Approche sémiotique du phénomène anti-publicitaire
Sylvain Monnerie
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Mots-clés : affichage, anti-destinateur, factitivité, manipulation, marque, métro
Auteurs cités : Catherine Becker, Charlotte Bricard, Jean-Claude COQUET, Jacques FONTANILLE, Jürgen HABERMAS, Paul RICOEUR, Yoanna Sultan
Introduction
Logos griffonnés, prix barrés à coups de marqueurs, slogans rendus illisibles, l’affichage est devenu depuis peu un formidable support de contestation non seulement de la publicité mais plus largement de la société consumériste et de ses déviances politico-économiques.
Médium historiquement le plus ancien, l’affichage constitue le mass média par excellence et se traduit à travers une grande variété de supports et d’utilisations. Média puissant en terme de couverture socio-géographique, la variété des supports, la pluralité des réseaux et la multiplicité des emplacements permettent de créer, de développer où de renforcer efficacement la notoriété et le capital image d’une marque ou d’une entreprise. Sur le plan économique, l’affichage représente 12-13 % du total des investissements publicitaires « grands médias ».
Nous allons nous intéresser principalement au support 4 x 3 que nous retrouvons prioritairement dans les zones urbaines. Ce format est celui qui est le plus couramment utilisé (65 % des investissements affichage) et se pratique par « vague » de sept, dix ou quatorze jours. Nous nous focaliserons dans le cadre de cette analyse sur les affichages présents dans le métro en raison de leur « vulnérabilité proxémique ». Nous allons porter une triple investigation sur le nouveau rôle conféré au support affichage dans la sphère sociale à travers :
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une analyse discursive du phénomène social anti-publicitaire, phénomène rendu visible et possible par le nouveau rôle « d’agora » du support affichage,
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(Interface de dialogue dans la sphère publique et médiateur entre la société et l’état)
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une analyse narrative et sémantique des énoncés contestataires des anti-pubs,
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une mise à jour de la vision de l’identité du sujet-consommateur et du rôle de la marque selon les anti-pubs.
Configuration discursive du phénomène social des anti-publicitaires
Configuration actantielle
Nous allons dans un premier temps nous intéresser à la configuration discursive de cette scène sociale que nous nous proposons d’étudier, à savoir le phénomène de contestation des anti-publicitaires comme phénomène social. Nous rentrerons dans le détail du contenu sémantique dans un second temps.
De manière à poser simplement et concrètement les relations liant les actants du discours dont l’affichage est le support, nous allons envisager le phénomène social des anti-publicitaires sous l’angle d’un récit nous autorisant de ce fait à en explorer l’organisation interne, à savoir la structure narrative. Nous simulerons en quelque sorte l’analyse d’un corpus journalistique s’intéressant à ce phénomène. Nous nous situons évidemment dans une structure « polémique », dans un récit de la confrontation mettant aux prises un destinateur et un anti-destinateur.
- Note de bas de page 1 :
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Yoanna Sultan, « Antipubs : mouvement de fond ou feu de paille », CB NEWS n°799, Boulogne-Billancourt, du 19 au 25 juillet 2004, p. 24
Dans la mesure où nous suivons l’ordre juridique social, le rôle de destinateur (D1) est occupé par ce que nous pouvons nommer les annonceurs (terme permettant d’induire les deux acteurs initiateurs du discours commercial, les entreprises et les publicitaires). Il est à noter que les publicitaires sont envisagés par les anti-pubs comme le bras armé des grandes firmes dont le grand public est victime. Le rôle d’anti-destinateur (D2) revient au mouvement anti-publicitaire (rassemblement de mouvements contestataires et alternatifs). Ce mouvement regroupe les associations RAP (Résistance à l’Agression publicitaire), Casseurs de pub, Paysages de France (fédération de 40 associations ne dénonçant pas le contenu mais l’affichage illégal), La Meute (Réseau contre le sexisme relié aux Chiennes de garde)1.
Destinateur et anti-destinateur, dotés chacun de modalités (le /vouloir-faire/ et le /pouvoir-faire/ légal pour l’un et illégal pour l’autre), détiennent tous deux un pouvoir de manipulation pragmatique et cognitif. Ce pouvoir de manipulation s’exerce sur le destinataire sujet qui selon nous recouvre une double réalité actantielle, d’un côté le public de consommateurs (S1) et de l’autre l’opinion publique (S2).
Cette division de l’actant sujet répond à une double réalité sociale.
Nous entendons par public de consommateurs, cet actant collectif juxtaposant une collection d’individus sous la forme d’une totalité partitive (la cible ou les cibles des marketers). A l’opposé, nous concevons l’opinion publique comme une unité molaire, une totalité rendue intégrale par le liant politique et l’implication citoyenne qui lui confère à la fois existence et impact sociétal.
