Quelques propos1 extraits d’un entretien entre Michel Girard, acteur, et Michel Poupin, accompagné de Monique Fillon (née Gaignet, actrice)

Entretien entre Michel Girard,
Michel Poupin
Monique Fillon

Le style oral a été conservé

Texte

Note de bas de page 2 :

MF : Monique Fillon, née Gaignet et cousine germaine de MP, MG : Michel Girard, MP : Michel Poupin, (…) passage inutile à la compréhension, (???) passage inaudible, [aide à la compréhension]

Légende2

MP Historique de ta vie, si ça ne te dérange pas. Je rappelle qu’on s’intéresse à cette partie de la culture populaire qui a eu lieu au Gué de Velluire et dans d’autres villages. Mais ce qui est assez étonnant, c’est que les Misérables, la littérature de Victor Hugo… ait pu être mise en œuvre par des amateurs d’origine populaire et avec des spectateurs d’origine populaire ; et apparemment, ça a très bien fonctionné, puisque les gens venaient, ils étaient très contents ; les acteurs étaient contents. C’est tout cet aspect-là qui est important.

Je sais que tu es de l’âge de mon frère… donc né en 1937.

MP Tu as été à l’école maternelle ?

MG Ah mais il n’y avait pas d’école maternelle. (…)

Je suis rentré à l’école à 4 ans et demi, c’est-à-dire… j’ai eu 4 ans au mois de mars, je suis rentré au mois d’octobre, parce que à l’époque, la rentrée n’était pas en septembre, mais en octobre, le 1er octobre et les vacances étaient au 20 juillet, et le jour de repos était le jeudi, et on avait école le samedi toute la journée.

MP Donc tu as été à l’école primaire libre

MG Oui, catholique

MP Avec quel instituteur ?

MG M. Coutand, le premier, et le second, M. Joguet.

L’école a commencé en 1937, l’année où je suis né. Parce qu’il n’y avait qu’une école de filles avant. Et puis après les pères de famille, à cette époque-là, se sont dit : pourquoi nos garçons, on les fait aller à l’école publique alors que s’il y avait une école libre, ils ne seraient pas élevés de la même façon. Moi, je le sais parce que mon père me l’a dit.

(…) Coutand a dû partir en 1945 environ. Je suis rentré en 1941. J’ai été 4 ans avec M. Coutand. Et le reste avec M. Joguet jusqu’à 14 ans. A 11 ans, on faisait la communion, à 12 ans, c’était le certificat privé ; à 13 ou 14 ans, ça dépendait comment on était instruit, comment les notes étaient bonnes, on avait un certificat supérieur privé, et puis à 14 ans le certificat d’études, parce que on n’y avait pas droit plus tôt, il fallait avoir 14 ans révolus. Du coup, je suis allé aux trois. Et puis après je suis allé en maison familiale à Fontenay-le- Comte. Parce qu’à l’époque, si tu veux, les parents n’avaient pas beaucoup de moyens pour mettre les enfants aux grandes études. Puis, tout le monde ne s’y prêtait pas. Les parents ne s’y prêtaient pas ou les enfants ne s’y prêtaient pas. Enfin, moi, c’était mes parents parce que j’étais d’une famille nombreuse, et puis mon père avant besoin de mon travail pour aider à élever les autres, quoi. Nous étions 9 dont 7 garçons (une fille au début et une fille à la fin).

Note de bas de page 3 :

Poupin, grand frère de MP.

Note de bas de page 4 :

Poupin, grande-sœur de MP.

Note de bas de page 5 :

de Monique Fillon (MF), née Gaignet.

Note de bas de page 6 :

C’était en Galipaudes, lieu dit.

