Chapitre XI – Travail patrie etc.

https://doi.org/10.25965/ebooks.189

p. 171-188

Sommaire

Texte

Où l’on verra sous quelles formes et sous quelles bannières un employé parisien, Simon Jeanjean – devenu rapidement, il est vrai, sous-directeur de la petite entreprise Tourniéroux – s’engagea dans des responsabilités de tous ordres, syndicales d’abord, puis politiques, sans jamais cesser de veiller à l’éducation de ses filles. Et l’on verra progressivement ses positions, jadis farouchement conservatrices et nationalistes, se nuancer de plus en plus au sein d’un parti modéré.

Le mouvement syndical

Les vacances, aussi importantes soient-elles – et de plus en plus dans notre société dite des loisirs – font figure de parenthèses, pour le père Jeanjean comme pour ses filles. C’est un peu dommage pour notre collection de photos, prises dans des moments où le travail s’arrête. Revenons au travail. Simon Jeanjean, comptable, était un col blanc. Il avait adhéré dès le début du XXème siècle au Syndicat des Employés du Commerce et de l’Industrie (SECI), un des premiers syndicats créés après la loi du 21 mars1884 relative à la création des syndicats professionnels. C’était un syndicat chrétien. Et dans la foulée, suite à la loi de 1884, se créèrent des fédérations réunissant des branches diverses, des ouvriers, des employés et toutes sortes de travailleurs. Le syndicalisme monte en puissance en même temps que l’industrie, on est bien loin des lampes à huile des premiers réverbères, même si Jeanjean en est encore aux Becs Visseaux, qui d’ailleurs évoluent eux aussi.

Note de bas de page 1 :

Septième Congrès national corporatif, tenu à Limoges du 23 au 28 septembre 1895. 116 pages.

Dès septembre 1895, des délégués de vingt-six fédérations d’industrie ou de métier, de dix-huit Bourses du travail et de cent vingt-six chambres syndicales isolées, ont tenu congrès à Limoges et il en est résulté la création de la Confédération Générale du Travail (CGT). On peut y revenir brièvement, même si Simon Jeanjean en 1895 n’avait que 9 ans et vivait en Lorraine allemande. Si l’on en croit le compte rendu du congrès1, 1662 organisations ouvrières y furent représentées, corporations et fédérations venues des principaux bassins industriels du pays et notamment des provinces. Parmi les plus nombreuses figuraient celles de Limoges et de la Haute Vienne – porcelainiers, gantiers, métiers du bâtiment et autres

(mais aussi en quantité impressionnante ceux de la métallurgie ardennaise de Sedan, Mohon, Charleville-Mézières, et Braux, pour ne citer que ces lieux de mes origines. Et même ceux de Thilay, dans la vallée de la Semoy où mes parents ont fini leur vie, vallée désormais fort paisible mais alors bourdonnante de métallurgie, et où circulait le petit train industriel Decauville. La voie ferrée a aujourd’hui disparu, laissant place à un joli sentier de randonnée – fin de la parenthèse).

L’objet du Congrès était dès l’origine – je cite le préambule, page 4 – «de montrer aux classes dirigeantes que les ouvriers sont dignes et capables de prendre en mains la direction des affaires qui sont gérées depuis si longtemps par la classe bourgeoise au détriment de la classe laborieuse », ou encore – pour aller plus loin, page 16 – de préparer l’avènement de la République du travail contre la rapacité capitaliste – avènement final que d’autres qualifiaient de dictature du prolétariat. La visée est donc révolutionnaire, et le congrès en vient naturellement à aborder les conditions d’organisation d’une grève générale, première étape en vue d’une révolution anticapitaliste. L’organisation de la grève générale sera un des objets principaux de la confédération issue de ces débats. Il est souhaité aussi par une fraction importante que les éléments constituant la Confédération Générale du Travail [se tiennent] en dehors de toutes les écoles politiques (page 53).Ce point restera la pierre d’achoppement centrale des mouvements syndicaux. Il est dit aussi que le prolétariat devrait être organisé non seulement au point de vue national, mais international (page 71). Toutes questions qui allaient devenir primordiales dès le tournant du siècle suivant.

Note de bas de page 2 :

En janvier 1896, les décalqueuses sur porcelaines de l’usine Haviland, après quatre jours de grève, obtiendront la satisfaction de leurs revendications. En attendant les grandes grèves et les émeutes de 1905, toujours à Limoges.

(La question des grèves était d’ailleurs d’une brûlante actualité à Limoges au moment du Congrès. Moins de trois mois plus tôt, une cinquantaine d’ouvrières – syndiquées – étaient entrées en rébellion contre les abus caractérisés de la direction de leur entreprise, l’usine de lingerie féminine Clément. Il y régnait une discipline de fer et surtout une certaine conception de la religion prônée par le haut clergé catholique. Chaque jour, les ouvrières devaient s'agenouiller pour réciter les trois prières obligatoires, chaque dimanche elles devaient assister à la messe, et encore communier trois fois par an. Cela n’aurait pas gêné un Jeanjean à titre personnel, mais sur le plan politique c’est autre chose. Excommunication des récalcitrantes, remplacement par des religieuses… la grève dura trois mois et n’était pas terminée lors du Congrès qui ne manqua pas d’apporter son soutien aux grévistes. En vain. Cette première grève de femmes fut un échec. Mais la route était tracée2.)

La CFTC

La Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) – première confédération concurrente de la CGT – quant à elle, est née en 1919, en référence à la Doctrine Sociale de l’Église, énoncée dans l’Encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII (1891). Son mot d’ordre : la paix sociale. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et bien des feux ont brûlé en Russie. La CFTC, comme Simon Jeanjean, était avant tout chrétienne, plus précisément catholique, se démarquant fortement en cela de la CGT. Elle engloba naturellement le Syndicat des Employés (SECI), syndicat catholique auquel adhérait Simon Jeanjean – lui-même farouchement anti-communiste, patriote, comme on l’a vu, et pas du tout internationaliste.

La première et la seule mention qui soit faite du Syndicat des Employés dans sa correspondance professionnelle se trouve dans une réponse que lui avait adressée Léonard Tourniéroux en 1909, au moment de le réembaucher à la suite de son service militaire. Tourniéroux connaissait bien Simon puisqu’il l’avait employé précédemment de 1905 à 1907, et manifestement il ne demandait pas mieux que de continuer. Au demeurant cette réponse (il nous manque la lettre de Simon), adressée à Simon à la caserne de Laon, est sur certains points un peu déroutante :

Paris, le 25 Août 1909 – Monsieur, – En réponse à votre estimée du 23 courant, nous devons vous communiquer que nous sommes toujours dans les mêmes dispositions à votre égard mais à notre avis, ceci ne peut vous empêcher de vous faire inscrire au Syndicat des Employés car, par son entremise, vous pourriez peut-être trouver une situation plus enviable que dans notre maison, car comme vous le savez, les conditions de débuts que nous vous pourrons vous offrir seront raisonnables, mais modestes. – Nous avons eu entre-temps, la douleur de perdre Mr Eugène que nous avons enterré il y a 8 jours et vous savez que nous perdons en lui un bon collaborateur. – Nous aurions l'intention de vous réserver une partie de son travail et vous seriez chargé de facturer et de vérifier toutes les marchandises sortant de nos magasins.

