Politique et médiatique : la question de l’interférence

Denis BERTRAND

Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis

https://doi.org/10.25965/as.5867

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Texte intégral
Note de bas de page 1 :

 Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des modernes, Paris, La Découverte, 2012.

Note de bas de page 2 :

 Georges Perec, « Préambule », La vie mode d’emploi. Romans, Paris, Hachette, 1978, p. 17. Ce roman est, de toutes les œuvres de G. Perec, celle qui met en œuvre de la manière la plus radicale le principe des contraintes  formelles de l’Oulipo (OUvroir de la LIttérature POtentielle) dont il était, avec Raymond Queneau, un des membres les plus créatifs.

Pour son lecteur, l’Enquête sur les modes d’existence de Bruno Latour est un défi à la linéarité de la textualisation1 : voici que ce lecteur est invité à passer du texte au tableau final en double page, et de celui-ci à la table des matières dont les intertitres déployés en longues phrases accompagnent, en marge et au fil des pages, le texte auquel il revient, le tout dans un étrange croisement de parcours syntagmatiques distincts, associant et combinant, dans ses allers et retours, les continuités et les discontinuités. A travers l’expérience de cette lecture, on peut se dire que l’EME — acronyme qui condense le titre — est un ouvrage à caractère oulipien et qu’il est au discours des sciences sociales ce que La vie mode d’emploi est au roman. Cette proximité entre Bruno Latour et Georges Perec, à vrai dire, n’est pas si étonnante. Depuis le XIXe siècle au moins, le lien entre l’écriture romanesque et l’épistémè ambiante est suffisamment visible et avéré. Le roman atteste les repères cognitifs et même épistémologiques sur lesquels s’articule sa narration : Emile Zola et le positivisme, Claude Simon et la phénoménologie, Georges Perec et le structuralisme. Le moule formel qui constitue, dans l’ensemble et dans le détail, la charpente de La vie mode d’emploi autour de la figure du puzzle, repose sur des déclarations initiales qui pourraient venir sous la plume d’un sémioticien : « ce ne sont pas les éléments qui déterminent l’ensemble, mais l’ensemble qui détermine les éléments », ou « considérée isolément, une pièce d’un puzzle ne veut rien dire ; elle est seulement question impossible, défi opaque »2.

Note de bas de page 3 :

 Georges Perec, op. cit., p. 154 : « Aucune trace, ainsi, ne resterait de cette opération qui aurait, pendant cinquante ans, entièrement mobilisé son auteur. »

Note de bas de page 4 :

 Cf. Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, Paris, Gallimard, 1993 (1975).

Or, le formalisme oulipien qui gère la construction du roman se double d’une dimension narrative qui fait l’attrait même de l’œuvre : au système fermé répond l’ouverture indéfinie du sens, à travers la multitude des descriptions et les quelque cent cinquante histoires racontées dont l’ensemble repose sur une même catégorie sous-jacente. Cette catégorie articule la relation entre la présence et l’absence, la surabondance et la disparition, la saturation et le vide. On sait que la visée ultime de Bartlebooth, le héros — après s’être initié pendant dix ans à l’art de l’aquarelle, après avoir peint ses cinq cents aquarelles de « ports de mer » du monde entier, après les avoir fait découper en puzzles et mettre en boîtes, après avoir reconstitué les puzzles, fait ressouder les découpes et effacer tous les pigments colorés — est de reconstituer la feuille blanche initiale et de la ranger dans la boîte d’où elle avait été extraite cinquante ans plus tôt3. De plus, cet anéantissement d’un sens qui a fourmillé rejoint l’histoire même de l’auteur, que hante la disparition de sa famille dans les camps nazis4.

Note de bas de page 5 :

 Bruno Latour, op. cit., p. 484-485.

Note de bas de page 6 :

