La formation en transport en commun améliore la connaissance et la confiance dans l’utilisation des autobus chez les personnes âgées : une étude qualitative descriptive Public transportation training enhances knowledge and confidence for using the bus among older adults: A descriptive qualitative study

Gbètogo Maxime KIKI ,
Claudel R. MWAKA ,
Dominique GAGNON ,
Valérie MARCON ,
David BOUCHARD ,
Marie-Eve LAMONTAGNE 
et Krista L. BEST 

Contexte : De nombreuses personnes âgées évitent d'utiliser les transports en commun (TC) en raison d'un manque d'informations et de compétences. Le programme de formation TanGo fournit à la fois des informations et de l’accompagnement pour résoudre ce problème. Cette étude examine l'efficacité du programme de formation TanGo pour aider les personnes âgées à utiliser les TC. Cette étude visait à (1) explorer les perceptions et les expériences des personnes âgées en matière d'utilisation des TC après avoir suivi le programme TanGo, et (2) examiner les raisons pour lesquelles elles n'ont pas utilisé les TC après avoir suivi le programme TanGo.
Méthode : Les participants ont été recrutés selon un devis qualitatif, par échantillonnage de commodité et entretiens individuels semi-structurés. Une analyse thématique a été réalisée à l'aide du cadre conceptuel consolidé pour la recherche sur la mise en œuvre (CFIR).
Résultats : Dix participants (7 femmes), âgés en moyenne de 82 ans, qui avaient déjà suivi le programme TanGo, ont fait état d'une amélioration de leurs connaissances et de leur confiance dans l'utilisation du TC après le programme. Cependant, certains ont suggéré de réduire la durée du programme et la surcharge d'informations.
Conclusion : Les personnes âgées ont exprimé leur satisfaction et une confiance accrue dans l'utilisation de l’autobus après avoir suivi le programme TanGo. L'étude souligne l'importance d'adapter ce programme aux contextes externes et internes ainsi qu'aux capacités des personnes âgées.

Background: Many older adults avoid using public transportation (PT) due to a lack of information and skills. TanGo provides both information and support to tackle this issue. This study investigates the effectiveness of the TanGo training program in assisting older adults in utilizing PT. This study aimed to (1) explore older adults' perceptions and experiences of PT use after completing TanGo, and (2) examine the reasons for not using PT after completing TanGo.
Methods: Participants were recruited using a qualitative design through convenience sampling and semi-structured individual interviews. Thematic analysis using the Consolidated Framework for Implementation Research (CFIR) was conducted.
Results: Ten participants (7 females), with an average age of 82 years, who had previously completed TanGo, reported improved knowledge and confidence in using PT after the program. However, some suggested shortening the program and reducing information overload.
Conclusion: Older adults expressed their satisfaction and increased confidence in using the bus after participating in the TanGo program. The study highlights the importance of adapting this program to external and internal contexts, as well as to the capabilities of the older adults.

Sommaire
Texte

Introduction

Selon les Nations Unies, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteront plus de 9,6 % de la population mondiale en 2021 (1). Au Canada, le nombre de personnes âgées augmente, avec une hausse estimée à 25 % en 2031 et à 28 % en 2040 dans la province de Québec (2).

Le vieillissement s'accompagne souvent d'un déclin de la santé et d'une limitation de la mobilité (3–7), ce qui peut influencer la fréquence des sorties du domicile. Le fait de ne pas sortir de chez soi peut avoir de nombreuses conséquences physiques et sociales, telles qu'une participation restreinte aux activités sociales, physiques et de loisirs, un isolement et une solitude accrus, ainsi qu'une dégradation de l'état de santé et du bien-être en général. En fait, selon l'Organisation mondiale de la santé, la participation sociale est l'un des trois piliers du vieillissement actif, avec la santé et la sécurité (8). Les facteurs liés à l'âge et les conséquences qui y sont associées (p. ex. mobilité restreinte et vision réduite) expliquent en partie pourquoi les personnes âgées changent de mode de transport et diminuent la fréquence de leurs déplacements (9). Par conséquent, la mobilité communautaire dépend souvent de la qualité des services de TC (9).