Nous vous serions obligés de nous dire le plus tôt possible si les conditions de la situation que nous vous laissons entrevoir seraient susceptibles de vous convenir et aussi de nous communiquer la date exacte de votre libération. – Au plaisir de vous lire, nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos civilités empressées – [signé :] L. Tourniéroux (2200)

Le moins qu’on puisse dire c’est que l’on était loin de l’affrontement évoqué plus haut entre monde ouvrier et patronat capitaliste. Tourniéroux, patron d’une petite PME, sollicite presque timidement les services de Jeanjean, sous-entendant que celui-ci pourrait facilement trouver mieux. Quant à l’allusion au Syndicat des Employés, elle semble supposer soit que Simon n’y était pas encore inscrit puisque Tourniéroux lui dit qu’il peut le faire, soit que cette inscription ne vaudrait pas adhésion au syndicat, mais bien plutôt sur une liste de recherche d’emploi. Le SECI tiendrait alors lieu d’agence de placement… ou alors quoi d’autre ? (Simon aurait-il visé un emploi permanent au sein même du syndicat ?) Ou encore, la lettre de Tourniéroux répondrait-elle, entre autres choses, à une demande d’autorisation de se syndiquer ? Ce qui relèverait d’un droit syndical encore balbutiant. Tout cela reste d’ailleurs bien paradoxal, puisque c’est le demandeur, Simon, qui semble avoir tout pouvoir de décision, ne laissant à Tourniéroux que l’espoir que celle-ci soit positive, et qu’il veuille bien croire à ses civilités… empressées !

Ouvriers, employés, même combat, dira-t-on plus tard. Je ne sais si notre Simon pouvait épouser ce slogan. Cadre il était, c’est-à-dire chef investi d’une autorité, au moins autant qu’employé de base. Il n’est rien moins qu’un « invisible », comme on dit maintenant. Il prend la parole, prend la plume, ne se gêne jamais pour interpeller ses adversaires, que ce soit le directeur des HBM, tel curé de gauche ou l’institutrice de sa fille au sujet du dernier bulletin scolaire.

Les filles, elles, sont entrées tôt dans le monde du travail. Denise comme comptable et sténodactylo avait sa carte du SECI, et toutes elles exercèrent ce métier à un moment ou à un autre, à l’exception de Madeleine qui était femme de ménage. Geneviève sera apprentie dès 14 ans dans une fabrique de vêtements puis « manutentionnaire » à 17 ans (comme en témoigne son Livret de travail des enfants dans l’industrie) avant de devenir couturière – ce fut son premier métier – comme ses grand-tantes, et comme sa mère à l’occasion l’avait été pendant la guerre.

Note de bas de page 3 :

Cf. infra, chap. 21.

Je la revois Ginette, dans les derniers temps de sa vie alors que Monique n’était déjà plus là3, entonner avec une fausse grandiloquence Debouout, classe ouvriè-ère… Elle avait plus de 90 ans, et bien du mal à se lever, mais elle n’avait pas oublié Jeunesse nouvelle, le chant de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne, mouvement né en 1937).

Note de bas de page 4 :

Curieusement, il n’y a qu’un exemplaire de l’Employé dans le Fonds Jeanjean. Voir aussi Gallica, qui en donne à lire une sélection.

Pour les Jeanjean, le Syndicat touche l’église. Le journal du SECI L’Employé4, informe ses lecteurs dans chaque numéro, sur les heures et lieux des permanences hebdomadaires. On peut lire dans ses colonnes qu’en 1932 les permanences syndicales du SECI-CFTC-section du 20ème arrondissement se tenaient à ND de Lourdes, 130 rue Pelleport, le jeudi de 21 à 22 heures, et au 4 rue d’Eupatoria, le mercredi aux mêmes heures. Cela ne devrait pas nous étonner ; l’adresse du 4 rue d’Eupatoria est aussi celle du Cercle Saint Rémy de Ménilmontant, comme probablement de nombreuses autres associations ou groupes confessionnels. Simon Jeanjean, en militant syndical assidu qu’il était, s’y rendait régulièrement, et pas seulement le dimanche après la messe comme s’en souvenaient ses filles.

Je parcours la presse syndicale conservée par Simon Jeanjean. Nous ne sommes pas d’accord !, dit la CFTC en très gros titre à la une du Magazine du travail, édition spéciale de Syndicalisme, numéro 711 du 24 janvier 1959. Les capitaux n’ont pas de patrie ; c’est cependant devant leur diktat que la nation capitule. Ainsi s’insurge le Secrétaire Général. Son éditorial traite de la politique de la Sécurité sociale. Capitaux sans patrie... diktat... nation... il y a de ces invariants du capitalisme, et donc des luttes syndicales – dans les années 30-40 et plus tard. Nous ne sommes pas d’accord… Tout est en progrès, sauf ceux qui en sont les artisans… Une maman : « Je soignerai moi-même mon enfant sans le concours d’un médecin »… Les encadrés imbriqués de tailles différentes en noir et blanc sur papier pauvre, les polices de caractères variées et criardes, les titres choc ou sarcastiques, tout cela, qui ne se voit plus guère aujourd’hui que dans Le Canard Enchaîné, convient parfaitement à notre Jeanjean-le-battant (et vient contredire, je l’avoue, une idée molle que je me faisais de la CFTC. Venu naturellement à la CFDT dans les années 70, je ne pouvais considérer le syndicat d’avant la scission autrement que comme un corps vieilli et à bout de souffle, sans chercher plus loin ni plus tôt. Ce qui était un peu court, je le reconnais).

Poursuivant ma lecture du Magazine du travail, je ne suis guère étonné de tomber sur une réponse à une lettre ouverte de la CGT signée de son secrétaire général Benoît Frachon. C’est d’ailleurs un journal complet. Il y a des mots croisés (avec les solutions). Une présentation du Vieil homme et la mer, film de John Sturgess qui vient de sortir, avec Spencer Tracy dans le rôle du vieil homme. Critique mitigée à propos de ce « fort consciencieux réalisateur américain» qui fait ce qu’il peut pour adapter Hemingway, et de son film « qui manque parfois d’audace». Je ne vais pas détailler tous les articles. Je regarde à tout hasard les photos, au cas où j’y retrouverais Jeanjean. Mais je m’égare, c’est un numéro daté de 59, il y a plus de 7 ans qu’il est à la retraite. Je ne peux pas m’empêcher de lire toutes ces choses qu’il a écrites, recopiées ou simplement lues, ce lecteur boulimique, et qu’il a gardées.

En revanche, je vois, en page 6, que la Fédération du vêtement a tenu son congrès à Bierville. Elle est chez elle à Bierville, la CFTC. Suivons ce fil. Je me souviens que le nom de Boissy (Boissy-la-Rivière, dans l’Essonne, où se trouve Bierville) est apparu dans l’album Jeanjean à côté de Fort-Mahon, de Lourdes et des Bernadettes dont Denise faisait partie. On y voit les Jeanjean en famille, tous les six, les parents et les filles (5232 et 5233). Je n’avais pas fait le rapprochement. Or le château de Bierville appartenait depuis 1921 à Marc Sangnier.

