« On est là ! »
Les Gilets jaunes ou l’exemple d’une territorialisation de la lutte sociale et d’élaboration de l’actant collectif “We’re here !”
The Yellow Vests movement as an example of a territorialization of the social protest and of the collective actant’s elaboration
Loïs REKIBA
EHESS – Paris
Cet article se propose de rendre intelligible le mouvement français des Gilets jaunes à l’aide du bagage conceptuel de la sémiotique tensive et structurale-générative. Il se concentre plus précisément sur l’analyse de trois figures marquantes du mouvement – le slogan, le gilet, le rond-point – afin de rendre compte du processus complexe de constitution du discours politique d’un actant collectif dans un contexte démocratique. L’article expose les étapes de ce processus en mettant à l’épreuve du réel les notions deleuziennes de « ritournelle » et de « territorialisation ». À l’aide de ces concepts clés, il s’agit d’illustrer la productivité symbolique du mouvement social. Celle-ci, pensons-nous, réside à la fois dans une capacité à opérer une rupture revendiquée vis-à-vis des formes traditionnelles du politique ainsi qu’à articuler, en pratique, continuités et discontinuités par rapport à la mémoire culturelle plus large de la contestation politique.
This paper proposes to clarify the French Yellow Vests movement through the conceptual baggage of tensive and structural-generative semiotics. It is focused more precisely on the analysis of three key figures of the movement – the slogan, the vest, the traffic circle – to show how complex is the process of constitution of the political discourse of a collective actant in a democratic context. The article exposes the stages of this process by applying the deleuzian notions of “ritournelle” and “territorialisation” to reality. Through these key concepts, the aim is to illustrate the symbolic productivity of the social movement. We think that this productivity lies in a capacity to operate a claimed rupture with the traditional forms of the political and to articulate, in practice, continuities and discontinuities with regard to the wider cultural memory of political contestation.
Index
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Mots-clés : actant collectif, Deleuze, discours politique, figures, gilet, Gilets jaunes, rond-point, sémantique structurale-générative, sémiotique tensive, slogan
Keywords : collective actant, Deleuze, figures, political discourse, slogan, structural-generative semantics, tensive semiotics, traffic circle., vest, Yellow vests
Auteurs cités : Marc AUGÉ, John Lagshaw AUSTIN, Émile BENVENISTE, Basile BERNSTEIN, Denis BERTRAND, Amir BIGLARI, Joseph COURTÉS, Gilles DELEUZE, Algirdas J. GREIMAS, Félix GUATTARI, Roman JAKOBSON, Laurent JEANPIERRE, Eric LANDOWSKI, Michel PASTOUREAU, John RAWLS, Charles TILLY, Claude ZILBERBERG
Le mouvement des Gilets jaunes a imprimé au sein de l’espace public un imaginaire du social et du politique dont les formes originales sont autant le fruit d’une longue tradition nationale de révoltes (cf. les jacqueries paysannes de l’Ancien Régime) que d’une invention spontanée, diffuse et horizontale. À ce titre, ce mouvement suscite l’intérêt de la sémiotique, et plus précisément de la socio-sémiotique. Une des ambitions de cette dernière, à l’intersection de la linguistique et de la sociologie, peut être de thématiser un certain inconscient collectif dans l’analyse de la structure, toujours tensive, du sens : approche qui nous permet de nous tenir au plus près d’un monde dont les significations multiples et malléables – facilement réifiables et souvent réifiées par les acteurs en présence – se meuvent selon les intérêts divergents qui le composent. Cette mouvance et cette relative indétermination sémantiques, rapportées au potentiel analytique de la socio-sémiotique, constituent ici notre préoccupation centrale.
Dans ce contexte, un problème semble se poser concernant le mouvement des Gilets jaunes : comment engager une analyse des significations portées par un mouvement social qui refuse l’assignation à toute structure de sens « déjà là », et qui est particulièrement rétif à toute forme et à toute norme de représentation politique établies ? Ce constat initial s’impose, dans la mesure où il est bel et bien inhérent à la constitution particulière de ce mouvement social ; il ne saurait pour autant être un obstacle à notre curiosité. On peut au contraire solliciter le bagage conceptuel de la sémiotique pour tenter d’investir la signification d’un mouvement social dont une des singularités a été de relier à ses revendications sociales, économiques et politiques de nombreux signes porteurs de sens et puissamment évocateurs : un slogan, un gilet, un rond-point.
En ce qui concerne le slogan, nous tenterons de dégager la dimension performative d’un énoncé qui, loin d’être seulement descriptif, emprunte la forme d’expression musicale d’une ritournelle. Que signifie donc cette parole propre au mouvement des Gilets Jaunes ?