Les transports en commun (TC) peuvent améliorer l'autonomie et la qualité de vie des personnes âgées (9) et peuvent faciliter la participation à la vie de la communauté (par exemple, le bénévolat, la participation à des événements communautaires et la rencontre d'amis) (10). En outre, le TC peut aider les personnes âgées à maintenir une vie communautaire active et engagée une fois qu'elles ont cessé de conduire une voiture (9). Cependant, seulement 4 % des personnes âgées ont recours au TC (11) ce qui peut s'expliquer en partie par des obstacles physiques et sociaux courants, tels que la distance entre les arrêts d’autobus et le domicile, les temps d'attente, les transferts, l'absence d'abris et de bancs aux arrêts (12) ou l'attitude de certains conducteurs (manque de courtoisie, accélérations et freinages brusques) (13). Des efforts sont déployés pour éliminer ces obstacles et rendre les TC plus accessibles et utilisables par tous, en utilisant des approches inclusives. Par exemple, le Réseau de Transport de la Capitale (RTC) a renouvelé sa flotte avec plus d'autobus équipés d'écrans affichant les arrêts en temps réel et des instructions claires indiquant les places prioritaires pour les personnes âgées et les personnes handicapées. En outre, le nombre et la visibilité des abribus ont augmenté, protégeant les usagers des intempéries et offrant des bancs pour s'asseoir en attendant l'autobus. Toutefois, de nombreuses personnes âgées sont réticentes à utiliser les TC parce qu'elles les trouvent difficiles d'accès au moment et à l'endroit où elles en ont besoin (14) et qu'elles manquent de connaissances ou de confiance dans leur capacité à utiliser les TC (15).

La formation à l’utilisation du TC devient une approche courante pour surmonter certains des obstacles de son l'utilisation, et des données probantes suggèrent une augmentation des connaissances, de la confiance et du sentiment de sécurité chez les personnes âgées (9,16–19). De plus, chez les adultes, il a été démontré que la formation à l’utilisation du TC améliore la qualité et la fréquence des déplacements, augmente la probabilité d'utilisation, favorise le développement personnel et maintient l'intégration et l'engagement dans la communauté (20). En réponse à la nécessité de cibler l'auto-efficacité liée aux déplacements et de fournir un soutien social à la formation à l’utilisation du TC (21), Accès Transports Viables (ATV) a développé le programme TanGo dans la ville de Québec (22). ATV est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de défendre les droits des usagers des transports collectifs (TC, covoiturage et autopartage) et des transports actifs (marche et vélo), ainsi que de promouvoir la mobilité durable dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches (23). Le programme TanGo a initié les personnes âgées de 60 ans et plus aux services de TC, à l'autopartage et à l'utilisation du vélo pour les déplacements utilitaires. À ce jour, on sait peu de choses sur l'impact de TanGo sur l'utilisation du TC chez les personnes âgées. Compte tenu de l'intérêt accru pour la formation l’utilisation du TC dans le cadre du vieillissement actif, cette étude visait à explorer les perceptions et les expériences des personnes âgées à l'égard du programme TanGo, y compris l'influence perçue de TanGo sur la facilitation de l'utilisation du TC et les raisons pour lesquelles elles n'ont pas eu recours au TC après avoir suivi le programme TanGo.

Méthode

Objectif de l’étude

Avec l'intérêt croissant pour la formation aux TC pour soutenir le vieillissement actif, cette étude visait à explorer les perceptions et les expériences des personnes âgées avec le programme TanGo, y compris l'influence perçue de TanGo dans la facilitation de l'utilisation des TC et les raisons de la non-utilisation des TC après avoir terminé TanGo.

Description de la population

Pour être éligibles à l'étude, les participants devaient répondre aux critères suivants : 1) être âgé de 60 ans ou plus, 2) communiquer en français, 3) avoir précédemment suivi la formation TanGo, et 4) résider à Québec.

Recrutement et sélection

Un échantillonnage de convenance a permis de recruter des participants entre février et octobre 2020 (24). Les personnes âgées répondant à ces critères ont été contactées par un employé d'Accès Transports Viables (ATV) par téléphone, en utilisant la base de données interne des gradués du programme TanGo. Quatre étudiants en dernière année d'un programme de maîtrise professionnelle en ergothérapie ont contacté les personnes intéressées par téléphone pour obtenir des informations supplémentaires sur l'étude, fournir un consentement éclairé et planifier les entrevues.

