PIE BWA – ARBRE - Luz Severino (République Dominicaine)
6- Dialogue avec Luz Severino1
Texte
Réunis entre terre, mer et lumière
Cécile Bertin-Elisabeth : Présentation de Luz Severino
Luz, je pourrais te présenter de façon traditionnelle et rappeler que tu es diplômée de l’École des Beaux-Arts de Santo Domingo (1985) et que tu as ensuite étudié la gravure à New York (1986) et la gravure sur métal à Bogota (1988). Tu as d’ailleurs enseigné la gravure de 1996 à 1998 à l’école de Dessin et d’Art de Chavón.
Tu as reçu de nombreux prix : 1er prix de peinture à l’École d’art de Santo Domingo (1985), 1er prix de gravure (ONU/FAO, Santo Domingo, 1986), 3ème prix de gravure de la biennale de Santo Domingo à la fin des années 80, Médaille d’argent en 2006 au concours de peintures et de sculptures de Nantes, etc.
Je pourrais aussi te présenter en évoquant tes quatre dernières grandes expositions :
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Salir del Hoyo, Museo de Arte Moderno, Santo Domingo, 2007.
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Exposition collective à L’orangerie du Sénat (Parc du Luxembourg), Paris, 2011.
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Detrás del velo, Habitation Clément, Martinique, 2011-12.
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Global Caribbean IV- French West Indies and Guiana, Miami, 2013.
Mais il me semble que je te présenterais de façon plus exacte à partir de l’une de tes œuvres, à savoir El gato escondido – Le chat qui se cache (2000), œuvre que tu nous as permis de reproduire pour l’affiche de ce colloque sur « La prégnance du lieu dans la Caraïbe » et nous t’en remercions.
Le chat ou ton île ? La prégnance – comme en sous-couche à l’instar de ta technique privilégiée : la gravure – du lieu insulaire, superposition d’une carte géographique et d’une carte identitaire, soit une île qui prend corps avec sa tête de femme – sa tête de Luz…– autant que de chat… Luz, tu es née à Sabana de la Mar, ville connue parce que s’y trouve le parc national de Los Haitises, ville depuis laquelle on peut voir, en face, s’étirer la péninsule de Samaná, dont la forme est encore plus proche de ton chat. Soit une île dans l’île en quelque sorte, une prégnance mentale du lieu en tous les cas.
À cette présence inconsciente de la carte de ton pays, répond une prégnance consciente du monde hispanique caribéen avec tes voyages, toujours fondés sur des échanges liés à ton travail d’artiste : à Cuba (Festival del Fuego, 1991, Santiago), à Porto Rico (plusieurs fois en travaillant avec la Galerie Tamara, dans le vieux San Juan) ou encore dans la Caraïbe continentale, notamment en Colombie : trois fois pour des expositions : pour le Musée Rayo d’art moderne, à la fin des années 80, puis encore à Bogota pour l’Atelier « Art Nouveau » en 1989. Le Panama fait partie également de ton entourage caribéen, car sans y aller directement, tu y as envoyé six œuvres pour une exposition collective, lors d’un échange culturel à propos de la « Découverte » de l’Amérique, en 1992. Il s’agissait d’un travail sur la croix et sur l’évangélisation, sur du papier réalisé avec des feuilles de bananier, avec une série d’Amapolas/Coquelicots. L’une de ces œuvres : Coquelicot desséché montrait bien l’ambiguïté de cette évangélisation européenne à partir de l’image du coquelicot que tu perçois à la fois comme une très belle fleur, mais comme pouvant empêcher les céréales de bien se développer dans les champs, soit pour toi une façon de questionner le double visage de la colonisation et du rôle que l’Église y a joué.
Sinon, tu as participé, dans les îles hollandaises, au début des années 90, à une exposition collective de femmes, en tant qu’invitée de l’ambassade dominicaine à Aruba. Les îles anglaises, tu ne les connais que de loin au travers de Sainte-Lucie à partir d’une exposition collective avec Habdaphaï, artiste et médiateur culturel martiniquais. En revanche, tu as découvert la Martinique depuis 1994 et tu y vis depuis 2001. Tu es en somme archipélagique ! En toi et en ton œuvre, c’est une grande partie de la Caraïbe qui vit et prend forme, en profondeur comme ta technique privilégiée : la gravure.