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Lien vers le chant populaire : https://www.dailymotion.com/video/x7rkmro
On est là, on est là ! Même si Macron le veut pas, nous, on est là ! Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur ! Même si Macron le veut pas, nous, on est là !2
On se demandera dans quelle mesure une analyse sémiotique de ce slogan peut contribuer à dessiner les contours politiques du mouvement lui-même. Il s’agira dans un premier temps de montrer que ce mouvement relève d’un événement de parole dont il convient de mesurer la portée et les effets. Puis, en examinant de près son espace performatif, nous dégagerons le dispositif actantiel et modal qu’il contient afin de mettre en lumière sa force subversive face au politique tel qu’il est institué. Enfin, nous tenterons, à partir des résultats de cette analyse, de mieux comprendre la portée signifiante des deux autres dimensions figuratives, caractéristiques de ce mouvement : l’objet « gilet jaune » et le lieu névralgique où s’est concentrée et réfléchie la lutte : le « rond-point ».
Car c’est bien la globalité d’un événement de discours qui caractérise le mouvement des Gilets jaunes, réunissant les différents langages – verbal, gestuel, vestimentaire, spatial. Par les formes qu’il adopte, cet événement rend problématique de facto la constitution d’un actant collectif qui remet en cause, dans l’espace de la manifestation, le pacte démocratique tel qu’il est institué entre gouvernants et gouvernés. Par la manière dont les Gilets jaunes interpellent le pouvoir, avec ce slogan-ritournelle, cette vêture et cette territorialisation, ce qui nous frappe c’est assurément la nature diffuse, spontanée mais puissante d’une prise de parole qui n’hésite pas à élaborer en actes, et de manière progressive, une alternative politique sous la forme d’un contre-discours bouleversant le rapport coutumier – c’est-à-dire institué – entre représentants et représentés.
En juin 1968, Michel de Certeau publie La prise de parole (1994). Il y souligne cette dimension décisive de Mai 68, la libération de la parole : « En mai dernier, les gens ont parlé comme ils l’avaient fait à la Bastille en 1789 », écrit-il. La fulgurance, la créativité, le foisonnement sémantique de la parole en public ont été effectivement l’une des caractéristiques principales de Mai 68. Partout étaient organisées des assemblées générales, faites de discours intempestifs, de débats tendus, d’argumentations enflammées. On prenait la plume, on dessinait, on affichait des dazibao, on publiait aussi et on répandait des tracts, bref, on manifestait.
De la même manière, le mouvement des Gilets jaunes peut être compris comme un événement de discours. Il apparaît comme un retour de l’effervescence de cette parole publique – horizontale et diffuse – et de son institution énonciative toujours problématique au sein d’un espace du politique irrémédiablement en proie à l’antagonisme des forces sociales. Partout sur le territoire français, et de manière progressive depuis le 17 novembre 2018, la parole a été prise par les Gilets jaunes comme la Bastille l’avait été.
Le slogan
Si, selon notre hypothèse, le slogan-ritournelle occupe, dans la triade Slogan / Gilet / Rond-point, une position régissante, alors il convient d’en analyser, en premier lieu, la dimension performative ainsi que les contenus sémio-narratifs et passionnels. C’est à partir de cet événement de parole en effet que prendra forme, progressivement, un actant collectif redéfinissant avec son langage propre les termes de la scène politique agonistique.
À l’aide de concepts sémiotiques, on peut montrer que le caractère performatif de ce slogan réside dans sa force de subversion du politique tel qu’il est institué. De fait, le temps d’une profération collective de rue, il impose une visibilité, et plus encore une audibilité de forces politiques soudain présentes – car jusque-là occultées – qui déjouent et remettent en cause le schéma actantiel bien rodé du récit démocratique.
Le performatif, c’est le langage au-delà de la représentation, en tant qu’action effective sur le monde et sa structure de sens : ici, un sens politique porté par la parole du mouvement des Gilets jaunes, en relation avec l’environnement où elle s’énonce, à savoir la rue comme espace de manifestation et, plus encore, d’appropriation – prolongeant naturellement le rond-point. À la suite de Jacques Rancière qui, dans La Mésentente, Politique et Philosophie (1995), définit les hommes comme des « êtres qui engagent un destin collectif par la parole », nous ne pouvons que constater l’importance de la dimension évocatrice, agissante, performative et même provocatrice de la parole de ces acteurs sociaux. Qu’est-ce donc qui fait sens dans cet acte performatif singulier du slogan, tant sur le plan de l’expression, avec sa dimension musicale « territorialisante » et son registre ludique, que sur le plan du contenu, avec sa portée narrative et radicalement conflictuelle ?