 Op. cit., p. 42

L’EME, tout comme le roman, a son héros, ou plutôt son héroïne, elle-même fictive : « Supposons une anthropologue qui se serait mis en tête de reconstituer le système de valeurs des “sociétés occidentales” ». L’isotopie du personnage est en place et, même si sa présence est perlée (comme on le dit d’une grève), son fil thématique est tenu de bout en bout. Or, le cours de son investigation montre que la composition d’un formalisme rigoureux et d’une ouverture indéfinie structure l’Enquête sur les modes d’existence, et qu’à bien des égards l’entreprise de Bruno Latour, à travers sa jeune anthropologue, peut être comprise comme une Vie mode d’emploi. De fait, l’organisation formelle et systématique — cf. le grand tableau en fin d’ouvrage, avec ses quinze modes d’existences rassemblés en cinq groupes5 —, s’articule à une ouverture comparable sur la fluctuation indéfinie des réseaux, qui fait que le système ne peut être clos, que le débat est toujours ouvert et que les concepts, pour ainsi dire, flottent dans le foisonnement des figures. Comment peut-on considérer, par exemple, que la Science constitue un domaine distinct lorsqu’on prend acte de la prolifération des parcours inattendus et hétérogènes qui en enserrent et en déterminent l’activité ? Il y a bien, d’un côté, « des blouses blanches, des flacons de verre, des cultures de microbes, des articles avec notes en bas de page »6, autant de déterminations figuratives qui vont entrer, comme éléments constitutifs, dans la configuration « Science » ; mais il y a aussi, d’un autre côté, dans une seule journée de la vie du laboratoire, « la visite d’un juriste pour des affaires de brevet, d’un pasteur pour des questions d’éthique, d’un technicien pour la réparation d’un nouveau microscope, d’un élu pour le vote d’une subvention, d’un business angel pour le lancement de la prochaine start up, d’un industriel pour la mise au point d’un nouveau fermenteur, etc. ». Inventaire perecquien, comme chez lui minutieusement décomposé, indéfiniment ouvert à la surprise d’une rencontre imprévue. Les parcours narratifs, figuratifs et thématiques s’entrelacent et se composent de manière aléatoire les uns avec les autres, juxtaposés en parataxe plutôt qu’enchaînés en syntaxe. Leur circulation entrecroisée et leur flux continu façonnent ce qui va établir la part d’identité, sur le mode du même, entre la Science, le Droit ou la Religion. Le propre de chacun de ces domaines, ce qui va permettre de les identifier cette fois sur le mode du différent et du singulier, en traçant d’éventuelles frontières entre eux, relève de la valeur et de ses indiscernables variations de tonalité. Il y a ce qui, dans un discours, « fait science », comme ce qui « fait droit », ou ce qui « fait religion » : le plan de pertinence de chacun de ces modes déclenche son propre régime véridictoire d’où se dégageront la possibilité même et la validité du domaine. Mais la mouvance et l’entrelacs dominent.

1. Réglages d’interférences

C’est là que se situe le défi du dialogue avec la sémiotique, dont les concepts sont apparemment si stabilisés, même s’ils sont toujours eux-mêmes en débat, qu’on les croit souvent inadaptés à saisir la mouvance des objets dans leur fuyante réalité sensible. Nous aimerions ici, à travers un questionnement sur quelques-uns de ces concepts, engager le dialogue en prenant ancrage dans l’Enquête sur les modes d’existence, aux pages 54-58 précisément, dont les linéaments d’intertitres condensent ainsi le thème : « L’enquêtrice comprend pourquoi les valeurs sont difficiles à détecter (54) à cause des liens très particuliers avec l’institution (55), ce qui va obliger à prendre en compte une histoire des valeurs et de leurs interférences (57) ».

Note de bas de page 7 :

 Op. cit., p. 57

Cette dernière proposition est explicitée dans le texte, et littéralement mise en abyme : « L’histoire de chaque valeur va, un peu comme à la Bourse, interférer avec les fluctuations de toutes les autres »7. L’interférence est indéfinie parce qu’elle repose sur un principe récursif, comme possible interférence d’interférences d’interférences… Pour illustrer cette notion et ses engrenages nous envisagerons, dans un cadre conceptuel sémiotique, le problème des rapports entre le médiatique et le politique. Comment ces concepts permettent-ils d’appréhender, non plus des domaines stabilisés parce qu’institués —comme la critique de l’EME le suggère —, mais des réseaux d’interférences à la croisée desquels ils prennent forme et se déforment réciproquement ?

Une image, parmi des milliers d’images prises ce jour du 11 janvier 2016, est devenue en quelques heures emblématique de l’événement, lui conférant sa dimension politique et garantissant son inscription dans l’Histoire. A la suite de l’attentat à la rédaction de Charlie Hebdo et de la grande manifestation qui a suivi, réunissant quatre millions de personnes autour du slogan « Je suis Charlie », cette photographie de Martin Argyroglo, prise le soir sur le monument de la Place de la Nation à Paris, a été isolée, retenue et élue par le flux médiatique. Comment ce processus s’est-il réalisé ?