- Note de bas de page 2 :
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Les réponses de Luz Severino ont été traduites par Cécile Bertin-Elisabeth.
Cécile Bertin-Elisabeth : Une technique perdure en effet dans ton œuvre : la gravure, soit l’art de tracer sur une matière dure en l’entaillant. Quel lien y a-t-il entre cette technique et la Caraïbe ?2
Luz Severino :
En fait, il y a plusieurs techniques dans la gravure. On peut graver sur du métal, faire de la lithographie – et donc graver sur de la pierre –, de la xylographie – graver sur bois – ou encore de la colographie – soit travailler à partir de collages. J’ai pour ma part une préférence pour la technique sur métal parce que le métal est, malgré les apparences, délicat et fin : il donne alors des lignes plus précises. On peut y ajouter un aspect flou avec la colographie, laquelle rend en effet l’image opaque. On peut aussi mélanger ces deux techniques ou d’autres techniques.
Certains pensent que la gravure se retrouve plutôt en Europe, oubliant que les Amérindiens utilisaient déjà des « tampons » pour marquer, identifier leurs tissus et leurs céramiques. C’était déjà de la gravure ! J’aime beaucoup la gravure, car chaque impression te donne une surprise nouvelle qui te permet de découvrir de nouvelles choses et t’envoie vers un autre monde.
En somme, la gravure, c’est la technique qui te permet de passer du concret à l’imaginaire. Le réel merveilleux est dans la technique même de la gravure.
Cécile Bertin-Elisabeth : Peux-tu préciser ce lien entre ta pratique artistique et le réel merveilleux, ce fameux courant issu de la littérature hispano-américaine ?
Luz Severino :
J’ai conçu ma première exposition de gravures à partir d’une phrase d’Alejo Carpentier : « Del fondo del tiempo, otro tiempo » / « Depuis le fond du temps, un autre temps », tirée me semble-t-il du Royaume de ce monde. Selon moi, Carpentier est l’un de ceux qui a le mieux parlé de la Caraïbe. J’ai pour ma part beaucoup apprécié ses écrits sur le Roi Christophe et sur la valorisation de la dimension afro-caribéenne. Alejo Carpentier parle beaucoup de la Caraïbe. D’où il vient, cela ne m’intéresse pas ; ce qui m’intéresse moi, c’est ce qu’il transmet et ce qu’il nous fait partager. Or, il nous fait partager sa vision de la Caraïbe. Je dis bien la « Caraïbe », car je n’aime pas le mot « Antilles ». Je préfère le terme « Caraïbe » parce que j’aime beaucoup ce mot pour sa force et son lien avec nos ancêtres indigènes.
Dans mon travail de gravure, je pense que je me suis inspirée du concept du réel merveilleux (« lo real maravilloso ») de Carpentier. En effet, mon œuvre est une œuvre réelle-merveilleuse. La base de mon œuvre est assurément réelle. Je commence toujours par du concret, du réel ; mais, à partir de là, je veux transmettre une dimension imaginaire et que celle-ci se reconvertisse en éléments réels, c’est-à-dire en améliorations concrètes pour le peuple. C’est en fait la recherche utopique d’un monde meilleur pour tous. Le monde heureux n’existe pas, certes, mais il faut tendre vers lui et c’est ce que j’essaye de faire avec mon travail de gravure en superposant réel et imaginaire pour inviter à mieux percevoir les liens qui les réunissent de façon si forte dans la Caraïbe dont je suis issue.
Cécile Bertin-Elisabeth : Mais comment reconnaître la Caraïbe dans tes œuvres fort abstraites ?
Luz Severino :
C’est vrai, mes œuvres peuvent paraître abstraites, notamment mes gravures. Il n’empêche que s’y détachent des symboles de la Caraïbe, notamment :
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La terre, avec l’idée de force de ce qui t’imprègne, et
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La mer, avec la transparence de l’eau.
J’y associe aussi la transparence de la lumière, symbole de vie.