Il convient d’éclairer de manière plus précise notre proposition de slogan-ritournelle. On se réfère ici au concept de ritournelle tel qu’il a été introduit par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Mille plateaux (1980). Ce concept révèle la portée rythmique et musicale qui caractérise la constitution d’un territoire donné. S’il nous paraît pertinent pour expliciter le slogan des Gilets jaunes, c’est que celui-ci se traduit dans des cordonnées à la fois géographiques, politiques et esthétiques qui permettent, pensons-nous, de mieux articuler sa dimension performative. On se propose donc d’analyser l’irruption soudaine de ce mouvement social dans les termes d’une ritournelle incarnée qui, à travers la profération d’un slogan, trouve un ancrage territorial nouveau. Celui-ci présente simultanément un nouveau lieu et une nouvelle grammaire du politique – grammaire exprimant la capacité de déterritorialisation et de reterritorialisation – qu’opère un groupe social par l’expression d’un schème de langage partagé. Cela constitue le cœur de notre analyse.
La création de slogans politiques entre dans le registre du « répertoire des actions collectives » (Tilly 2014) de nombreux mouvements sociaux. Les slogans ont été étudiés en sémiotique, notamment dans leur dimension visuelle (Landowsky 1997), alors qu’ils sont le plus généralement considérés du point de vue strictement linguistique. Or, au delà des traits de nature lexicale, syntaxique, sémantique et rhétorique, les modalités d’exercice du slogan, échappant à toute définition explicite et instituée, mobilisent, selon Charles Tilly toujours, la mémoire militante ainsi que ses référents historiques, les pratiques collectives, l’espace de leur mise en scène et en voix, les interactions qu’ils génèrent et le sentiment d’union qu’il soudent à travers les « mots d’ordre », les « revendications » ou les « exhortations ». C’est à ce niveau de signification globale que nous envisageons notre slogan, relevant de la catégorie des « exercices » précisément, en rapportant – au moins partiellement – ce mot à la définition qu’en donne Austin :
Il y a exercice lorsqu’un jugement (favorable ou défavorable) est formulé sur un comportement ou sur sa justification. C’est un jugement sur ce qui devrait être plutôt que sur ce qui est : on préconise ce qui devrait être plutôt que d’apprécier une situation factuelle. (Austin 1962/1991 : 155)
Le slogan présente à la fois une déclaration et une action : la caractérisation de l’exercice qu’opère Austin permet de qualifier la pragmatique du slogan des Gilets jaunes comme description d’un fait (l’invisibilité) et comme édiction d’une norme politique nouvelle (la présence). À l’aide d’Austin, nous proposons donc d’inscrire la profération du slogan dans la pragmatique du langage que les Gilets jaunes se réapproprient de manière singulière en le déplaçant sur le terrain de leur revendication politique de justice sociale et d’égalité démocratique. En ce sens, si l’on suit la proposition d’Austin, l’exercice que proposent les Gilets jaunes pour se constituer, de manière progressive, comme un actant collectif, peut être ainsi compris : la singularité performative du slogan « On est là » réside, pensons-nous, dans une opposition entre « nous » et « Macron », ainsi que dans l’imposition – par sa seule profération collective – d’un jugement négatif sur la parole politique instituée. Les Gilets jaunes, en disant « On est là » et, donc, en imposant une présence, s’engagent dans un processus de (re)sémantisation de l’agon politique établi que l’on balise en deux temps. Premièrement, ils préconisent par le slogan-ritournelle « ce qui devrait être » – c’est à dire la reconnaissance politique de leur identité collective – avant même leurs revendications. Deuxièmement, nous suggérons que c’est par l’expression territorialisée de ce slogan qu’il est possible d’observer un refus visible et audible, de la part des Gilets Jaunes, d’« apprécier une situation factuelle » (Austin, supra). Cette situation est celle d’un statu quo politique dont ils se sentent exclus : le balisage aux contours rigides, formels et institutionnalisés d’une parole politique verticalisée, censée être incarnée par la figure et le discours du président Macron.
Le « On est là » peut donc, par hypothèse, être thématisé de la façon suivante : il s’agirait d’un syntagme revendicatif énonçant une pragmatique de la contestation de l’espace du politique tel qu’il domine la scène. Développons. Ce slogan « on est là » comporte des unités linguistiques singulières générant une formule frappante à caractère itératif et dont la puissance offensive (dans l’espace de la manifestation), bien au delà de l’apparence descriptive, impose une présence sur le mode concessif, c’est-à-dire, pour reprendre les propositions de la sémiotique tensive (cf. Zilbelberg 2012), créatrice de surprise et fondatrice d’événement : « On est là ! » présuppose, pour être affirmé, quelque chose du type « même si vous ne vous y attendiez pas ! », ou « bien que nous ne soyons pas légitimes selon vous pour y être », etc. Le « On », quant à lui, semble ici figurer le peuple tout entier, comme dans l’expression « We, the People » de la Constitution américaine de 1787. Toutes les unités, tous les mots utilisés renferment un peu du sens de ce message, celui de la formation à même les mots d’un actant linguistique et politique cible, du fait de sa position d’anti-sujet : « Macron », anti-sujet à l’état brut derechef assigné à un nom dénudé, et dépourvu de son rôle thématique de « Président ».