Photo de Martin Argyroglo

Photo de Martin Argyroglo

Note de bas de page 8 :

 Pastille télévisuelle réalisée avec La Générale de Production (directeur : Alexandre Hallier ; réalisateur : Dimitri Kourtchine), de 2011 à 2016. Celle-ci est disponible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=hG6DHlZEUVo

Nous avons effectué une rapide analyse du phénomène dans la chronique télévisuelle « Denis Décode », petit exercice sémiotique de deux minutes réalisé chaque semaine pour Média le magazine, sur France 58. Cette analyse mettait en évidence, tout d’abord, le jeu des interférences qui, à l’intérieur de l’image, opérait un double effet référentiel : la référence externe à l’événement « réel », saisi dans la fulgurance d’un instant de lumière, et la référence interne à des images instituées dans la mémoire culturelle française, tout particulièrement « Le radeau de la Méduse » de Géricault et « La liberté guidant le peuple » de Delacroix. Les traits formels de la composition, les contrastes chromatiques et les effets plastiques imposant cette référentialisation pouvaient suffire à justifier l’élection de l’image ; ils permettaient surtout de montrer comment l’imaginaire romantique, avec sa dramaturgie et sa puissance de stéréotypie, façonnait toujours notre représentation du politique. Bien d’autres éléments symboliques sollicitent la lecture visuelle, faisant interférer d’autres mondes dans celui que nous avons sous les yeux, et en intensifiant les significations : le crayon en lieu et place de la lance, du fusil et du canon, faisant du langage seul l’instrument de la force ; les corps des manifestants enlacés à ceux des figures mythologiques, celles-ci transfusant alors à ceux-là une part de leur statut et de leur rayonnement ; les scènes multipliées en autant de micro-récits montrant que ce sont les petites histoires cumulées qui font la grande… Les parcours inférentiels et référentiels sont diversifiés, leur nombre est peut-être indéfini, mais ce sont eux qui confèrent en l’occurrence à l’image sa valeur, au croisement de l’esthétique et de l’éthique. L’exercice, au fond, consistait à dire que sous la parole comme sous l’image ordinaires, il y a des dynamiques de sens, des jeux référentiels et des concepts, et que ces derniers, révélant des processus signifiants, permettent de mesurer leur efficience. La sémiotique ne fait que proposer, à l’aide de ses instruments métalinguistiques, une mise en évidence de tels processus d’interférences.

Note de bas de page 9 :

 Paul Valéry, Cahiers, t. II, Paris, Gallimard, 1974, p. 1024.

Note de bas de page 10 :

 Bruno Latour, op. cit., p. 57.

Nous pouvons ainsi faire le lien entre la systématicité analytique de la sémiotique d’origine structurale, dont on vient d’esquisser un aperçu, et l’ouverture à la fluctuation maîtrisable du sens prise en charge par Bruno Latour dans les réseaux constitutifs de ses modes d’existence. Plus encore, mais sans doute est-ce déjà opérer un déplacement, un parallèle s’établit entre ces réseaux et ce que Paul Valéry présente comme la « règle de l’œuvre ». Il écrit, dans ses Cahiers, que« le secret ou l’exigence de la composition est que chaque élément invariant doit être uni aux autres par plus d’un lien, par le plus grand nombre de liaisons d’espèces différentes. […] Tout est en présence, tout en échange mutuel et en modifications réciproques »9. Bruno Latour élargit le propos à l’ensemble des valeurs, à leur histoire et à leur rapport avec les institutions : « Pour le cas de l’anthropologie des Modernes, écrit-il, on va avoir deux types de variations à prendre en compte : les valeurs, d’une part, et la fluctuation des valeurs au cours du temps, d’autre part. Histoire d’autant plus complexe qu’elle va varier par type de valeurs »10. Cette complexité s’exprime par les interférences entre régimes axiologiques différents, véridictoires notamment, et par les fluctuations internes à ces régimes qui sont elles-mêmes issues d’interférences et qui, simultanément, en génèrent.

Note de bas de page 11 :

 Voir notamment Claude Zilberberg, La structure tensive, Liège, Presses universitaires, 2012.

Ce problème de l’interférence s’est posé à la sémiotique depuis longtemps, et elle a tenté de lui donner plusieurs réponses analytiques. L’une d’entre elles est celle de la tensivité : avec la sémiotique tensive, les catégories ne sont plus seulement définies, structuralement, par des termes discrétisables, mais elles se superposent, se combinent, entrent en compétition, fluctuent, s’étirent, se polarisent, font valoir leurs modes d’existence relatifs, bref, elles interfèrent11. Or, très concrètement, cette question (de l’interférence) est également au centre, aujourd’hui, des relations entre des domaines identifiés séparément, comme le médiatique et le politique. Il y a quelques décennies — nous pensons notamment aux travaux du sociologue des médias Jean-Louis Missika —, la relation entre ces deux domaines était essentiellement pensée en termes narratifs d’agenda. L’agenda politique et l’agenda médiatique diffèrent. Leurs tempos respectifs sont source de conflit. Au politique revient le tempo lent, qui consiste par exemple à débattre d’une loi, à en amender le projet, à la faire voter par l’Assemblée nationale, et à attendre les décrets d’application avant qu’elle entre dans la vie des gens. L’agenda médiatique, lui, se caractérise par un tempo accéléré : le projet de loi annoncé et discuté est déjà, au moins virtuellement, entré dans la vie sociale. Il est possible de rendre compte d’un tel conflit d’agendas en termes de programmes tels que la sémiotique narrative les définit. Or, aujourd’hui, si nous pouvons parler d’interférences, c’est que les choses se présentent d’une autre manière. Les valeurs instituantes du monde médiatique et du monde politique se mêlent les unes aux autres. Les rôles thématiques deviennent poreux, les légitimités se superposent, la représentation est en tension avec la représentativité, l’actant collectif ne peut plus être envisagé comme un dispositif stable, aux contours bien délimités, mais plutôt comme une formation plus ou moins passionnelle en modulation permanente.