Marc Sangnier - Bierville

Marc Sangnier (1873-1950), journaliste créateur du Sillon et pacifiste notoire, fut un des principaux promoteurs du catholicisme social. Le Sillon fut non seulement un journal, mais dès 1894 un lieu de réflexion politique, dans l'esprit du « Ralliement » des catholiques au régime républicain prôné par le pape Léon XIII et de son encyclique Rerum Novarum – ligne fondatrice de la CFTC. Sillon fertile donc, pour Jeanjean, que ce vaste mouvement d'éducation populaire qui, réunissant la jeunesse ouvrière et les fils de notables (on n’est vraiment pas dans la lutte des classes) entreprend de réconcilier les classes laborieuses avec l'Église et la République. Sangnier, mobilisé en 14, au front avec le grade de lieutenant, sera élu en 1919 comme député à la Chambre Bleu-horizon, puis se consacrera ensuite avec ardeur à la cause pacifiste. Mais son option en faveur du rapprochement franco-allemand lui coûtera la réélection. Je ne pense pas d’ailleurs, qu’un tel rapprochement ait jamais pu emporter l’adhésion de cet anti-boche de Jeanjean, mais elle n’aurait pas suffi à l’éloigner de Sangnier. On retrouve ensuite Marc Sangnier comme défenseur des objecteurs de conscience, puis à l’origine des Auberges de Jeunesse (la première fut à Bierville), de la cause des femmes, etc.

Je relève dans les archives une invitation personnelle (2218) adressée par Marc Sangnier à Simon Jeanjean pour un « déjeuner... dans l’intimité » au 36 boulevard Raspail qui était le siège du Sillon. C’était en 1946. « Vous y rencontrerez quelques camarades des IIIe et XXe arrondissements ». La lettre était adressée à « Mon cher ami », et signée « Bien fraternellement, Marc Sangnier »

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À la mort de Marc Sangnier en 1950 le château de Bierville sera légué à la CFTC.

Note de bas de page 5 :

Pour les plus jeunes : le commissaire Bourrel connut ses heures de gloire dans la série télévisée « Les Cinq dernières minutes » de 1958 à 1973 (56 épisodes, dont 51 en noir et blanc).

Bierville, voilà un nouveau lieu à porter sur la carte de France des Jeanjean. Ce nom réapparaît à intervalles réguliers dans les albums de photos, accolé ou non à celui de Boissy-la-Rivière, village où se trouve le château de Bierville. Ce nom ne me rappelait aucun souvenir particulier. Situé dans l’Essonne, je ne savais pas au bord de quelle rivière il était situé. C’est à une dizaine de kilomètres au sud d’Étampes, le long d’une rivière en effet. La route, sur la carte, est marquée d’un liseré vert signalant une vallée agréable, et... « Bon sang mais c’est bien sûr ! » comme disait le commissaire Bourrel5... j’ai très bien connu cette route dans une vie antérieure. Étant professeur à Pithiviers, et habitant un morne village beauceron du nom prédestiné de Guignonville, je me rendais à Paris chaque semaine. Il fallait prendre le train à Étampes et c’était mon chemin. Ce ne serait encore rien, mais il se trouve que la charmante rivière qui distingue ce Boissy-là de tous les autres Boissy de France n’est autre que la Juine. La Juine prend sa source à proximité d'Autruy-sur-Juine dans le département du Loiret, entaillant la Beauce qui laisse place alors aux ondulations de l’Île-de-France, passe par Boissy où est le château de Sangnier et de la CFTC, longe ensuite Étampes et la Nationale 20 qui joint Limoges à Paris, puis s’en va, à Chamarande, traverser le parc du château où se réunissaient les Scouts de France, avant, toujours vers le nord, de rafraîchir le fond du jardin de Geneviève et Monique Jeanjean à Lardy, de traverser Bouray et cetera et et cetera, et enfin, plus au nord encore, de s’aller jeter dans l’Essonne. L’Essonne et Lardy, dernier pays des Jeanjean.

(Je pourrais naviguer au fil de cette eau, de la Juine à la Seine jusqu’au Pont Mirabeau, filer cette espèce de métaphore des temps et des lieux, de digression en digression. Du Prix Goncourt décroché en 1945 par Jean-Louis Bory pour Mon village à l’heure allemande, village qui était bien Méréville, à deux pas du château de Bierville qui appartenait à Marc Sangnier lequel s’était battu pour le rapprochement franco-allemand, je pourrais venir en Beauce où j’ai vu quelle chape de silence occultait encore l’histoire du Camp de transit de Pithiviers comme de celui de Beaune-la-Rolande, à deux pas du maquis de la forêt d’Orléans. Mais c’est assez. Par le train de banlieue qui ne s’appelait pas encore RER, mais que déjà Simon Jeanjean prenait à la Gare d’Austerlitz, on pouvait aller à Étampes, à Boissy-la-Rivière et au château de Bierville. À partir d’ Étampes ce train n’existe plus depuis belle lurette, ni vers Boissy ni vers Pithiviers. Revenons à la CFTC.)

À la fin, tout en bas de la dernière page du magazine de la CFTC, un petit encadré conseille : Ne jette pas ton journal… passe-le à ton voisin ! Aimable recommandation… même à la relire plus d’un demi-siècle plus tard. J’aime cette idée de lecture en commun, j'aime les livres que m’ont passé mes amis. J’aime la lecture à voix haute. Je repense aux vieilles tantes, pendant la guerre, se regroupant avec Blanche entre dames Jeanjean pour lire ensemble les cartes postales du poilu. Et de l’autre côté, je vois ces boîtes à livres où les gens déposent leurs bouquins, dans ma ville aujourd’hui. Ils ne savent pas qui les liront. Et je suis là, à relire des journaux du passé, et c’est comme s’ils avaient été imprimés ce matin.

D’ailleurs ce n’est pas dans le syndicat mais bien plutôt dans la politique, que Jeanjean s’exprima le plus, dans les rangs de la Démocratie chrétienne. Très motivé par la question sociale et par la défense des droits des classes les moins favorisées – y compris pour lui-même et pour sa famille – il ne fait cependant pas partie du prolétariat, mais de la catégorie intermédiaire, celle des cadres. Ce n’est pas toujours une position simple pour un militant syndical, vis-à-vis de ses collègues, qui le rangent du côté des patrons. Membre d’une équipe de direction, je suppose qu’il savait où était sa juste place en tant que syndiqué. Un peu plus tard il aurait peut-être pris sa carte à la CFE-CGC. Mais ne refaisons pas l’histoire, son C à lui c’était Chrétien avant tout, pas Cadre.

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(1460)

Catholique d’abord – ce que nous dit le Fonds Jeanjean

Avant de suivre le parcours de Simon Jeanjean en politique, j’ai essayé de comprendre où allaient ses sympathies, à partir de celles qu’on lui connaît déjà. On a vu son affection pour La Libre Parole, on se souvient de tous ces trucs de droite et même d’extrême droite qu’il trimbalait dans ses bagages et dans son cœur, et qu’on retrouve dans ses archives. Son terreau d’origine, on l’a vu – incontestable et définitivement déterminant – c’est la Lorraine ultra-catholique, ultra-française et ultra-revancharde. Le plus saillant, c’est la croyance au Dieu des bons chrétiens et à ses saints. Tous les membres de la famille sont titulaires d’une « carte de catholicité», et lui-même fut toujours le pratiquant le plus assidu. De cette tradition ultra-catholique sa bibliothèque témoigne clairement.