Il est intéressant de noter que ce slogan frappant nous renvoie à la puissance du verbe, à l’effet aspectuel de son surgissement et de son incarnation populaires, jusqu’à la subversion de la syntaxe pour exprimer la négation : « même si Macron le veut pas » et non « ne le veut pas ». Il s’agit là du contour formel sur lequel se fonde le slogan, et que Roman Jakobson (1963) conceptualise comme « la fonction », qui permet de renforcer l’efficacité de l’interaction en promouvant la dimension rythmique, le parallélisme, les assonances, les rimes et autres procédés sensoriels de l’acte de parole.
Si l’on se rapporte à une conception benvenistienne (Benveniste 1980) du langage performatif, on remarque alors que le pouvoir de la langue se manifeste à travers l’ensemble des unités formant le dispositif linguistique. Dans le cas de notre slogan, ces unités sont le « on » et l’emploi du présent de l’indicatif marqueur d’une présence. Il s’agit ici d’une pure présence, impérieuse, indéracinable exprimée par le slogan-ritournelle « Nous, on est là », à l’intérieur duquel c’est le langage qui se fait « acte de présence pure », toujours en référence à Benveniste. Le présent verbal est engendré par la présence corporelle, le déictique spatial et le déictique personnel du collectif aisant ainsi du slogan proféré par les Gilets jaunes un énoncé indéracinable de sa situation d’énonciation. Chez Benveniste, ce sont les unités qui permettent de réaliser des actions parce qu’elles sont supra-référentielles ; parce que, en d’autres termes, leur singularité est de se rapporter à la situation d’énonciation, dimension importante dans la constitution de son sens politique.
Au sein de ce dispositif de manifestation, le slogan-ritournelle a rendu possible la cohésion d’un actant collectif, dont le programme narratif de base est de lutter simplement et joyeusement pour la valorisation de toutes celles et de tous ceux qui sont maintenus à la marge et en deçà du jeu démocratique existant. Un hiatus, profondément politique et vecteur de révolte, s’exprime dans l’énonciation de ce slogan, « Même si Macron le veut pas ». De même que s’exprime une aspiration à « un monde meilleur » pour rouvrir l’horizon du possible pour les membres d’un actant collectif qui se sentait jusqu’alors invisibilisé et qui revendique, à même l’énonciation d’une parole, le droit à la présence et à la considération. Au sein de l’asymétrie modale du slogan-ritournelle des Gilets jaunes le /vouloir/ explicite – et négatif – se situe du côté de l’anti-sujet. Le Vouloir est, comme par principe et exclusivement, l’affaire du Destinateur que croit être cet anti-sujet ; et le sujet, quant à lui, n’est qu’implicitement doté d’un vouloir en construction et cette modalité n’est attestée que par son acte de présence.
Soulignons également, sur un plan socio-linguistique, que cette forme d’énonciation comme pure présence s’inscrit, diachroniquement, dans une filiation. Elle était historiquement attribuée en effet aux classes populaires (Bernstein 1975) qui se trouvaient dans l’impossibilité d’assumer une énonciation libérée de la situation d’énonciation – et donc porteuse d’une signification universelle intelligible par quiconque était extérieur à la situation elle-même – en raison de l’intériorisation par les individus concernés de l’ordre social, par l’intermédiaire des structures de langage saisies, dans ce cadre théorique, comme « codes socio-linguistiques » à part entière.
La descriptivité et l’argumentativité de ce slogan sont, enfin, extrêmement fortes par la manière dont elles offrent l’image d’un corps social brisé. Ce slogan s’apparente en ce sens à une hypotypose. On est face à un énoncé qui s’inscrit à la fois dans le temps (le présent du « on est là ») et dans une perception spatiale (« là », la rue, lieu de la contestation jaune, qui devient territoire). Ce slogan-ritournelle s’insère dans un motif spatio-temporel dont on repère deux caractéristiques importantes.
On remarque, premièrement, qu’il procède d’un « balayage » narratif général permettant d’identifier et de recenser les modalités actorielles de la lutte (le « on » face à Macron), de faire pressentir l’objet de valeur poursuivi (« le bonheur des travailleurs ») et de rendre intelligible le telos visé (« pour un monde meilleur »).
