AAC Volume 12, n° 1|2023
(Contre)-designer « l’innovation territoriale » ? Entre pouvoirs et contre-pouvoirs
Numéro dirigé par Nicole Pignier
et Vincent LAGARDE
Sortie du numéro en janvier 2023
Date limite de réception des propositions : 25 avril 2022
« Territoires innovants » empreints d’« high tech », « smart cities », « smart agriculture » ou « agriculture climato-intelligente » ; « startupisation », « smart cities », « tiers-lieux » ; « transition numérique / écologique » ; autant de voies/voix qui se dessinent pour des sociétés dites « nouvelles », des territoires annoncés comme plus écologiques, moins énergétiques, plus durables, résilients et sûrs grâce à la traçabilité numérique … C’est cette visée éthique, c’est-à-dire cette conception du mieux-vivre, du mieux-être individuels et collectifs (Besnier, 2009) que le Président Emmanuel Macron reprend dans son discours de présentation du plan de relance « France 2030 » prononcé en octobre 20211 :
« Nous devons investir dans trois révolutions qui vont en quelque sorte être la suite de la révolution mécanique et de la révolution chimique qu'on a connue : le numérique, la robotique, la génétique. Ce sont les trois transformations essentielles. »
Trois « révolutions » qui à vrai dire n’en font qu’une ; la croyance que les technologies numériques/biotechnologies sont les réponses aux défis sociétaux : mieux vivre, mieux manger, mieux se soigner, mieux se former, mieux composer avec le vivant et la Terre ...
Mais elles soulèvent également des interrogations voire même des oppositions ; sentiment de passages en force, d’agression ou d’aliénation des territoires tant urbains que ruraux. Ces réactions se manifestent par de multiples contestations de projets industriels (parcs éoliens, photovoltaïques connectés, autoroutes connectées, foodtech, fermes urbaines ou rurales 3.0, …) et/ou technologiques (antennes 5G, réseaux électriques « intelligents » - les « smartgrids » - ...) et/ou tout autre projet qualifié par leurs opposants de « mythes »2 non pas tant au sens de récits fondateurs qui mettent en scène nos rapports à la Terre, à la vie qu’au sens de récits prétextes à une idéologie selon Roland Barthes3 … De telles mises en critique de la high tech et de ses soi-disant « innovations » (Sadin, 2016), des constats de promesses illusoires (Flipo, 2021 ; Anquetil et Pignier, 2021) voire anthropologiquement problématiques (Cérézuelle, 2021 ; Pignier, 2020) s’accompagnent également de concrétisations dites « alternatives » fondées sur un engouement « éco-citoyen » pour la « low tech » ou « slow tech », pour la « slow food », les « éco-quartiers » ; « éco-villages », …
Récemment, la « crise Covid-19 » et ses confinements ont renouvelé, augmenté ces questionnements sur les formes d’innovations pour les territoires. D’une part, dans un premier temps, les technologies et les start-ups se sont avérées inopérantes, voire désemparées face à la situation. Afin de pallier les défaillances des réponses technologiques programmées et descendant vers les territoires, les solutions efficientes ont le plus souvent consisté en des bricolages spontanés, fondés sur l’engagement humain, social, sur la solidarité, la proximité, les gestes bénévoles partant de la base. Dans un second temps, le ressaisissement des solutions technologiques a surtout consisté en des propositions d’intermédiation par applications numériques, charriant des risques de surveillance, de marchandisation des données personnelles, et engendrant de la méfiance, voire du rejet.
Le « nouveau monde » est sous-tendu par la doxa du design industriel, associant à ses dessins des desseins pratique et éthique fondés sur un progrès techno-symbolique coupé de l’« éco » (la Terre), préfixe provenant du terme oikos en grec, maison accueillant la vie (Pignier, 2017, 2020). Un tel monde anesthésiant en ce qu’il met à mal la continuité éco-techno-symbolique des cultures humaines et gestes anthropologiques (Berque, 2014) s’avère-t-il capable de répondre aux aspirations du « monde d’après », alors même que ses solutions confortent la logique d’innovations extérieures aux territoires, s’imposant à leurs actrices, acteurs et tirant profit de leurs ressources ? Dans quelles mesures, concrètement, un (contre)-design, renouant avec la continuité éco-techno-symbolique des gestes, des techniques, des arts, des langues et des savoirs, peut-il faire émerger de véritables innovations territoriales c’est-à-dire des initiatives concrètes ouvrant des façons nouvelles de faire territoire, de s’y nourrir, de s’y cultiver, d’y travailler, d’y énoncer et pour y vivre ensemble sur une terre/Terre en partage ?