Intervention (programme TanGo)

Le programme TanGo était un service gratuit pour les personnes âgées souhaitant apprendre à utiliser les services de TC, y compris prendre l’autobus. Il comprenait à la fois des séances d'information didactiques en classe et des séances pratiques de formation. Les séances d'information de 90 minutes étaient conduites en groupes d'au moins cinq personnes. Elles consistaient en des présentations PowerPoint décrivant comment utiliser les TC (par exemple, reconnaître un arrêt d’autobus, distinguer les types de trajets, prêter attention aux détails pendant le trajet (sources d'information) et reconnaître les panneaux). La formation pratique, qui variait selon le nombre de sessions (1 à 3) et les besoins des participants, durait entre 60 et 180 minutes. La formation pratique était individualisée selon l'itinéraire d’autobus choisi par le participant. Un formateur de l'ATV accompagnait les participants tout au long de leur déplacement. Chaque participant pratiquait cinq étapes pour prendre l’autobus (planifier le trajet, acheter le billet, monter dans l’autobus, se déplacer dans l’autobus et descendre de l’autobus) et les particularités liées à l'utilisation des TC (par exemple, utiliser un horaire, planifier un itinéraire). À la fin du programme, le formateur leur offrait des ressources d'information (brochures du RTC et aides-mémoires) comme rappels.

Procédures de l'étude

Les participants qui ont accepté de participer à cette étude ont envoyé les formulaires de consentement par courriel et ont fourni un consentement verbal au début de l'entrevue. Les entrevues semi-structurées ont été menées par téléphone ou en face à face, entre février et octobre 2020. Les entrevues ont duré entre 10 et 73 minutes. Les données sociodémographiques (sexe, âge, statut matrimonial, niveau d'éducation, statut professionnel actuel et conditions de santé signalées) ont été recueillies à la fin des entrevues. Un guide d'entrevue semi-structuré, développé par l'équipe de recherche et l'ATV, comprenait six questions principales et quatre sous-questions. Les participants ont été interrogés sur leur participation communautaire, leurs expériences avec le programme TanGo, les obstacles et facilitateurs perçus à l'utilisation des TC, et les raisons de ne pas utiliser les TC après avoir participé au programme TanGo. Le guide d'entrevue a été testé avec des employés de l'ATV et avec deux personnes âgées.

Cadre théorique

Le Cadre Consolidé pour la Recherche sur la Mise en Œuvre (CFIR) a fourni de cadre théorique pour analyser et interpréter les résultats. Depuis plus de dix ans, le CFIR est utilisé comme modèle conceptuel pour guider la mise en œuvre de nouvelles pratiques dans les domaines de la santé et des services sociaux, y compris les transports (25–30). Le CFIR n'a pas encore été utilisé pour explorer les facilitateurs et les obstacles à la mise en œuvre de la formation aux TC pour les personnes âgées. Le CFIR considère 39 concepts (c'est-à-dire des déterminants) pour identifier les obstacles et les facilitateurs qui influencent la réussite de la mise en œuvre d'un programme ou d'une intervention, organisés en cinq domaines : caractéristiques de l'intervention (caractéristiques de l'intervention pouvant influencer la réussite), contexte externe (le contexte économique, politique et social peut influencer la réussite), contexte interne (contextes structurels, politiques et culturels internes à travers lesquels le processus de mise en œuvre se déroulera), caractéristiques individuelles (mentalités, normes, intérêts et affiliations culturelles, organisationnelles, professionnelles et individuelles) et processus de mise en œuvre (le processus par lequel l'intervention est mise en œuvre) (31,32).

L’analyse des résultats

Les données sociodémographiques ont été résumées à l'aide du logiciel IBM SPSS STATISTICS 26. Les entrevues ont été transcrites mot à mot (à l'aide de Microsoft Word ou de services de transcription professionnels) et vérifiées par deux membres de l'équipe de recherche. La familiarisation avec les transcriptions et le codage ligne par ligne ont été effectués par un étudiant (MK) en utilisant NVivo (QSR International, Melbourne, Australie). Pour assurer la transparence du processus de codage, un professionnel de recherche expérimenté en recherche qualitative (DB) a codé indépendamment les transcriptions et a supervisé l’étudiant pour fournir une compréhension complète des données. Toute divergence a été résolue par discussion (33). Le CFIR a été sélectionné pour guider l'analyse thématique réflexive déductive afin d'identifier et d'analyser les thèmes dans les données selon les domaines du CFIR (34,35). Les thèmes principaux ont été déterminés en regroupant les codes similaires. Des citations appropriées ont été choisies pour illustrer chaque thème, en s'assurant que les données des participants soient équitablement représentées. L’analyse des données a été un processus itératif et réflexif, tenant compte de multiples interprétations des données de la part des codeurs et de l’équipe de recherche. Par exemple, cinq réunions ont eu lieu entre l'étudiant (MK), le professionnel de recherche (DB) (formation en science de la réadaptation et en anthropologie), et deux chercheurs en réadaptation (KB, MEL) (formation en ergothérapie, en kinésiologie et en sciences de la réadaptation) pour discuter des diverses interprétations des données. Les données ont également été présentées et discutées avec des collaborateurs de l'ATV (DG et VM). Ni les chercheurs ni les étudiants n'ont établi aucun lien avec les participants à l'étude avant l'étude. Toutes les données ont été collectées, codées et analysées en français.

