Souvenirs de Théâtre à La FLOCELLIÈRE

Émile COUTAND

Sommaire

Texte

Avertissement à nos lecteurs :

Ce récit comprend quelques souvenirs à caractère familial que la Rédaction a laissés dans leur intégralité ne souhaitant pas intervenir dans le texte que les enfants de l’auteur ont bien voulu nous reporter.

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Souvenirs de théâtre (1930 à 1937)

Le théâtre existait à La Flocellière bien avant mon arrivée en septembre 1930 ; et la troupe avait un certain renom, même hors de la commune.

Des quelques échos recueillis au cours des répétitions de la bouche des anciens, j’ai retenu :

  • que des représentations étaient données bien avant la guerre 1914-1918 ;

  • que les lieux de spectacle varièrent : une grange (à BROSSEAU ?) ; la cour de l’école des filles, et, enfin, après sa construction en 1910, à l’école privée des garçons. Là, le vestiaire, muni d’un parquet surélevé, était converti en scène et les 3 salles de classe, privées des cloisons amovibles, recevaient les spectateurs, le matériel scolaire étant stocké sous le préau.

En 1927, sur un terrain donné par la famille Pierre GERMAIN, une belle salle (pour l’époque) était bâtie, contiguë à la maison d’école, au préau et au vestiaire. La scène était vaste et profita assez tôt de l’arrivée de l’électricité. Le rideau, brossé par le père Auguste GERMAIN (dit Bacchus) représentait, en vue cavalière, l’église, le château, les 2 chapelles de Lorette et de Carmel.

La salle fut étrennée avec " Frères et martyrs ", un drame relatant la vie et le martyre des deux saints nantais : Donatien et Rogatien. Et les spectacles se succédèrent, les plus célèbres étant " La cloche des brouillards " et " L’heure de Dieu ".

La saison 1930-1931, comme les précédentes, comprit un drame " L’ermite du Sahara " (La mort du Père de Foucauld, interprété par M. Lucien SOULARD, mon directeur) et une comédie " La chambre n° 13 ", le tout coupé d’intermèdes chantés qui illustrèrent les deux chantres locaux, les frères Joseph (dit José) et Auguste (dit P’tit bounhomme) SOURISSEAU, et aussi Armand GUILMINEAU : le Bouif.

Je fis là mes débuts sur la scène de la Flocellière, avec un trac certain, interprétant Ebeh, le chef des Senoussis, assassins du Père de Foucauld. Ma peur n’était rien à côté de celles de mes 3 grands touaregs : debout, au fond de la scène, leurs gandouras étaient si agitées qu’elles animaient la toile de fond, confirmant ainsi la phrase qui terminait le 2ème acte : " Le vent s’élève dans la plaine ".

Si le drame fut très applaudi, la comédie fut peut-être le plus grand succès du " Bouif " qui jouait là le rôle d’un paysan auvergnat un peu simplet, égaré dans un hôtel parisien. Son physique, accentué encore par ses costumes (une peau de bique notamment), ses accessoires (un seau hygiénique), provoquait les rires avant même qu’il ait prononcé une parole, et il lui arrivait d’en rajouter un peu. Certain jour, alors que, surpris, il devait s’enfuir, il s’emmêla les jambes et s’étala la face contre terre tandis que son seau hygiénique roulait vers la cage du souffleur. Le plus amusant fut qu’à la sortie des spectateurs le félicitèrent de tomber aussi naturellement ; Bouif se garda bien de leur montrer son coude droit, tout ensanglanté à la suite de cette chute bien imprévue.

Mais, pour cette saison, les acteurs les plus à plaindre furent, sans conteste, Jules MARQUIS (le serviteur du Père de Foucauld) et Joseph OGER (Bibichon, dans la comédie), qui jouaient des noirs. Pour leur colorer le visage, on essaya d’abord des bouchons de liège brûlés, mais, pour un résultat médiocre, la couleur tenait beaucoup. Quelqu’un suggéra alors d’enduire la face de vaseline et d’y étaler ensuite du cirage. L’effet était " bœuf ", mais peu à peu la vaseline fondait entraînant le cirage, et, pour se dégrimer, nos pauvres garçons durent, par endroits, enlever la peau pour supprimer la couleur.

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Avec " L’honneur militaire " qui faisait revivre la sombre histoire des " fiches "dont le maire - M. le Marquis de Hillerin - avait été une malheureuse victime, la saison suivante connut un véritable " four ".

Mais, pour compenser, le groupe de Jeunesse Catholique eut alors l’idée d’organiser une séance pour célébrer la fête du vicaire, M. l’Abbé Léon GUIBERT. On joua donc en avril une pièce paysanne en 3 actes " La pente fatale " et une comédie " Pauvre Pandore " qui se déroulait en un décor naturel, une haie de genêts (lesquels venaient directement des coteaux de la Redonnière). Le spectacle ayant été un succès (grâce à M. Lucien SOULARD qui avait accepté de diriger les jeunes), les deux saisons suivantes furent assurées par eux, avec " Le Prisonnier de Myolans " et " Le Pirate de la Baltique ".

A cette époque, pour augmenter les recettes destinées à la Caisse des Ecoles, était organisée, au cours de la représentation, une tombola dont les lots étaient fournis par les paroissiens. Pour aguicher les clients et avoir des dons plus nombreux, il fut décidé, un certain jour, que les acteurs eux-mêmes, divisés en petits groupes, iraient quêter, le dimanche matin, de village en village. Après la première messe, nos équipes partirent donc en campagne. J’eus ainsi l’occasion de connaître les villages entre la Sagesse et la Sauvagerie. Mais, cette expérience fut de courte durée. Et pour cause : la représentation était commencée depuis longtemps et les derniers collecteurs n’arrivèrent qu’à l’entracte ; parmi eux, notamment, le célèbre Louis JADAUD qui était un des acteurs principaux de la comédie militaire interprétée cette année-là ; on avait eu chaud.

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Pour " Gosse de misère ", deux anciens : Félix GUICHETEAU et René GERMAIN reprirent du service. Un an plus tard, M. Lucien SOULARD revenait aussi.

Et les saisons se succédèrent, " 2019 au Maroni ", " L’honnête homme ", " Drame du Nord-Express ".

Avec l’arrivée de l’Abbé ROY, on se lança dans une grande entreprise "Le Courrier de Lyon".

Ce n’était pas rien. D’abord, il fallait modifier le texte pour transformer les rôles féminins en rôles masculins - les troupes mixtes étant interdites dans les patronages - et, bien avant Robert HOSSEIN à la télévision, nous avions changé la fin pour que "notre justice " soit respectée et que le malheureux LESURQUES soit acquitté. Les décors étaient nombreux. Si bien que la pièce connut un vrai succès, malgré quelques anicroches. Ainsi, à l’attaque de la diligence (qui n’était autre que la charrette à bras de M. Lucien, habillée d’une toile), postillon et cocher étaient tombés avant les coups de feu, et le père Edmond DENIAU perdait à la fois la boule - pommeau d’argent - clé de l’accusation, qu’il n’arrivait pas à sortir de sa poche "à migaillère" …et la mémoire.

Durant toute cette période, le Bouif connut ses plus grands succès, dans la comédie et les intermèdes. Il lui arriva aussi quelques sornettes, sans conséquence, grâce à son à-propos. Ainsi, dans " Pauvre Pandore ", il devait se déguiser en gendarme ; mais, au beau milieu de la scène, il s’aperçut qu’il lui manquait les bottes. Alors, de crier : " Ah ! zut, j’ai oublié les bottes ", et il partit bien vite les quérir en coulisse. Jouant " Le marquis de la Grenouillère ", il poursuivait avec un gourdin Henri GIRAUDEAU (fils), dit Dadeau ; il le fit avec tant d’ardeur qu’il asséna un coup magistral sur un talon de Dadeau qui partit en hurlant de douleur. Bouif, d’ordinaire très flegmatique, fut tellement surpris qu’un énorme éclat de rire le secoua, et, ne pouvant rien dire, il sortit s’asseoir sur les marches séparant la scène du vestiaire, et, resta là, quelques minutes, les larmes aux yeux et se tenant le ventre.

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" Le fiancé d’Eglantine " joué en 1937 fut un triomphe, grâce à M. Lucien qui incarnait un amoureux poétique, à Bouif, serviteur gaffeur à souhait et aussi à deux travestis : deux acteurs jouant des rôles de femmes : Eglantine : Henri HUFFETEAU et Mélanie, la cuisinière : Joseph RAMBAUD. Bien avant, un essai de travesti avait eu lieu, mais pour une chanson mimée " La noce à Marie " et nous avait valu une jolie mariée : Joseph ROUSSEAU.

En dehors des saisons ordinaires, les jeunes avaient joué une pièce " Le remplaçant ", dont les recettes bénéficiaires devaient être versées au R. P. TESSIER, missionnaire en Chine. Un avion, en maquette, œuvre de Gabriel PASCREAU - qui en avait imité le vrombissement avec un bol d’écrémeuse - avait traversé le ciel de la scène et lâché une bombe. Cet engin n’était qu’un gros pétard que l’on laissait choir, dans une ancienne cuve à acétylène qui servait de poubelle à l’école, pour en augmenter le bruit. La mèche allumée, le pétard fut lâché. Hélas, dans la chute, la mèche se détacha du pétard. Gabriel, sans perdre une minute, saisit la bombe, prit son briquet et, en maintenant l’engin la tête en bas, l’amorça. Malheur ! L’explosion fut instantanée et notre zélé artificier se retrouva main et visage tout noirs et tavelés de points rouges et cuisants. Heureusement, les yeux n’avaient rien ! Merci à Joseph RAMBAUD de m’avoir rappelé ces détails.