2. Valeur, médiation et interférence

De tels phénomènes d’interférence nous invitent à réinterroger les concepts sémiotiques eux-mêmes. Au premier rang desquels nous placerons les concepts de valeur, de rôle thématique et d’actant collectif, tous trois en quelque sorte soumis à une loi de figuration — dans tous les sens de ce mot, aussi bien comme spectacle et théâtralité, que comme notion centrale pour une sémiotique du sensible, entre iconicité et affect. La liaison médiatico-politique invite donc à repenser, sur le mode de l’interférence, l’entrelacs conceptuel qui seul peut rendre compte des fluctuations. Et cela, conformément au principe d’immanence qui forme le socle de légitimité du faire sémiotique.

Note de bas de page 12 :

 Denis Bertrand et Veronica Estay Stange, « Syntagmatique de la valeur », in Amir Biglari (éd.), Valeurs. Aux fondements de la sémiotique, Paris, L’Harmattan, 2015.

Pour envisager ce point, interrogeons tout d’abord le mot « valeur », si sollicité par Bruno Latour pour donner un contenu et dégager du flux indéfini des réseaux les éléments de spécificité qui définiront les domaines (science, droit, religion, etc.). Dans un travail intitulé « Syntagmatique de la valeur », nous avons ainsi pu envisager à nouveaux frais l’approche sémiotique de cette notion12. Son originalité bien connue est d’avoir su combiner étroitement, et logiquement, les trois acceptions courante de la notion : (1) l’acception linguistico-sémantique selon laquelle la valeur — au sens effectif d’une expression en situation — est un fait de langage, littéralement, parce que c’est elle qui fait écran entre nous et les choses, en les revêtant d’un nom qui est déjà une sélection de propriétés ; (2) l’acception économico-narrative selon laquelle la valeur est ce qui définit de manière fluctuante tout actant objet, en le faisant circuler dans l’échange et le conflit, entre le partage fiduciaire des valences (qui fondent les équivalences nécessaires à tout échange) et les intensifications passionnelles de leur fixation sous forme de simulacres ; (3) l’acception thématico-axiologique selon laquelle la valeur est ce qui oriente, modalise, donne sens et finalise, entre le déontologique et le téléologique, les programmes de l’acception économico-narrative sous l’écran de fumée de l’acception linguistico-sémantique. C’est le beau, c’est le bien, c’est le vrai, c’est le juste… dont la visée justifie le vivre.

Note de bas de page 13 :

 Bruno Latour, op. cit., p. 57.

Efficace, cette combinaison l’est sans doute, car elle contribue à fixer le concept de valeur, à en assurer la définition, à le stabiliser dans des cadres, à consolider du même coup la distinction actantielle entre sujet et objet, et même à l’inscrire dans une genèse sémantique en montrant comment il résulte des valences. Or, la prise en compte des interférences conduit à interroger cette stabilité. C’est ce que fait Bruno Latour en rapportant l’une à l’autre la valeur et l’institution : « Il faut imaginer un rapport original et spécifique entre l’histoire de leurs valeurs (celles des Modernes) et les institutions auxquelles elles donnent sens et qui en retour, les recueillent, les abritent — et souvent les trahissent »13. Ce qui est réclamé ici, c’est que le concept sorte de sa catégorisation, qu’il se mette à fluctuer, que la distinction polaire sujet/objet ne soit plus l’immuable référence pour penser la valeur au profit d’autres relations — institutions par exemple —, bref, ce qui est exigé, c’est qu’on se saisisse de l’entrelacs conceptuel. Nous aimerions précisément faire porter notre interrogation sur ce point, en termes sémiotiques.

Un beau cas d’école peut être l’usage qui est fait aujourd’hui du terme « transparence », dans ses interférences médiatico-politiques, depuis sa valeur en termes lexicaux de profération jusqu’à ses contenus axiologiques comme proposition de forme de vie sociale. Ce sont les lignes de fuite de la transparence qui nous intéressent alors, ce par quoi elle se manifeste, ce qui, en elle, fait sans doute illusion, jusqu’à son sens qui, finalement, se dérobe. Pour tenter de saisir cette fluctuation, plutôt que de l’envisager globalement sous la forme synthétique des « régimes » de la transparence, nous proposons de l’aborder sous un angle particulier, à travers la relation que la « transparence », au sens retenu par le champ politique et médiatique, entretient avec le problème de la médiation.