Résultats

Dix personnes âgées retraitées (sept femmes) ont participé à l'étude, avec un âge moyen (écart-type) de 82,0 (7,0) ans, une éducation secondaire ou collégiale (n =7) et une santé générale médiocre, caractérisée par un état auto-déclaré se manifestant par des conditions physiques ou mentales limitant significativement leur autonomie dans la mobilité quotidienne, sans pour autant entraîner une perte totale d'indépendance (n =6). Six participants ont déclaré utiliser l’autobus après avoir suivi le programme TanGo, et sept étaient impliqués dans des associations ou des engagements communautaires.

Quatre des cinq domaines du CFIR ont émergé dans l'analyse, représentant quatre thèmes : les caractéristiques de l'intervention, le contexte externe, le contexte interne et les caractéristiques des individus. Le processus n'a pas été utilisé pour l'analyse car le programme avait déjà été mis en œuvre. Notre population étudiée était composée uniquement d'utilisateurs du programme sans aucune information sur le processus de mise en œuvre de TanGo.

Domaine du CFIR : Caractéristiques de l'intervention

Tous les participants ont apprécié leurs expériences avec TanGo et le personnel de l'ATV, l'accompagnement individuel lors des expéditions de TC étant le plus apprécié. Par exemple, P6 a rapporté avoir apprécié le programme TanGo : « Oh, j'adore ça ! ». Les commentaires des participants sur chaque partie de la formation étaient positifs, en particulier en ce qui concerne l'aspect pratique. Ils ont reconnu qu'ils se sentaient plus confiants à l'idée d'utiliser les TC après TanGo :

« J'ai adoré la formation. D'abord, la personne qui m'accompagnait a été très gentille et a répondu à mes questions, puis lorsque nous avons pris l’autobus. Elle m'a expliqué beaucoup de choses. J'ai apprécié, et j'ai eu confiance en moi pour prendre l’autobus après. » (P6)

Pour d'autres participants qui n'avaient jamais utilisé les TC, la formation a permis de gagner en confiance.

« Le fait qu'elle soit venue avec nous, qu'elle ait fait le voyage, c'est rassurant, c'est bien. Pour quelqu'un qui n'a jamais pris l’autobus de sa vie, on lui donne de la confiance et une chance. » (P2)

Pour P2, la formation a favorisé un certain degré d'autonomie.

« Oui, ça m'a aidé, oui, c'est sûr... Une fois que tu as eu la formation, tu peux faire plus de choses. » (P2)

Pour elle, la formation était utile, car le TC est écologique et moins cher qu'un service de taxi. Par conséquent, elle estime qu'il est nécessaire d'apprendre à les utiliser.

« D'un point de vue environnemental, je suis plus à l'aise de prendre l’autobus qu’un taxi. Un taxi est évidemment un luxe, mais en même temps, je pense que c'est pourquoi j'essaie d'améliorer l'accès en autobus pour éviter d'utiliser une voiture pour moi-même. » (P7)

Les participants ont également reconnu des domaines à améliorer. Pour certains, la formation était trop longue et pleine d'informations, ce qui rendait difficile pour eux de tout retenir à leur âge.

« En raison de mon âge et de mes capacités limitées, j'ai trouvé ça trop intense. Elle m'a fourni beaucoup d'informations, trop pour mon âge et mes capacités. » (P1)

Une formation longue et dense réduisait la concentration des personnes âgées.

« Il y a probablement des informations que j'ai manquées à cause de cela. C'est comme si j'avais arrêté d'écouter à certains moments. » (P1)

Domaine du CFIR : Contexte externe

Certains participants ont rapporté que la qualité des TC s'était considérablement améliorée. Ils apprécient la courtoisie, le respect, l'aide et l'altruisme des conducteurs et des passagers.