Principes polémiques
En effet (et nous anticipons le contenu sémantique), le destinateur annonceur s’adresse à travers un discours commercial à la dimension consumériste des individus. Tandis que l’anti-destinateur mouvement anti-publicitaire « vise plutôt la dimension citoyenne et sociale des individus ». Du côté du destinateur « annonceur », la nature de la relation au sujet « public de consommateurs » s’inscrit dans le champ de la factitivité selon un double mode. Il s’agit de /faire-croire/ dans un premier temps aux qualités supérieures du produit/service présenté (factitivité cognitive) et dans un second temps de /faire-faire/ acheter ce produit ou service (factitivité pragmatique).
Il en est de même du rapport liant l’anti-destinateur « anti-publicitaire » au sujet « opinion publique », il s’agit également de /faire-croire/ ou plutôt de /faire-adhérer/ (aux vues de ce mouvement) et de /faire-faire/ ou plutôt de /faire ne pas faire/ (ne pas acheter le produit ou service proposé). Dans tous les cas, nous retrouvons notre relation factitive s’exerçant en deux temps. Ici le conflit vient de ce que le destinateur veut /faire-acheter/, tandis que l’anti-destinateur veut /faire-ne-pas-acheter/. Nous l’avons vu, au /faire-faire/ s’oppose un /faire-ne-pas-faire/.
- Note de bas de page 2 :
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Jürgen Habermas, L’espace public, Paris, Payot, 1962, p. 204
Mais le rapport polémique qui caractérise ce phénomène social, ne s’établit pas seulement à travers un conflit destinateur/anti-destinateur mais également à travers un conflit entre le destinataire-sujet S1 et l’anti-destinataire sujet S2.Cette coupure rejoint à notre sens la condition même de l’homme moderne, divisé en consommateur d’un côté et en citoyen de l’autre. A ce titre, Habermas nous apprenait il y a de cela un moment que cette césure n’était pas inconnue des entreprises : « Puisque les entreprises privées prêtent à leurs clients la conscience qu’ils agiraient en citoyens lorsque leurs décisions sont celles de consommateurs… »2.
Ainsi finalement, nous pouvons distinguer deux sujets opposés, un sujet et un anti-sujet dans la mesure où nous considérons que lorsque le « réveil » citoyen du public des consommateurs en opinion publique prend forme, il s’exerce au profit d’une adhésion à l’anti-destinateur.
Nous pouvons parler d’un syncrétisme actoriel dans la mesure où à un niveau individuel le sujet citoyen (entité du phénomène « opinion publique ») est le même que le sujet consommateur (unité de la société consumériste). Nous pouvons dorénavant préciser la véritable nature de la relation factitive liant les quatre actants.
La manipulation s’exerce à tous les niveaux mais elle n’est pas du même ordre :
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D1 exerce son pouvoir d’attraction sur S1 pour l’amener au /faire/
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D2 exerce son pouvoir sur S2 pour l’amener à /l’adhérer/
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D1 exerce son pouvoir sur S2 pour l’amener au /ne pas adhérer/
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D2 exerce son pouvoir sur S1 pour l’amener au /ne pas faire/
Le sujet S2, anti-sujet potentiel , est mobilisé grâce à l’action de l’anti-destinateur D2 à travers son /faire-adhérer/. C’est avant tout l’attribution d’un mobile négatif qui est visé, celui d’un /vouloir-ne-pas-faire/, amenant S1 à effectuer un /faire-ne-pas-faire/. Dans cette schizophrénie ou ce clivage actoriels, nous présupposons que la dimension citoyenne subsume la dimension consommateur du sujet. Ainsi /faire-adhérer/ le sujet citoyen (entité de l’opinion publique) est à même de /faire-faire réformer/ les pratiques du sujet consommateur (c’est dans ce sens qu’il faut évidemment comprendre le /faire-ne-pas-faire/).
Nous reconnaissons ici la mise en œuvre de la factitivité cognitive avec le faire persuasif de D2 vers S2 et en retour le faire interprétatif de S2 se caractérisant par le croire ou l’adhérer.
Pour contre-carrer les plans de D2, D1 dispose de deux modes de /pouvoir-faire-ne-pas-adhérer/. Ces deux modes sont de l’ordre communicationnel (puissance financière dans l’achat d’espace permettant de répondre, de détourner ou de se réapproprier le phénomène contestataire) et de l’ordre juridique (recours aux forces de l’ordre et à la justice).