Note de bas de page 6 :

Ce texte superstitieux et exalté a dû être recopié d’un feuillet publié à Paris chez Mourgues Frères, référencé dans le Courrier de la Librairie en 1858. Il est très probablement de la main de Lucien Jeanjean, père de Simon, plus fragile que son fils sur le plan moral et intellectuel, et qui jadis n’avait pas dû ménager ses effort pour décrocher le 1er prix de lecture et d’instruction religieuse à l’école primaire de Pontiffroy (2024). Comme quoi on peut commencer par avoir été un bon élève au catéchisme avant de faire peu ou prou la honte de sa famille, et de s’engager dans la Légion pour d’obscures raisons.

Il y a notamment dans les archives un curieux document de quatre pages, manuscrit d’une main juvénile (2612), qui commence par ces mots : Oraisons écrites de la main de Dieu. Ces Oraisons ont été trouvées au Saint Sépulcre en la ville de Jérusalem enveloppées dans un linge blanc. Elles sont d’une si grande vertu que quiconque les portera sur soi ne tombera dans les mains du démon, etc.6. Un exemple parmi d’autres de piété naïve, quelque peu obscurantiste. La génération suivante n’en sera pas exempte, mais se caractérise surtout – au moins chez Simon, puis chez sa fille Denise – par une foi puissante, une étude assidue et une adhésion aux valeurs chrétiennes et mariales traditionnelles. Le livre Manuel officiel de la Légion de Marie, publié en 1939 avec l’approbation du pape Pie XI (3646) en est un exemple éloquent parmi d’autres. La Légion de Marie, comme on peut le lire d’entrée, est une association de catholiques qui, sous l’approbation de l’Église et le puissant commandement de Marie Immaculée… se sont constitués en Légion, pour « servir » dans la guerre que l’Église ne cesse de livrer au monde, au démon et aux puissances du mal. On peut supposer que cette phraséologie guerrière eut ses adeptes chez les Jeanjean. Le livre a été lu de près, coché au crayon de ci de là avec application. Mais je ne pense pas que ces annotations touffues soient dues à Simon, ce n’était pas dans sa manière.

Note de bas de page 7 :

Cf. supra, chapitre 6

Note de bas de page 8 :

Les livres, plaquettes et revues (ou coupures de journaux sélectionnées par SJ) font l’objet de la section n° 3000 et suivants de notre inventaire.

Nous voici ramenés à la Bibliothèque de Simon Jeanjean et à son cahier portant ce titre7. Celui-ci nous a semblé représentatif d’une lecture passe-temps susceptible d’occuper non seulement les « veillées des chaumières », mais les longues journées d’hôpital et de convalescence. La revue portant ce titre y tenait une bonne place (entre Lacretelle et Daphné du Maurier), puis quelques pages plus loin L’Ouvrier et Le Petit Écho de la Mode. Mais la lecture documentaire – et de réflexion la plus sérieuse – n’était nullement exclue et nous intéresse au premier chef8.

Note de bas de page 9 :

Alsaciens-Lorrains nos frères ! 1917 (3626), Petite histoire de l’Alsace-Lorraine, 1918 (3622), La Question d’Alsace-Lorraine, 1918 (3623), Comment nos frères d’Alsace-Lorraine ont agi depuis 1971, 1918 (3624), Comment l’Alsace et la Lorraine ont protesté, s.d. (3625).

Note de bas de page 10 :

Publié en 1935 aux éditions Foyers de la Paix (c’est-à-dire chez l’auteur, 34 Bd Raspail).

Note de bas de page 11 :

Textes réunis par J-L. Bonnet, Librairie H. Floury, 1922.

Ainsi, sur la question d’Alsace-Lorraine, y a-t-il un ensemble de documents – livres, coupures de journaux et plaquettes – exprimant le refus ou la résistance des Alsaciens-Lorrains à l’annexion allemande9. Et puis, tous ces trucs qu’il recopiait et classait, les partitions, les carnets de chants, les vitupérations contre les ennemis de la France, les déclamations à la Déroulède. Sa bibliothèque accueille d’ailleurs des documents diamétralement opposés sur le plan idéologique, comme peut l’être Le Pacifisme d’action de Marc Sangnier (3602)10 avec quelques pamphlets totalement partiaux, tel Les auteurs du crime de 1914 (3635)11. Plus tard on trouvera une anthologie de la propagande pétainiste à laquelle il n’est pas suspect d’avoir adhéré.

Note de bas de page 12 :

Jérôme et Jean Tharaud, La Vie et la mort de Déroulède, Plon, s.d. [1914] (coll. Figures et souvenirs).

Note de bas de page 13 :

Illustration : 1ère et dernière page. Un Bon français désigne évidemment « le Juif » par antiphrase

J’ai sous les yeux, tiré de sa bibliothèque, La Vie et la mort de Déroulède, des frères Tharaud (3640)12. Je lis à la page 15 une phrase où Jeanjean devait bien se retrouver : « Désormais, l’internationalisme ouvrier, né du sentiment d’une commune misère, et l’antipatriotisme bourgeois, qui sacrifierait volontiers le pays à ses rancunes, se confondirent pour lui dans le même dégoût... » Ce dégoût chez certains a pu aller jusqu’à la haine. Mais je n’imagine pas que cette passion négative ait jamais possédé Simon Jeanjean. Viscéralement opposé à l’internationale capitaliste tout autant qu’à l’internationale communiste et pareillement à la franc-maçonnerie, fut-il également antisémite ? Dans sa jeunesse, oui. Il ne fait aucun doute que certains documents acquis par abonnement dans les années 1900 soient représentatifs de ce genre d’opinions nationalistes, et qu’elles fussent les siennes. Mais pour d’autres documents ce n’est évidemment pas le cas. Ainsi l’odieuse plaquette intitulée Un Bon Français (3600)13, évidemment exemplaire, n’illustre en aucun cas sa propre « opinion ».

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Note de bas de page 14 :

Paul Déroulède, Chants du Soldat, cent-quarante-et-unième édition, Calmann-Lévy, 1892 (Ouvrage couronné par l’Académie française – 1ère éd. 1872).

Déroulède appartient au siècle d’avant, il s’est battu en duel contre Clémenceau et contre Jaurès, et lègue à la postérité une image définitivement surannée. J’ai essayé de lire, également tiré de la bibliothèque Jeanjean, Les Chants du soldat qui fut son recueil le plus lu. C’est dans une jolie édition dorée sur tranches (3669)14, mais Dieu que ces vers sont mauvais. Dès la première page et le premier quatrain...

Oui, France, on t’a vaincue, on t’a réduite même
Et comme il n’a pas eu pour preuve le succès
À ton courage encore on jette l’anathème
Et les Français s’en vont rabaissant les Français…

...cela vous tombe des mains.

Or les choix politiques de Simon Jeanjean, son engagement aussi massif que modéré quant au fond, n’auront rien à voir avec de telles éructations ou de tels trémolos.

Le Parti Démocrate Populaire (PDP)

En 1928, Simon Jeanjean rejoint le PDP. Depuis deux ans la famille Jeanjean avait emménagé au 140 Ménilmontant, ce qui n’était pas aussi rose que la couleur des briques. Mais tout ce petit monde allait plutôt bien. La petite dernière, Monique, avait quatre ans, l’aînée Denise en avait quinze. Denise avait traversé les années de guerre, elle se débrouillait bien maintenant, surtout pour les tâches ménagères et pour s’occuper des autres. Elle s’occupait des ses sœurs comme une petite maman – la petite poupée Monique et les deux autres, Ginette qui avait son petit caractère quelquefois, et la gentille Mado qui a toujours fait tout ce qu’elle pouvait, et dont la santé n’était déjà pas très brillante. Ce qui devait bien soulager leur maman.