Donc, quand j’ai eu 14 ans, eh bien mon père comptait sur moi, qui étais le premier des garçons. Donc je devais travailler pour aider à élever les autres. Et à l’époque, on n’était pas les seuls. Prends la famille Ollivier, ils étaient assez nombreux, les Garreau, et d’autres, c’était à peu près la même chose. Alors, euh… par contre j’avais réussi avec le curé qui était là à l’époque – ça devait être Raballand… Le curé Raballand, quand j’ai eu 14 ans, avait donné cette idée à mon père. Et puis ensuite… après ils avaient accepté. Parce que j’étais un peu comme Pierre3, j’apprenais bien à l’école. On se disputait la place de premier (…). Et puis avec Marie-Ange4, on se connaissait bien. Quand, pendant la guerre, ton père [Poupin] était [prisonnier] en Allemagne, c’était ton père5 qui faisait le boulot à ta mère [Poupin, de MP], eh bien, ils venaient puis ils amenaient les enfants, puis comme ils avaient des près derrière chez nous, Marie-Ange [Poupin], puis Odile [Poupin], surtout Marie-Ange, et puis Pierre, on s’amusait ensemble. On étudiait nos leçons ensemble là-bas sous les arbres6.

MP A la Maison Familiale… ?

Note de bas de page 7 :

Michel Girard n’habite plus désormais dans le marais, mais dans le village.

MG Là, j’ai fait 3 ans. C’est le prolongement de l’école primaire pour ceux qui voulaient en savoir un peu plus et qui ne pouvaient pas se payer des études. A l’époque, les études, c’était pas comme aujourd’hui. Aujourd’hui, t’as un car ou on va emmener les garçons en voiture ou les filles en voiture, t’as des cars ou autres, mais à l’époque, c’était pas le cas. Au bord de la rivière, là-bas7, fallait venir au Gué en bateau l’hiver. Alors pas question d’aller quelque part. Ceux qui allaient aux études, eh bien ils étaient internes. Alors, les sous pour payer, il y avait beaucoup de familles qui ne pouvaient pas.

MP Mais il y avait encore du français de l’histoire-géo… ?

MG Ah oui, oui, à la Maison Familiale, il y avait beaucoup d’agricole parce que c’était agricole, quoi.

MP Donc il y avait une orientation vers un diplôme agricole ?

MG Oui, vers l’agriculture, oui à l’époque.

MP Tu te rappelles du nom du diplôme ?

Note de bas de page 8 :

CERCA, centre d'enseignement à distance de l'ESA depuis 1927.

MG C’était les premières années que ça existait. Alors c’était un genre de BAP [brevet d’aptitude professionnelle]. Ça s’appelait comme ça. Et après, il y avait la suite si on voulait, aux cours du CERCA8. Moi j’ai fait le CERCA d’Angers, c’était des cours par correspondance. Le CERCA d’Angers, c’était une école par correspondance. C’était tenu par l’Université Catholique d’Angers. Pour compléter la Maison Familiale. C’était pas obligé, il y en a qui ont fait le CERCA depuis l’âge de 15 ans.

Note de bas de page 9 :

Jules Gaignet, père de MF, née Gaignet

Note de bas de page 10 :

Elle consiste à récupérer quotidiennement le lait des fermes, en bateau quand elles sont dans le marais, afin de le livrer à la laiterie du Gué de Velluire.

C’était par alternance. J’étais interne pendant 8 jours par mois. Et après, je travaillais ; j’allais en journée chez son père9. Et puis après j’allais ailleurs, chez les ( ?)… et puis l’hiver quand il y avait du fumier à sortir. J’allais chez d’autres aussi. De nous deux, mon frère et moi, il y en avait toujours un dehors, dans les fermes. Souvent tous les deux. Et puis après, on a pris la tournée de lait. Mon père avait pris la tournée de lait10 à faire. Et puis c’était mon frère qui la faisait. J’aidais beaucoup mon père parce que l’exploitation de mon père, quand je suis sorti de l’école, c’était pas grand chose. C’était, ben, un peu comme ton père [Pierre Poupin] sauf que les moyens n’étaient pas les mêmes, et puis les familles n’étaient pas les mêmes non plus, quoi, alors bon…

Concrètement, oui, c’était des vaches laitières, puis on faisait des cultures maraichères comme le cornichon, l’ail. Et les cultures vivrières surtout, parce qu’à l’époque, l’autoconsommation, ça comptait beaucoup. Chez ton père [de MP] aussi (…).