Le second ressort du motif spatio-temporel du slogan-ritournelle est d’insérer la parole politique portée par les Gilets jaunes dans un cadre symbolique qui est celui de l’hypotypose. Cette parole se fait tableau, figure à la fois fixe et vivante. Elle procède d’éléments de langage dont l’analyse sémiotique montre la conversion en une énumération joyeuse, pragmatique et populaire ainsi qu’en un tableau à forte tonalité iconique et figurale représentant un collectif en marche. Plus précisément, l’analyse de cet événement de parole fait apparaître un résultat global : le slogan-ritournelle s’affirme comme le panorama synthétique d’un ensemble de représentations du monde social portées par les Gilets jaunes qui, pour cette raison-même, participeraient d’une remise en cause, certes transitoire, de l’ordre des paroles dans l’espace de la manifestation.
Les Gilets jaunes en tant que mouvement social apparaissent donc comme le fruit d’un rassemblement de tous les éléments que la parole nécessite pour se faire valoir comme politique : un lieu de départ, un collectif où échanger, dialoguer et partager des revendications, et des signes indispensables pour faire une place à des acteurs ordinairement invisibles et les rendre ainsi symboliquement visibles dans l’espace public. Cette convergence et cette symbiose d’éléments pour « faire » politique, s’avère être une des conditions de constitution de l’actant collectif qu’est le mouvement social dans sa globalité.
Nous avons tenté de montrer que cette formation de l’actant collectif commence par le slogan-ritournelle territorialisant la lutte sociale. Il nous reste à étudier la manière dont cet actant collectif se précise et se concrétise par les « habillages » – vestimentaire et spatial : le « gilet jaune » et le « rond-point » alors promus au rang de symboles justement de cette lutte sociale. Nous faisons l’hypothèse que la territorialisation façonnée par le slogan-ritournelle se traduit à deux niveaux. Elle trouve son expression individuelle dans le gilet jaune, marqueur de l’appartenance à la totalité « omnis », et elle conquiert enfin son expression collective dans le lieu de « l’habiter », à savoir le rond point. Ces deux figures de la territorialisation reposent sur la même structure de transformation – et même de renversement : valeurs négatives du gilet de survie, valeur négative du jaune, valeur négative du non-lieu par excellence qu’est le rond-point. Toutes ces négativités se trouvent transformées en positivités.
Le gilet
Cette prise de parole populaire a été également portée par la re-sémantisation de l’objet gilet jaune. À la fois signe du commun et signe du particulier, nous proposons ici de faire de l’objet gilet jaune un symbole de « reconnaissance mutuelle entre égaux » puisque, ainsi placés derrière un « voile d’ignorance » rawlsien (Rawls 1971/1987), le port de cette vêture par les manifestants invite à oblitérer, dans l’espace-temps de la lutte comprise dans ce cadre comme expérience de l’égalité, toute conscience de sa place dans la société. Le « voile d’ignorance », au sens où l’entend le philosophe contractualiste américain John Rawls, se caractérise comme une expérience de pensée au sein de laquelle un individu se met dans une position « originelle » et fait abstraction de ses propres intérêts et qualités et, plus généralement, de la place qu’il occupe dans le monde social. Dans la théorie rawlsienne, l’expérience du voile d’ignorance permet de réfléchir au problème de la justice dans une société démocratique et d’établir à partir d’elle une théorie qui justifie les principes de distribution équitable des ressources sociales entre des citoyens qui se reconnaissent mutuellement comme égaux. Le gilet jaune en tant que vêture caractéristique de notre mouvement social officie, dans ce cadre, comme un médium permettant aux membres de l’actant collectif, réunis dans le temps et l’espace de la manifestation, de saisir d’un coup d’œil une complicité commune dans la lutte sociale. Le gilet jaune se fait le marqueur d’une appartenance à une communauté sociale d’égaux. Il est, plus précisément, le moyen de reconnaissance interpersonnelle servant d’indice et de jauge quant à une mutualité, une communauté et un partage relatif à la lutte sociale.
Il est également possible de rapprocher le concept de « voile d’ignorance rawlsien » de celui, sémiotique, de « rôle thématique », afin de mieux cerner le statut complexe de l’objet gilet jaune au sein de la question plus large de la figurativité dans un régime actantiel donné. Le rôle thématique se caractérise par l’inscription de l’individuel dans le collectif depuis (et à l’instar de Rawls) la suspension momentanée des propriétés individuelles (ou intérêts) du sujet – qui se voient ainsi « voilées » et, donc, réduites à des propriétés qui définissent le rôle en soi au regard du collectif. Le gilet jaune, dans ce cas, peut donc à la fois être appréhendé comme le fétiche à travers lequel se reflète par son seul port tout un horizon des possibles plus justes ; mais également comme un objet qui relève d’un rôle thématique nouveau dont on mesure l’importance au sein d’un régime actantiel dont les contours sont tracés depuis deux espaces : une formulation orale en commun (le slogan-ritournelle) et la reconnaissance mutuelle du port de la vêture fluorescente, tous deux étant appréhendés comme des processus continus de territorialisation de la lutte portée par le mouvement des Gilets jaunes. Dans ce cadre, l’horizon axiologique du rôle thématique ne s’en trouve que plus étendu car il est dorénavant plus qu’explicite que la manifestation et la reconnaissance du rôle thématique transitent aussi par des traits figuratifs (uniforme, objet emblématique – symboles, etc.), qu’incarne, à lui seul, le gilet jaune.