- Note de bas de page 3 :
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Charlotte Bricard, « Quant l’antipub nourrit la pub », CB NEWS n°799, Boulogne-Billancourt, du 19 au 25 juillet 2004, p 26
- Note de bas de page 4 :
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Yoanna Sultan, « Antipubs : mouvement de fond ou feu de paille », idem, p. 24
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Ordre communicationnel et procédé de récupération : « Récupérer les codes de contestation des casseurs de pub représente alors pour les marques une occasion de s’afficher du côté du consommateur et de prendre part au débat. Mais en faisant ce choix, les agences et les annonceurs partent surtout en quête de connivence et de proximité avec une clientèle estimée de plus en plus hermétique à la pub »3.
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Ordre juridique et recours aux forces de l’ordre et à la justice : « Le 28 novembre 2003, prés de 1000 personnes descendent dans les sous-sols parisiens. Les forces de l’ordre en interpellent 276. Suivra un procès contre 62 d’entre-elles, choisies au hasard, et une amende de 20 000 € à verser à Métrobus »4.
En ce qui concerne S2 et le passage des modalités virtualisantes aux modalités actualisantes, c’est-à-dire du /vouloir-adhérer/ à l’adhésion, les formes d’actions sont multiples de l’individuel (changement des comportements de consommation) au collectif (intégration d’un mouvement, d’une association).
Au niveau de la sanction, il n’existe pas d’issue tranchée à ce conflit, mais finalement deux issues globales peuvent se dessiner:
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Soit dominent D1 et S1 et le mouvement des anti-publicitaires se solde par un échec face au pouvoir financier, policier et juridique de D1 sur D2 et à l’indifférence de S1.
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Soit D2 et S2 obtiennent une issue favorable se soldant par une implication et un impact politique plus grand.
Analyse de contenu des énoncés contestataires des antipubs
Mécanisme narratif minimal
Tout comme les discours publicitaires, les textes des anti-publicitaires sont à appréhender comme des textes argumentatifs visant à convaincre le lecteur et à l’amener à un type de comportement particulier, à mobiliser l’opinion publique (contester le système, retrouver une pensée critique). Les récits des anti-pubs prenant place en surimpression par rapport aux discours publicitaires des annonceurs mettent en scène une transformation, un déséquilibre. L’objectif est la fin de l’état de déséquilibre et le retour à l’homéostasie. Nous pouvons noter la mise en exergue d’un manque résultant d’une privation (d’un droit dévolu au sujet-citoyen) devant entraîner une réaction à travers une démarche de liquidation du manque. Commençons par la première revendication des anti-publicitaires concernant la perte de l’espace public.
Fragments discursifs :
« Réapproprions-nous l’espace public »
« L’espace public est à nous »
Ces deux fragments discursifs présentent une situation de déséquilibre induisant tout un jeu de présuppositions. Résumons le parcours induit :
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Équilibre : Le destinataire et le destinateur (rôle du nous) possédaient l’espace public
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Déséquilibre : Le destinataire et le destinateur furent dépossédés de l’espace public
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Retour à l’équilibre : le destinataire et le destinateur doivent recouvrer la possession de l’espace public (rôle de l’injonction et de l’affirmation)
En terme narratif :
Le destinataire et le destinateur sont présentés comme sujet en relation de disjonction avec un objet de valeur : l’espace public.
S v O (nous v espace public)
Cet énoncé d’état présuppose un énoncé de faire ayant entraîné cet état de disjonction.
Énoncé de faire présupposé : PN = F (S1 → (S2 v O))
Il s’agit d’un PN de privation, S2 (destinataire et destinateur) fut privé de la possession de O (espace public) par S1 dont l’identité n’est pas mentionné mais est induite par le fait que les énoncés contestataires s’inscrivent dans un principe de surimpression ou dans une forme d’intertextualité de la confrontation. S1 est évidemment cet actant pluriel regroupant entreprises et publicitaires, ce que nous avons nommé dans une perspective englobante les annonceurs. Nous verrons que quelques énoncés associent aux annonceurs, le gouvernement.
Enchaînement narratif :
Le présupposé :
S 2 ^ O →
PN1 : F (S1 → (S2 v O)) →
L’énoncé :
S2 v O →
Le proposé/ l’injonctif :
PN2 : F (S2 → (S2 ^ O))
L’action de retrouver la possession de l’espace public est envisagée comme le PN de base sans pour autant que dans cette quête ne soient présentés les PN d’usage nécessaires à la validation du manque. La compétence essentielle de S2 dans cette quête relève du /vouloir-faire/. Cette dernière remarque est importante car nous pouvons faire l’hypothèse que la forme grammaticale des deux fragments discursifs, à savoir l’affirmation où l’injonction joue un rôle de précision de la nature de la relation de S2 à l’objet de valeur. En effet en cas de non-acquisition du /vouloir-faire/ préalable indispensable à la quête, la relation narrative à l’objet de valeur évoluerait de la dépossession à la renonciation, d’une relation transitive à une relation réfléchie.