Bibliographie
Anquetil, Sophie et Pignier Nicole, 2021, Introduction Des textes au sens. Ce que les innovations technologiques ne prouvent pas. Revue Interfaces numériques, 10 (3). https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/4673
Barthes, Roland, (1957), Mythologies, Œuvres complètes, Tome 1, Editions du Seuil, Paris.
Cérézuelle, Daniel (2021), La technique et la chair, collection « Versus », Edts L’Echappée
Berque, Augustin (2014), Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie. Paris, Edts Belin.
Besnier, Jean-Michel (2009), Demain les posthumains. Le futur a-t-il encore besoin de nous ? Editions Fayard, Collection « Haute tension », Paris.
Flipo, Fabrice (2021), La numérisation du monde. Un désastre écologique, collection « Pour en finir avec », Edts L’Echappée
Pignier, Nicole (2017), Le Design et le Vivant. Cultures, agricultures et milieux paysagers, Edts Connaissances et Savoirs, Paris.
Pignier, Nicole et Liñán Durán, Lina Marcela (2020), Introduction Le design de « l’Intelligence artificielle » à l’épreuve du vivant, Revue Interfaces Numériques, vol. 9. n° 1 https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/4085
Picon, A. (2013), Smart Cities : Théorie et critique d'un idéal auto-réalisateur, Editions B2. hal-00941687. Lien: https://journals.openedition.org/ephaistos/799
Naldi, L., Nilsson, P., Westlund, H., & Wixe, S. (2015), “What is smart rural development?”, Journal of rural studies, 40, 90-101.
Sadin Eric, 2016, La silicolonisation du monde, Paris, Éditions L’Echappée.
Organisation scientifique
La réponse à cet appel se fait sous forme d’une proposition livrée en fichier attaché (nom du fichier du nom de l’auteur) aux formats rtf, docx ou odt. Elle se compose de deux parties :
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Un résumé de la communication de 4 000 signes maximum, espaces non compris ;
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Une courte biographie du (des) auteur(s), incluant titres scientifiques, le terrain de recherche, le positionnement scientifique (la discipline dans laquelle le chercheur se situe), la section de rattachement.
Le fichier est à retourner, par courrier électronique, pour le 15 avril 2021, à vincent.lagarde@unilim.fr ou nicole.pignier@unilim.fr . Un accusé de réception par mail sera renvoyé.
Calendrier prévisionnel
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1er mars 2022 : lancement de l'appel à articles ;
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25 avril 2022 : date limite de réception des propositions ;
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1er mai 2022 : avis aux auteurs des propositions ;
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30 juin 2022 : date limite de remise des articles ;
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30 juin au 15 septembre 2022 : expertise en double aveugle, navette avec les auteurs ;
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15 novembre 2022 : remise des articles définitifs ;
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Début janvier 2023 : sortie du numéro.
Modalités de sélection
Un premier comité de rédaction se réunira pour la sélection des résumés et donnera sa réponse début mai 2022.
L’article complet devra être mis en page selon la feuille de style suivante : https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/4185 (maximum 35 000 signes, espaces compris). Il devra être envoyé par courrier électronique avant le 30 juin 2022 en deux versions : l’une entièrement anonyme et l’autre nominative.
Un second comité international de rédaction organisera une lecture en double aveugle des articles et enverra ses recommandations aux auteurs au plus tard le 15 septembre 2022.
Le texte définitif devra être renvoyé avant le 15 novembre 2022.
Les articles qui ne respecteront pas les échéances et les recommandations ne pourront malheureusement pas être pris en compte.
Contact : vincent.lagarde@unilim.fr ou nicole.pignier@unilim.fr
Interfaces Numériques est une revue scientifique reconnue revue qualifiante en Sciences de l’Information et de la Communication sous la direction Nicole Pignier et de Benoît DrouillaT.
Présentation de la revue classée par l’HCERES (Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) : https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/
Notes
1 Cf. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/10/12/presentation-du-plan-france-2030
2 Cf. par exemple ces articles médiatiques mettant en critique les mythe de la smartcity https://www.laquadrature.net/2021/06/11/le-mythe-participatif-de-la-smart-city-et-de-sa-surveillance/ et de l’agriculture connectée https://reporterre.net/Numerique-dans-les-fermes-les-agriculteurs-font-de-la-resistance
3 Par « mythe » Roland Barthes désigne la « naturalisation » d’un signe permettant l’expression et la justification d’une idéologie. Le mythe chez Barthes procède par réduction d’un premier signe à un plan de l’expression de quelque chose que l’on veut justifier. (Barthes, 1957 : 828-829). Les termes « révolution », « innovation », sont des signes constitués d’une expression phonétique qui désigne respectivement un changement radical dans une société et la création de choses nouvelles. Ces signes transformés en mythe par exemple dans le discours cité du chef de l’Etat sont réduits au signifié « solutions technologiques numériques aux défis sociétaux ».