Note de bas de page 14 :

 Algirdas Julien Greimas et Joseph Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979, entrée « Délégation », p. 87.

La médiation se présente comme un écran dressé entre un sujet et un objet, également tourné vers l’un et vers l’autre. Sa caractéristique principale est d’être une interface — que ce soit par exemple dans la négociation ou dans la transmission pédagogique des connaissances —, avec un versant qui regarde la source et l’autre qui regarde la cible. Que fait le médiateur dans la médiation ? Il sélectionne des particules élémentaires, des traits susceptibles d’être isotopants, qu’il suppose compatibles avec l’un et l’autre côtés et qu’il se propose de faire transiter de l’un à l’autre. Ce sont par exemple les contenus cognitifs et participatifs de la médiation enseignante, ou le donnant-donnant du conflit négocié par l’entremise d’un médiateur. Plus largement, à travers la question de la médiation, se trouve alors posée la problématique de la délégation et de la représentation, au sens politique du terme. A. J. Greimas et J. Courtés ont réservé, dans Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, une entrée au terme « Délégation »14. Ce concept est qualifié de « fort utile » mais « encore mal défini ». Il « recouvre, indique le dictionnaire, une procédure de transfert de compétence qui, tout en précisant les modalités en jeu (le savoir ou le pouvoir faire par exemple), confère au sujet concerné (à l’actant délégué) une certaine marge d’autonomie d’ordre performanciel ». La définition distingue la délégation énonciative (dans la citation par exemple) de la délégation énoncive (par contrat implicite ou non — en cas d’élection des délégués par exemple). Le représentant (délégué, député, etc.) n’est donc pas seulement une entité fonctionnelle liée à une contrainte quantitative : tout le monde ne peut pas tout faire, on le sait… Il est aussi sémiotiquement investi en termes modaux, techniques et éthiques (responsabilité, pouvoir lié au devoir, réciprocité, etc.).

Dans tous les cas, la médiation et les chaînes de médiation ainsi adossées à la délégation peuvent apparaître comme un obstacle à la transparence… Or, des phénomènes convergents, en France et ailleurs, dans l’effusion médiatique contemporaine — avec, notamment, la montée en puissance des nouveaux médias et des réseaux sociaux sur les interfaces numériques —, peuvent être compris comme une résistance à la médiation et à ses écrans. Une nouvelle utopie sociale de la transparence se ferait jour par effacement de la médiation, c’est-à-dire par la disparition des rôles thématiques institués qui ont cette fonction, de porte-parole et de transmetteur, dans différents domaines du champ social, qu’il s’agisse du député, du journaliste, du professeur, de l’animateur, du modérateur, etc. La disparition de ces rôles est promue, se réalisant au profit de l’expression supposée directe et spontanée de chacun et de tous, indifféremment et de droit. Cette utopie de la transparence par éradication des médiations définit pour une large part le populisme ; et le gouvernement par plébiscite. Elle implique nécessairement, on le sait, une augmentation de l’opacité. Nous devons ici chercher à comprendre, en mobilisant le regard sémiotique, comment se réalise ce double processus, de transparence visée et d’opacité obtenue. Et plus précisément, chercher à répondre à la question que posent les interférences entre médiatique et politique.

3. Rôle thématique et interférence

Récemment déclinante et même en perdition, la station Radio Monte Carlo a connu une renaissance spectaculaire lorsqu’elle a mis en œuvre le principe, venu des Etats-Unis, de la prise de parole systématique des auditeurs, témoins « authentiques » de l’actualité en cours. L’émission alors créée, sous le titre « Les grandes gueules », connaît un succès populaire considérable. La rupture avec l’usage médiatique est donc fondée sur un changement radical dans la distribution des rôles et des positions d’énonciation. Un extrait, que nous avons exploité dans une livraison de « Denis Décode », montre comment se libèrent, de la manière apparemment la plus spontanée, les humeurs et les passions des gens ordinaires, sur divers objets : la politique ou plutôt les politiques, les faits divers, les loisirs, etc. Les « gens ordinaires » : cette désignation constitue une thématisation minimale. Ils sont par ailleurs « commerçant », « chef de petite entreprise », « joueur de rugby », etc., et sont recrutés sur un simple critère énonciatif : ils sont « forts en gueule ». Nous reproduisons ci-dessous le texte de la pastille : en italique, nos commentaires des verbatim (eux-mêmes en romain).

