies étaient…

MPh : … convenables. Pour une minorité (…).

AR : A Sigournais, il y avait une troupe importante aussi. Il reste des gens qu’on pourrait interroger. (…) Il y a des jeunes qui ont été passionnés par le théâtre des plus anciens. Et à Bazoges aussi… Mais ils ne jouent pas dans un cadre communal ou paroissial. Ils sont indépendants. Je ne sais pas à qui sont reversés les bénéfices. Pour des œuvres.

Et à Bazoges, vous ne saviez pas où allait l’argent ?

MPh : Ah non.

AR : Est-ce que vous voyiez l’instituteur privé ? Il jouait ?

MPh : Non. (…)

[Notes :

Note de bas de page 8 :

Luçon, 1935.

  • AR a des photos des années 37-38 : il y avait déjà une troupe. Archives paroissiales à Mouilleron (…)

  • Dans le Mes essais d’imprimerie et de gravure sur bois ou mes mémoire du Chanoine J. Thibaud8, on voit que le dimanche 9 août 1891 a été joué dans un cadre scolaire (école Saint-Joseph) le vaudeville en un acte : Le dîner de Pantalon après une ouverture de la séance par la fanfare. Et le dimanche 7 août 1892, à côté de Bazoges, à l’école catholique de la Jaudonnière : Octavie ou la petite sauteuse, drames en 4 actes.] (…)

AR : Quand est-ce que vous avez arrêté, vous ?

MPh : Je sais pas.

MP : Vous avez arrêtée, parce que c’est la troupe qui a arrêté ?

MPh : Oui, je crois. André Blézeau a fini par céder à sa femme… Elle en avait marre ! (…)

MP : Est-ce que vous regardiez des pièces de théâtre à la télé ?

MPh : Ah, ça oui. Parce que j’aimais beaucoup mieux voir un théâtre qu’un cinéma.

AR : Il y avait un cinéma à Bazoges ?

MPh : Pendant un temps. C’est un abbé qui organisait les séances de cinéma.

AR : Un vicaire ?

MPh : Oui.

AR : Où c’était ?

MPh : Au patronage.

Note de bas de page 9 :

1945-55 environ.

AR : C’est documenté. C’est le curé Hilleriteau9 qui a acheté l’appareil de projection à un ancien député, juste après la guerre. En revanche, je ne sais pas quel vicaire a organisé les séances (…). Il y avait des théâtres à la Jaudonnière, 1963-64-65…

MPh : J’y suis allé une fois, avec Guy Frotin. ( ?)

[Examen de photos]

MP : Quel était le public qui assistait à ces représentations ? Il y avait une séparation catholiques-laïcs ?

MPh : Je ne crois pas.

AR : Est-ce que les instituteurs laïcs venaient au théâtre…

MPh : Je ne crois pas.