Le gilet jaune n’est donc pas un « pur signifiant ». C’est une vêture déjà investie de significations thématiques à même sa fonction première. Il faut en effet se rappeler qu’il est aussi et déjà, en soi, le signe de la précarité, de la survie, de la marginalité. Il est le lieu de la limite extrême et du danger, comme lorsqu’on le porte au bord de la route et qu’on cherche, comme dans le cadre de la manifestation, à arracher une visibilité, saillante, luminescente, à un destin d’invisibilité. Et il incarne, de plus, la figure du naufragé potentiel, si l’on se réfère au gilet de sauvetage. Cette vêture particulière qu'est le gilet a été investie d’une tonalité revendicative sans pareille, dans une sorte de fétichisme de la lutte entrant en écho avec celle des sans-culottes de la Révolution française.
L’expression d’une présence sociale sur la place publique est une tâche complexe. Celle des Gilets jaunes a dû s’établir face aux professionnels de la parole et autres décideurs qui, de fait, sont déjà rompus à la rhétorique du politique et maîtrisent, avec plus ou moins de dextérité, le pouvoir considérable de codifier, légitimer et instituer les affects, les représentations et les manières de parler de la scène irrémédiablement conflictuelle du politique. Tel semble ainsi être le problème dans le débit constant des paroles émises au cours des manifestations : la prise de parole politique visant à instaurer une présence et une visibilité est loin d’aller de soi, d’être une donnée. La possibilité de son déploiement soudain, et a posteriori de sa lisibilité, a bel et bien exigé la mise en place préalable d’un symbole identifiant collectif : le gilet jaune. Des citoyens issues d’horizons sociaux différents ont revêtu ce tissu phosphorescent, dont la signification est alors invertie : au lieu d’être le signe d’une disposition légalisée de soi dans un cadre sécuritaire, il se révèle être celui d’une transgression commune (et reconnaissable) d’un ordre et d’une légalité censés appartenir à tous.
Ce réinvestissement symbolique du jaune est par ailleurs documenté par l’historien médiéviste Michel Pastoureau qui, dans son ouvrage Jaune : histoire d’une couleur (2019), expose la circulation symbolique du jaune dans l’Histoire. Reconnaissant le caractère multiple de ce symbole – à la fois de félonie, d’abondance et de pouvoir –, il indique que ce sont les Gilets jaunes qui viennent en opérer le syncrétisme, assignant à la chasuble désormais célèbre la finalité de rendre hautement visible (Gilet de Haute Visibilité) l’urgence sociale, tout en persistant à reconduire cette plurivalence, et en assignant notamment, de manière ambiguë, la félonie du jaune à l’absence ou à la non-volonté du port de cette vêture.
Il faut souligner enfin le fait que la parole, brusquement manifestée comme on l’a vu, et corrélée au surgissement du « discours du gilet », est en mesure de traduire les affects et les passions qui nourrissent en bonne partie la configuration du politique comme lieu d’humeurs et de convictions, et dont la dynamique se nourrit de la thymie signifiante des sujets qui y prennent part. L’ambition, la frustration, l’espérance, la colère, le désespoir, l’indifférence, ou encore la générosité, sont autant de figures passionnelles exprimées par le mouvement des Gilets jaunes que la sémiotique appréhende comme « événement de sens essentiel, corrélat de l’action, qui se diffuse au sein du corps social » (Bertrand et Biglari 2018 : 199).
Le rond-point
Pour se faire politique, l’événement de parole que marque le slogan-ritournelle a enfin dû identifier un lieu pour concrétiser sa territorialisation. Il s’agit du rond-point que nous analyserons comme l’espace d’une inscription et d’une circonscription, à même l’acte de langage caractérisant les revendications qui s’y font entendre, de ce qui relève du juste – la démocratie – et de l’injuste, à savoir l’impunité des puissants dénoncée en son sein.
Les Gilets jaunes ont investi les giratoires en les convertissant en véritables centres et espaces de vie politique. Cette figure spatiale du rond-point ne manque pas d’intérêt d’un point de vue sémiotique. Elle s’affirme en effet comme le lieu où s’élabore une effervescence. Celle-ci ne fait que prolonger, dans d’autres virtualités, la territorialisation façonnée initialement par le slogan-ritournelle. Elle trouve cette fois-ci, après son incarnation vestimentaire dans le gilet jaune, son expression collective dans le lieu de « l’habiter » qu’est le rond point. Différentes catégories en structurent la figure spatiale et participent ainsi de son effervescence symbolique. Nous choisissons d’en analyser seulement quelques unes.