Rhétorique de l’exutoire

Une grande gueule par définition, ça gueule. Sur RMC, la spontanéité est de règle. Mais la règle implique une rhétorique.

La spontanéité passe par l’humeur, qui se libère dans la provocation. C’est le choc des mots à la radio.

Ministre, c'est pas l’boulot le plus fatiguant du monde

Demandez à ceux qui s’lèvent à 5 h du matin pour le SMIG, ça va les faire rigoler.

L’émotion se confond avec le jugement. Comme au carnaval, un bon mot suffit à destituer les grands.

Il est ministre, il devrait être là, c’est comme si qu’on est le Père Noël et qu’on est en vacances le 25 décembre.

Triomphe de l’argot. La parole est un spectacle. Les accents donnent du corps aux mots. C’est la polyphonie truculente et poétique du français, avec toujours, en ligne de mire, les élites.

Extrait du rugbyman Vincent Moscato, le « Moscato show »

La scène s’ouvre à l’auditeur, qui mêle sa parole à celle du chroniqueur dans un jeu où les rôles se confondent.

Moi, j’pars d’un principe : le touriste est quelqu'un de con. A partir du moment où il arrive sur une plage ou sur une montagne, il dépose son cerveau.

Il s’érige en juge : le verdict tombe, à l’emporte-pièce.

On leur pourrit les vacances : on les interdit de plage.

L’argument se doit d’être lapidaire.

L’opinion, forcément légitime parce qu’elle vient du peuple, devient ainsi un sketch qui répond à des règles précises.

En résumé, la recette RMC consiste à mettre à mal la parole médiatique. La station milite contre les codes institués, au nom de la légitimité populaire. Mais la spontanéité est aussi une rhétorique : confusion des rôles, ressort de l’émotion, brutalité de l’argument. RMC cherche à faire croire en flattant. Institution de l’exutoire.

Les pistes d’analyse possibles de ce foisonnement de discours sont évidemment nombreuses : polyphonie de la langue orale, question du Destinateur à travers le caractère toujours judicatif des prises de parole, comique populaire dans la perspective « polyphonique » bakhtinienne, etc. Nous nous en tiendrons, dans la perspective qui est ici la nôtre, au problème de l’interférence. Et celui-ci peut être précisément envisagé à travers les manipulations du rôle thématique, tel que la sémiotique l’a défini. Nous sommes loin d’avoir épuisé le potentiel analytique que recèle ce concept. Cet instrument est victime de son statut à la fois narratif et génératif, deux handicaps au regard d’une sémiotique qui a largement coupé les ponts avec sa tradition fondatrice. Le rôle thématique est, d’un côté, une extension de l’actant et, de l’autre, un instrument de conversion générative entre le niveau des structures sémio-narratives et celui des structures discursives. Nous renvoyons ici au dictionnaire de Greimas et Courtés. Or, ce concept est à nos yeux essentiel, et son actualité opératoire considérable, notamment dans un cadre de réflexion socio-politique. Nous subdiviserons son approche en trois niveaux de définition, qui accompagnent pour ainsi dire l’histoire de la sémiotique elle-même : une définition structurale, une définition socio-sémiotique et une définition sémio-phénoménologique.

Définition structurale. C’est, à la base, la définition narrative classique que l’on trouve dans le Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage :

Note de bas de page 15 :

 Op. cit. Entrée « Thématique », p. 393.

On entend par rôle thématique la représentation, sous forme actantielle, d’un thème ou d’un parcours thématique (le parcours « pêcher », par exemple, peut être condensé ou résumé par le rôle de « pêcheur »). Le rôle thématique est obtenu à la fois par - a) la réduction d’une configuration discursive à un seul parcours figuratif (réalisé ou réalisable dans le discours) et, au-delà, à un agent compétent qui le subsume virtuellement ; et b) par la détermination de sa position dans le parcours de l’acteur, position qui permet de fixer au rôle thématique une isotopie précise (parmi toutes celles sur lesquelles il peut virtuellement s’inscrire). – La conjonction de rôles actantiels et de rôles thématiques définit l’acteur.15

Le rôle thématique (d’ordre sémantique) s’adjoint donc à un rôle actantiel (d’ordre syntaxique) pour former ce qu’on nomme alors un acteur, ou un « personnage » au sens littéraire habituel. C’est un instrument de conversion entre niveaux d’analyse. Le dictionnaire nous donne ici l’exemple d’un actant sujet engagé dans un programme d’action pour acquérir un objet et, le parcours en question étant thématisé par la « pêche », cet actant revêt le rôle thématique de « pêcheur ». Sur cette base, il pourra ultérieurement être sur-thématisé comme « pêcheur d’hommes ». L’histoire est connue. Cet acteur pourra être spécifié, individualisé, personnalisé, décrit, bref figurativisé. Mais sa structure d’acteur (ou de personnage) repose bien sur le socle de son statut d’actant, modalisé et partie prenante de programmes narratifs, statut alors enrichi par une thématisation. L’analyse littéraire a beaucoup investi ce premier niveau de définition.