Si l’on regarde bien nos ancêtres – qu’ils soient Amérindiens, Africains ou Européens –, on retrouve le même point commun : ils sont tous venus avec leur culture et celle-ci était traversée par la terre, la mer et la lumière. Ces éléments sont donc communs. Je recherche pour ma part une unité qui transcende les différences. Le fond, c’est le même : on cultive tous la terre pour vivre ; on a besoin du soleil pour vivre. La seule différence alors, c’est la couleur de la peau. Et je travaille justement sur des jeux récurrents de couleurs.
- Note de bas de page 3 :
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Définition proposée dans le Grand Robert de la langue française de 2001.
Cécile Bertin-Elisabeth : Luz, on pourrait alors se demander si tu ne travailles pas à partir de symboles qui, comme l’indique leur étymologie (du grec « sumbolon »), signifient : « objet coupé en deux (tesson) constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler […] les deux morceaux »3?
En nous invitant à réunir la terre et la mer – ainsi que la lumière –, tu dis chercher justement à transcender les différences et à réunir divers éléments à l’instar des symboles qui rassemblent dimension concrète et abstraite et provoquent des associations d’idées. Leur rôle est justement de créer des échos, des évocations de type universel.
Et lorsque tu évoques ta symbologie personnelle : « terre, mer, lumière », je pense alors à ton œuvre Symbole pour un rituel (1999) que je perçois un peu comme ton échiquier/nuancier/calendrier symbolique de formes et de couleurs.
L’utilisation des couleurs y est primordiale et permet de mieux percevoir le sens des symboles que tu y associes. On distingue ainsi : la terre – avec le rouge et le sépia, marron/ocre –, la mer qui est bleue et verte et dont la transparence peut se lire en blanc ou presque blanc et la lumière qui est d’un jaune solaire ou, encore une fois, d’un blanc éblouissant. A la forme du poisson répondent des coquelicots, des spirales que certains voudront cycloniques, mais qui chez toi sont plutôt liées à l’image de l’escargot et donc à la représentation de la vie, dans un enroulement/développement sans fin.
Tu as réalisé quelques années plus tard une autre œuvre, intitulée : Los trastes de mi abuela/Les affaires de ma grand-mère, (50 x 60 cm) qui véhicule une symbolique très précise quant à tes choix artistiques et leurs origines. Cette œuvre est réalisée sur du papier en feuille de banane. Tu m’as expliqué que ton but était, en utilisant ces feuilles sèches, de montrer combien on peut transformer ce qui est jeté en quelque chose d’utile. Tu ressens aussi la nécessité de t’approprier des éléments de ton environnement caribéen. La matière (feuille de bananier, bagasse, enveloppe de maïs…) utilisée est par conséquent un autre symbole de ton attachement à la Caraïbe en particulier et à la nature en général.
Cécile Bertin-Elisabeth : Quelles sont tes thématiques les plus prégnantes ?
Luz Severino :
Je travaille toujours en rapport avec les problèmes sociaux, en lien donc avec l’actualité. Par exemple, mon exposition : « Zapatos cerrados »/ « Chaussures fermées » voulait montrer combien ces chaussures que tout le monde utilise sont fermées et je souhaitais souligner ainsi le manque de liberté d’expression et le désir de parvenir à aller de l’avant dans ce sens. Marcher (avec des chaussures donc), c’est avancer. Que ce soit en Chine ou dans mon pays la République Dominicaine, on est face à ce que j’appelle des « démocraties suggestives », des démocraties imaginaires… En effet, tu vas à l’hôpital, mais il n’y pas de médicament. Et les enfants meurent de faim. Quand un enfant meurt de faim, ce n’est pas une démocratie !
Il nous faut des espoirs de lumière, de nouvelles espérances pour cette société réprimée par les systèmes politiques, comme à Haïti et en République Dominicaine où s’entremêlent problèmes politiques et socio-économiques.
Cécile Bertin-Elisabeth : Cette installation frappe par sa verticalité et ses couleurs. Cette verticalité est d’ailleurs fort présente dans ton œuvre. On la retrouve dans tes figures humaines ainsi que dans les objets que tu représentes, comme dans ton exposition sur les bouteilles de vin de 2014. Mais là, il s’agissait de bouteilles représentées tête en bas. Alors, c’est un mouvement descendant ou ascendant qui prédomine dans ton œuvre ? Et une nouvelle fois, quel rapport avec la Caraïbe ?