Avant-guerre, les décors étaient peu nombreux. On utilisait de préférence ceux qui nous appartenaient. Quant aux costumes, ils étaient stockés, dans une garde-robe et des cartons, dans le grenier de la cure. Seuls, les décors et les habits extraordinaires étaient loués à la FAUCHEUX d’Angers.

Quels étaient alors les machinistes ? Je ne m’en souviens pas bien. Seul, le fidèle préposé au rideau, le père Constant CHALLIN, aux moustaches conquérantes, fut vraiment " constant " à ce poste qu’il assura jusqu’à la perte de ses forces.

Les souffleurs étaient gens bien dévoués. Le père Maurice ABERT assura ce service jusqu’à ce qu’une surdité gênante l’oblige à la retraite. Pendant l’entracte, il arrivait que de la cage sortît une fumée volcanique à l’âcre odeur de tabac ; et, parfois, tellement pris par le spectacle, notre brave souffleur en oubliait de tourner les pages, et … tant pis pour qui avait perdu le fil ! Pierre GIRARDEAU aida la mémoire des jeunes pendant quelques saisons ; il roulait des yeux furibonds aux trébuchants et élevait à la voix le ton et le torse. Le père Edmond DENIAU assura aussi la fonction ; mais, mieux valait éviter de le regarder, car, malgré l’étroitesse du lieu, il joignait le geste à la parole, d’une manière suggestive.

Les hommes n’eurent pas seuls le monopole de la scène. Les jeunes filles, exercées par le Curé SOULARD, représentèrent avec succès un drame romain " Fabiola " que suivait une comédie désopilante " Ma petite tante chérie ".

Enfin, chaque année, pour la distribution des prix, filles et garçons s’exerçaient, avec plus au moins d’audace, à l’art scénique. M’est resté dans la mémoire, un certain " Fantôme du joli moulin ", comédie mêlée de chants et de danses, pour laquelle nous avions construit un grand moulin aux ailes mouvantes. Certains élèves de cette époque s’en souviennent-ils encore ? N’est-ce pas Pierre GERMAIN, le bon fantôme !

Rappelons aussi que les séminaristes de la Flocellière, nombreux alors, s’étaient regroupés dans " l’académie lyrique du Moulin aux Chats " sous la direction du futur chanoine Joseph GABORIT et, à plusieurs reprises au cours de leurs vacances, affrontèrent la scène avec talent et succès et purent ainsi aider leurs parents à l’achat des livres dont ils avaient besoin. Parmi leurs représentations, je me souviens de " La meilleure part " et " L’as aviateur ".

Rendons hommage aux demoiselles Juliette et Gabrielle SEVIN qui, durant toute cette époque, assumèrent le long et fastidieux travail de la copie des rôles.

De 1937 à 1946

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Sur cette période, je n’ai que peu de souvenirs. Nommé en juin 1937 Directeur de l’école du Gué-de-Velluire, je fus entraîné loin de la Flocellière.

Pourtant, je pus assister à la première séance suivant mon départ avec " Le Bâillon ". Et j’ai su qu’ensuite ont été joués " Les Pauvres de Paris " et " Le Pater des Vendéens ".

La guerre 1939-1945 dispersa acteurs et machinistes dont un bon nombre partit pour les stalags.

Pour envoyer des colis aux prisonniers, des séances de variétés furent organisées. Je crois avoir entendu parler du drame " Sacerdoce ".

Les jeunes filles ont remplacé les hommes et se sont distinguées dans " Les Miroual ", drame breton que j’ai pu voir, et " Pauvre Reine ".

Enfin, après la Libération, la troupe a repris ses activités avec " Rouget le Braconnier " et " Une cause célèbre ".

La saison 1946-1947

A mon avis, avec 3 spectacles, ce fut la saison la plus chargée de notre épopée théâtrale.

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En novembre, la troupe représente " l’Ouragan ", comédie policière en 3 actes et un seul décor. Sollicité par les anciens amis de la J.A.C., je reprends du service. La pièce, à la trame alerte et imprévue, plait. Mais, que me reste-t-il surtout en mémoire ? Deux faits surtout.

Au dernier acte, au milieu de rebondissements très rapides, le traître (que je joue) réussit à s’emparer d’un revolver, en menace ses adversaires, appuie sur la détente, puis, dépité de voir que l’arme ne part pas, la jette à terre. Combien de fois la scène a-t-elle été répétée ? En combien de mains, l’arme qui nous a été prêtée, est-elle passée ? A la répétition générale, une fois de plus, je saisis l’arme et la jette à terre. Sous le choc, plus violent peut-être, de l’intérieur sort un chargeur avec 8 balles réelles. Emoi de tous les assistants ! L’arme devait être enrayée, mais que se serait-il passé, si jamais la détente s’était débloquée auparavant ? J’en frémis encore. De ce jour, je n’ai jamais utilisé sur un théâtre une véritable arme à feu.

" L’Ouragan " - et je pense que c’est la seule fois que la troupe est allée en représentation à l’extérieur - devait être joué à Saint-Mars-la-Réorthe. Tout se passe à peu près bien ; mais voilà qu’au 3ème acte, dans la longue tirade où le traître se démasque, la mémoire me fuit. Silence total dans la salle. Je me sens honteux … Heureusement, nous sommes tout près de l’église, et l’horloge, à la mémoire fidèle, égrène en ce moment les coups de onze heures. Alors, je bénis le ciel. Heure coïncidence ! Mon rôle consiste à dire : " Minuit ! minuit, l’heure du crime ! " et la suite vient tout naturellement !

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Avec " Michel Strogoff ", joué pour la 1ère fois le 31 décembre, s’ouvre une nouvelle ère théâtrale : celle des grands spectacles avec nombreux décors et changements à vue. La Flocellière va se donner un renom qui ne fera que grandir dans la région et au-delà.

A l’origine de cette transformation, Auguste RAMPILLON " Dudute ". Durant sa captivité, il s’était trouvé à monter des spectacles dans son stalag et nous apporta le bénéfice de son expérience.

L’œuvre à représenter, qui comprenait de nombreux tableaux, était découpée en 2 ou 3 parties. Pour chacune d’elles, et sous les conseils de " Dudute ", les machinistes installaient les décors en commençant par les derniers. Les coulisses se plaçaient les unes devant les autres et les toiles de fond, là où devait se finir la scène utilisée. Si bien que le tableau achevé, on enlevait les coulisses du décor, on relevait la toile de fond puis abaissait la suivante, et le tableau à venir était prêt. Cela se faisait toutes lumières éteintes et dans un temps très court.

Evidemment, pour effectuer ce travail avec précision et rapidité, les machinistes durent répéter de nombreuses fois. Ensuite, il fallut coordonner les efforts des machinistes avec ceux des acteurs. La dernière semaine avant la première représentation, les répétitions se prolongeaient, et toutes se terminaient si tard que souvent " le combat cessait faute de combattants " ! En effet, nos hommes machinistes ou acteurs, mais aussi travailleurs du lendemain, voulaient se ménager un temps de repos convenable. Le dernier soir, à la répétition générale, la lassitude était telle qu’à minuit et demie, au moment de répéter le 16ème et dernier tableau, seuls restaient en scène quelques irréductibles qui, finalement, découragés, abandonnèrent, tout en disant au vicaire d’alors - l’abbé POIRIER - COUTANSAIS - qui était de service à la première messe : " Tout à l’heure, dans votre messe, dites une bonne prière pour que ça se passe bien ".

Les prières du pieux vicaire furent, dans l’ensemble, exaucées, mais elles ne purent empêcher au dernier tableau l’estafette de service de crier au Grand - Duc : " Altesse ! Altesse ! un courrier du star " (au lieu du Tsar). Peu de spectateurs s’en rendirent compte, mais les acteurs en scène durent faire effort pour éviter le fou rire.

Malgré tous les efforts des machinistes, quelques incidents se produisirent. Le haut de la scène était coupé par une grosse poutre située à 2,20 m du plancher ; or, les panneaux de coulisses mesuraient 2,50 m. Au cours d’un changement, dans le fond musical assez bruyant, on entend la voix de Jean SEVIN : " Dudute, Dudute, j’ai heurté la poutre avec mon panneau, et il s’est coupé en deux ! " La réponse fuse aussitôt : " Tiens bon ! j’arrive ". Et, durant tout le tableau, le brave Jean, monté sur un tabouret fourni par Dudute, maintient à bout de bras le haut de la coulisse qui menace de s’effondrer.

A une autre séance, Paul BOSSOREIL, le grand artificier, avait bien installé, derrière la toile de fond, tout son arsenal : pétards, bouchons, crapauds. Aux premières escarmouches, un gros pétard (coup de canon) fit sursauter les spectateurs, suivi de coups de feu (bouchons et crapauds). Surprise ! Peu après, c’est une canonnade et une fusillade soutenues, dans une fumée intense : impossibilité aux acteurs de prononcer une parole alors que le calme était supposé rétabli. Que s’était-il passé ? Un crapaud (en sautant) avait pénétré dans la soute aux munitions placée un peu plus loin et avait provoqué les explosions. Malheureusement, un peu plus tard, lors de l’attaque d’Irkousk, un acteur s’écria : " La bataille fait rage !" dans un silence absolu … et pour cause.

Dans un des tableaux, le journaliste anglais (que je représentais) arrivait monté sur un âne (prêté bien aimablement par M. de TINGUY DU POUËT). La mise en scène voulait que le brave animal … et son cavalier … fissent un tour de scène avant de s’arrêter face au public. Généralement, l’action se déroulait normalement, mais, une fois au moins, Maître Aliboron, voulant justifier sa réputation d’entêté, resta quelques instants la queue vers la salle et il fallut attendre son bon vouloir pour que je puisse continuer mon rôle : l’âne avait joué au maître.