Car Blanche, figurez-vous, n’a jamais vraiment cessé de travailler. Rendons justice à Blanchette Jeanjean. On a parlé de sa famille un peu fantasque, ces tontons bourgeois qui ne se mouchaient pas du coude. On a parlé de ses chapeaux. On la voit sur les photos mais on n’en parle guère. Les filles nous disent « Ah notre papa c’était quelqu’un ! » ce qui est indéniable. Elles nous disent « les parents »… alors que d’elle, Blanche, on n’a vu jusque là que les petites remontrances qu’il lui faisait par correspondance. Alors que cela ne devait pas être pas facile tous les jours avec la tante aînée Lucie qui n’avait pas l’air commode et qui du reste était déjà bien âgée. Puis Simon est revenu, grand soulagement. Et puis la vie a repris. Blanche n’a jamais coupé les ponts avec son travail de dactylo. Son employeur G. Leblanc, de l’Office Commercial Laurent-Roux, l’a eue dans ses bureaux, comme le dit son certificat (2015) du 16 août 1910 au 31 octobre 1924. Ensuite elle ne s’est arrêtée que deux ans d’exercer son métier, jusqu’au 23 novembre 1926, date à laquelle elle entre chez Stendhal-Publicité, rue Stendhal dans le XXème, où elle travaille à nouveau comme dactylo jusqu’en 1938 (2016). Il fallait cela pour subvenir aux besoins de la tribu.

Donc la vie suit son cours. Les filles poussent, se débrouillent assez bien sous la houlette de leur mère, de Denise en nounou d’intérim avec peut-être de temps à autre l’assistance de la tante Pauline ; c’est la seule dont Ginette et Monique se souviendront, les deux autres ne sont plus là. Denise sait ce qu’elle veut, elle part souvent avec les « Bernadettes » à Croissy, à Lourdes ou ailleurs. Elle commence à mener sa barque, mais on peut toujours compter sur elle. Simon, lui, va pouvoir en faire de plus en plus à l’extérieur. Il ne se contente pas de mettre son bulletin dans l’urne aux élections prud’homales ou municipales. Il prend sa carte au PDP, petit parti démocrate chrétien fondé en 1924. Le PDP est le premier rassemblement d’envergure, sur le plan politique et non confessionnel, de la démocratie chrétienne. Il représente la tendance avancée du catholicisme social français, tout en incarnant l’idéologie du centrisme, mais se démarquant fortement de la vieille droite catholique. Voici ce qu’en dit son texte de présentation (dans un tract imprimé, édité probablement dès 1924) sous le sous-titre « Son opportunité » :

Pendant les vingt années qui ont précédé la guerre, toute une élite d’écrivains, d’orateurs et de militants remarquables a travaillé avec courage et ténacité à ruiner le sophisme qui associait l’idée de respect des convictions religieuses à celles de réaction politique et de conservatisme social. On peut dire qu’ils y ont réussi et que les esprits sont aujourd’hui préparés à accueillir le Parti Démocrate Populaire (2652).

Voilà où se reconnaît Simon Jeanjean.

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(5516)

Note de bas de page 15 :

Réunion du 27 mars à la Brasserie alsacienne, 93 avenue Gambetta.

Et il ne s’y met pas à moitié. En 1928 il participe à la constitution de la section du 20ème arrondissement, dite aussi « 20ème section » du PDP (2654)15. Et pour plus de dix ans, il assistera aux réunions et contribuera activement à l’organisation de nombreuses manifestations. Trésorier de la section, il tient ses comptes dans un joli petit carnet L’Inimitable, marque déposée, imprimé chez D.K. à Belleville (2683), margé en rouge, dont il renforcera la reliure de chatterton et qu’il remplit au jour le jour lors des réunions. Ensuite tout a été soigneusement reporté sur des tableaux synthétiques de plus grand format, lignés à la main, et permettant un suivi complet sur toutes les années (2684). Les lignes concernant les sortants sont rayées et suivies d’une observation explicative, « décédé », « parti sans adresse », etc. C’est le cas de « Melle Jeanjean » qui a cotisé en 34 et 35 – commentaire : « déménagé ». Il s’agit de Denise bien sûr, qui avait alors 21 et 22 ans (à suivre). En revanche « Mme Jeanjean » (Blanche) a fidèlement versé sa cotisation sans faillir. On voit revenir aussi, de 1928 à 1945, les noms d’Alphonse Juge, président de la section, de Robinet ou de Thévenard – nom que je retrouve par ailleurs dans un dossier intitulé « familles amies ». Je retrouverai aussi le nom de Hotton – une des familles qui se retrouvaient chaque année avec les Jeanjean à Fort-Mahon – dans les listes de participants aux soirées récréatives proposées par le PDP.

On peut gager, connaissant les positions politiques de Simon, son sens de la justice, son impatience face au désordre établi, qu’il attend d’un tel parti des prises de position vigoureuses. Il ne manque pas d’exprimer ses critiques à chaque fois qu’il le juge nécessaire. Le fait-il en public lors des réunions publiques, devant des auditoires importants ? Peut-être, mais ce n’est pas un grand orateur, il n’aime pas se mettre en avant, cela se saurait. En petit comité certainement, en des termes qu’il réitère parfois par écrit dans des courriers dont il a conservé les doubles. Le premier de ceux-ci, daté du 31 décembre 1935 (2328), est adressé à Raymond Laurent, Secrétaire Général du PDP. On y retrouve le vigoureux style Jeanjean, efficace et sans fioritures. Pour ma part, je reconnais les caractères parfois un peu irréguliers de sa machine à écrire, j’en imagine les crépitements dans la nuit du 140 rue de Ménilmontant, je l’imagine lui, toujours aussi handicapé des yeux, rajustant ses lunettes, recopiant sans doute un brouillon manuscrit et bataillant avec la machine, dans l’urgence d’exprimer ce qu’il a à dire. (Et le destinataire – Secrétaire Général du PDP, Conseiller municipal de Paris et Conseiller général de la Seine – dans son bureau de la rue Palatine, comment réagit-il à cette lecture, avec le sourire, la grimace ou avec la plus grande attention ?) :

Cher Monsieur, écrit Simon, – M’entretenant dimanche avec Juge [Alphonse Juge, Président de la Section du XXème] des motifs de la crise dont souffre actuellement la 20e Section, Juge m’a mis en rapport avec vous à propos d’un des griefs mis en avant…

La suite est un peu longuette, mais rend bien compte de la façon dont Jeanjean, militant de base exigeant, s’implique dans le jeu politique. Jeu, ou plutôt métier. Comme pour celui de soldat jadis au service militaire, on ne va pas lui reprocher de le faire sérieusement, que ce soit en professionnel ou comme lui en amateur éclairé, prenant sur son temps libre. Au demeurant, les remarques impliquant Juge ou Robinet ne mettaient pas en danger leur bonne amitié ou camaraderie qu’on peut apprécier par ailleurs.