Disjonction (privation) → Dépossession (transitive) : F (S1 → (S2 v O))
à Renonciation (réfléchie) : F (S2 → (S2 v O))
Cette dernière remarque rejoint les fragments discursifs des anti-pubs que nous nommons les textes « J’accepte ». Ces fragments sont des énoncés d’état d’acceptation d’une situation induisant un principe narratif réfléchi de renonciation ou de résignation.
Première conclusion :
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Le destinataire (récepteur) et le destinateur (émetteur) sont présentés comme sujet opérateur, ils sont censés déclencher un PN de ré-acquisition.
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Le /vouloir-faire/ du destinataire sujet opérateur va déterminer la valeur attribuée à l’objet de la quête (la non-disjonction puis la conjonction d’avec l’objet de quête).
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Les annonceurs sont présentés comme les anti-sujets responsables de la dépossession de l’objet de valeur d’avec le sujet opérateur.
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Les fragments discursifs peuvent être considérés comme des contrats qui sous-entendent l’acquisition du /vouloir-faire/ par le destinataire sujet opérateur.
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La non-acquisition du /vouloir-faire/ générerait un passage narratif de la dépossession à la renonciation (fragments discursifs des « J’accepte »).
Multiplicité thématique pour un même récit de la jonction
Le mécanisme narratif, décrit plus haut, de disjonction et de privation pour le sujet destinataire de son objet de valeur est un mécanisme classique du discours des anti-publicitaires. Les fragments discursifs qui suivent sont la plupart du temps de l’ordre du descriptif et prennent la forme d’énoncé d’état (à l’opposé des textes concernant l’espace public se traduisant par un énoncé de faire).
Les variations à noter sont de l’ordre du thématique :
- Note de bas de page 5 :
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Collectif, Un pavé dans la gueule de la pub, Paris, Paragon, 2004
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Quand le sujet-citoyen se voit privé de son objet de valeur « droit de regard politico-administratif » : les anti-publicitaires considèrent que la dépolitisation de l’espace public a entraîné un publicisation de la politique. Ainsi le gouvernement emploie de plus en plus les moyens de manipulation et de détournement des publicitaires.
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Quand le sujet-citoyen-femme se voit privé de son caractère humain pour devenir un objet : l’association la plus virulente est La meute qui considère que les publicitaires ont une forte propension à véhiculer un propos sexiste et à utiliser la sexualité et la nudité afin de faire vendre.
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Quand le sujet-citoyen se voit privé de ses droits fondamentaux de salariés et donc in fine de sa liberté (vs esclavage) : les anti-publicitaires considèrent que le système publicitaire actuel concourt à favoriser les inégalités entre les grandes firmes et les entreprises plus modestes ainsi qu’entre les entreprises et les salariés.
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« La pub est au service de l’économie des entreprises géantes, les multinationales, aux dépens d’une économie à échelle humaine, plus respectueuse de l’environnement »5.
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Quand le sujet-citoyen est victime du conditionnement destiné à lui faire perdre son esprit critique : le conditionnement est une croyance fondamentale des anti-publicitaires. Elle s’appuie sur l’idée d’une pénétration psychique de la publicité vis-à-vis du consommateur ayant pour effet un renforcement des comportements d’achat.
Analyse sémantique du discours
Nous allons faire une synthèse des différents investissements sémantiques de manière à articuler globalement le discours. Nous n’allons pas rentrer ici dans une décomposition et une analyse exhaustives du niveau figuratif, toutefois nous illustrerons à travers un détournement l’articulation des trois niveaux figuratif, thématique et axiologique. Mais avant cela, il s’agit de recenser toutes les différentes thématiques déployées par le mouvement anti-publicitaire, mettre à jour l’isotopie thématique et la mettre en relation avec le niveau axiologique.
Niveau thématique |
Réappropriation vs dépossession |
Isotopie thématique |
Autonomie vs hétéronomie |
Niveau axiologique |
Euphorie vs disphorie |
Nous appelons isotopie thématique le regroupement des sémèmes thématiques (acceptation de sens) ayant un lien de parenté. A ce titre nous pensons que l’articulation thématique fondamentale du discours des anti-publicitaires réside dans l’opposition catégorique : Autonomie vs Hétéronomie.
Nous entendons par autonomie cette capacité du sujet à prendre part à la définition du politique (au sens de gestion et organisation de la cité) en gardant une liberté d’action et de pensée, en affirmant son libre arbitre. Nous entendons par hétéronomie cette posture de subordination du sujet à une instance supérieure l’empêchant d’être totalement maître de ses actes, une posture de soumission (consciente ou inconsciente) à une autorité supérieure. Le sujet n’est plus libre dans ses décisions.