Les deux rôles féminins de " Michel Strogoff " étaient interprétés par des hommes : l’émouvante Marfa, mère de Michel, par Joseph RAMBAUD et la blonde Nadia, la fiancée de Michel, par Jean MORINIÈRE. Cependant, et pour la 1ère fois, quelques jeunes filles parurent sur scène au milieu des hommes, deux comme figurantes et les autres comme ballerines.

En effet, autre innovation : les ballets. La présentation du spectacle était un ballet, exécuté par 4 soldats, sur l’air de " Cavalerie légère ", et, cela, sur l’avant-scène. L’arrivée de Féofar Khan, le chef tartare, était accompagnée par une danse de 4 jeunes garçons (air des " Indes Galantes " que j’avais eu l’outrecuidance d’exercer moi-même, non sans peine d’ailleurs, l’un des exécutants prenant toujours un temps de retard. Enfin, les jeunes filles, dirigées par Madeleine SEVIN (qu’un petit garçon dénommait la " danseuse aux étoiles "), donnaient un superbe ballet russe.

La musique accompagnait non seulement les ballets mais aussi les changements de décors. Le son, légèrement monté et dirigé vers la salle, étouffait les échanges de voix des machinistes mais ne réussissait pas à convaincre tous les spectateurs ; certains, sceptiques sur l’habileté de nos machinistes, pensaient qu’ils ne travaillaient que derrière le rideau fermé et éclairés ; pour s’en assurer, ils avaient apporté des piles électriques avec lesquelles ils lançaient des éclairs vers la scène, mais étaient très vite rabroués par des hurlements venus du théâtre.

Petit à-côté : quelle puissance peut avoir le spectacle sur l’imagination des jeunes enfants ! Quelques jours après la dernière représentation, en rentrant à la maison, ma femme et moi, nous sommes transis. Au milieu de la cuisine, notre garçon Jean-Marie, 5 ans et demi, brandit un énorme couteau au-dessus de sa sœur Geneviève en lui criant comme Ogareff à Michel Strogoff : " Oh ! Comme je vais bien te tuer ! "

Pour terminer la saison, vers Pâques, nous jouons " Le chiffonnier de Paris ". L’œuvre ne me plaisait qu’à demi, mais la réputation de la troupe était déjà faite et les spectateurs vinrent nombreux. Malheureusement, certain soir, l’acteur principal se présenta, atteint d’une maladie " très passagère " qui lui interdisait de paraître en scène. Il fallut donc (devoir bien pénible … et ce n’était pas à qui le remplirait !) renvoyer les spectateurs après les avoir remboursés (… et la salle était pleine !)

Heureusement, peu de gens en gardèrent le souvenir, et le " Châtelet vendéen " comme on l’appellerait plus tard, venait de prendre son essor.

De 1948 à 1959

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En 1948, la troupe joue " Les aventures du Capitaine Corcoran ". La pièce entraîne les spectateurs en France, en Inde et donne l’occasion de nombreux tableaux aux décors somptueux, et nos machinistes, malgré de nombreux problèmes, sont rompus aux changements à vu. Les spectateurs sont nombreux et enthousiastes. Le cirque Pinder fait notamment un tabac avec son orchestre : accordéon : Docteur BIZOT ; cornet et alto : Auguste et Baptiste RONDARD ; les clowns Acajou (le noir : Jules MARQUIS) et Kerdorec (J. RAMBAUD), Minimum et Maximum (R. DOUX et J.-M. DIXNEUF). Pour moi qui joue le traître, un seul ennui : à la fin, démasqué, je dois me suicider. Malheureusement, le revolver à bouchon a un raté. Que faire ? J’ai une dague à ma ceinture et me poignarde.

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En avril, nous interprétons " Les Pirates de la savane " dont l’histoire se passe en Amérique et oppose un groupe de gangsters à une pauvre mère qui voyage par là. A un certain tableau, pour échapper à leurs poursuivants, les " bons " plongeaient dans une rivière et, pour disparaître, ils se jetaient par une trappe sur un matelas placé sur la terre battue du sous-sol de la scène. Mais, un soir, pour quelle raison ? je ne sais, les deux pourchassés - Jules MARQUIS et Maurice CAILLAUD - sont ressortis avec des plaies au visage et aux bras. Le moment le plus dramatique était, sans conteste, le tableau où la petite fille (Madeleine SERIN), couchée dans un hamac, était attaquée par un gros serpent juché dans l’arbre au-dessus. Cette bête était l’œuvre de Joseph BABARIT et il la manoeuvrait avec une admirable adresse. Le soir où il l’avait apporté au théâtre, il était passé par la maison, avait frappé et, quand Germaine - mon épouse - qui fricassait des crêpes sur le réchaud à gaz près de la porte, eut ouverte cette dernière, elle aperçut la tête du serpent qui tirant la langue, s’avançait vers elle. Elle eut si peur qu’elle en lâcha la poêle. Elle ne fut pas la seule à avoir peur. Certain dimanche, alors que le serpent manœuvré par son créateur, se dandinait dans l’arbre au-dessus de l’enfant, une jeune fille du Boupère eut si peur qu’elle s’évanouit. Pourtant, quelques minutes plus tard, le fidèle Andrex (Jules MARQUIS) malgré les pleurs ruisselant sur son visage, d’un coup de carabine, tuait l’animal qui tombait inanimé sur une couverture étendue sur le parquet.

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En 1949, " Bouboule " eut les honneurs de la scène. C’était l’histoire du chauffeur de taxi parisien qui part jusqu’en Chine pour y toucher un héritage que beaucoup convoitent ; c’était là l’occasion de splendides décors à travers le monde. Les changements étaient de plus en plus rapides et préparés. C’est ainsi qu’on passait d’une rue de Shangaï, très animée, avec des étals de commerçants, des pousse-pousse, des gamins (T’en souviens-tu, Jean-Marie ?) et même un palanquin avec une mariée, à un café avec sa caissière, ses clients attablés, les serveurs : c’était féerique. Pour finir, on avait construit deux monstres qui engloutissaient les mauvais dont j’étais ; je jouais un chinois, chef de la secte des Dragons noirs, et, à un moment, me déguisais en vieille femme.

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En haut : J.SICOT-R.SOULARD-L.BOSSARD-J.BEAUFRETON. 3ème rang : H.MARQUIS-P.DOUSSAINT-J.MARQUIS-P.GERMAIN-M.BEAUFRETON-P.PERREAUD-J.GERMAIN-M.BARBARIT-M.CAILLAUD-M.SERIN-M.GUICHETEAU-J.PACREAU-G.DENIAUD-E.COUTAND-H.MARQUIS. 2ème rang : Y.DOUSSAINT-C.OGER-M.GUICHETEAU-Y.DENIAUD-M.SEVIN-G.GIRARDEAU-P.GIRARDEAU-C.DETRIGNE-J.BLANCHARD. 1er rang : M. RAMBAUD-G.OGER-P.HUFFETEAU-J.RONDARD-G.COUTANT-M.TEILLET-J.M.COUTAND-D.GODET-F.SOURISSEAU

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L’année suivante, on joua " Les enfants du Capitaine Grant " d’après Jules Verne. Pour ce spectacle, Joseph BABARIT nous avait construit un aigle qui battait des ailes et soulevait dans les airs un mannequin : c’était très bien imité. Et, comme dans toutes ces aventures, on passait du rire aux larmes (comme le souligne si bien Jeannot RAMBAUD, de la Brunière, dans l’Echo do Doué, n° 12, page 17). Mais pour moi, ce n’était pas toujours gai : j’avais un genou qui me faisait mal, et, à un des premiers tableaux, je devais franchir un obstacle pour lequel je dus me reprendre à plusieurs reprises et je me surveillais pour ne pas boiter.

La saison suivante se passa sans théâtre. Les " affaires municipales " étaient à leur maximum et, pris entre deux feux, on préféra s’abstenir. C’est ce moment-là que choisit l’abbé Constant LOIZE AU - poussé, il est vrai par la troupe - pour rénover le théâtre, et cela malgré l’opposition (modérée) de M. Le Curé SOULARD. Et ce fut heureux, car, lorsqu’on voulut démolir les montants qui soutenaient le rideau, ils tombèrent en poussière, les termites ayant rongé tout l’intérieur. Grâce à l’aide de bénévoles, on creusa le sous-sol pour faire une salle sous la scène ; les murs furent surélevés. Une nouvelle scène plus grande fut créée, (on ajouta plus tard une scène tournante). Tout autour de la scène, à 3 m de hauteur, des passerelles longeaient les murs et, une autre, au centre de la scène, la dominait de 8 mètres. Sur l’avant-scène, une plateforme accueillait l’éclairage et la sonorisation, et même " Gaston ", la demie -barrique où machinistes et acteurs pouvaient se désaltérer en buvant le vin " offert " par les récoltants du coin. Une fosse d’orchestre précédait l’avant-scène, et des fauteuils - achetés d’occasion au cinéma de Pouzauges - remplacèrent les bancs et gradins. Un béton en pente recouvrit le sol. Plus tard, on construira, à l’arrière de la scène, une salle de 8 m de profondeur destinée aux décors ; et enfin, à une autre reprise, un hall d’entrée surhaussé d’une salle pour décors et accessoires fut bâti, la façade présentant une niche avec la statue de Notre - Dame de Toutes Joies. Sur le côté gauche (en entrant), une autre grande salle fut montée qui servait de bar pour les spectateurs et de cantine scolaire. Enfin, le vestiaire de l’école fut creusé pour être de niveau avec la scène, et une sortie de secours - demandée par les Services publics - s’ouvrit sous le préau de l’école. Pour chaque séance, les classes étaient réquisitionnées ; la plus proche servait de passage et, à l’occasion, de lieu de dépôt ; la seconde (la mienne) de bar pour les acteurs et machinistes (le vin et les gâteaux étaient venus au prix coûtant) et la dernière servait de vestiaire pour les dames. Le sous-sol de la scène était réservé pour les messieurs et le maquillage.