MP Papa avait 3 vaches laitières, vous, vous en aviez combien… ?

MG Ah, ben il y en avait 2 quand je suis sorti de l’école mais il y en avait 7 ou 8 quand je suis parti à l’armée. J’avais aidé mon père beaucoup à grossir, puis il le fallait. Parce qu’autrement on n’aurait pas vécu. Parce que plus ça allait, plus… après la guerre, la vie familiale évoluait, quoi. Et ils auraient pas pu suivre, mes parents.

MP Donc tu as déjà travaillé en fait à partir de 14 ans, tout en suivant des études en parallèle, soit à la Maison Familiale Rurale, soit au CERCA en cours par correspondance… Et les cours par correspondance, ça a duré longtemps ?

MG Ben, jusque… presque à l’armée, quoi. Parce qu’il y avait un examen à passer (…).

MP Au service militaire, tu es parti quand, alors ?

Note de bas de page 11 :

Gaignet, cousin-germain de MF

MG Ben… comme Paul11, à 20 ans. En 57, deux ans et demi. Je suis parti d’abord à côté de Rennes, à Pont-Réan, faire des formations Marine et après j’ai été embarqué sur une frégate au début et puis un escorteur d’escadre…

MP Mais c’était indépendant de la guerre d’Algérie, alors… ?

MG Eh non, sauf que pour les avantages des anciens combattants, je les ai pas, parce que j’habitais sur le bateau mais pas en Algérie… il aurait fallu que je sois à terre… Alors, comme on était embarqués, même dans les eaux… on avait moins de danger, on était moins en danger que ceux qui étaient à terre. Parce quand on était en mer, les algériens, ils n’avaient pas tout ce qu’il fallait pour tirer sur les bateaux. Mais quand on allait à terre on pouvait se faire tuer pareil que les autres.

MP Mais vous participiez à des opérations à terre.

MG Non, pas à terre. Si ! On a participé à des opérations de tir (…) Il y avait des services de débarquement (…).

MP Donc tu reviens à 23 ans… Tu reprends le métier ?

MG Attends… euh… quand je suis parti – c’est-à-dire que là, je te parle de mes souvenirs, hein, de toute façon – je me suis aperçu… disons que quand tu es parti pendant 2 ans et demi, en famille, comme ça, ta place est prise quand t’arrives, parce que les autres, ils ont grandi. Et puis, t’arrives, tu n’es plus dans le coup. Ça tombait bien qu’on avait commencé à sortir ensemble avec Pierrette juste avant de partir à l’armée. On s’est correspondu tout pendant la guerre d’Algérie, avec Pierrette. Et au retour, hé ben, j’ai resté quelques mois le temps de m’adapter. Et puis je suis parti travailler ailleurs, quoi.

MP Mais travailler ailleurs… Tu habitais toujours au Gué de Velluire ?

MG (…) J’ai toujours habité au Gué si tu veux, mais en habitant l’Ile d’Elle ou Marans, parce que la rive droite de la rivière, c’est Marans, la rive gauche, c’est le Gué et l’Ile d’Elle plus loin. Mais j’étais toujours là quand même. J’ai toujours sorti au Gué. Jamais je suis allé à Marans. Enfin… on allait si on avait envie mais j’ai jamais fréquenté la ville de Marans. Parce que j’habitais de l’autre côté de la rivière au début, en face, ben chez mes beaux-parents de l’autre côté à ( ? ? ?). C’est une belle maison, 1909 qu’il y avait marqué dessus.

MP Alors, le théâtre là-dedans… De toute façon, tu étais toujours agriculteur à ce moment-là ?