Dans le détournement de la campagne publicitaire Décathlon « Pendant que vous êtes à la plage, à fond la réforme de la sécu », il s’agit pour les anti-publicitaires de mettre l’accent sur le fait que le gouvernement (nouvel anti-sujet) profite du fait que les citoyens soient en vacances pour les abuser et favoriser l’adoption d’une réforme importante concernant la sécurité sociale. Il est à noter que le gouvernement est souvent associé aux annonceurs dans le rôle d’anti-sujet en raison de son laisser-faire et de sa soumission tacite aux grandes firmes.
Niveau figuratif iconique |
« Bronzer » |
Niveau figuratif abstrait |
Détente vs vigilance |
Niveau thématique |
Abuser vs informer |
Niveau axiologique |
Dysphorie vs euphorie |
Homologation générale
Plan narratif Niveau narratif |
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Plan sémantique |
|
Niveau figuratif abstrait |
Détente vs vigilance |
Niveau thématique |
Dépossession vs réappropriation |
Niveau axiologique |
Dysphorie vs euphorie |
Schéma narratif du discours des antipubs
Nous pensons qu’il est possible d’appréhender la structure narrative du discours général des anti-publicitaires. Les récits minimaux ou fragments discursifs (c’est-à-dire les différents détournements des anti-publicitaires) peuvent servir à baliser et à illustrer les différentes phases du schéma narratif.
Le contrat est passé entre un destinateur représenté par le mouvement anti-publicitaire et le sujet-citoyen au niveau individuel ou le sujet-opinion publique à un niveau collectif. Ce contrat s’effectue sur la base d’un /vouloir-adhérer/ de la part du sujet du faire envers le point de vue du destinateur anti-publicitaire.
Ce /vouloir-adhérer/ s’effectue sur un ensemble de grands principes dont les récits minimaux cités (non exhaustif) nous semblent représentatifs : « Réapproprions-nous l’espace public », « Moins consommer, c’est urgent », « Non au conditionnement ».
Au niveau de l’action, la compétence à acquérir pour le sujet réside avant tout au niveau du /savoir/. À ce titre, certains fragments discursifs des anti-publicitaires servent à l’informer sur la manière d’agir des annonceurs ou du gouvernement : « Pendant que vous êtes à la plage, à fond la réforme de la sécu », « J’en ai marre d’être un objet ».
La performance réside avant tout pour le sujet du faire dans un /ne-pas-faire/ ou un /faire autrement/. Il s’agit d’introduire au niveau individuel et de manière subséquente au niveau collectif une réforme des pratiques de consommation.
Au niveau de la sanction, la réforme des pratiques consuméristes traduit ou pas une adhésion au point de vue « politique » des anti-publicitaires et autres mouvements alternatifs. Une sanction positive se traduit par le partage de valeurs communes et d’un programme politico-philosophique commun comprenant un ensemble de propositions politiques, économiques et sociales.
En guise d’illustration : « La surconsommation nous emmène au gouffre, solution : décroissance ».
À ce titre, le principe de décroissance pilotée est une des propositions majeures du mouvement anti-publicitaire :
- Note de bas de page 6 :
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Collectif, ibidem.
« Voilà pourquoi je vous convie à engager d’urgence notre économie dans la voie de la décroissance. En diminuant notre consommation et notre production de 4 % par an durant 30 ans, nous pourrons éviter de provoquer une rupture climatique et un épuisement définitif de nos ressources et ainsi sauver notre économie (et par la même occasion l’humanité et la nature, même si vous jugez cela secondaire »6.
Une sanction négative se traduit pas l’acceptation de la situation actuelle, envisagée comme une résignation ou une renonciation des citoyens (vis à vis de leurs propres prérogatives) selon les anti-publicitaires : « J’accepte la compétition comme base de notre système même si j’ai conscience que ce système engendre colère et frustration pour l’immense majorité des perdants ».
L’identité du sujet-consommateur selon les antipubs
Logiques actantielles
Un des postulats fondamentaux du discours des antipubs repose sur la nature manipulatrice de la publicité. Ainsi celle-ci ne cherche pas à informer mais plutôt à flatter les désirs inconscients, et à conditionner.
- Note de bas de page 7 :
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Collectif, ibidem.
« La première étape pour se libérer de la pub est de comprendre que nous sommes tous conditionnés. Ceux qui le nient sont généralement les premières victimes. Il faut avoir la force de nous reconnaître faible. Pour nous qui sommes si orgueilleux, c’est dur ! nous connaissons tous des milliers de logos, de slogans publicitaires. Ils sont entrés bien au fond de notre inconscient à force de matraquage. « Seb, c’est … », « Du pain, du vin, du … ». Par contre combien d’entre nous sommes encore capables de nommer dix espèces d’arbres ? Et ce n’est pas seulement de slogans que nous sommes imprégnés, mais de toute l’idéologie publicitaire : l’amour fanatique du nouveau, nécessaire pour nous faire jeter des choses encore utiles et en acheter de nouvelles, la croyance dans la toute-puissance de la science… »7.