Luz Severino :
En fait, les bouteilles, c’est ce qui contient un liquide et le liquide qui retient mon intérêt avant tout, c’est l’eau. Je suis insulaire, je me sens insulaire et, de ce fait, en quelque sorte, comme une terre entourée d’eau. La bouteille, c’est comme de l’eau entourée de terre… mais toute bouteille forme en fin de compte une sorte d’île.
L’eau, c’est avant tout la propreté, la pureté, la transparence. Ces bouteilles à l’envers fonctionnent alors comme des entonnoirs, des filtres plus précisément, et visent à purifier la société. Il est important de relever que ces bouteilles contiennent du liquide, lequel s’échappe par un fin goulot. Tout ce liquide contaminé peut ainsi sortir, descendre et, ce faisant, être filtré et redevenir pur. Il s’agit pour moi d’éliminer le liquide contaminé de la société et d’obtenir de l’eau transparente.
C’est cette même recherche de transparence que j’ai voulu rendre par mon travail sur le voile, thème justement antérieur à celui des bouteilles dans mon exposition « Tras el velo » / « Derrière le voile » (2011-2012).
Cécile Bertin-Elisabeth : Dans ton œuvre : « Tras la rendija » / « Derrière la persienne », huile sur toile de 2011 (102 x 125 cm), à bien y regarder, il ressort que des couches d’horizontalité finissent par créer de la verticalité, en une sorte de superposition qui semble composer la trame – soit le rapport horizontal-vertical – d’un tissu social. « Derrière la persienne » peut apparaître alors comme une invitation à dépasser les apparences horizontales et à rechercher de la verticalité ou, plus exactement, une ascension…
Tras la rendija, 2011, huile sur toile, 102 cm x 110 cm (Photo Luz Severino)
En effet, tu sembles percevoir la Caraïbe comme un lieu qui a besoin d’être purifié. C’est tout un peuple qui regarde derrière les jalousies et ne voit pas tout ; tout un peuple à qui l’on cache beaucoup de choses… Ton questionnement est donc toujours effectivement social, comme pour les chaussures fermées ou les bouteilles qu’il faut vider de leurs impuretés. La dictature, c’est le peuple écrasé, la société voilée. Il faut de l’eau pour nettoyer tout cela. Cette aspiration à la purification n’est-elle pas en soi verticalité ? Et l’effort de tout un chacun pour participer à cette purification n’est-il pas un effort d’ascension ?
Qu’est-ce qui, dans ton œuvre, représente la Caraïbe ?
Luz Severino :
La Caraïbe ? Je la représente comme des îles entourées d’eau ; avec de l’eau partout, tout autour et donc une société avec une mentalité comme des îles. On pense, me semble-t-il, nous les insulaires, d’une autre façon que ceux des continents. De plus, ces îles forment un archipel, soit l’existence d’une mentalité plus ou moins identique. Ce qui nous unit, c’est par conséquent notre mentalité d’insulaires et cela dépasse les différences linguistiques héritées de la colonisation.
On pourrait alors vouloir dire que les insulaires sont « cerrados » / fermés, ou plutôt « encerrados » / enfermés. Mais précisons que ce n’est pas une limite. Le Caribéen est en effet souvent ouvert et accueillant. Il n’empêche que nous agissons comme des « îles » et que l’égoïsme est dès lors présent. J’ai pour ma part l’utopie personnelle de dépasser ces enfermements pour passer à un autre niveau, plus solidaire, plus universel et qui transcende la Caraïbe en conservant l’idée d’archipel pour réunir le monde entier malgré ses différences. C’est pourquoi je me fonde à chaque fois sur la terre, toujours comme base fertile, la lumière et l’eau.
Cécile Bertin-Elisabeth : La vision de la Caraïbe est-elle selon toi la même en République Dominicaine et en Martinique ?