...La conversation, du fait de l’endroit où elle se tenait, ayant été quelque peu décousue, je crois devoir vous mettre au courant des raisons qui ont provoqué l’intervention de Robinet à la dernière réunion de la Section. – Comme je l’ai dit à Juge, je regrette que Robinet soit intervenu au cours d’une réunion de Section où il n’y avait pas que des militants, mais (…) je suis d’accord avec lui quant au fond. – La 20e Section n’est pas la seule à souffrir de ce malaise, et de nombreuses conversations avec des militants du Parti d’un peu partout m’ont permis de le constater...

S’ensuit une litanie de… pas moins de sept « griefs », développés sur une page et demie bien serrée :

– Manque de directives et de consignes : il faut attendre 8 jours, quelquefois quinze, la parution du Petit Démocrate pour connaître la ligne de conduite de nos dirigeants…
– Manque d’initiative et d’allant du groupe parlementaire qui perd trop d’occasions d’intervenir…
– Manque de publicité. Dans toutes les circonstances, nous avons des communiqués de tous les autres groupes, dont certains moins importants que le nôtre, les Communistes par exemple… (...)
– Abstention du Parti… alors que (c’est un comble) nous voyons le parti communiste (bis) lancer des appels, tel celui à la Jeunesse, s’adressant aux groupements catholiques, etc.

Le grief suivant nous ramène à la CFTC, en cohérence avec son engagement syndical :

– Initiatives malheureuses de certains de nos parlementaires. Exemple : au cours des dernières élections prud’homales... (…) Je n’ignore pas que les membres du Parti sont intervenus à la demande des syndicats chrétiens. Inversement, dans tous les problèmes touchant aux questions sociales, avant d’intervenir, le parti ne pourrait-il pas se mettre d’accord avec la CFTC ?

« Initiatives malheureuses... » Les élus de l’Assemblée ne sont pas épargnés. Et cela se poursuit sur le même ton. Franche déception de Simon Jeanjean au regard de plusieurs éléments du programme du PDP qui à son avis se font attendre, notamment sur le salaire vital. Le Parti devrait s’opposer beaucoup plus nettement qu’il ne le fait aux récents décrets-lois. Les reproches se font plus nets, les élus du PDP ayant voté avec la droite à mauvais escient.

La suite est de plus en plus précise et pressante pour réclamer une reprise de cap vers la gauche. Les « petits » sont touchés de plein fouet par la baisse des salaires, alors que le haut personnel n’est touché que dans son superflu. De plus, suite aux décrets-lois Doumergue et Laval sur les traitements des non-fonctionnaires, le problème s’étend à l’ensemble des travailleurs, les patrons s’étant basés sur l’exemple de l’État pour agir de même. Sous couvert de ne pas vouloir faire de démagogie, le Parti lui semble s’enfermer dans une position impopulaire – une autre démagogie qui tend à dresser l’opinion contre les fonctionnaires.

...Le parti démocrate n’est-il pas également populaire ? Et les travailleurs qui ne se laissent pas embrigader par les partis révolutionnaires mais ont adhéré au PDP ont le droit de lui demander de ne pas abandonner leurs intérêts.

Un dernier grief, enfin, tout aussi lucide : propagande insuffisante. Le mot « propagande », un peu dévoyé à présent par l’usage excessif et mensonger qu’en ont fait certains régimes autoritaires, est employé ici avec pertinence : Notre mouvement raisonnable ne provoque pas l’enthousiasme… Le Parti (…) ne sait pas dégager le mot d’ordre, la formule qui attirent les masses. La question est intéressante : une doctrine modérée peut-elle s’exprimer dans des termes percutants ? Et peut-elle s’en passer ? Simon Jeanjean, par ailleurs imbu de quelques opinions bien tranchées, semble regretter que Le Petit Démocrate frappe moins fort que La Libre Parole… ce en quoi il fait preuve d’un certain sens de la communication – ou de la com telle qu’on l’entend aujourd’hui (laquelle n’est ni plus ni moins que de la propagande).

La réponse de Raymond Laurent (2329) vient sans tarder puisqu’elle est datée du 3 janvier (1936, une grande année commence). L’entrée en matière, à première vue parfaitement sympathique, peut apparaître comme une captatio benevolentiae à la Cicéron :

Mon cher ami – J’ai bien reçu votre lettre du 31 décembre, et je vous remercie de l’amicale franchise avec laquelle vous me faites part de vos observations...

En effet la suite est moins encourageante : …Il ne m’est malheureusement pas possible de répondre en détail à chacune d’elles... Et voilà, on pouvait s’y attendre ! Ces mots à première vue n’excitent d’abord que ma méfiance, celle d’un déçu de la politique (nous le sommes tous peu ou prou en ce début de XXIe siècle) s’attendant à une volée de langue de bois. Et de fait, Laurent commence par « botter en touche » – il me semble que je puis faire valoir une considération qui, à mon sens, s’applique à toutes [vos observations]... – et continue en donneur de leçon – ...c’est qu’il y a fatalement un décalage entre l’idéal qu’on se propose et ce que, dans la réalité quotidienne, il est effectivement possible d’accomplir – leçon qui se permet même de sortir du terrain politique pour s’étendre dans tous les champs de l’activité humaine et jusque dans notre propre vie au jour le jour.

Note de bas de page 16 :

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Raymond-Laurent semblera d'abord suivre le régime de Vichy, donnant des conférences sur la famille et recevant la Francisque. Néanmoins, il s'engagera parallèlement dans la Résistance en participant au Groupe de la rue de Lille, fondera avec Emmanuel Mounier Temps Nouveau (1940-1941) et prendra une place importante au sein de la presse clandestine à Lyon. On peut dire, sans déflorer les chapitres suivants, que Simon Jeanjean à son niveau suivit une trajectoire comparable (à suivre).

J’ai commencé, lisant cette réponse, par la trouver un brin méprisante. À la place de Simon Jeanjean je n’aimerais pas qu’on me parle comme à un poussin de la dernière couvée. C’est un peu la sempiternelle réponse du vieux routier expérimenté au jeune idéaliste (refrain connu – mais on ne devrait jamais éteindre les ardeurs juvéniles). Quoique... sur Jeanjean et Laurent je peux me tromper. D’accord, Simon n’est plus un gamin, mais son interlocuteur n’est pas le premier pitre venu ; on peut supposer entre eux l’existence d’une estime réciproque. Raymond Laurent (ou Jean Raymond-Laurent, 1890-1969), cofondateur du PDP, est lui aussi un ancien de 14, dans l’infanterie où il a été blessé et médaillé, suite à bien des combats16. Très actif également à la CFTC. Il a été un compagnon de route de Marc Sangnier au Sillon, avec Robert Cornilleau (1888-1942) que Simon Jeanjean semble tenir en pareille estime, si j’en juge par le nombre d’articles de Cornilleau conservés par lui. Il y aura notamment, soigneusement découpée dans Le Petit Démocrate de juillet 1937 à juillet 1938, la Chronique de l’Après-guerre : de Clémenceau à Léon Blum (46 épisodes signés Cornilleau), beau travail d’histoire récente et même immédiate. Tous trois sont de la même génération.