Ce process de conditionnement s’effectue en plusieurs étapes :
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La conduite d’achat : constitution par la répétition d’une pulsion d’achat, instance première, normative, véritable impératif catégorique de l’idéologie publicitaire.
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Le comportement de consommation : le conditionnement commercial a pour effet d’introduire des mimétismes sociaux. Au niveau des comportements de consommation, les prescriptions d’achat se renforcent.
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Le modèle du bonheur : il faut rêver à travers les grandes valeurs de vie signifiées dans le produit. La marchandisation du monde est en train de tout transformer en produit consommable et jetable. Dès lors, la soumission à la consommation, la consoumission, permet de participer au vaste mouvement consensuel et euphorique de la modernité.
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Le modèle de communication : jeu psychologique fonctionnant par effraction dans le for intérieur du destinataire (coupures de films, publicités clandestines…).
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Le mode de pensée : la publicité pratique une culture de l’amalgame. Elle pratique une rhétorique de l’association selon laquelle n’importe quelle valeur peut être associée à n’importe quel produit.
- Note de bas de page 8 :
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Jean-Claude Coquet, Le discours et son sujet: tome 1, essai de grammaire modale, Sémiotique, Paris, Méridiens klincksieck, 1989
Finalement, la publicité est vue comme l’anti-culture par excellence amenant l’individu à perdre son autonomie subjectale. Nous touchons, sans doute, à l’une des notions les plus fondamentales, celle de la nature de l’identité que confèrent les anti-pubs à l’actant-sujet consommateur. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les travaux de J-C Coquet et sur sa manière de pensée la sémiotique subjectale8.
- Note de bas de page 9 :
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Jean-Claude Coquet, Le discours et son sujet: tome 1, essai de grammaire modale, idem, p. 15
Le sujet, selon Coquet, se reconnaît à ceci qu’il se désigne lui-même comme sujet, à savoir « j’affirme que je suis je ». Cette démarche d’affirmation et d’assertion combine deux actes prédicatifs. En premier lieu, un acte linguistique, « est ego qui dit ego ». En second lieu, un acte logico-sémantique, « et qui se dit où que l’on dit ego »9.
- Note de bas de page 10 :
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Paul Ricoeur, Le conflit des interprétations, Paris, Le Seuil, 1969, p. 442
Cette double prise en charge de l’ego est assurée, selon Coquet, par la modalité du vouloir, ou plus exactement celle du méta-vouloir. Le méta-vouloir peut être défini comme « la puissance affirmative d’exister » pour reprendre la formule de Paul Ricoeur10.
Avant même de rentrer dans le principe de hiérarchie des modalités, il convient de présenter les deux univers distincts du sujet, selon qu’ils s’intègrent dans une relation binaire ou une relation ternaire. Ces deux types de relation définissent l’opposition fondamentale entre le sujet autonome et le sujet hétéronome.
Le sujet autonome répond en premier lieu à un /vouloir-faire/ ou un /vouloir-être/ (modalité du méta-vouloir), tandis que l’hétéronomie subjectale se caractérise par un /devoir-faire/ ou un /devoir-être/. Dans le cas du sujet hétéronome, le vouloir est surdéterminé par la composante déontique et change de ce fait de signification. Nous retrouvons cette seconde configuration dans la mécanique relationnelle s’instaurant dans une relation ternaire (l’actant-sujet se voyant sous la dépendance d’un destinateur commandant l’action). Dans le premier cas, celui de l’actant autonome, nous trouvons un sujet libre affirmant son /je/. Dans le second cas, celui de l’actant hétéronome, nous avons affaire à un sujet “soumis à une obligation externe ou “à une loi qu’il a lui-même édicté”. Le second type de relation, la relation ternaire (actant-sujet hétéronome), voit l’entrée en jeu d’un tiers-actant exerçant un pouvoir d’autorité sur l’actant-sujet. Ce tiers actant se nomme destinateur. Il se situe dans un positionnement hiérarchiquement supérieur vis-à-vis du sujet, celui-ci n’agissant plus en son propre nom. Le destinateur est l’instance dominante d’une relation qui n’admet plus l’involution. C’est dans le rapport au destinateur que l’actant-sujet se détermine:
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soit par modalité externe: ex. « Je suis dans l’obligation de … »
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soit par modalité interne: ex. « Je me fais une obligation de … »
Cette première opposition nous permet de dégager deux types d’identités subjectales:
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Le sujet personnel ou autonome qui est animé par un /vouloir/, son /je/ a valeur de /je/
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Le sujet déontique ou hétéronome qui est animé par /devoir/, son /je/ a valeur de /il/
- Note de bas de page 11 :
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Jean-Claude Coquet, idem, p. 67
Nous pouvons distinguer sur ce schéma trois grands types de postures à partir de l’opposition fondamentale entre le sujet et le non sujet11. Du côté du non-sujet, se trouve le /ça/ se déployant sous deux formes: le /ça indéterminé/ et le /ça stéréotypé/. Le /ça indéterminé/ se définit par son absence de prédicat. Il s’agit d’un actant non modalisé. Nous retrouvons dans cette typologie des sujets réduits à une fonction bio-mécanique, non humaine. Le sujet ne veut rien, ne peut rien et ne sait rien.