Définition socio-sémiotique, ensuite.Dans l’univers qui nous occupe, celui de la radio, les rôles thématiques clefs sont ceux de « journaliste » et d’« animateur ». Quel qu’il soit, le rôle thématique peut être essentiellement compris comme un mode d’insertion de l’individuel dans le collectif, un mode sans doute majeur en ce qu’il implique un point de vue économique, comme l’atteste le rôle thématique du « chômeur ». Tout d’abord, le rôle ainsi compris forme une classe paradigmatique, dont les propriétés agrègent un certain nombre d’individus : étudiant, boulanger, ouvrier, etc. Dans les années 2010, La Poste a engagé une réflexion sur le rôle du « facteur » : avec la diminution constante du courrier papier (au profit du courrier numérique), et en raison de l’extension de ses activités (livreur de médicaments, soutien relationnel, services à la personne, etc.), le rôle thématique est menacé de dissolution : le facteur peut devenir un factotum. Par ailleurs, d’un point de vue syntagmatique, chaque individu est susceptible d’endosser un certain nombre de rôles, successivement dans le temps de la journée, voire simultanément, engendrant alors de possibles conflits d’instances dans le discours et dans le comportement : collisions discursives à effet comique, ou pathétiques. Frontière mouvante des rôles : on connaît l’histoire stéréotypée du « patron » autoritaire qui, rentré à la maison, se soumet au pouvoir de sa « patronne »…

Car le rôle thématique, dans cette perspective socio-sémiotique, forme un univers. Il intègre, du fait des sédimentations culturelles de l’usage, un certain nombre de motifs, des « praxèmes », des registres d’énonciation et des modes d’interaction qui lui sont propres. Telle ou telle conduite discursive est littéralement prescrite par la thématisation même du rôle. Ainsi, par exemple, au rôle du « journaliste » et à sa position d’observation, correspond généralement une énonciation neutre, impersonnelle, distanciée et dépassionnée. Celle de la pure médiation factuelle et informative. Or, les prises de parole sont ici, dans le contexte des « grandes gueules », précisément en rupture avec ce registre prévisible : les discours des locuteurs sont dans tous les cas marqués d’une forte empreinte passionnelle, celle de la colère à divers degrés d’intensité, appliquée à diverses cibles, et ciblées sur divers rôles thématiques : l’élite politique (l’énarque), le touriste, le bobo, l’intellectuel. De quelle colère s’agit-il ? Quel est son statut véridictoire ? Est-elle sincère ou est-elle feinte ? Peu importe, les gradations intensives, de son apparition à son déploiement, lui donnent l’apparence d’une colère authentique. Mais il s’agit d’une colère qui est à elle-même sa propre fin. Elle a essentiellement pour fonction d’exhiber son état et d’en faire un événement en lui-même. Il en va tout autrement de la colère politique, laquelle s’adosse nécessairement à un fond de légitimité : elle est en effet justifiée par la frustration et le ressentiment qui donnent à la révolte sa justification politique de revendication. Elle peut alors se structurer en un programme d’action, révolutionnaire par exemple. Si elle séjourne dans l’indignation, elle suscite le malaise d’un contre-emploi (cf. le succès ambigu du petit livre Indignez-vous ! de Stéphane Hessel en 2010, où la colère apparaît comme auto-suffisante, comme si elle était à elle-même sa propre fin). Dans tous les cas en effet, la colère réclame la réparation ou la vengeance. Dans le cas de la colère politique, celle d’un leader ou d’un élu, elle s’installe par délégation, au nom du collectif. C’est dire que la colère politique comporte le paramètre de la représentation à travers un dispositif de rôles thématiques : elle est porte-parole, elle repose sur la médiation. Ici, dans l’émission que nous analysons, les jeux de l’indignation relèvent aussi de la représentation, mais dans un tout autre sens. A l’opposé de la représentation politique au sens de représentativité, il s’agit d’une représentation théâtrale au sens de spectacle. Et les rôles thématiques se réduisent à des rôles pathémiques à l’intérieur d’une sorte de sketch. Ces rôles constituent, de la même manière, une modalité d’insertion de l’individuel dans le collectif, mais d’une façon indifférenciée : ils sont l’humeur du peuple. Le rôle pathémique écrase la distinctivité des rôles thématiques. Il est propice à la formation de la masse, c’est-à-dire à l’indifférenciation du collectif.