Pour le chauffage, on avait un énorme poêle qui pouvait consommer toutes sortes de combustibles. Je l’allumais 3 bonnes heures avant le spectacle et on y a brûlé du bois, bien sûr, mais aussi des trognons de choux et surtout de grandes quantités de sciure fournie par la scierie. Le poêle parfois devenait rouge et grillait les spectateurs trop proches, cependant que les plus éloignés devaient attendre que la salle soit remplie pour avoir une bonne chaleur, fournie par l’assistance elle-même. Quant à la scène, elle était glaciale, et, quand le rideau s’ouvrait, les premiers rangs de la foule croyaient recevoir une tornade glaciale.

La troupe prit l’habitude de fêter la dernière séance. On défilait en chantant dans les rues du bourg et les plus raisonnables se contentaient de l’apéritif pris dans un des 3 cafés du patelin : BEAUFRETON, GERMAIN et TOUZÉ, les autres prolongeaient chez l’un, chez l’autre.

En mars 1952, le théâtre étant rénové, les difficultés municipales réglées, la troupe répéta " Les cinq sous de Lavarède ". Des dames faisaient partie de la troupe : Madeleine SEVIN, Mimi DOUX, Marie GERMAIN. A chaque fois, plusieurs ballets étaient donnés par des jeunes filles. Pour la première des " Cinq sous de Lavarède ", le nouveau rideau de velours rouge va être testé : on veut le fermer après chaque tableau pour changer les décors plus à l’aise et plus rapidement. Or, l’effet va à l’inverse ; trop sûr, on perd du temps. Et pour toutes les autres séances, on revient au passé pour les changements à vue : dans le noir et vite. Pour clore le spectacle, une montgolfière géante s’élève dans les airs emportant les héros de l’histoire : 4 personnes. Pour la soulever, un treuil avait été installé sur la passerelle centrale, à 8 m au-dessus du parquet. Les spectateurs étaient ébahis et venaient visiter nos installations, aussitôt les acteurs disparus pour se dégrimer. Quant à moi, j’avais le rôle ingrat de l’ennemi n° 1 de Lavarède et, à plusieurs reprises, j’étais puni de ma méchanceté : ainsi, on me retirait la chaise alors que je voulais m’asseoir et c’était la chute inévitable, puis, on m’enfermait dans une grande malle. Or, vers le milieu des séances, je fus atteint d’une crise arthrosique avec inflammation de la cheville droite. Le vicaire venait me voir chaque jour pour savoir si je pourrais tenir mon rôle le samedi soir ; finalement, je pus jouer, mais dus demander à mes bourreaux de m’aider " en secret " pour arriver à la fin du spectacle.

En décembre 1952, " Le Tour du Monde d’un gamin de Paris " attira des spectateurs toujours aussi nombreux et, cela, même malgré le temps froid. Dans leur rôle de titis parisiens, Jules MARQUIS et Marc BLANCHARD s’aventuraient jusqu’en Amérique tropicale et, leurs habits ayant été volés lors d’un bain, ils revenaient sur scène avec des pagnes de feuilles de bananiers. Alors que l’air extérieur était à – 5 ou – 7 degrés, inutile de dire que nos héros grelottaient alors que les spectateurs se découvraient dans la salle.

Nouvelle saison avec " Le Comte de Monte Cristo ". Ce conte célèbre d’Alexandre Dumas était prévu en 2 parties ; pour nous, c’était impensable. Quelqu’un (je ne sais qui ?) coupa dans le texte et le réduisit en un spectacle d’un peu moins de 3 heures en 3 parties. Bien que, personnellement, le triomphe de la vengeance ne me plaisait guère, la pièce connut un grand succès. A la première représentation, ayant joué mes 2 rôles - l’Abbé Faria en 1ère partie, Bertuccio en 2ème partie - je me sentais tranquille et, après le 2ème entracte, je partis, un baquet à la main, soigner mes lapins dans le jardin. J’entends courir derrière moi ; c’était Paul BOSSOREIL qui m’appelait :

- " Emile ! Emile ! Viens vite. Il y a un rôle qui n’a jamais été attribué. Viens le faire.
- Il n’y a rien à dire ?
- Oh si ! 3 ou 4 répliques.
- J’y vais, mais y a-t-il un costume ?
- Tu piqueras dans l’un ou l’autre. "

C’est ainsi qu’en 3ème partie, vêtu de bric et de broc, maquillé rapidement, ayant lu le texte, je rentrai en scène pour jouer Renaud, un des témoins d’Edmond Dantès dans son duel avec le Comte de Morcerf.

D’autres ennuis nous attendaient. Pierre GERMAIN (Edmond Dantès) grippé avec une forte fièvre déclara forfait. Heureusement, Joseph SERIN, qui jouait le rôle de Villefort, le remplaça au pied levé (il avait 3 jours avant la séance) et Gaston ROUZEAUX remplaça Villefort, ceci pour 2 séances du samedi et dimanche.

Pour ce spectacle, nous utilisions la lumière noire et le ballet des sirènes au fond de la mer emballa la foule dans la salle, de même que le plongeon de Dantès dans la mer et sa sortie du sac où il était enfermé et qu’il ouvrait avec un couteau pour remonter à la surface. C’est alors aussi qu’on aperçut, après un changement trop rapide, dans la lumière revenue, Edmond Dantès embrasser la belle Mercédès. Et l’idylle continuant, à Pâques suivante, M. le Maire épousait Marie GABOREAU.

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Les pièces à grand spectacle devenaient de plus en plus rares à trouver. Certaines étaient réservées aux grands théâtres parisiens. Finalement, pour la saison 1953, on retint " Ben Hur " texte écrit par l’abbé BLANCHET, et que certains avaient vu interpréter à Antigny. La pièce, bien sûr, ne pouvait être comparée au film, mais elle présentait des tableaux très émouvants ou surprenants. Il y avait une foule de figurants, beaucoup venant des villages ; je les avais en charge et, quand je le pouvais, me mettais au milieu d’eux. Mais, je n’ai jamais pu faire marcher au pas les deux derniers soldats romains (les plus grands par la taille) qui défilaient sous les murs de Jérusalem sur l’air des trompettes d’Aïda ; la troupe repassait plusieurs fois pour donner l’impression du nombre, avant que le bloc de pierre, détaché de la muraille, n’atteigne Messala le chef romain. Le tableau du bateau, voguant sur la mer, était très suggestif ; l’esquif tanguait, roulait, et les flots de tarlatane bleue étaient houleux. Jules MARQUIS dut affronter, une fois encore, le grand froid, torse nu. Au milieu de la 2ème partie, la foule entourait Jésus que les Apôtres accompagnaient. Or, André GUICHETEAU qui faisait l’un d’eux n’avait pas vu le signal qui annonçait le changement de tableau. Quand le moment vint où il devait entrer en scène avec Joseph RAMBAUD, il manquait. Je le remplaçai au pied levé (ayant fait répéter, je connaissais certaines réparties). Personne ne vit rien, sauf André, qui arrivant au tableau suivant, fut tout surpris de n’avoir rien à faire et à dire.

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L’année suivante, nous attaquâmes le plus beau des spectacles que nous n’ayons jamais donné " Monsieur Vincent ". Le texte était de M. l’abbé BLANCHET, qui nous avait vu jouer " Ben Hur ", et à qui Pierre GERMAIN l’avait demandé. Non sans hésiter, le brave abbé avait répondu oui et nous apporta son œuvre. Nous lûmes le texte et, non sans en voir les difficultés, nous nous mîmes à le répéter et, avec beaucoup de foi et de volonté, car il ne faisait pas sombrer dans le ridicule. Certaines scènes de foule, à Châtillon notamment, demandèrent beaucoup de préparation. Les décors aussi furent très soignés.

Enfin, ce fut les 3 coups, le premier samedi. L’abbé BLANCHET était là. Pour la 1ère fois, on se servit du plateau tournant : il fallait 6 costauds pour l’entraîner. Au 1er tableau, M. Vincent (Joseph SERIN) était à un moment crucial de sa vocation : il était prêtre, mais devait-il aller rechercher une somme qu’il avait prêtée ? ou se consacrer tout entier aux pauvres ? Finalement, repensant à son enfance et au sacrifice de ses parents, il s’embarquait pour recouvrer la somme et … c’est alors que, sur le plateau, apparaissait, un peu comme dans un rêve, la scène de sa vocation, dans sa pauvre maison de Pouy ; avec ses parents, ses frères et sœurs et le curé du village : c’était très suggestif et très émouvant. De même ensuite, le tableau où on le montrait esclave à Tunis, celui où il défendait la pauvre femme soi-disant lépreuse à Châtillon, la scène où il prenait place parmi les galériens et celles où il affrontait Mazarin ou la reine Anne d’Autriche. Tout ce théâtre était magnifique, mais … quand il se termina, il avait duré 4 heures : c’était trop long. De plus, un des derniers décors n’était pas à la hauteur, ses couleurs étaient ternes, fades, sans vie. L’abbé BLANCHET lui-même convint qu’il fallait couper dans le texte, mais cela n’était pas possible pour le lendemain ; il revint la semaine suivante et, un petit groupe d’acteurs débattant avec lui, on coupa dans certains tableaux, sans dénaturer l’œuvre. Par contre, pour le décor, la décision fut prise aussitôt : il fallait le repeindre. Il était 1 heure ½ du matin, Henri MARQUIS partit chercher de la peinture et, cinq ou six personnes - Joseph SERIN, Pierre GERMAIN, Marcel TEILLET et son frère Joseph, Henri MARQUIS et moi-même - transportèrent les panneaux dans la 3ème classe et chacun se mit à relever les couleurs sous les ordres d’Henri MARQUIS. A 3 heures, j’allai à la maison et demandai à Germaine : " Pourrais-tu nous faire quelque chose de chaud ? ". Elle nous avait attendus ; elle prit le lait des enfants et nous prépara une grande casserole de chocolat qui nous fit grand bien à près de 4 heures du matin. Le lendemain, de bonne heure, j’allai à Ker Ennic refaire la provision de lait.