Seconde typologie, le /ça stéréotypé/ se définit par un unique couple modal n’étant pas surdéterminé par un /méta-vouloir/. Il s’agit d’un actant bi-modalisé répondant à une fonction unique et stéréotypée.
- Note de bas de page 12 :
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Jacques Fontanille, Les actants, les modalités et les passions, Limoges, Cours de DEA, 2000-2001, p. 15
« L’actant bi-modalisé doit donc combiner le pouvoir avec une autre modalité. Agir impulsivement par exemple, c’est, du point de vue de l’identité modale, agir sous le seul contrôle du /pouvoir/ et du /vouloir/ (on ne rencontre alors ni délibération, ni programmation cognitive de l’action, ni injonction extérieure) »12.
Du côté du sujet personnel, deux formes d’autonomie sont présentes:
Le /sujet autonome individualisé/ est un sujet libre de ses actes et affirmant librement son /je/. Le /sujet autonome anonyme/est un sujet qui tend vers l’anonymat, l’indifférenciation. Cette typologie prend la valeur du /on/, un /on/ anonyme désinvestissant le rapport au /je/ et au /moi/. Le sujet tout en gardant sa nature autonome et son état de conscience refuse d’asserter un discours par lequel il ne peut se définir en tant qu’ego.
Le sujet déontique également prend deux formes d’hétéronomie. Le /sujet hétéronome agonique/ se détermine par rapport à un destinateur qui lui impose ses actions. La particularité de ce type de sujet est que le destinateur peut devenir si puissant que le sujet finit par avoir un statut quasi inexistant. Il peut se diluer jusqu’à la non existence au profit d’une autorité institutionnalisée qu’est le destinateur.
Le /sujet hétéronome hyperotaxique/ est également sous la dépendance d’un tiers-actant destinateur, le réduisant à un rôle instrumental. Le sujet est assujetti au désir du destinateur le faisant entrer dans un univers d’obligations. Toutefois le sujet également trimodalisé garde son identité presque complète surdéterminée par un /devoir/.
Typologie actantielle illustrée de fragments discursifs dans le cadre de psychoses.
Postures identitaires du sujet-consommateur
La plupart des énoncés des antipubs lorsque ceux-ci dessinent en creux une identité à l’actant-sujet-consommateur oscille entre une posture de sujet déontique dans ces deux formes possibles en allant même jusqu’à définir le consommateur comme un non-sujet, une sorte de mix entre un /ça indéterminé/ et un /ça stéréotypé/.
Le non-sujet indéterminé consommateur accomplit une fonction machinalement, de manière mécanique, instinctive ou acte-réflexe. Cette fonction est celle d’acheter. Le non-sujet ne peut rien, ne veut rien et ne sait rien. Il se contente d’agir sans programmation cognitive de l’action, sans injonction extérieure apparente.
- Note de bas de page 13 :
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Collectif, ibidem.
« La pub somme chacun d’entre nous de se soumettre. Elle nous refuse le droit d’aller à nous-même, de chercher le vrai sens de nos existences, d’affirmer que nous sommes des humains avant d’être des consommateurs »13.
Le sujet consommateur est également présenté comme un sujet déontique, plus précisément comme un sujet hétéronome hyperotaxique. Tout en gardant son identité presque complète, il voit son statut sur-déterminé par un /devoir-faire/.
L’actant-sujet est ainsi assujetti au désir d’un destinateur le faisant entrer dans un univers d’obligations. Le sujet consommateur est donc sous dépendance d’une instance hiérarchiquement supérieure. Nous verrons un peu plus tard que ce rôle est attribué la plupart du temps à la marque (qui se cache derrière la publicité).
- Note de bas de page 14 :
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Ibidem
- Note de bas de page 15 :
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Ibidem
- Note de bas de page 16 :
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Ibidem
- Note de bas de page 17 :
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Ibidem
- Note de bas de page 18 :
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Ibidem
« La pub impose partout ses anti-valeurs : « Achète cette voiture et les autres t’aimeront, t’admireront. Achète ce parfum et les garçons ou les filles seront fous ou folles de toi. Achète , achète, achète et tu existeras »14.
« La marque est un substitut d’identité pour les individus en carence »15.