MG Non, pas du tout (…) Quand je me suis marié, j’étais dans une ferme à Maillezais pendant 6 mois. Et puis après, Pierrette est tombée enceinte, puis la patronne était exécrable, ça n’a pas marché. On est donc partis. On est donc venu habiter, comme je t’ai dit, rive droite sur Marans, et pendant 4 ans. Et là, j’ai travaillé d’abord au remembrement, à faire le pont. Je suis embauché au remembrement quand ils ont fait le pont sur la Vendée, à côté de chez moi, pas loin. Et puis après, j’ai fait l’hiver 61-62 – le marais était tout inondé, nous on a attaché le bateau au loquet de la porte du 4 novembre au 17 février… ça a été la dernière année… Là, c’était la pagaille parce que le barrage de Mervent était en construction et ne fonctionnait pas bien. Et puis il y avait toujours les anciennes habitudes de la mer à Marans, pour bloquer la mer pour faire rentrer les bateaux, bloquer le cours de la rivière pour que le canal soit plein [l’eau de la Vendée ne pouvait plus s’écouler, et l’inondation était aggravée d’autant] (…) donc la mer tirait beaucoup moins quand il fallait. Quand ça tombait bien, ça marchait, mais quand ça tombait avec de fortes marées (…) ça ne marchait plus.

Ça, c’était l’hiver 60-61 (…) Les maisons inondaient pas en principe parce que les huttes étaient toutes construites sur une motte d’argile (… et non sur les vases qui sont venues après… Et qui ont été transformées en humus).

Note de bas de page 12 :

en amont du Pont du Gué, vers chez les Ouvrard.

Note de bas de page 13 :

Écluse, au confluent de la Sèvre Niortaise et de la Vendée (commune de l’Ile d’Elle).

(…) En 36-37, il y a eu la crue du siècle, eh bien, ils ont mis des fagots sous les vaches pour que les vaches ne se couchent pas dans l’eau. Mais il n’y avait que la grange ; dans la maison il n’y avait pas d’eau. Les petites constructions autour de la maison étaient faites plus ou moins avec un niveau un peu plus bas. Sinon, je ne sais pas quelle maison… Par contre, au-dessus12, oui. Parce que le courant venait vite (ici, ça s’étalait des 2 côtés parce que le Gouffre13 ne fournissait pas), mais avec les freins du pont… Par contre, ils étaient inondés beaucoup moins longtemps que nous, parce que, comme ils sont les plus hauts, ils partaient les premiers, mais parfois entre le Gué et l’Ile d’Elle, il pouvait y avoir 50 cm de différence d’eau.

(…) Après, j’ai travaillé au remembrement de La Taillée avec Richard de la Roche [sur Yon] qui faisait le remembrement. Je conduisais un tracteur, puis un engin pour lever les cosses des bois et tout ça. Et comme l’hiver d’avant, à cause des inondations, j’avais été au chômage pendant 3 ou 4 mois, alors j’avais dit, je ne reste pas l’hiver. Alors il y avait une place à prendre à l’usine à l’Ile d’Elle, je suis donc entré à l’usine à l’Ile d’Elle. Et là j’y ai resté 2 ans et demi (février 64) parce que je voulais être exploitant en même temps et puis je n’avais pas les moyens de m’installer, quoi. Les terres n’étaient pas toutes libérées et je n’avais pas la possibilité d’en louer ; ça n’aurait pas fait vivre le ménage, quoi. Donc j’ai été à l’usine 2 ans et demi ; et j’ai quitté l’usine parce que je faisais les 3 huit, et avec le bétail ça ne marchait pas. Il y avait trop de travail qui restait à Pierrette. Et en plus c’était le moment qu’on avait des enfants ; elle était enceinte ou malade parce que ça ne se passait pas toujours bien. Alors donc j’ai quitté l’usine et j’ai rentré à la laiterie du Gué. Puis j’ai fait ça pendant 6 ans après. Si bien qu’après être marié, j’ai été ouvrier 10 ans. Et je me suis mis à mon compte en 70 [diversion sur un frère René ( ?) dans la même usine].

MP Quand est-ce que tu as commencé le théâtre ?

MG Le temps que j’étais à l’usine, à l’usine à l’Ile d’Elle, là du coup j’ai pas dû jouer. Mais après, j’ai pratiquement commencé aussitôt. En 64. Puis, j’ai peut-être bien joué en 61. Ça ne m’étonnerait pas.

MP Est-ce que tu te souviens du nom des pièces, ou des rôles ?