« Les transports en commun permettent de socialiser. Un des plaisirs que j'ai à prendre l’autobus, c'est la gentillesse des gens qui s'y trouvent. Par exemple, l'aide que les gens m'offrent pour monter dans l’autobus. » (P3)

D'autres participants, comme P10, se sont plaints de la difficulté d'accès aux arrêts d’autobus. Ils les trouvent parfois trop éloignés, non déneigés, situés sur des pentes et surtout difficiles à atteindre en raison de leurs capacités physiques.

« Je ne peux pas y arriver. En plus d'être trop loin pour la capacité de mes jambes, c'est aussi en montée. » (P10)

« À quoi ça sert d'avoir de beaux arrêts s'ils sont trop loin et pas déneigés ? » (P5)

L'environnement social (quartier résidentiel ou famille) ne semblait pas faciliter l'utilisation des TC. Ainsi, les familles ou les résidences de certains participants mettaient à leur disposition une voiture pour les déplacements nécessaires, de sorte qu'ils n'avaient pas l'occasion de faire l'expérience des TC.

« Pour certains endroits comme l'épicerie, la banque, ce genre de choses, j'utilise la voiture de la résidence. » (P10)

« Et puis pour les autres sorties que je fais, mon fils qui habite à Boischatel, il vient me chercher et me ramène. » (P10)

Domaine du CFIR : Contexte interne

Certaines personnes âgées ont suggéré que les attitudes et les comportements des conducteurs constituent un obstacle à l'utilisation des TC, déclarant que les conducteurs démarrent souvent trop rapidement sans attendre que tout le monde soit assis ou que les autres passagers occupent déjà tous les sièges. Pour P9, ces situations étaient vécues comme brutales, comme il l'a décrit.

« Il y a cette espèce de brutalité qui me fait un peu peur, le freinage soudain, je trouve que ça secoue beaucoup, il faut se tenir, et évidemment... » (P9)

« Je suis déjà tombé deux fois. Une fois, le conducteur d’autobus m'a aidé à me relever, et l'autre fois, deux hommes m'ont aidé. Heureusement, certaines personnes cèdent leur siège, et la plupart du temps, les gens sont gentils. Il y a aussi quand [le conducteur d’autobus] freine soudainement, je suis projeté en arrière, je n'ai pas aimé ça. Je suis assis vers l'avant. Une fois, le conducteur ne m'a pas laissé sortir à l'arrêt correct, et je me suis retrouvé à un autre arrêt très loin. » (P3)

Certains ont souligné que parfois l’autobus arrive complètement plein et ne s'arrête donc pas.

« Parfois, tu attends 20 minutes, et deux autobus arrivent l'un après l'autre. Le premier est plein et ne s'arrête pas, et je ne savais pas qu'il y en avait un deuxième. » (P2)

Cependant, les personnes âgées ont reconnu que la formation TanGo leur permettait de prendre conscience et de mieux savoir réagir en fonction des situations qui se présenteraient dans l’autobus, comme demander au conducteur de ne pas démarrer trop vite. P1 a exprimé cela en disant :

« Maintenant, surtout sur la ligne où il n'y a pas trop de monde, je lui demande : "Pouvez-vous attendre que je sois assise avant de partir ?" Et jusqu'à présent, les quelques fois où j'ai demandé, ils ont toujours respecté cela. » (P1)

Domaine du CFIR : Caractéristiques des individus

La plupart des personnes âgées de l'étude avaient des problèmes de santé qui limitaient leur capacité à rester debout pendant de longues périodes et à marcher. Certains participants ont reconnu que leurs caractéristiques inhérentes pouvaient avoir un impact sur leur utilisation des TC. Par exemple, la femme (P4) d'un couple (P4 et P5) a mentionné qu'elle ne pouvait pas sortir du lit et que son mari restait à son chevet. De cette manière, le mari (P5) a expliqué que l'état de santé de sa femme influençait leur non-utilisation des TC :

« C'est certain que si ma femme avait été en bonne santé, le circuit est-ouest aurait été très intéressant pour nous. Si nous avions été en bonne santé, c'est certain que nous l'aurions pris [...] Nous ne l'avons pas repris parce que ma femme est malade. Ma femme a la maladie de Parkinson et n'a pas d'équilibre. » (P5)

« J'ai une arthrose sévère, des douleurs au dos, quatre maladies chroniques et des douleurs physiques quotidiennes. Je suis très positif malgré tout cela, car ce sont les douleurs quotidiennes de quelqu'un de mon âge, 82 ans. Néanmoins, j'ai toujours le sens de l'humour et je peux en rire. » (P3)