Note de bas de page 16 :

 Nous renvoyons ici aux travaux de socio-sémiotique d’Eric Landowski, et notamment à Passions sans nom. Essais de socio-sémiotique III, Paris, PUF, 2004, où l’auteur élabore des modèles pour analyser les régimes d’interactions à la fois ténues, tendues et décisives entre sujets et objets, objets et sujets, sujets et sujets, en quête d’ajustements entre des faisceaux d’interférences. Nous renvoyons également à nos propres travaux sur « La justesse comme forme de vie », envisagée comme point d’équilibre instable in J. Fontanille (éd.), « Les formes de vie / Forms of life », RSSI. Recherches sémiotiques / Semiotic Inquiry, 13/1-2, 1993, p. 37-51.

Et c’est là qu’apparaît le troisième niveau de définition du rôle thématique, l’acception sémio-phénoménologique. Au-delà de l’inscription distinctive de l’individuel dans le collectif, les rôles thématiques peuvent être compris comme des filtres de la visibilité, et par conséquent comme des instruments de pré-visibilité, comme des pré-positions (au sens de Bruno Latour). Cela nous ramène à la problématique de la transparence. Par exemple, un individu voyage dans un pays lointain, croise un autre individu et découvre au fil de la conversation qu’il est « Français » comme lui, « chercheur » lui aussi, plus encore « sémioticien », ce qu’il est lui-même ! Ces rôles thématiques lui confèrent aussitôt un certain degré de transparence, résultant de la multiplication des interférences. C’est le « Ça par exemple, et quelle coïncidence… ! » de La cantatrice chauve. Le rôle thématique, sans atteindre la transparence induite par l’idéalité du mot, est un opérateur de visibilité. Dans l’interaction des sujets, il découvre — comme un rideau qu’on tire découvre un paysage — des dimensions, des profondeurs, des trames narratives, des co-appartenances, des flux passionnels partagés, qui resteraient inaperçus autrement. Plus précisément, et cela mériterait approfondissement, le découpage des rôles thématiques, les degrés de maillage et d’affinement qu’ils autorisent, et par conséquent les ajustements qu’ils induisent en termes de discours, de comportements et d’échanges, tout cet édifice extrêmement complexe et fragile peut être compris comme un réglage de la visibilité offerte et perçue fondatrice d’une actantialité collective justifiée non plus par des « traits » sémantiques communs (comme dans le cas d’une unité partitive qui se transforme en totalité partitive) mais par une co-appartenance sensible, en termes de forme de vie. La proposition de forme de vie se trouvant condensée dans des formes de langage partagées — c’est-à-dire des orientations narratives, des formes aspectuelles, des registres de discours, tous ensemble congruents. Contre cette utopie de la transparence généralisée, même si elle est locale, les médiations installent des dispositifs de visibilité ajustables et négociables16.

C’est à ce dernier niveau, où l’ordre sémiotique de la perception croise les ordres narratif et passionnel, que se situe l’enjeu politique de l’affaiblissement et même de la disparition des médiations, de ces figures médiatrices instituées au sein de la communication sociale. Elles sont en elles-mêmes aujourd’hui la cible des discours qui visent l’adhésion de l’humeur. Dans les images que nous avons vues, le discours « spontané » offre ainsi la théâtralité d’une transparence supposée immédiate, ou plus précisément non-médiate, sans médiation, destitutrice des rôles thématiques institués.

Et à partir de ce que nous avons esquissé concernant le rapport entre les rôles thématiques et les régimes de visibilité, on peut conclure que cet affaiblissement des figures de la médiation au nom de la transparence génère, en vertu même de ce rapport, un surcroît d’opacité. Car les interférences dont elles sont la résultante sont enfouies et occultées.

Pour conclure

Ainsi donc, le rôle thématique, à travers ses différentes définitions, devient un opérateur de l’interférence entre les domaines politique et médiatique. Au-delà du seul cas que nous avons examiné, les exemples foisonnent de ce qui, entre le politique et le médiatique, engendre l’instabilisation des fonctions et des statuts, tout particulièrement ceux du politique. C’est ainsi que l’intrication entre ces deux univers de discours social ne permet pas de les isoler comme des domaines a priori distingués, étanches l’un par rapport à l’autre et relativement autonomes. On mesure combien, pour rendre compte de leur interpénétration, des concepts sémiotiques tels que celui de rôle thématique peuvent être mobilisés et réactivés : défini dans le cadre des modèles généraux de la théorie du sens, le rôle thématique est en même temps ouvert aux modulations que suggèrent les univers de discours. Devenu concept fluent et facteur d’interférence, relevant tout autant des variations du sensible que des codifications de l’usage, les fluctuations du rôle thématique accueillent les instances transfuges de l’énonciation. Il permet ainsi de rendre compte de la partie qui se joue, autour des figures instituées et destituées de la médiation, entre univers politique et médiatique.

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