Et, pour ce " Monsieur Vincent ", que de sacrifices furent acceptés. Les 3 personnages principaux : M. Vincent, Maître Jacques (son domestique) et M. de Lurzac (un de ses amis) - ces deux derniers personnages inventés par M. l’abbé BLANCHET permettaient de donner une certaine continuité à l’œuvre - passaient de 25 ans à 80 ans. Il fallait les grimer et y passer du temps. Joseph SERIN s’était fait couper les cheveux pour mieux ressembler à son personnage et Henri MARQUIS et Yannick TAILLANDIER se tenaient à la disposition des acteurs. Même ces demoiselles - certaines, du moins, qui pour le menuet jouaient les marquis - acceptèrent que leur soient collées moustaches et mouches. Des acteurs acceptèrent plusieurs rôles pour que la foule parût plus nombreuse dans certains passages.

La pièce coupée connut un grand succès et fut jouée 15 fois, sans que les spectateurs se soient lassés : la salle était pleine et, même, les petits murets du côté servaient de sièges. Il est vrai que les textes étaient soignés, les tableaux variés et les acteurs particulièrement motivés.

Après " Monsieur Vincent ", en attendant un nouveau drame de l’abbé BLANCHET, il y avait pénurie de texte. C’est alors que je proposai aux responsables une pièce que j’avais tirée, à mon temps perdu quand j’étais adjoint, d’un livre dont on avait fait la lecture au cours des repas, pendant mon séjour à Saint-Gabriel (Saint Laurent sur Sèvre) "Jehan de Fougereuse ".

Ce récit m’avait plu : il fait revivre le Moyen-Age, au temps du Roi René en Anjou, et était vivant. Sans modifier beaucoup les paroles, je l’avais adapté. Faute de mieux, on se rabattit donc sur " Jehan de Fougereuse " qui connut un bon succès, bien que moindre que"Monsieur Vincent ". Il n’y eut pas trop d’incidents. Un acteur cependant, ayant manqué sa sortie, se trouva pris dans un panneau qui se refermait, impossible pour lui de sortir et impossible pour les machinistes de monter le panneau sur la passerelle : quelques cris et tout s’arrangea.

(Il m’en souvient maintenant que plus grave s’était passé lors des " Cinq sous de Lavarède " : un tableau représentait le pont d’un bateau et la toile de fond, pour supposer une écoutille, portait une ouverture sur un côté. Au changement de décor, Pierre GIRARDEAU, le responsable des accessoires, en sortant, passa par l’échancrure de la toile au moment même où celle-ci montait. Et l’on entendit des exclamations :

" Bon D …, com’ ô lé lourd ! " disaient les machinistes sur la passerelle.
" Arrêtez les gars " criait Pierre. " I si à ch’val sur la toile ".

On la descendit, et tout fut remis en place).

Dans un autre tableau, Jacques de Villepreux (Jules MARQUIS), de dépit, brisait son épée. La 1ère fois, l’épée en mauvais acier, plia au lieu de se casser ; pour les autres répétitions, Jean-Michel DIXNEUF la préparait et les 2 morceaux n’étaient tenus que par un point de soudure.

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Et puis, on revint à Jules Verne avec " Le tour du monde en quatre vingt jours ". Le thème retenu se prêtait à de grandes aventures et de nombreux décors. L’action, partie d’Angleterre, se poursuivait chez les Indiens d’Amérique, revenait par l’Inde. Parmi ces décors, un train qui traversait la scène - les wagons avançaient portés par les voyageurs - sifflait et émettait des jets de vapeur qui, en réalité, sortaient de la cocotte-minute de la maison. Tout aurait dû se passer sans histoire, sans un problème de décors projetés : belle idée, mais pas au point. Au lendemain des 2 premières représentations, les inventeurs du projet réunirent les responsables et lancèrent un ultimatum : ou on utilisait leur procédé ou ils quittaient la troupe. C’était le mercredi soir ; en sortant, nous ne pouvions démarrer avec une invention qui ne pouvait réussir. Le lendemain, les deux principaux personnages redonnaient leur rôle au Père curé. Je revois encore la scène du jeudi matin : le Père curé BOISSEAU et Pierre GERMAIN arrivent à l’écoles :

" Que faire ? " demande le prêtre.
Pierre ne répond pas. Alors, je prends la parole :
" Surtout, ne pas abandonner. Nous avons engagé des frais. Il faut jouer.
Mais qui va remplacer Philéas Fogg et Aouda ? " demanda Pierre.
" Ce n’est pas dans mes habitudes de me mettre en avant et le rôle de Philéas Fogg n’est pas dans mon domaine habituel, mais, pour la circonstance, je veux bien essayer de le remplir. Il faudra m’aider.
Çà oui. Mais pour Aouda ?
Il faut prendre une fille qui joue déjà
".

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Finalement, c’est décidé. Hélène DUBREUIL fera Aouda, et moi, Philéas Fogg, mais pour me permettre d’étudier le rôle - une quarantaine de pages 21 x 27 - je serai remplacé en classe par Mlle Marie SEVIN, institutrice à la retraite. Et aussitôt, je me mets à potasser le rôle : à la maison, dans le jardin, tableau après tableau, et ma pauvre femme me fait réciter ; ma mémoire est encore bonne, mais elle est à rude épreuve. Une répétition le vendredi soir, c’est peu, mais ça doit aller. Hélène, de son côté, a étudié son rôle. Samedi soir, la salle est comble, il faut se lancer. Quand le rideau s’ouvre, je suis assis dans le Club, mon journal à la main, et je fais semblant de lire ; j’ai le trac et le journal a la tremblote. A moi de parler : ça y est ; la première phrase est dite, maintenant, c’est parti. Même les petits incidents ne m’arrêteront pas. Que ne faut-il pas faire pour rester jeune ? Mon grimage demande un certain temps : il faut rosir les joues, rajouter les cheveux absents et oublier la hanche et le genou qui ont tendance à gémir. L’ensemble ne doit pas être trop mal : en effet, après une séance, les visiteurs, comme à chaque répétition, envahissent la scène pour voir nos installations. Il y a là un groupe de jeunes filles ; elles interpellent Pierre GIRARDEAU qui range les accessoires :

" Savez-vous où est Philéas Fogg ? On voudrait le voir ". Pierre leur répond : " Il doit être au sous-sol en train de se dégrimer ", puis, apercevant Marie-Thérèse qui en remontait, il ajoute : " Voici sa fille, demandez-le lui ". Mais, elles n’ont pas insisté et je ne les ai pas vues. Cette jeunesse retrouvée m’avait rendu fort, car, à l’attaque des Indiens, leur chef (Gaston DENIAU) voulant me saisir, je me suis débattu et nous sommes tombés sur un rocher … que nous avons écrasé dans la chute. Le premier soir, Pierre GERMAIN et le Père curé me remercièrent et toute la troupe me félicita. L’histoire des décors projetés fut vite oubliée et les dissidents réintégrèrent la troupe pour la saison suivante où nous reprîmes " Les aventures du Capitaine Corcoran " déjà jouée en 1947.

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Pour cette reprise, par rapport à la précédente version, il y avait du nouveau : les rôles féminins étaient tenus par des femmes. Les ballets étaient plus nombreux et les décors encore plus soignés. Je repris mon rôle de traître, et c’est le jeune Marc BLANCHARD qui prit celui de Corcoran. Une fois de plus, le succès fut complet, et la salle comble à chaque séance.

Maintenant, est-ce en 1948 ou en 1958 que le froid nous joua des tours ? Je ne saurais le dire. Voilà ce qui se passa. Cette année-là, la famille GODET qui avait émigré à Iteuil - dans la Vienne - avait organisé un car d’une cinquantaine de places pour voir le spectacle, et on leur avait concocté un programme : messe pour ceux qui le voulaient, déjeuner à la cantine, spectacle et sandwiches avant de repartir, le tout pour un prix convenable. Le car était arrivé à l’heure, les voyageurs avaient visité la Flocellière et s’apprêtaient à prendre place dans la salle. Ce dimanche-là, il faisait froid et il y avait du brouillard. J’étais allé allumer le poêle de bonne heure, et nous étions dans la salle à nous préparer ; les acteurs se grimaient, les machinistes mettaient la main à la pâte … quand, brusquement, la lumière s’éteignit. Etait-ce une panne locale ? Non. Pas d’électricité à la maison et pas dans le bourg non plus. On téléphone au Siège de la Compagnie : " On va réparer au plus vite ! " Une ½ heure plus tard, nouveau coup de fil, et, cette fois, c’est la douche glacée : " Impossible de vous fournir du courant. Le givre qui s’est déposé sur les fils a abattu 14 grands poteaux entre Pouzauges et Saint-Michel. Il faudra plusieurs jours pour réparer ". (De fait, le courant n’est revenu que le vendredi, car les premiers poteaux mis se sont écroulés le mercredi sous une nouvelle couche de givre, qui avait aussi provoqué la cassure d’arbres et de branches). Que faire ? On a sorti toutes les lampes à acétylène et … je ne sais plus si on a joué ou non. Mais pour une tuile, c’était une tuile.

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Le Père BLANCHET nous avait promis une nouvelle pièce sur Lourdes dont l’année 1958 marquait le centenaire des Apparitions. Malheureusement, il ne put achever le texte de " C’est arrivé à Lourdes " que nous ne jouâmes qu’en 1959. Malgré cela, les représentations attirèrent la foule encore une fois. Pour remplir le rôle de Bernadette, nous avions exercé deux petites filles : Gisèle TEILLET et Bernadette RAMPILLON, qui se changeaient à tour de rôle pour éviter la fatigue. Je remplissais le rôle du curé Peyramale, tonton Joseph du père Soubirous, et Mimile - un de mes fils - Jean-Marie Soubirous, le frère de Bernadette. Pour l’apparition, il avait fallu façonner le décor et travailler les jeux de lumière. L’auteur cependant était content de ses interprètes et du travail des machinistes.