Un autre participant a admis qu'il n'avait pas recommencé à utiliser les TC après le programme TanGo car il avait trop de matériau à transporter pour son travail de bricoleur, et il était plus pratique pour lui d'utiliser sa voiture. Pour lui, conduire sa voiture était un symbole de liberté par rapport aux TC :

« J'aime être indépendant et ne pas dépendre des autres, donc tant que je suis capable, c'est ma priorité. Et où vais-je garder mes outils ? Dans l’autobus ? Ils tiennent bien dans le coffre de ma voiture. » (P8)

Parmi tous les participants, 60 % estimaient qu'ils avaient une mauvaise santé. Ils avaient du mal à quitter leur domicile pour se rendre aux arrêts d’autobus, surtout en hiver. P10 a déclaré qu'il avait un handicap en décrivant son trajet vers un arrêt d’autobus :

« Mon handicap m'a fait penser, 'Eh bien, il faut connaître l'endroit et être capable de se rendre à un itinéraire comme celui-là.' Et puis, 'Cela crée une impasse.' Le fait que mon handicap et mon incapacité à marcher jusqu'au parking créent une difficulté dans l'itinéraire. » (P10)

Six personnes âgées qui ont continué à utiliser les TC après TanGo, avaient des engagements communautaires (participation à des associations). Ainsi, beaucoup souhaitaient continuer à prendre l’autobus avec quelqu'un qui n'avait pas de handicaps ou de perte d'indépendance, et qui pouvait les encourager et les rassurer. P10 l'a formulé ainsi :

« Je suis plus intégré dans la vie sociale, avec des associations ici, pour ne pas laisser la vieillesse gagner et sortir plus souvent. » (P10)

Discussion

Notre recherche visait initialement à explorer les perceptions et les expériences des personnes âgées concernant la formation TanGo et l'utilisation des TC après avoir suivi le programme TanGo. Tous les participants à notre étude ont exprimé des expériences positives avec TanGo, soulignant son contenu informatif concernant les TC. Les TC sont valorisés pour leur respect de l'environnement et leur rentabilité par rapport à d'autres modes de transport. Les participants ont décrit comment TanGo a amélioré leurs connaissances et leur confiance dans l'utilisation des TC, atténuant l'inconfort et la peur. De plus, ils ont signalé une meilleure capacité à comprendre les symboles et les messages liés aux TC. Ces résultats concordent avec ceux de recherches antérieures indiquant la pertinence de la formation aux TC chez les personnes âgées (36,37). Une meilleure compréhension des facteurs liés aux programmes de formation aux TC, des contextes internes et externes, et des caractéristiques individuelles peut fournir des informations importantes pour la mise en œuvre des programmes de formation aux TC.

Il est important de prendre en compte les caractéristiques de l'intervention et la réactivité aux besoins du groupe cible (27). Bien que TanGo cible les personnes âgées, les participants ont recommandé de réduire la durée de la formation et la quantité de contenu, et de l'adapter à un style d'apprentissage plus orienté vers la pratique. Cela s'aligne avec les conclusions de Baltes et Schaie sur le vieillissement et l'apprentissage, préconisant des sessions variées, de courtes durées et pratiques intégrées à un contenu théorique. Une telle variabilité dans la formation peut renforcer les compétences nécessitant l'assimilation d'informations, ce qui est crucial, car les capacités intellectuelles déclinent avec l'âge, particulièrement après 60 ans (38,39). Loarer et Delgoulet (40) ont souligné que la rétention et le traitement de l'information diminuent avec l'âge. Par conséquent, réduire la quantité et la durée du contenu de TanGo pour soutenir la mémoire et la rétention des participants, s'aligne avec ces conclusions. Les retours des participants sont essentiels pour les futurs programmes de formation aux TC afin de garantir qu'ils répondent aux besoins des utilisateurs (27,28). De plus, des recherches sur l'efficacité, la qualité, l'adaptabilité et le coût des programmes de TC pourraient informer les prestataires de services sur l'amélioration de la prestation des services (27).

