Introduction
Ramón Martí Solano
Le premier numéro de la revue DIRE est consacré à l’analyse du discours médiatique sur l’immigration. Il représente l’aboutissement et la matérialisation des communications sur ce sujet lors de la journée d’étude « Analyse du discours, médias, immigration » qui eut lieu le 12 mars 2010 à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université de Limoges.
L’immigration constitue, pour les sociétés des pays du Nord, l’un des grands enjeux politiques, économiques et socioculturels en ces débuts du XXIème siècle. Elle est fondamentalement la conséquence de grandes inégalités de toutes sortes qui divisent le monde et les êtres humains en deux, à savoir ceux qui ont tout ou presque tout et ceux qui n’ont rien ou presque rien.
L’analyse du discours s’intéresse aux textes et plus particulièrement à leurs conditions de production : historique, idéologique, sociale, etc. Cette discipline permet d’observer les traces linguistiques (marqueurs lexicaux et grammaticaux) des contextes extralinguistiques qui conforment et configurent les énoncés de chaque type de discours.
Le traitement que les médias donnent de l’immigration a une influence directe sur l’image et l’opinion qu’une société donnée se construit autour de ce phénomène. La façon dont les informations sont traitées, le recours systématique à des stéréotypes et la répétition abusive de certains éléments informatifs guident et finissent par créer une sorte de pensée unique sur la question. Les informations, rapports, éditoriaux et reportages sont nombreux et récurrents dans tous les médias, aussi cette thématique constitue-t-elle l’une des préoccupations principales des chercheurs en analyse du discours.
La pluridisciplinarité intrinsèque à l’immigration concerne les Sciences du Langage aussi bien que les Sciences de la Communication, les Sciences Humaines et Sociales et les Sciences Politiques. Différentes approches de l’analyse du discours ainsi que les analyses linguistique, sémiotique, lexicale et textuelle permettent d’aborder le sujet de l’immigration et de son traitement médiatique, la représentation sociale du phénomène migratoire, la représentation sociale et politique des immigrés et d’autres aspects y afférents.
Les auteurs, qui viennent d’univers très différents, portent tous un regard particulier sur l’immigration et sur la figure de l’immigré : sa place dans la société et dans l’imaginaire collectif, les stéréotypes qui lui sont associés, etc.
Dans son article « Figure de l’hétérogénéité : l’immigré dans la presse », Fred Hailon montre comment les supports de la presse écrite font circuler des représentations idéologiquement ambiguës des lors qu’ils traitent des faits politiques : l’ambigüité apparaît au travers des commentaires que les journalistes produisent dans l’énonciation de leurs discours.
Dans « Les associations lexicales et discursives du terme illegal immigrant dans la presse britannique » Ramón Martí Solano explore le traitement de la figure du clandestin au cours de la première décennie du XXIème siècle au Royaume-Uni. Un corpus journalistique créé à cet effet permet de dégager les éléments lexicaux et contextuels récurrents et, ainsi, de procéder à une analyse qualitative de ce phénomène.
Dans son article « Construction linguistique du point de vue dans un texte journalistique anglais sur l’immigration » Raluca Nita procède à une analyse linguistique minutieuse, avec une visée principalement pédagogique, d’un témoignage d’une immigrée ougandaise au Royaume-Uni en mettant en avant les marqueurs qui construisent le point de vue sur la question.
Enfin, Caio Christiano et Vânia Almeida Rego dans « Ces drôles de Brésiliens – l’image du Brésilien dans les émissions humoristiques françaises et portugaises » étudient les stéréotypes des immigrés brésiliens en France et au Portugal à travers l’analyse sémiotique de quatre sketches provenant d’émissions télévisées.
Ces quatre études ne sont que quatre approches parmi beaucoup d’autres sur ce sujet, montrant l’ampleur et la polyvalence d’une thématique qui n’a fait que dévoiler une petite partie des tous ses angles.