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Ensuite, encore une nouvelle reprise " Bouboule ". Mais, avec cette pièce, on va tenter un nouveau genre : l’opérette. Cela demandait quelqu’un qui connaisse le chant : Pierre GERMAIN s’y investit et trouva un Bouboule chantant : Michel GERMAIN. La scène, mieux équipée et plus vaste, permit d’améliorer les tableaux. On y amena un avion, doté d’un moteur de moto et d’une hélice tournant à … ? mille tours/minute, assez vite en tout cas pour qu’elle coupe en deux une toile toute neuve de chez Faucheux : les 2 cordonniers du bourg utilisèrent toute leur colle Texicroche pour la ressouder. Dans la rue chinoise, circulaient des pousse-pousse. Dans un virage trop brusque et, peut-être aussi sous le poids de Bouboule, sa voiturette vit une de ses roues se briser : sans perdre son sang-froid, Bouboule de s’écrier : " C’est encore un coup de ces sales chinois ! ". Pour la fin, Bouboule, chauffeur de taxi, retrouvait sa voiture - une 5 CV Citroën – qui partait du fond de la petite salle (derrière la scène) et, en pétaradant, venait jusqu’au milieu du théâtre. Il avait droit à une ovation.

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Les années soixante

Nous avions changé de curé : le Père GIRARD avait remplacé l’abbé BOISSEAU. L’esprit missionnaire du nouveau venu nous décida à reprendre " Monsieur Vincent ", mais en améliorant encore la mise en scène. Nous disposions alors d’un cyclorama : c’était une grande toile bleu ciel de 6 mètres de haut qui faisait le tour du théâtre en arc de cercle et créait une idée de profondeur. Les décors, au lieu de monter, étaient installés sur des chariots avec roues caoutchoutées. Grâce à cela, on pouvait placer des arbres en plein milieu de la scène, installer des projecteurs pour faire des jeux de lumière : couchers de soleil, etc. La sonorisation fut aussi améliorée. Le Père GIRARD exerça aussi une chorale pour célébrer par un chant Monsieur Vincent. Chacun reprit son rôle et on répéta avec beaucoup d’attention.

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Pour avoir des pleurs d’enfants, au moment où Monsieur Vincent recueillait les bébés abandonnés, Joseph SERIN, qui jouait Monsieur Vincent, n’hésita pas, au préalable, à pincer sa petite fille jusqu’à ce qu’elle pleure et qu’il puisse l’enregistrer. En 1954-1955, une des plus belles scènes - celle de la tentation de Monsieur Vincent - reposait tout entière sur le jeu et la diction de l’acteur. Pour ces nouvelles séances, on décida de la visualiser : c’est ainsi que le diable lui-même le tentait, puis disparaissait dans un écran de flammes, alors que le Christ en croix apparaissait en fond de scène. Et le Père curé lui-même, des coulisses, stimulait acteurs et machinistes et les encourageait. Il invita aussi des personnalités et certaines répondirent : Mgr CAZAUX, évêque de Luçon (et natif des Landes comme Monsieur Vincent), Mgr VUCCINO, archevêque de Corfou et ancien secrétaire de Mgr RONCALLI (SS Jean XXIII), les Pères du petit séminaire installé alors à La Flocellière. Toutes les congrégations des Sœurs de Saint-Vincent du diocèse se firent un plaisir d’y assister, ainsi que le Père Provincial de Paris des Pères Lazaristes. De toute la Vendée, du Maine et Loire et même de Paris (M. de La LAURENCIE), on accourut au spectacle.

La foule fut telle, un certain dimanche, que des spectateurs n’ayant pu trouver des places dans la salle suivirent la pièce du haut des passerelles, mêlés aux machinistes. Ont-ils pu apprécier vraiment ?

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" Monsieur Vincent " fut joué en 1961 et 1962. On ne put arriver à 50 représentations : 49 fois (avec 1954) cette pièce fut reprise et elle reste le spectacle qui attira le plus de spectateurs et qui eut la plus large audience. Pourtant, là encore, les ennuis ne manquèrent pas. Pierre GERMAIN qui représentait Mazarin dut arrêter, ses enfants étant gravement malades, et sa sœur Marie, pour l’aider, laissa le rôle d’Anne d’Autriche. Joseph TEILLET prit Mazarin et Mme DELIBES Anne d’Autriche, mais ses enfants étant tombés malades eux aussi, la dernière Anne d’Autriche fut Marie-Thérèse, ma fille aînée. Et, malgré ces changements, le spectacle fut toujours de qualité. Et reconnaissons qu’en certaines circonstances le ciel fut de notre côté.

1° - On a failli tuer le diable ! Eh oui, pas moins.

Je vous ai rapporté que, pour les 2 dernières séries de représentations, en 1961 et 1962, on avait visualisé la scène de la tentation. Le diable apparaissait pour tenter Monsieur Vincent et, vaincu par la sainteté du prêtre, disparaissait au milieu des flammes alors qu’apparaissait Jésus en croix pour raviver la foi de Monsieur de Paul. Pour mieux faire ressortir les personnages, on avait creusé le mur du préau et on y avait installé une lampe de projection. Mais, pour la disparition du diable, tout un dispositif avait été prévu. D’abord, le lieu : le démon se tenait sur une trappe faite de 2 morceaux. En dessous, se trouvait une table garnie d’un matelas. Deux machinistes étaient aux commandes pour la trappe qu’ils devaient ouvrir au signal convenu. Comme ils ne voyaient rien de la scène et n’entendaient presque rien des paroles, le plancher avait été percé d’un trou dans lequel passait une fine baguette. Quand celle-ci s’avançait franchement, c’était le signal. Les deux hommes lâchaient alors chacun leur côté de trappe et le diable tombait dans le sous-sol sur la table, cependant que d’une grosse pipe spéciale ayant en son milieu un coton imbibé d’alcool et, tout autour, de la poudre de lycopodium, sous l’effet d’un souffle assez puissant, jaillissaient des flammes de plus d’un mètre de hauteur. L’effet était saisissant. Mais, un jour, pendant que Gaston DENIAU - qui était l’artificier de service - surveillait le déroulement de l’action, quelqu’un en passant poussa un peu la baguette, sans que Gaston l’eût vu. Au sous-sol, l’un des machinistes voyant la baguette avancer crut le moment venu, alors que l’autre attendit. Un seul côté de la trappe s’abaissant, le diable - Joseph TEILLET - déséquilibré, tomba la hanche sur une grosse poutre. Quand il se releva, il souffrait de son côté et portait sur la hanche un hématome énorme et chaque mouvement de la jambe lui occasionnait de vives douleurs. Le plus ennuyeux, c’est que le diable, ensuite, jouait le rôle de Mazarin. Il le donna de son mieux en évitant de grimacer, mais le lendemain, il vint faire la classe avec une canne.

2° - Une autre fois, c’est la reine Anne d’Autriche que l’on faillit détrôner.

Pour ce tableau, un trône était placé sur une estrade de classe, qui, au lieu d’être rectangulaire, présentait une échancrure de chaque côté. C’était la 1ère séance où Marie-Thérèse faisait le rôle de la reine. Elle entrait solennellement, entourée de ses 2 pages et s’asseyait sur le trône pour accueillir Monsieur Vincent venu lui demander de l’argent pour ses pauvres. Comme prévu, Marie-Thérèse fit son entrée et s’assit, mais elle vit alors, face à elle dans les coulisses, le Père GIRARD qui lui faisait signe, l’index levé bien droit. La pauvre fille s’assit sur le bord du fauteuil et se redressa le plus possible et, tout pendant le tableau, fut tenue en alerte par ce doigt continuellement levé. C’est au changement à vue qu’elle eut la clé du mystère. Si le Père GIRARD lui faisait ce signe, c’est pour qu’elle évite de se poser sur l’arrière du fauteuil dont un pied était dans le vide. Si elle avait eu le malheur de s’enfoncer sur le siège, c’était la chute inévitable et la scène qui tournait en catastrophe.

Pour Monsieur Vincent, le Père GIRARD avait fait installer un chauffage au fioul ; chaudière et réserve étaient situées dans l’arrière-cuisine de la cantine et de gros manchons qui apportaient de l’air chaud parcouraient la salle, le long des murs. Malheureusement, ce chauffage, moins disgracieux et dangereux que le gros poêle, ne donna jamais une atmosphère suffisamment chaude, et la salle se réchauffait surtout par le nombre de spectateurs, tandis que la scène était glaciale.

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Après le succès de Monsieur Vincent, quel nouveau genre de spectacle allions-nous monter ? Il fut décidé de monter une opérette. Notre troupe comptait quelques chanteurs : d’abord Pierre GERMAIN, qui s’y connaissait en musique, Michel GERMAIN, Marc BLANCHARD, quelques filles aussi : Marie GERMAIN, Mimi DOUX, Jacqueline BLANCHARD. La sonorisation avait un très bon serviteur avec Roger DOUX. Seul manquait le texte. On décida de faire un mixage de plusieurs pièces, et je fus chargé de préparer le mélange. J’y passai bien des soirées. Finalement, le texte fut prêt. Après lecture, il fut adopté. Seul, le titre manquait. Finalement, on choisit le nom que j’avais donné à l’héroïne : " Carmela ".

Pendant plusieurs mois, deux fois la semaine, un groupe de jeunes encadrés par Marcel TEILLET, les frères MARQUIS, bâtirent des décors ; un groupe de dames bâtit des habits, et acteurs et actrices répétèrent sur scène ou dans une classe. Les ballets s’exerçaient à l’école des filles ou, parfois, dans notre cuisine. Finalement, le spectacle fut prêt.