Tout cela pour dire que Raymond-Laurent a toute autorité pour parler et trancher au nom du PDP. La suite du courrier va dans le sens d’une défense et illustration du Parti, tendant à tempérer les critiques émises par Jeanjean : Ne croyez-vous pas que, si l’on considère les autres formations politiques, on constate que le décalage dont je viens de parler y est incomparablement plus marqué qu’au PDP ? Les faiblesses sont indéniables – moyens matériels insuffisants, pas de grand orateur à la Chambre – mais nécessitent d’autant plus de dynamisme à la base… Je suis persuadé que vous le pensez comme moi, ainsi que notre ami Robinet et les membres de la 20e section.

Quant à l’action réelle du PDP, on ne peut que s’en remettre au jugement de l’histoire. Il y a dans nos archives une coupure de journal (tirée du Petit Démocrate, assurément), certes sans date, et sans aucune mention ajoutée, mais où je trouve deux sujets d’intérêt (2685) :

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  • d’un côté (recto) : la composition de l’équipe dirigeante de la 20e section de Paris, où Simon Jeanjean, employé, figure en tant que délégué pour le quartier du Père-Lachaise ;

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  • de l’autre (verso) : un entrefilet hélas tronqué, intitulé L’hommage d’adversaire[s ?], petit couplet d’autosatisfaction probablement justifiée :

L’ardente campagne menée par les candidats démocrates populaires dans une quarantaine de circonscriptions force l’attention de nos adversaires. L’Enchaîné, organe communiste du Nord, écrit : « Il faut reconnaître que le PDP fait actuellement preuve d’une grande activité. Il organise quantité de conférences et possède un journal qui – pourquoi le nier ? – s’infiltre dans de nombreux milieux ouvriers ».

À l’autre bout du pays, La Dépêche de Toulouse, dans un article de pronostics sur ce que sera la nouvelle Chambre, nous consacre ces lignes : « On signale sur certains points du territoire quelques succès possibles des démocrates populaires. Fort peu nombreux, ils s’étaient dénommés, au début de la treizième législature, démocrates chrétiens. Seraient-ils, sous leur masque actuel, appelés par l’Église à former l’équivalent de ce parti catholique du centre qui existe dans d’autres pays ? Quelques-uns s’en défendent fort et assurent se voir comme l’aile modérée d’une majorité de gauche. La possibilité de leur adhésion sans réserve au principe de la laïcité ne rencontre pourtant que scepticisme…

Ensuite la feuille est déchirée. Le rédacteur y réaffirme notamment le principe de laïcité. Mais l’essentiel a été dit, concernant la grande activité du PDP. Je ne peux pas ne pas rapprocher l’appréciation favorable émise par L’Enchaîné du Nord et du Pas-de-Calais, organe du Parti communiste, des hommages rendus en creux à ce dernier par Jeanjean dans le courrier précédemment cité (2328), le jugeant plus efficace que le PDP. Quelle surprise, de le voir, lui Jeanjean, l’anti-communiste de toujours, prendre en exemple ce petit parti ? Petit parti deviendra grand, puis s’effondrera avec son monstrueux grand frère soviétique, le Vatican de l’Est. À chacun son Église, à chacun son terreau nourricier. Apprécions au passage ces éléments de reconnaissance réciproque entre adversaires non dépourvus de quelques points communs. Et venons-en aux activités du PDP, souvent familiales, ce qui nous ramènera à la famille Jeanjean.

Convivialité avant tout

Car les familles ne sont pas oubliées. Chaque année, au mois de janvier, il y a une soirée familiale avec arbre de noël et autres douceurs pour les plus jeunes. Nous pouvons suivre tout cela en détail dans l’enveloppe PDP des archives : dépenses, déclarations à la SACEM pour les droits d’auteurs de musique, noms des participants, suivis avec soin par le trésorier Jeanjean. Ainsi s’enchaînent soirées familiales, sorties, banquets (avec menus alléchants), et autres activités politiques ou récréatives. Les programmes de soirées récréatives sont d’ailleurs la catégorie de documents la plus nombreuse dans nos archives, avec les menus gastronomiques.

(Plus tard les Jeanjean déjà bien âgés auront la télévision, comme tout le monde. Finies les soirées à l’extérieur, finies depuis longtemps les veillées à la campagne, et les chansons en chœur, et bientôt s’éteindra de même le cinéma. Vive le confort, vive l’abondance et chacun chez soi !)

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Des sorties aussi, en famille, comme celle-ci, le 28 mai 1933, en forêt de Sénart. Sortie mémorable comme on va le voir. À en croire le cahier de comptes, il y avait 12 familles, 40 participants. Des enfants aussi, mais je ne reconnais que Simon sur la photo de groupe figurant dans l’album. La 20e section du PDP a affrété un bus urbain à plateforme, devant lequel le groupe pose fièrement pour une première photo (5269). Le bus est derrière eux comme un abri protecteur. Sur la seconde (5270) c’est l’affolement. Le chauffeur a dû vouloir s’arrêter sur le bas-côté pour une raison imprévue – une envie pressante d’un des enfants ? allez savoir – et voilà le bus dans le fossé, penchant dangereusement et probablement embourbé. Les hommes prennent le parti (démocratique) de s’affairer autour de la roue arrière pour essayer de l’en sortir ; un autre, en pantalon de golf (populaire), passe en courant au premier plan. Pendant ce temps les gamins attendent non loin de là dans la forêt. Ils posent dans une trouée de lumière, sur une autre photo mais elle est floue.

De Grandes réunions privées sont annoncées par voie de tracts imprimés, proposant des conférences-débats avec des têtes du parti : Georges Bidault, membre du Conseil national (2662), Raymond Laurent, Secrétaire Général, Robert Cornilleau (2671), directeur du Petit Démocrate, le journal du parti, etc. C’est très ouvert : « Venez et amenez-nous des amis », est-il dit dans l’invitation. « Les dames sont invitées », ce qui ne nous change guère du Cercle, où ces dames n’ont pas leur place tous les jours. En tous cas, il n’y en a guère en tête d’affiche, sauf exception confirmant la règle.

Mais ne nous gaussons pas trop. Il y a là aussi un vrai sujet de préoccupation et d’action. Une de ces réunions, en décembre 1933 (2665bis) est consacrée au thème de la participation des femmes à la démocratie et à la politique. Elle est animée par une femme – Mme Peyrolles, avocat à la Cour – et destinée aux femmes. Il existe une Fédération nationale Féminine dont nous pouvons lire la Motion, prononcée au congrès d’Arras en 1936 (2673). Dans ce document,

Note de bas de page 17 :

Il peut sembler étonnant de voir apparaître dès cette date l’appellation de « politique des Blocs », préexistant contre toute attente à la Guerre froide et même à la Seconde Guerre mondiale. En fait, on a pu constater l’existence des deux blocs , Est contre Ouest, ou URSS (et même Russie) contre États-Unis , dès le XIXe siècle avec Tocqueville (De la Démocratie en Amérique, Ier livre, 1836), ou à tout le moins dès 1917 : Le point de départ du système bipolaire peut bien entendu être daté de la Révolution bolchevique en Russie, qui, en donnant naissance à un modèle de société alternatif et à une nouvelle forme d’État, l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes (URSS), a jeté les bases de la compétition entre ‘monde capitaliste’ et monde communiste (G. Grand, P. Grosser, La mise en place du système bipolaire, in Les Relations internationales depuis 1945, Hachette-éducation, 2000 (coll. Crescendo), p. 8.). En tout état de cause il y a là une vision dualiste des réalités géopolitiques (donc simpliste et qui ne saurait rendre compte de la complexité des enjeux et des alliances à venir).