MG Par exemple les rôles de ton père, mais ton père jouait quand j’allais à l’école. Quand on a commencé nous il jouait plus, je crois pas. (…) Le père Ulysse a joué, avant d’être souffleur, dans Chapeau de paille d’Italie. Et il a joué dans… là où il n’y avait que des femmes, ça s’appelle… oh là là…

Chapeau de paille d’Italie, je ne peux pas te dire la date. On a joué Chapeau de paille d’Italie, on a joué Le petit Jacques, Roger le Braconnier, Roger la Honte : c’était un père de famille, c’est moi qui avais le gamin et que le médecin vient soigner…

MP Et tu te rappelles des rôles sinon, dans les autres… ?

Note de bas de page 14 :

A environ 45 km du Gué de Velluire.

Je me rappelle Roger la Honte ,… oui… j’avais un gamin, je sais même pas si c’est pas une fille qu’on avait euh… un genre comme dans les Misérables, une fille qui était pas… ah, je sais plus comment elle s’appelait. Et puis ensuite le médecin était venu. Je m’en rappelle car à l’époque, ça il faut le dire quoi, les curés, ils arrangeaient les pièces (MF : ils les arrangeaient un petit peu). Oui, pour pas qu’il y ait de mots qui flanchaient, quoi. Et… parce que j’ai revu le théâtre après, moi, parce qu’on va en voir tous les ans à Thorigny14, où ils jouent comme ça des pièces qu’on a jouées. Et puis après j’ai revu Roger la Honte, puis j’ai revu mon rôle, effectivement, c’est pourquoi… là du coup ça m’est revenu tout à l’heure… mais il y a des mots que… fallait faire attention et qu’ils enlevaient. Il y a plusieurs scènes qui avaient été enlevées.

MP Elles avaient été censurées

MG Elles avaient été censurées et on les a pas jouées.

MP Censurées… euh… c’était le curé Puaud par exemple à l’époque ?

MG Oh… euh… Raballand.

MP Mais Raballand est parti en 55.

MG Oui, ben Roger la Honte, ça s’est joué en 55.

MP Mais tu jouais à ce moment-là ?

MG Ben oui, sans doute, oui

MP Donc tu as commencé à jouer en 55 ?

MG Ah mais j’ai joué avant d’aller à l’armée, hein ! (…) A la sortie de l’école, quand on faisait trois théâtres par hiver, c’était aussitôt la sortie de l’école, pour payer les instits. Parce que le curé n’avait pas d’argent autrement pour… euh… (…) J’ai eu 14 ans en 51. J’ai commencé en 51-52.

MP Je n’arrive pas à savoir quand a commencé le théâtre…

MG Et c’est dans ces années-là qu’on a commencé à jouer Roger la Honte (…)

MP Tu jouais Bernardo ?

MG Oui, c’est ça. C’est le père qui s’occupait de la fille.

MP Roger la Honte, entre 51 et 57 ?

MG (…) j’ai joué entre 14 ans et 20 ans… Je suis en train de faire des mélanges… J’étais assez jeune. C’était dans les années où j’avais 14-15 ans. C’était à l’époque du curé Raballand. C’est ça, parce que je me rappelle : le curé Raballand… il y a une réplique si tu veux dans le machin… la femme dit comme ça… c’était pour Noël et il y avait le truc du boudin. Et la femme dit : oh, je vais aller en chercher, on n’y manque pas au ( ? ? ?)… je ne sais plus la réplique… et puis après elle dit au docteur qui était là pour s’occuper de la fille : puisque vous êtes garçon, vous pouvez bien rester avec nous. Et je me rappelle, à la répétition, on avait dit le rôle, et le curé Raballand a dit : oh, mais je ne sais pas si vous le direz bien. Il avait envie d’enlever ce truc qu’il était garçon. Alors moi à ce moment-là, j’ai dit au curé : c’est pas grave, il était célibataire, c’est tout, il était tout seul donc ils l’ont invité. Ah bon ! qu’il a dit, et après il l’a laissé. Mais il était dur, le père Raballand, pour ça.