Et, là encore, les spectateurs accoururent, malgré les attraits de la télévision. Treize représentations furent nécessaires en 1963, et on reprit le spectacle en 1964 avec autant se séances. Les chants, les ballets, les décors, les acteurs, tout l’ensemble constituait un divertissement agréable qui plaisait par sa diversité, sa vivacité (on passait d’un endroit à l’autre en quelques secondes) et le bouche à oreille faisait merveille. Une fois encore, malgré quelques anicroches, ce fut la réussite.

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Après " Carmela ", il me fallut reprendre la plume et mixé un deuxième texte : " La croisière au soleil ". Pour cette pièce, on fit encore plus fort pour les décors. Sur des maquettes du Père Paul DOUILLARD, professeur au séminaire, et de Joseph SERIN, toute l’avant-scène fut modifiée pour faire partie intégrante du décor. Nos jeunes menuisiers et peintres réussirent des choses remarquables, éblouissantes, comme les rues d’Istanbul, le Soleil d’Orient, l’incendie du puits de pétrole. Et les exercices reprirent : d’abord, acteurs d’un côté, machinistes de l’autre, ballets à l’extérieur. Vint la dernière semaine : il fallait amalgamer le tout. C’est alors que l’on s’aperçut que, pour 2 tableaux qui se suivaient, le changement de décors prévu n’était pas possible, les machinistes ne pouvaient pas - et ce, malgré plusieurs essais - passer d’un endroit à l’autre. Alors, on me demanda d’inventer un tableau supplémentaire, joué sur une scène exiguë qui laissait l’espace aux machinistes. J’allai en classe et une demi-heure plus tard, l’ajout était fait : deux pages de texte que les acteurs eurent vite appris et qui, inséré dans l’ensemble, s’adaptait très bien.

Pour " La croisière au soleil ", les séances se multiplièrent et le spectacle fut repris l’année suivante, avec quelques petites modifications. La pièce se terminait par 2 mariages, et la seconde fois, on intervertit les rôles et cela plut aux visiteurs d’autant que les ballets étaient féeriques, les chanteurs excellents (grâce parfois aux tisanes chaudes de Germaine) et l’ensemble particulièrement dynamique.

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En 1967, nouveau texte ; je commençai à écrire un tableau ou deux, puis, fatigué et plus pris, j’abandonnai, et c’est mon adjoint - Joseph TEILLET - qui acheva " Amours tziganes ". Une fois encore, la machine se mit en marche : machinistes sur scène pour les décors, répétitions en classe pour les acteurs et corps de ballet à l’extérieur. On fit des prodiges sur la mise en scène : une voiture à cheval sur la scène, des murailles se relevant pendant un changement à vue. Il faut reconnaître que les spectateurs étaient éberlués et se demandaient comment on pouvait faire. " Amours tziganes " fit un triomphe en 1967 et en 1968 : chaque année, il fallait 13 séances pour satisfaire les demandes, et encore ! …

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Anecdotes et réflexions

Et ce furent les dernières pour le " Châtelet vendéen " !

Pourtant, que des fois avions-nous tenté le diable ? Il nous fallait remercier le Seigneur, car, combien de pépins aurions-nous pu avoir ? Quand les panneaux se soulevaient, l’un d’eux s’était détaché : il aurait pu assommer quelqu’un. A un changement, au cours du spectacle de "Monsieur Vincent ", alors que la scène était plongée dans le noir, le fauteuil de la reine avait encadré son visage avant d’atteindre le mur. Et n’avions-nous pas joué avec le feu, à l’incendie des puits de pétrole ? La pipe qui servait pour le diable n’étant pas suffisante, on avait trouvé une solution. Quelqu’un avait remarqué, dans l’atelier de Jules MARQUIS, que la pousse des bois de ponceuse donnait une grande flamme en brûlant : finie la poudre de lycopodium très coûteuse. Nous avions le matériau, il fallait le brûleur. On a trouvé à la Garenne (la déchetterie) un gros moulin à légumes ; à l’intérieur, on a mis un réservoir d’alcool à brûler avec de la ouate et des machinistes, placés en dessous, chacun à tour de rôle, envoyaient une poignée de poudre qui donnait une flamme continue de plus d’1 mètre de hauteur. N’y avait-il aucun risque ?

Une autre fois, on avait installé une rampe pour faire jaillir des jets d’eau tout en travers de la scène : c’était féerique, mais si le dessous s’était déplacé, qui aurait pu recueillir l’eau ?

Sans compter aussi les situations qui faisaient appel au plus grand sang-froid. Dans " Le tour du monde en 80 jours ", Philéas et son ami Archibald discutaient sur l’avant-scène ; comme Pierre GERMAIN et moi-même avions fait répéter, nous avions retenu par-ci par-là quelques phrases de l’un ou l’autre rôle, et voilà que, dans le feu de l’action, l’un de nous se mit à dire les paroles de l’autre qui devait lui donner la réplique. Comment cela allait-il se terminer ? Heureusement, l’un de nous s’aperçut de la chose et par une phrase retourna la situation.

Une autre fois, en début de partie, Pierre GERMAIN devait se trouver avec Jules MARQUIS et quelques femmes, dont Mimi DOUX. Le rideau s’ouvre. Jules MARQUIS est bien là, mais pas de dames quand Pierre GERMAIN entre. Il s’écrie : " Ces dames ne sont pas là ? - Non ! Eh bien ! Je vais les chercher ". Et, grommelant, il fait venir ces dames restées dans leur salle d’habillage. Le retour fut rapide … Jules avait trouvé le temps long.

A "La Croisière au soleil", Corentine (jouée par Marie-Thérèse) était venue à la maison et attendait le début de la 2ème partie où elle jouait la seconde scène. Elle aperçut Patrice GIRARDEAU qui jouait dans la première et crut que le spectacle n’était pas commencé. Hélas ! la première scène était jouée ; heureusement, avec un autre acteur, j’entrai en scène et nous jouâmes la scène 3 pour permettre à Corentine d’arriver ; nous quittâmes la place pour que la scène 2 se donne et reprîmes ensuite la scène 4. Et personne dans la salle ne s’en rendit compte.

Dans " Carmela ", Loulou, le jeune premier pris par les Indiens devait subir, sans broncher, un tir de flèches autour de la tête. Les gens se demandaient comment le tireur pouvait avoir une telle adresse : chaque flèche se fichait autour de la tête du malheureux. En réalité, la flèche tirée allait dans les décors, mais un machiniste, caché derrière la cible, retirait un élastique qui lâchait une flèche placée à l’avance. C’était effarant !

Pour une finale, on utilisait le grand escalier de 8 mètres (on s’en servit souvent et dans bien des positions) pour faire descendre les acteurs qui chantaient le final. A la maison, Germaine avait une belle plante qui pendait en recouvrant une sellette. Quelqu’un la vit et dit : " Oh ! comme cela ferait bien sur la scène pour finir ! ". Aussitôt dit, aussitôt fait. Plante et sellette sont embarquées. Mais, à une séance, dans le noir, quelqu’un heurte la sellette et le pot tombe. Vite, Pierre GIRARDEAU qui s’en occupait, ramasse le pot et le remet sur la sellette. Malheur, le pot était brisé, les branches pendantes coupées et les racines apparaissaient au-dessus du pot ! Heureusement, les spectateurs, de la salle, ne pouvaient le distinguer.

Ordinairement, à la fin de la représentation du dimanche, je demandais que les classes soient libérées et remises en ordre pour le lendemain. Cependant, pour la dernière séance d’une saison, dans l’ambiance festive qui s’en suivait, je fis exception à cette règle. Et le lendemain matin, assez tôt, mes deux adjoints, Jean-Claude BENAITEAU et Marie-Thérèse s’activaient à ranger. Dans ma classe, notamment, il y avait une grande table de cantine à sortir (celle qui servait de bar aux acteurs et aux machinistes). Cette table était lourde et le sol de la cour gelé et peut-être glissant. Marie-Thé allait devant et avait descendu le seuil de la porte. Que s’est-il passé alors ? Jean-Claude a dû franchir les marches d’une seule enjambée et pousser la table un peu fort. Résultat : Marie-Thé est tombée et sa tête a porté sur le sol. Jean-Claude a voulu blaguer, mais quand il a vu le sang couler, il l’a relevée et conduite à la maison d’où nous avons appelé le Dr BIZOT. Dès son arrivée, celui-ci vit qu’une petite artère était coupée. Il demanda du fil, une aiguille, passa le tout à l’alcool et recousut l’artère. La tante Thérèse, venue aux nouvelles, s’était éclipsée pendant la suture, de peur de s’évanouir. Marie-Thé mit huit jours à se remettre de sa mauvaise chute.

Ce fut, dans la famille, la seule victime du théâtre. Et pourtant, tout le monde y participa. Marie-Thé et Geneviève donnèrent de leur temps pour les ballets et des rôles. Marie-Thé joua dans " Monsieur Vincent ", " Carmela " et " La Croisière au soleil " ; Geneviève créa la première Fille de la Charité : M. Nazeau. Jean-Marie était un jeune Chinois dans "Bouboule". Joseph fit un rôle de pasteur et de la figuration. Gérard avait un petit rôle dans le deuxième

" Bouboule ". Mimile joua dans " Monsieur Vincent " et " C’est arrivé à Lourdes " où il faisait un frère de Bernadette. Quant à Marie-Brigitte, dès 2 ans et demi, elle parut dans "Monsieur Vincent " ; Jules MARQUIS la tenait dans ses bras à Châtillon et lui donnait une sucette pour qu’elle ne pleure pas ; puis, elle reparaissait dans la mansarde où vivait une famille de miséreux et criait : " J’ai faim ! ". Si Germaine n’est pas parue sur scène, combien de fois l’a-t-on sollicitée pour coudre un bouton, faire une reprise, prêter épingles ou fil, servir cafés et boissons chaudes : c’était la dépanneuse. Quant à moi, j’étais très impliqué dans les rôles et pour faire répéter de temps en temps. J’avais la responsabilité des commandes de décors et de costumes : à plusieurs reprises, je suis allé chez Faucheux ou Peignon. Je rédigeais le programme, m’occupais du chauffage et avais la responsabilité de fermer la salle, et cela, à des heures très tardives, car les spectateurs n’étaient pas toujours pressés. Un soir - ou plutôt un matin, car il était bien deux heures - je faisais la fermeture et l’inspection, quand, dans l’arrière cantine, je sentis une odeur de brûlé. En regardant de plus près, j’aperçus une poutre qui avait commencé à prendre feu. Vite, je mis une échelle, allai chercher un seau d’eau et éteignis le feu. Mais, j’attendis encore une heure pour pouvoir dormir tranquille.