Le contexte externe prend en compte la manière dont les besoins de la population sont satisfaits et l'influence des facteurs sociaux, politiques et économiques. Les résultats de cette étude suggèrent que le soutien social peut avoir influencé l'utilisation des TC après avoir terminé le programme TanGo, en particulier en ce qui concerne la disponibilité d'autres moyens de transport. Par exemple, une participante a expliqué qu'elle n'avait pas eu recours aux TC après avoir suivi le programme TanGo parce que son lieu de résidence mettait à sa disposition une voiture et un chauffeur pour faire ses courses. Si le chauffeur n'était pas disponible, ses enfants adultes étaient transportés en voiture. De cette manière, le soutien social peut avoir influencé l'utilisation du TC. De même, la réticence des personnes âgées à cesser de conduire peut influencer négativement leur décision d'utiliser les TC comme mode de transport. C'est le cas d'un participant qui n'a pas utilisé les TC après TanGo. Pour lui, la voiture symbolisait l'autonomie et l'efficacité dans l'accomplissement de son travail bénévole. Ces résultats sont cohérents avec plusieurs études montrant que l'utilisation des TC peut être retardée par les personnes âgées qui conduisent (41,42) ou qui sont attachées à une voiture pour des raisons de liberté et d'autonomie (43,44). Les résultats prometteurs de Pellichero et al.(42) suggèrent que le fait de proposer une formation à l'utilisation du TC aux personnes qui se préparent à arrêter de conduire peut faciliter la transition entre la conduite autonome et l'utilisation du TC. Comme dans les études précédentes, d'autres obstacles environnementaux externes connus pour influencer l'utilisation des TC ont également été soulignés par les adultes âgés dans cette étude. Par exemple, les arrêts d'autobus inaccessibles et les hivers (43). De plus, la santé et la mobilité des personnes âgées peuvent également influencer le contexte externe et doivent être prises en compte lors de la formation à l'utilisation des TC.

En considérant le contexte interne, il est essentiel de réfléchir au TC en tant que service public et de prendre en compte toutes les parties prenantes. Cette recherche a été menée en collaboration avec l'ATV, qui a développé le programme TanGo. Cependant, les prestataires de services de TC n'ont pas été inclus dans cette étude. Pour répondre au mieux aux commentaires des participants sur leur expérience de l'utilisation d’autobus et sur l'attitude des chauffeurs d’autobus, l'élaboration des futurs programmes de formation à l’utilisation du TC devrait inclure les prestataires de services de TC locaux. Par exemple, les facteurs liés aux caractéristiques structurelles des programmes de formation à l’utilisation du TC et des services de TC peuvent être mieux ciblés grâce à l'engagement de toutes les parties prenantes. De cette façon, le climat de mise en œuvre et les facteurs de préparation (leadership, ressources et accès à l'information) peuvent être ciblés dans le cadre d'une approche collaborative visant à améliorer l'utilisation du TC chez les personnes âgées au Québec. De plus, cette étude ne s'est intéressée qu'à la formation à l’utilisation du TC pour l'utilisation de l'autobus. La participation de tous les intervenants pourrait améliorer la mise en œuvre de programmes de formation pour l'utilisation d'autres services de TC (par exemple métro, train, vélo, traversier).

Enfin, le ciblage des caractéristiques individuelles pertinentes est important pour la mise en œuvre (27). Après le programme TanGo, tous les participants ont déclaré avoir plus confiance dans l'utilisation du TC, ce qui correspond aux résultats selon lesquels la confiance prédit de manière significative le changement de comportement en matière d’utilisation de TC (21). TanGo a fourni des stratégies de planification de l'action et d'adaptation face à des situations difficiles (45) pour surmonter leurs difficultés. L'amélioration de l'auto-efficacité, un prédicteur du comportement futur, a probablement influencé la plupart des participants qui ont utilisé le TC après TanGo (46,47). La théorie de l'autodétermination suggère que les individus sont plus enclins à adopter des comportements lorsqu'ils se sentent autonomes, compétents et liés aux autres, ce qui souligne l'importance de la compétence perçue dans la promotion de l'utilisation du TC (46,47). Bien que l'appréciation des participants pour l'accompagnement du personnel pendant TanGo ait été évidente, le soutien d’autres personnes âgées compétentes dans l’utilisation du TC peut renforcer davantage l'auto-efficacité et la relation chez les utilisateurs novices (48). L'apprentissage par l'observation des autres, comme la formation par les pairs, renforce l'auto-efficacité et induit des changements de comportement chez les personnes âgées (46,47). Étant donné que l'auto-efficacité permet de prédire les comportements futurs (46,47), il est plausible que l'amélioration de la confiance en soi ait influencé 60 % des participants qui ont eu recours au TC après avoir suivi le programme TanGo. Selon la théorie de l'autodétermination, une personne est plus susceptible d'adopter un comportement si elle se sent autonome, compétente et en relation avec les autres (49). À l'instar de l'auto-efficacité, l'amélioration de la compétence perçue par l'apport de connaissances et de compétences peut permettre aux personnes âgées d'utiliser les TC plutôt que d'autres modes de transport. Bien que l'accompagnement pendant le programme TanGo offert par le personnel d'ATV ait été apprécié par les participants, l'accompagnement par des adultes plus âgés qui sont compétents dans l'utilisation du TC peut soutenir davantage l'auto-efficacité et la relation pour les utilisateurs novices du TC (48). Par exemple, il a été démontré que le fait d'apprendre en observant d'autres personnes ayant des expériences de vie similaires renforce l'auto-efficacité. La formation par les pairs peut modifier efficacement divers comportements sanitaires et sociaux chez les personnes âgées (50–52).