Les Femmes démocrates populaires (…) constatent avec regret qu’aucun progrès notable n’a été accompli dans les domaines qui attirent plus particulièrement leur attention… En guise de péroraison, Elles rappellent que leur Parti, défenseur de la famille, respectueux de la personne humaine, soucieux enfin au plus haut point d’assurer la paix à l’intérieur et à l’extérieur, n’a cessé de proclamer la nécessité des réformes nécessaires, les dangers de la politique des deux Blocs17, et de travailler à assurer par tous les moyens la solution pacifique des conflits internationaux…

Mesdames les Démocrates Populaires font confiance à leur parti pour mener à bien son programme par tous les moyens démocratiques en son pouvoir, c’est-à-dire au sein de toutes les instances électives nationales et locales.

Les réunions se tiennent notamment dans des cafés. Le Café Pelard, rue Pelleport, les voit souvent. Nous pouvons suivre quelques épisodes des riches heures de la 20e section du PDP à travers les archives Jeanjean. La première grosse affaire, pour Jeanjean, est la campagne électorale d’Armand Lanote aux élections municipales complémentaires, en octobre 1930. Elle donne lieu, entre autres documents, à une assez jolie plaquette (2658). Après une présentation assez lyrique du village de Belleville – Belleville, autrefois village coquet ! Belleville, maintenant quartier déshérité de Paris ! Belleville, cité du travail… à l’esprit frondeur, mais tout de dévouement !… – les programmes des partis en présence sont résumés du point de vue du PDP, c’est de bonne guerre : Le PC veut l’anarchie, la lutte des classes et la révolution sanglante ; la SFIO, révolutionnaire par sa doctrine, bourgeois par sa politique quotidienne, trompe la classe ouvrière ; le Parti socialiste français est une ombre de parti, sans doctrine ni troupe, un quarteron d’ambitieux’; alors que le PDP, lui, est un parti nouveau, ardent, organisé, il a une doctrine, ses troupes et ses chefs se recrutent parmi le peuple… c’est le parti qui monte. Les adhésions à la candidature sont reçues à la permanence, 288 rue des Pyrénées.

Ensuite, en 1932, c’est la campagne d’Édouard Robinet (employé syndiqué, comme le précédent et comme Simon Jeanjean), cette fois pour les élections législatives, au titre de la Concentration républicaine de Belleville Saint-Fargeau (2661). Les frais afférents à la campagne Robinet font l’objet d’une comptabilité propre comme il se doit, et d’un ensemble de contributions individuelles. Je ne sais pas si le camarade Robinet a été élu. Toujours est-il qu’un banquet amical est organisé par le Comité de Concentration Républicaine, pour [le] remercier de la belle et courageuse campagne qu’il a menée (donc il a dû être battu). C’est au Café Pelard, le 28 mai, avec la participation de Raymond Laurent. Le menu, comme d’ordinaire, est joint, avec la liste des participants. Il y a trois Jeanjean, M. Mme et Melle (Denise), les Thévenard, en tout 37 personnes payantes, et 20 invités dont les Juge, les Robinet et le Secrétaire Général. Vient ensuite, pour l’année 1933, outre la Grande réunion privée avec Georges Bidault en février, la promenade familiale en Forêt de Sénart en mai. On y retrouve les Juge, les Robinet, les Thévenard, tout un groupe amical. C’est le bus qui a coûté le plus cher (et en plus il s’est mis dans le fossé). Juge a payé le champagne.

Il y aura encore des banquets, des soirées familiales, des kermesses aussi, il faut bien remplir les caisses. Mais surtout, à la fin de cette année 1933, c’est le Congrès de Limoges, les vendredi 17, samedi 18 et dimanche 19 novembre. Limoges la Rouge, mais aussi la ville de Saint-Martial et des Ostensions, peut bien accueillir un congrès chrétien-démocrate. Simon Jeanjean y représente la 20e section de Paris. Peut-être en aura-t-il profité pour rendre visite à Tourniéroux, si celui-ci est revenu à Limoges pour sa retraite.

Ce 9ème Congrès annuel du PDP donne lieu à une « Déclaration » de 7 pages. L’exemplaire conservé dans les archives est annoté et complété au crayon de sa main, ce qui semble indiquer qu’il s’agit encore d’un brouillon et que Simon Jeanjean a pu participer à sa rédaction. Une des préoccupations majeures en est la politique extérieure et la menace hitlérienne, décrite en des termes qui peuvent trouver un écho encore vif de nos jours. En voici le dernier paragraphe :

En cette période de désarroi où les vieux partis se disloquent, où les vieilles idéologies craquent de toutes parts, où les régimes s’effondrent, où les hommes sont inclinés à n’attendre lâchement le salut de l’on ne sait quelle dictature, où la jeunesse enfin… aspire à une rénovation profonde de la société mais se refuse à servir un idéal étriqué et à masquer des faillites trop évidentes, le PDP unanime fait sien le manifeste de ses jeunes… : « La démocratie, c’est-à-dire la confiance dans le peuple, le respect de la dignité humaine, l’acceptation de la discipline même rigoureuse, mais [aussi] la haine du joug, même capitonné, tout cela n’est pas près de vieillir, et nous attendons sans angoisse par-delà les tourmentes passagères le verdict de l’événement ». (2665)

C’est dit en 1933. Bientôt nous serons en 1936. Quel sera le « verdict de l’événement » ? Pour la famille Jeanjean et pour le PDP, 1936 commence gentiment par une soirée familiale le 15 janvier (2672), avec arbre de noël et jeux pour les enfants, poésie par G. Marec « le poète du Parti », piano-jazz par M. Vilbois des Cabarets Montmartrois, Melle Yvonne Escalle des Concerts Parisiens, et « Plaisir d'humour », un sketche de Gaston Secrétan...

Une année importante commence. La suite au prochain chapitre.

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Pour citer ce document

Péchenart, J. (2022). Chapitre XI – Travail patrie etc.. Dans Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives. Université de Limoges. https://doi.org/10.25965/ebooks.189

Péchenart, Jean. « Chapitre XI – Travail patrie etc. ». Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives. Limoges : Université de Limoges, 2022. Web. https://doi.org/10.25965/ebooks.189

Péchenart Jean, « Chapitre XI – Travail patrie etc. » dans Les petits cailloux de Simon Jeanjean : Souvenirs et archives, Limoges, Université de Limoges, 2022, p. 171-188

Auteur

Jean Péchenart
Conservateur de bibliothèque, désormais à la retraite, titulaire d’une licence de Lettres classiques, d’une licence de Sciences de Éducation, et d’un DEA de Sciences de l’Information et de la Communication, Jean Péchenart a été successivement enseignant de lettres classiques en Moselle, Sarthe, Loiret et dans le Puy-de-Dôme ; puis comédien ; bibliothécaire-adjoint et formateur ; enfin conservateur au Service Commun de la Documentation de l’Université de Limoges (de 1993 à 2011), section Santé puis Lettres, et coordinateur pédagogique de la Licence professionnelle Métiers des Bibliothèques et de la Documentation. Plus récemment impliqué au Centre Régional du Livre en Limousin, enfin à l’Association des Amis de Robert Margerit. Auteur par ailleurs de quelques textes et articles, et de deux livres Tête-Bêche et Bon Voyage les Fechner, publiés aux éditions Solilang, collection Salves d’Espoir.
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