« L’individu mal dans sa peau est le meilleur des consommateurs. Si un individu n’a pas de problème ou n’est pas angoissé, il ne se soucie pas des marques, il achète simplement ce dont il a besoin »16.
« La pub impose de vivre dans le présent. Elle empêche de se projeter sauf dans ces pseudo-identités que sont les modes et les marques »17.
« Comme si de porter telle marque, ça donnait des potes et des rêves à soi ! La pub joue sur les fantasmes des gens un peu malades dans leur tête »18.
Enfin, lorsque le consommateur se voit attribuer une identité autonome, celle-ci prend la valeur du /on/, un /on/ anonyme désinvestissant le rapport au /je/ et au /moi/. Cette valeur générique peut à terme rentrer en conflit avec la nécessité de se définir en tant qu’ego « je suis je ». Ainsi, le danger réside dans la régression vers l’hétéronomie voire l’absence de méta-vouloir, la panacée du non-sujet.
- Note de bas de page 19 :
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Ibidem.
- Note de bas de page 20 :
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Ibidem.
« La pub veut donc détruire les cultures en imposant des produits et des modes de vie standardisés sur toute la surface de la terre. La pub c’est « tous Mac Do, tous Nike ». La pub ne supporte pas les peuples qui veulent faire de la diversité de leur culture une richesse. La pub veut créer un monde uniforme, incolore, inodore, de Sao Paulo à Pékin, en passant par l’endroit où nous habitons »19.
« …des individus standardisés, clonés, tous différents mais semblables à la fois. La pub pousse à l’uniformité de penser, de sentir, d’être et d’agir»20.
Le rôle de la marque et remarques conclusives
La marque devient la grande manipulatrice dans le système de pensées des antipubs. Elle trompe, attire et manipule les publics. Ce qui est avant tout critiqué, c’est l’amplitude du territoire discursif que s’est attribuée la marque durant ces dernières années et de manière corollaire l’appropriation de valeurs « sociétales » à des fins commerciales. Cette dernière constatation nous semble intéressante dans la mesure où les anti-pubs (sans le savoir ?) se comportent en épistémologues avertis du phénomène marque.
En effet, les bouleversements socio-économiques, la multiplication de l’offre, la dématérialisation des produits et l’explosion du phénomène communicationnel ont modifié profondément et durablement l’importance et le rôle attribués à la marque. Avec l’avènement de l’ère et de la culture de la communication, les marques ont été de plus en plus amenées à proposer des significations, des idées et les a partagé avec leurs publics. Ainsi elles se sont tournées de plus en plus vers les destinataires de leurs discours et ont commencé à porter un regard sur la gestion des contenus qu’elles proposent. Il ne s’agit plus de communiquer pour gagner en notoriété mais d’échanger du sens pour gagner et fidéliser les clients. A savoir, vendre des visions du monde, des styles de vie, des systèmes de valeurs, des expériences existentielles.
Ainsi la marque devient pour les anti-pubs cette instance qui se ré-approprie des valeurs sociétales, philosophiques et politiques et les transforme en valeurs consuméristes.
- Note de bas de page 21 :
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Ibidem.
- Note de bas de page 22 :
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Ibidem
- Note de bas de page 23 :
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Ibidem
« L’enjeu est important: comment se définit-on ? Quelle est notre identité ? Nos grands parents portaient souvent des insignes religieux, nous, nous portions plus des insignes politiques, nos enfants portent des marques: on a des enfants Nike, des enfants Benetton, des enfants Mac Do ou Coca ! Essayer de faire enlever une casquette dans certains lycées: impossible car c’est vécu comme une violence, comme le viol de l’identité même du jeune. La pub est parvenue à s’emparer des identités, à les manipuler et à les trafiquer »21.
« …inverser le profane et ce qui était considéré jusqu’alors comme sacré: elle profane les sentiments, les identités, les valeurs, les engagements »22.
« Elle subvertit également les valeurs humaines qui se trouvent mises au service exclusif du profit. Le but, c’est tout de même de vendre »23.
- Note de bas de page 24 :
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Catherine Becker, « Les antipubs sont fascinés par la pub … », Média n°1, Paris, mai 2004, p45
Ce point de vue n’est pas « théoriquement » faux, toutefois il fait l’impasse sur la capacité de la société civile à détourner le discours publicitaire à se l’approprier comme le remarque justement Catherine Becker24. Ainsi, le discours des anti-pubs, comme nous l’avons vu dans la partie précédente, a tendance à présenter un consommateur incapable de « traiter » symboliquement un contenu publicitaire.
A ce titre, ils partagent au moins un point de vue avec certains professionnels de la publicité, celui du pouvoir magico-religieux du discours publicitaire et l’hétéronomie substantielle du sujet-consommateur.