Luz Severino :
Non, pas du tout. En Martinique, il y a beaucoup d’influences françaises. Et pour la République dominicaine, c’est l’influence de l’Espagne, car nous nous sentons très nationalistes et très attachés en fin de compte à notre culture colonisatrice. Nos perceptions caribéennes dépendent donc pour une part de nos colonisateurs. Ainsi retrouve-t-on une manière de rire, de danser et de penser entre Cuba, Porto Rico et la République Dominicaine. Il y aurait donc d’autres façons de penser et de ressentir en Martinique ou dans les îles anglaises. Une unité se dégage de ce fait de la Caraïbe hispanique où nous sommes très similaires. Nous ne pouvons pas d’ailleurs enlever cette « imprégnation » coloniale différente. Cela a sans nul doute un impact sur la difficulté des relations entre Haïti et la République Dominicaine.
Cécile Bertin-Elisabeth : La prégnance de la langue et de la culture seraient alors plus fortes que la prégnance du lieu ?
Luz Severino :
Pas exactement ; ce qui compte, c’est ce qui nous unit, entre diverses îles. C’est pourquoi il convient de s’éloigner des tabous.
L’installation « Avanzamos todos juntos » / « Nous avançons tous ensemble » – qui est à la Fondation Clément, dans les jardins –, est une agglomération de statues en fer de construction, soit une statue rigide, symbolisant une société qui ne cède pas, qui résiste, comme le fer. Tous se donnent la main, ensemble, et avancent en s’ouvrant un peu plus et en rejetant rigidités et tabous. Parmi ces tabous de nos cultures, on retrouve le rapport à la non acceptation des différences, ethniques entre autres. Il nous faut apprendre à accepter l’Autre tel qu’il est.
- Note de bas de page 4 :
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Rappelons que ces œuvres ont été présentées lors de l’exposition de Luz Severino réalisée au Centro Mirador à Santo Domingo du 10 août au 25 septembre 2016.
Cécile Bertin-Elisabeth : Tu es très affectée par tout ce qui se passe entre ton pays la République Dominicaine et Haïti. Tu m’as justement parlé à cet égard d’une série d’œuvres de 20164 portant le titre d’une chanson de Juan Luis Guerra : « Ojalá que llueva café » / « Pourvu qu’il pleuve du café ».
Ce titre et cette œuvre formulent un souhait : celui du bonheur pour tous. Que tombe du bonheur pour tous !!! Parce que tu considères que tout tombe et est pris par d’autres… avant d’arriver jusqu’au peuple.
On renoue donc avec LA VERTICALITE, soit une union terre-ciel :
Ojalá que llueva café, 2016, huile sur toile, 86 cm x 76 cm, (Photo Luz Severino)
Luz Severino :
Oui, si tu continues la verticalité, tu vas jusqu’au ciel, tu t’unis ainsi au ciel ; c’est la spiritualité. Cette spiritualité, je la conçois notamment dans la défense de l’environnement, de la nature, car il s’agit d’être unis, de penser au présent et à l’avenir de toute l’humanité. Je voudrais qu’il y ait des solutions pour répondre aux besoins des peuples, aux besoins de la République Dominicaine et d’Haïti. C’est pour cela que j’ai apprécié tout de suite la thématique de ce colloque sur le lieu. Le lieu me fait penser à l’espace habité où l’on sent la présence de quelque chose, de quelqu’un, où on sent le mouvement des arbres, l’empreinte des animaux, c’est là où on sent la vie. Pour ma part, j’essaye de faire ressentir par mes œuvres cette vie caribéenne.
- Note de bas de page 5 :
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Edgar Morin, La méthode -6. Éthique, Paris, Éd. du Seuil, 2004, p. 248.
- Note de bas de page 6 :
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La méthode, op. cit. , p. 252.
- Note de bas de page 7 :
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Idem.
Cécile Bertin-Elisabeth :
Tes propos Luz, sur l’espoir de vivre dans un monde en général et d’une Caraïbe plus juste et plus respectueuse de la Nature, construisent une véritable méthode de vie respectueuse et rejoignent alors ceux d’Edgar Morin qui nous invite à la « reliance » comme mission éthique (« se relier aux nôtres, se relier aux autres, se relier à la Terre-Patrie »5). Il s’agit de privilégier l’éthique complexe qui régénère l’humanisme, soit « l’humanisme éthique du respect mutuel universel reconnaissant en tout humain un semblable et reconnaissant à tous les humains les mêmes droits »6. « L’humanisme régénéré […] croit possible la métamorphose des sociétés en une société-monde devenant Terre-Patrie »7.