Le rond-point symbolise premièrement, dans son investissement spatial, une certaine idée du peuple qui se devrait d’être central dans la vie politique. Les Gilets jaunes souhaitent en effet réaffirmer la centralité du « peuple » comme caractéristique fondamentale d’un présent politique dont ils se sentent en grande partie exclus.
S’il est en grande partie affaire de reconnaissance dans l’investissement du lieu géographique central qu’est le rond-point, au sens topographique du terme, on remarque également que le mouvement des Gilets jaunes participe d’une force de création symbolique autour du rond-point. Naguère, le rond-point se limitait à un simple régulateur du trafic routier, fatalement étriqué, fermé, redondant : le rond-point, comme nœud routier, forme par définition un objet de contournement vierge, libre et anonyme et où justement rien n’appelait à une telle puissance de fédération. Cette rupture subversive, que renseignait déjà l’analyse du slogan, s’actualise donc dans l’investissement spatial des ronds-points et, plus globalement, dans la réappropriation de ces espaces entendus comme des zones caractéristiques des non-lieux (Augé 1992) de nos sociétés contemporaines. Cet habiter que représente le rond-point s’oppose ici à la ligne, au sens d’une discipline politique bien rodée, que l’investissement d’un lieu inhabituel de la manifestation tel que le Rond-point des Champs-Élysées vient tordre d’un point de vue symbolique, et donc politique.
Lieu parisien symboliquement essentiel, illustrant par excellence la centralité et le rayonnement – comme l’atteste cartographiquement son plan de l’expression –, ce Rond-point est aussi un lieu situé hors de la politique instituée – du fait de la transcendance qui s’y incarne, « au-dessus des partis ». Or, si l’on comprend le rond-point ordinaire dans toutes les zones sub-urbaines de France comme un non-lieu caractérisé, l’investissement par les Gilets jaunes de cet autre Rond-point est « sur-signifiant », relevant d’une hyperbolie rhétorique. C’est ce qu’impose d’abord le choix paradoxal d’un lieu jusque là évité par la pratique parisienne de la contestation politique : générer un sens inédit. Le contraste entre les deux « régimes » de ronds-points se décline en une série d’oppositions formelles : centre (du centre) vs périphérie (de la périphérie), haut-lieu vs non-lieu, valeur affirmée (éthique et esthétique) vs valeur niée (laideur et insignifiance), exaltation mythique vs efficacité fonctionnelle... L’opération Gilets jaunes consisterait en un transfert des propriétés symboliques du Rond-point des Champs-Élysées vers les ronds-points anonymes. On comprend alors la portée du caractère iconoclaste de cet investissement par les Gilets jaunes : le Rond-point parisien devient un grand Signifiant. Il transforme l’opposition en union, l’exception en norme, la hiérarchie en égalité, l’exclusion en inclusion. Il diffuse le sacré. Sa signifiance retentit et se répand, par un remarquable effet de capillarité, sur les ronds-points anonymes des provinces.
- Note de bas de page 3 :
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« Aller du point à la ligne »... mouvement d’ordre concessif dans le lieu suggérant une rethématisation de la trajectoire politique.
Plus littéralement, c’est donc avec cette rupture, cet aménagement du (rond-) point à la ligne (politique)3, que les Gilets Jaunes participent, in fine, à « une relocalisation du politique » (Jeanpierre 2019) telle qu’ont pu la renseigner de nombreux travaux de sciences sociales portant sur le mouvement. Les gilets jaunes procèdent également à la dé-localisation de la pratique routinière du politique en marquant un point et en engageant ainsi une nouvelle grille de lecture des mouvements sociaux. Cette subversion du point et de la ligne marque donc une des originalités organisationnelles de ce mouvement social : son originalité réside dans sa méthode de contournement des localisations classiques de la contestation politique.
La deuxième lecture de la symbolique spatiale du rond-point que l’on tente d’esquisser ici s’inscrit dans la remise en cause de la dialectique entre centre et périphérie opérée, de manière autonome, par la territorialisation de lutte que portent les membres du groupe social. Cette relocalisation du politique que marque l’investissement des ronds-points par l’actant collectif s’effectue, on l’a suggéré, dans un espace très particulier : la périphérie. Les ronds-points sont les lieux caractéristiques, et même emblématiques, de la périphérie. Ils la définissent presque en propre, ils la contiennent spatialement et symboliquement. La fraternité des Gilets Jaunes s’est exprimée dans ces lieux de l’a-côté, à la frontière de la ville et de la campagne, métamorphosés en lieux de socialisation, de dialogue, de civilité, de solidarité et de bonne entente. La reconfiguration spatiale de la manifestation dans ces territoires périphériques et déclassés des grandes et petites métropoles françaises s’accompagne donc d’une reconfiguration sociologique et sociétale.