[Examen d’un document non daté avec une liste d’acteurs de Roger le Honte… mais à une autre date !
MF Paul [Gaignet] a joué déjà. Il ne se rappelle de rien.
MG Il n’a pas joué beaucoup (…). Vauchelle est arrivé en 81… Il doit s’agir de la troupe d’une autre représentation dans les années 80 ? MP]

Note de bas de page 15 :

André, forgeron, metteur en scène après 1966.

MG Monte-Cristo a été joué deux fois. Je faisais un policier aux deux fois (…). Dans les rôles qui ont été joué quand on a commencé, il devrait y avoir Jeanne Gaignet, ta cousine (à MF). Louise de Bettignies… Elle jouait dans Chapeau de paille d’Italie… Elle faisait toujours la partenaire à Dédé Ferret15, quoi.

Note de bas de page 16 :

Fillon, beau-père de MF

MF Gabriel16 a joué aussi. J’ai joué dans les Misérables et il a joué dans les Misérables (…).

MP Dans Roger la Honte, le père Raballand, en fait, avait tendance à…

MG C’est ce qui m’a fait me souvenir. Quand je l’ai vu jouée à Aubigny, puis que j’ai vu qu’il y avait des scènes que nous on n’avait pas jouées, des scènes entières ou des parties de scènes. Enfin, il modifiait, quoi. Et quand au début, avant, on jouait les garçons avec les garçons, puis les filles avec les filles (…)

MP Mais c’était quand, ça ? Avec Raballand, toujours…

MG Raballand, puis avant aussitôt la guerre. Mais moi, j’ai peut-être joué, attends, 2 ans, puisqu’on l’a dit on a commencé à 14 ans, j’ai peut-être joué 2 ans séparé, quoi. Par contre, les filles venaient faire une danse, les jeunes filles, quoi, Melle Lucas [institutrice des filles] autrefois les apprenait à danser. Et puis il y avait aussitôt l’entracte, ou un truc pour rallonger un peu la pièce. Au début, il y avait une pièce sérieuse, quoi, puis un comique après, une petite comédie. Alors des fois, quand les filles faisaient le théâtre toutes seules, eh bien les garçons, ils faisaient le comique parce qu’aux répétitions on n’était pas ensemble. Parce qu’avec Melle Lucas quand les filles étaient là-bas les garçons, ils n’y étaient pas, hein ! (…) Mais il y avait des parents qui étaient terribles aussi. Pour ça, il fallait pas que leurs enfants, ils aillent… que les garçons aillent avec les filles, et tout… T’en avais… il aurait fallu que les filles aillent au couvent et tout ça… (…) C’était pas la majorité, je pense pas, mais il y en avait. Mais il y a des familles, ils ont tous été au séminaire, hein !

MP Tu as commencé à jouer à l’hiver 51-52. Est-ce que tu sais s’il y avait des pièces avant.

MG Ah oui ! Le Cercle, la salle s’est construite au lendemain de la guerre, c’est-à-dire en 46.

MP Il n’y avait pas de théâtre avant ?

MG Si, il y en a eu un avant. Il y en avait à l’école publique aussi avant, dans la grange à Pierre Ferret ; après ça a servi de grange à Pierre Ferret, là-haut (…) Ils avaient fait une salle… c’était de la terre battue… il avait fabriqué une scène… c’était derrière l’école publique. Et puis ensuite, nous, l’école privée… ils ont joué dans un garage de la cure (…) celui de droite [à droite du portail]. On a joué là, nous. Et pendant la guerre, quand les allemands avaient réquisitionné l’école, j’ai été à l’école là.