Si, à cause de la proximité de la salle et de ma fonction, la participation familiale au théâtre a été continuelle, nous ne fûmes pas les seuls à nous dévouer, bien loin de là. L’activité du théâtre a mobilisé un nombre incroyable de personnes à la Flocellière, et on peut dire que tout notre bourg surtout, plus quelques villages, s’y sont investis.

D’abord, bien sûr, les acteurs et les machinistes qui, après des mois de préparation, restaient tous les week-ends pendant un mois et demi pour assurer les séances. De même, pour les jeunes filles des ballets. Et aussi pour le souffleur Félix GUICHETEAU, un ancien très dévoué.

Ensuite, tous les employés : vendeurs de billets et placeurs qui accueillaient et plaçaient les spectateurs ; les serveurs de bar et les serveuses du café et de la pâtisserie (Ah ! Cette pâtisserie, elle m’a causé quelques soucis, car je la commandais à M. BEAULIEU, pâtissier à Moncoutant. Mais, combien fallait-il demander ? J’essayais de tomber au plus près, d’après les réservations et la période).

Il y avait aussi tous ceux qui se chargeaient de la publicité : par deux ou par trois dans une voiture, ils partaient, un samedi après-midi ou un dimanche matin, et, sur un parcours bien déterminé, ils collaient des affiches aux endroits prévus et remettaient affiches et tracts à des commerçants. C’était une vraie campagne !

Et tout ce monde pratiquait le bénévolat !

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(Et tout ce monde pratiquait le bénévolat !)

Les dernières années cependant, des voyages furent offerts aux " gens " du théâtre comme récompense. Une fois, on alla à Nantes pour l’opérette " Toi et moi ", et, l’année suivante, à Angers voir " La polka des lampions " avec Georges GUETARY et Jean RICHARD. Le dernier voyage emmena les bénévoles vers Châtelaillon (je ne pus y participer).

Mais, pour certains, le meilleur fut d’aller à Paris voir jouer au Châtelet " L’auberge du Cheval Blanc ". Le Père GIRARD avait préparé ce voyage, d’accord avec le Provincial des Lazaristes qui nous coucha dans sa maison, près de l’église Saint-Vincent de Paul. Nous partîmes à 8 ou 9 dans le fourgon de Joseph SERIN. Partis de bonne heure, nous arrivâmes dans la capitale pour le déjeuner près de Montmartre ; on s’installa chez les Pères et visitâmes quelque peu. Le soir, en route pour le Châtelet où de bonnes places nous avaient été réservées. Evidemment, le spectacle fut enchanteur. Et, après le spectacle, Bernard LAVALETTE, le principal acteur, nous attendait en coulisse pour nous faire visiter la scène large de 30 m et profonde de 80 mètres. La partie centrale pouvait s’élever ou descendre : c’était merveilleux, mais, toutes proportions gardées, nos machinistes prenaient beaucoup plus de peine et avaient une plus grande audace que les leurs pour réaliser certains tableaux. Je me souviens d’un surtout, dans " Amours tziganes " : le décor, profond, comportait le grand escalier et, dans une dispute, 2 personnes se battaient en duel. Pour éviter la défaite, l’un d’eux montait sur l’escalier qui se relevait lentement, entraînant l’homme qui disparaissait et, sous l’escalier, apparaissait la prison où croupissait le héros de la pièce. Il faut bien reconnaître que la virtuosité de nos machinistes, l’expérience des acteurs, le goût musical de Pierre GERMAIN et de Roger DOUX le sonorisateur, les jeux de lumière de Jean-Pierre HUFFETEAU, etc. éblouissaient les spectateurs.

Alors, pourquoi arrêter ? Il y eut, bien sûr, plusieurs raisons qui s’ajoutant les unes aux autres ont provoqué cet arrêt.

D’abord, la fatigue des anciens acteurs : la plupart de ceux qui jouaient " Amours tziganes " avaient participé à " Michel Strogoff " vingt ans plus tôt, et leur vie familiale avait évolué et leurs responsabilités s’étaient alourdies.

Ensuite, les jeunes acteurs qu’on avait formés quittèrent La Flocellière : Michel GERMAIN et Marc BLANCHARD pour Cholet, Michel RAMBAUD, pour Nantes ; Joseph TEILLET était nommé Directeur d’école à Saint-Mesmin. Et les jeunes du bourg s’engageaient de plus en plus dans le sport, si bien que le foot concurrençait le théâtre et laissait plus de liberté.

Et puis, on a avancé la télévision, de plus en plus présente dans les foyers. C’est possible ! Pourtant, elle était déjà là dans les années d’opérettes, et si nous avons cessé de jouer, ce n’est pas par manque de spectateurs.

Bien sûr, la scène servit encore. Elle était déjà occupée entre les grands spectacles. Par les coupes de la Joie, où les jeunes filles avaient montré leurs talents ; elles avaient joué aussi des pièces comme " Le manoir aux oiseaux ", " La louve de Venise ". Les jeunes garçons, eux aussi, avaient fréquenté la scène avec " Les haricots de M. Lemaréchal " et " Le député de Cucugnan ". Et j’en oublie certainement. Il est vrai que les décors ne manquaient pas, car, en plus de ceux construits pour nos représentations (rappelez-vous dans " La croisière au soleil ", pour l’arrivée en Corse, le bateau voguait sur place pendant que derrière se déroulait une fresque de 10 m de longueur), nous avions acheté le fonds de M. Rabault d’Angers et tous ces trésors étaient conservés dans la salle arrière du théâtre.

Le spectacle est fini, mais que de souvenirs pour ceux qui ont vécu ces instants intenses et qui ont contribué à donner une âme à notre bourgade !

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Annexes

CHRONOLOGIE des Pièces de Théâtre jouées à LA FLOCELLIERE

(à vérifier, si nécessaire, et à compléter)

1910 : La Passion (en septembre)

1911 :

1912 :

1913 : Distribution des Prix (27 juillet)

1914 :

1915 :

1916 :

1917 : Le Pater des Vendéens

1918 :

1919 :

1920 :

1921 : La revanche de Jeanne d’Arc - Le Docteur Oscar (en septembre)

1922 :

1923 :

1924 :

1925 :

1926 : La cloche des brouillards - A la salle de Police (en septembre)

1927 : Frères et martyrs

1928 :

1929 : L’heure de Dieu

1930 : L’ermite du Sahara - La chambre n° 13

1931 : L’honneur militaire - la Pente fatale (en avril)

1932 : Le prisonnier de Myolans

1933 : Le pirate de la Baltique

1934 : Gosse de misère - Pauvre Pandore

1935 : 2019 au Maroni - La chambre n° 13 (en novembre)

1936 : Le courrier de Lyon (en février)

1937 : Le fiancé d’Eglantine - L’honnête homme (en janvier) - Le drame du Nord Express (en avril)

1938 : Les pauvres de Paris (en février) - Le bâillon

1939 :

1940 :

1941 :

1942 :

1943 :

1944 :

1945 : Rouget le Braconnier - Une cause célèbre - Fin d’exil (Les prisonniers et requis) (le 21 octobre) - L’ouragan

1946 : Michel STROGOFF (en décembre 1945 et Janvier 1946) - Le chiffonnier de Paris (à Pâques)

1947 : Les aventures du Capitaine CORCORAN

1948 : Les pirates de la savane (en avril)

1949 : BOUBOULE (en février et mars)

1950 : Les enfants du Capitaine GRANT (en février et mars)

1951 : Le Comte de MONTE CRISTO (en avril)

1952 : Les cinq sous de LAVAREDE (en mars) - Le tour du monde d’un gamin de Paris (en décembre)

1953 : BEN HUR (en novembre et décembre)

1954 : Monsieur VINCENT (en décembre)

1955 : Monsieur VINCENT (en janvier)

1956 : Jehan de FOUGEREUSE

1957 : Le Tour du Monde en 80 jours (en février et mars)

1958 : Les aventures du Capitaine CORCORAN (en janvier et février)

1959 : C’est arrivé à Lourdes (en février)

1960 : BOUBOULE (en janvier)

1961 : Monsieur VINCENT (en janvier et février)

1962 : Monsieur VINCENT (en janvier et février)

1963 : CARMELA (en février et mars - reprise en décembre)

1964 :

1965 : Croisière au soleil (en février et mars)

1966 : Croisière au soleil ( ?)

1967 : Amours Tziganes (en mars et avril)

1968 : Amours Tziganes (en mars)

Note du retranscripteur :

L’Echo do Doué, dans son n° 12, ayant déjà exposé " l’Epopée du Théatre Flocéen ", c’est volontairement qu’ont été repris avec ce texte des documents qui ne sont pas parus à l’époque et qui ont été retrouvés dans les archives de M. Emile COUTAND. Il y en a forcément d’autres qui auraient pu illustrer ces souvenirs, mais où les trouver ?