La compréhension des caractéristiques individuelles peut également aider à comprendre pourquoi 40 % des participants n'ont pas eu recours au TC après avoir suivi le programme TanGo. L'étude des caractéristiques sociodémographiques, telles que l'âge, le sexe, l'état civil et l'état de santé des personnes âgées qui n'ont pas eu recours au TC après le programme TanGo peut suggérer que de multiples facteurs influencent probablement la décision d'avoir recours au TC. Par exemple, il a été démontré que le statut professionnel et l'engagement social dans la communauté influencent l'utilisation du TC (53,54). Bien que tous les participants à cette étude aient été à la retraite, beaucoup de ceux qui ont continué à utiliser les TC après TanGo étaient impliqués dans des associations communautaires ou faisaient du bénévolat à l'extérieur de leur domicile. En revanche, parmi les participants qui n'ont pas utilisé les TC après TanGo, un seul a fait du bénévolat dans la communauté.

Limites et perspectives

L'échantillon de l'étude, bien que restreint, représentait les expériences des hommes et des femmes en matière de formation aux TC et d'utilisation des autobus. La collecte des données a commencé environ quatre mois avant la pandémie de COVID-19, ce qui a compliqué le recrutement et la collecte des données. Pour se conformer aux directives de santé publique, certains entretiens ont été menés à distance, par exemple par téléphone ou par courrier électronique. Les données ont été collectées, codées et analysées en français, traduites en anglais et vérifiées par des membres bilingues de l'équipe de recherche. Les entretiens ont été menés en moyenne deux ans après la fin du programme TanGo, ce qui a pu affecter la précision des réponses, les participants se fiant à leur mémoire. En outre, l'évolution de l'état de santé des participants a pu influencer leur sentiment actuel quant à l'utilisation des TC.

Bien qu'il aurait été intéressant d'évaluer quantitativement la confiance dans les TC et la fréquence d'utilisation avant et après le programme TanGo, les résultats de cette étude pourraient guider la création d'un questionnaire qui met en évidence le potentiel des interventions de formation personnalisées pour responsabiliser les personnes âgées et promouvoir des modes de transport durables. Cela favorise à son tour l'indépendance et l'inclusion sociale.

Conclusion

Les personnes âgées étaient satisfaites du programme TanGo et se sentaient plus confiantes pour prendre l’autobus après avoir suivi la formation théorique et pratique. Tous les participants ont reconnu l'importance des TC pour les personnes âgées, en particulier en termes d'avantages environnementaux et économiques. Environ 60 % des participants ont continué à utiliser l’autobus après le programme TanGo. Les caractéristiques de l'intervention CFIR fournissent un cadre approprié pour mieux comprendre la bonne façon de mettre en œuvre la formation sur l'utilisation du TC chez les personnes âgées. En effet, les caractéristiques de l'intervention peuvent influencer le succès ; si les interventions ne sont pas adaptées au contexte, elles sont susceptibles de rencontrer une résistance de la part de la communauté. En ce qui concerne le contexte externe, les contextes économique, politique et social dans lesquels une organisation (ATV) réside peuvent influencer le succès de la mise en œuvre d'un programme. En ce qui concerne le contexte interne, les contextes structurel, politique interne et culturel dans lesquels se déroule le processus de mise en œuvre sont importants. En outre, les caractéristiques individuelles, les attitudes culturelles, organisationnelles, professionnelles et individuelles, les normes, les intérêts et les affiliations des personnes âgées doivent être pris en compte lors de la mise en œuvre d'une telle formation. Enfin, le processus de mise en œuvre : le processus par lequel l'intervention est mise en œuvre doit impliquer les personnes âgées.