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Par ce terme nous faisons référence au fait que la manifestation, en tant que répertoire disponible de la contestation politique, a offert à de nombreux membres des Gilets jaunes issus d’horizons socioculturels et géographiques différents, un espace d’apprentissage des usages et des pratiques de la politique.
Si le rond-point est usuellement acculé à la production de mouvement, de croisements et d’échanges nécessaires au bon fonctionnement de la société marchande, les Gilets jaunes sont venus renverser cette logique. En s’y établissant, ils ont marqué un temps d’arrêt central dans cet espace – pourtant périphérique – en le transformant ainsi en lieu de vie et de discussion sur le devenir de leur mouvement. De la marge au cœur même d’un mouvement social inattendu, le rond-point de la périphérie n’échappe lui aussi nullement à cette logique de détournement symbolique des coordonnées du politique, caractéristique du mouvement Gilets Jaunes et de son processus singulier de territorialisation des formes et des contenus de la lutte sociale. Ce lieu d’occupation périphérique dialogue – par l’agon politique qui est y formulé et parfois conscientisé4 – avec le centre (la centralité parisienne symbole d’un pouvoir étatique tout puissant) auquel les membres de l’actant collectif qui l’occupent souhaitent faire entendre leurs revendications. D’une réalité spatiale concrète, le rond-point périphérique est donc devenu le symbole du centre névralgique d’une lutte pour la dignité sociale.
Le rond-point, dans sa fonction ordinaire, constitue enfin un espace hétérotopique, un ailleurs inassignable dont on fait le tour, et dans lequel on ne va jamais. Il est, par définition, l’espace d’évitement et s’est retrouvé par fonction, transformé en centre, en foyer de rayonnement, c’est-à-dire en espace utopique : celui de la transformation rêvée. Pour mettre en évidence ce processus de transformation, il est utile de se référer à la définition que donnent Greimas et Courtés de l’espace topique dans le Dictionnaire, et de constater, à partir de là, que le rond-point peut lui aussi être considéré comme un espace au sein duquel peut potentiellement s’opérer, progressivement, la transformation d’une forme et d’un contenu sémantique – politique – donné : puisque, dans le lieu topique, réside des potentialités hétérotopique puis utopique. Le lieu topique étant, par essence, celui au sein duquel se traduit en acte la transformation d’un programme narratif donné, cette transformation, « située entre deux états » (Greimas et Courtés 1979 : 397), intègre en son sein, et dans le même temps, une dimension hétérotopique. Dimension qui caractérise selon Greimas une sous-articulation de l’espace topique. Celle-ci a trait aux lieux qui « englobent, en le précédant et/ou en le suivant » la transformation du programme narratif : le rond-point, dans ce cadre théorique, peut être vu comme le lieu de l’expression globale de la forme et des contenus sémantiques de la lutte sociale. C’est-à-dire qu’il prolonge, à même la forme nouvelle de son habiter, les potentialités territorialisantes du slogan et du gilet. Le rond-point acquiert aussi une fonction utopique à hauteur de son occupation.
Chez Greimas, l’espace utopique se distingue de l’espace topique (tout en le prolongeant) dans la mesure où il est le site où s’effectuent « les performances » (ibid.) du sens que nous choisissons, dans le cadre de notre étude sur les Gilets jaunes, d’associer à la création d’une dynamique de propagation féconde d’un logos tout entier démocratique depuis le rond-point, lieu d’origine dont la fonction spatiale se trouve invertie et reformulée.
Pour conclure
Nous avons entrepris, à l’aide du bagage conceptuel de la sémiotique, d’investir le terrain du mouvement social des Gilets jaunes. En partant d’une interrogation sur les signes manifestes de ce soulèvement politique – le slogan, le gilet et le rond-point –, nous avons tenté de mettre en évidence le fait que la parole n’est pas politique par essence. Notre argumentation, dans ce but, s’est attachée à montrer que la parole nécessite un rassemblement d’éléments divers dont nous avons essayé de délimiter les contours et d’articuler les liaisons. La signification politique du mouvement des Gilets Jaunes est condensée dans des figures verbales, visuelles et spatiales. Cette signification, qui n’est pas un donné, résulte bien plutôt d’un processus politique balisé : une affaire de déterritorialisation et de reterritorialisation des signes concourant à la lisibilité de sa propre parole. L’actant collectif vient en rendre présent le processus avec, tout d’abord, la production par le slogan d’une musicalité du lien social – la ritournelle – qui, à son tour, va se déployer, par effet de congruence, à travers les motifs figuratifs rethématisés du gilet et du rond-point.