MP Mais alors ça, c’était du théâtre de patronage plutôt, c’était pour les jeunes…

MG Ah non ! C’était pour les adultes aussi. C’était aussi pour faire des sous. Il y avait le théâtre de jeunes pour les prix, pour les choses comme ça. Mais par contre ils ont joué là. Je me rappelle… Alfred Garraud, autrefois, Jourdain, le père à Yves Jourdain, Napoléon, il a joué là-bas avec Martial Ollivier, tout ça (…) il n’y en a pas eu beaucoup là. Je ne me rappelle d’un, une fois. Et puis je me rappelle un souvenir, d’avoir été à l’école là-bas. Mais quand j’ai été à l’école là-bas, il y a avait pas de théâtre forcément. C’est après… Parce que l’école n’a pas dû être récupérée longtemps par les allemands. Après, on a retourné à l’école là-bas, quoi. Et après, la salle s’est faite en 46, j’en suis sûr. La salle s’est faite en 46 et le curé Gadé avait pas voulu que la surface soit plate parce qu’il y aurait pu avoir des bals dedans. Il avait fait la salle en pente au maximum parce que comme ça il était sûr qu’il y aurait pas de bals dedans.
En plus c’était très bien pour voir. Mais ils auraient pu organiser comme dans des salles, avec des gradins. Non, non.

MF Du coup, ça a commencé avec le curé Gadé.

MG La salle s’est faite avec le curé Gadé. Il était fier comme tout que ses hommes avaient fait une salle. Tout a été fait avec des bénévoles, quoi (…).

La salle, je l’ai vécu, parce que j’allais au patronage à l’époque [à proximité]. Par contre, c’est bien mon père qui m’en a parlé le plus. Puis l’école qui s’est créée en 1937, l’école privée garçons s’est créée en 1937. Alors que l’école des filles est beaucoup plus vieille. Ma grand-mère qui était née en 88 elle a été à l’école chez les filles, chez les bonnes sœurs.

MP Mais quand tu dis que l’école a été réquisitionnée par les allemands, c’est la nouvelle.

MG Oui, chez les filles ils n’y ont pas été.

Note de bas de page 17 :

Né en 1878.

(…) Et la salle, elle a servi aussitôt, quoi. Elle a été faite en 46, et le cercle a démarré là aussi. Et le cercle, le curé Gadé17 l’avait fait exprès pour qu’il y ait un « après messe » si tu veux. Parce qu’autrement les gens, ils vont à la messe et ils se disent bonjour ou même pas, il y en a qui sont pressés, tout le monde rentre chez soi. Au niveau chrétien, c’était pas correct (…) Voilà, c’était créer des liens entre les chrétiens de telle sorte qu’on ait mine de quelque chose, quoi. Autrement, si tu vas à l’église pour faire ta prière, puis tu t’en vas sans voir personne (…) Aujourd’hui, le cercle dure encore mais l’esprit n’est plus le même (…).

(…)

Liste de pièces : Chapeau de paille d’Italie, Le petit Jacques, La porteuse de pain, Les deux orphelines, Ces dames au chapeau vert.

(…)

MG J’ai commencé à faire les lectures, pareil, à 14 ans. On allait à la messe dans le chœur, nous, derrière l’autel. Il y avait ton père [à MF, Jules Gaignet] qui jouait de l’harmonium là-bas. Et puis le père à Ulysse [Gaignet, nommé aussi Ulysse] qui chantait là-bas. Puis nous, on était de chaque côté. Et puis chacun son tour, avec Ulysse, Claude [Ollivier], peut-être Paul [Gaignet] aussi (…) alors j’ai commencé à lire l’épitre à l’époque (…)

MP Tu t’es mis à ton compte en 1970. Quand tu avais 14 ans, tu allais aux répétitions. En bateau ?

MG Non ! Quand j’étais tout seul, je prenais des bottes, et puis je changeais de chaussures en arrivant au bourg. Puis après j’allais à pied aux répétitions. Et puis je revenais.

MP Mais tu les laissais où, tes bottes, au Gué ?

MG Chez la mère Phelippeau, l’épicerie [voisine de MP à l’époque]. Il y avait un petit gourbi derrière (…)

MP Et tu avais une lampe électrique ?

Note de bas de page 18 :

En limite du village, au bord de la rivière Vendée, désaffectée en 1972.

MG Non, non ! J’ai jamais eu de lampe électrique (…) c’était l’hiver qu’on jouait, oui (…) on était motivé ! J’avais des bottes et puis quand on était un tout seul... Quand on allait à l’école avec mes frères ça ne marchait pas parce que le chemin du halage était sale et puis on arrivait au Gué avec les bottes sales. Alors ils nous emmenaient en bateau, parce que c’était impossible de marcher dans la gadoue l’hiver, quoi. Tandis qu’il y avait toujours un peu d’herbe sur le bord, et puis je marchais avec mes bottes sur le bord. C’était comme les hivers aujourd’hui, ça gelait un peu, et tout, on pouvait passer, quoi… J’avais quand même 14 ans, tandis que quand on allait à l’école primaire, ils avaient 7-8 ans, là, ils nous emmenaient en bateau parce qu’à 7-8 ans tu pouvais te casser la gueule et arriver tout sale à l’école (…) [Au retour] on allait à pied jusqu’à la laiterie18, puis ils venaient nous chercher en bateau. Le matin ils nous emmenaient jusqu’à la laiterie, puis on partait à pied. Et puis le dimanche, quand on sortait, on mettait le vélo dans le bateau quand il faisait trop mauvais parce que le vélo, il roulait pas. Et on sortait le vélo au Gué, puis on changeait de chaussure, et puis on partait au théâtre à Vix ou…

MP Il fallait combien de temps en bateau ?

Note de bas de page 19 :

Jeunesse Agricole Catholique.

MG On allait plus vite en bateau qu’à pied. On était habitué… Il fallait un bon quart d’heure en bateau ou à pied (…) J’ai fait de la JAC19 aussi en même temps. Ben, quand j’allais aux réunions à la Roche, j’allais à pied prendre le train à Vix. Puis autrement, quand on faisait des réunions – c’était le jour les réunions – alors on y allait à vélo, à Chaillé…

MP Donc, quand tu as pris la ferme, ça n’a rien changé ? Tu as continué de faire du théâtre… jusqu’à quel âge ?

MG J’ai arrêté… il y a dû y avoir une année où j’ai pas joué ; on a perdu une fille [heurtée par une voiture sur le bord de la Vendée]. Donc ça a été un hiver que j’ai pas joué. Après j’ai recommencé, et puis j’ai joué jusqu’en 93. J’ai pas joué en 94 parce que je me suis fait opérer des hanches. Je pouvais pas faire la route, quoi. J’ai marché avec des béquilles. (…) J’ai pas voulu recommencer après. J’ai dit à Dédé Ferret. Oh ben, non ! Arrête maintenant, ça me faisait plus de 60 ans (…) Par contre j’ai recommencé avec le club du 3e âge à faire des sketchs, après. Parce que Dédé Ferret est rentré au club du 3e âge après et puis on avait fait une chorale, puis pour allonger les chants, on faisait un sketch. Alors j’ai joué… oh, il y en avait un, que c’était bien, je faisais un bandit d’honneur, ça existe, hein ! C’était dans le maquis en Corse.

MF Mais le théâtre s’est arrêté en quel année ?

MG Je crois que c’est en 98 (…) Ils ont joué 3 ou 4 années après que j’ai arrêté.

MP Et ça a repris après en 2004 à La Taillée.

MG Ah mais, c’est différent. Mais ça reprend un peu partout, hein ! (…) Ça s’est arrêté, si tu veux, parce que les gens se sont jetés sur la télévision. Toute une époque. Et maintenant, la télévision, ça machine les gens, quoi. Alors même les jeunes, ils vont beaucoup au théâtre.

MP Et les répétitions, c’était 3 fois par semaine ?

MG Ben oui, c’était demi les jours, oui. Lundi, mercredi, vendredi. Ou alors des fois il y en avait 2 jours de suite. Quand il y avait 4 ou 5 tableaux, on répétait les 2 tableaux un soir, puis le lendemain, c’était pas les mêmes acteurs, mais des fois on était acteurs dans les deux, fallait y aller. Enfin j’arrivais à fournir tout parce que j’avais les devoirs de la maison familiale, j’avais le travail chez mon père, des cours par correspondance, j’avais le théâtre puis la JAC… Ben on arrivait à fournir, quoi !

MP Dans les années 50, il y avait 3 pièces par ans ?

MG Oui, j’en ai connu des années 3, oui ! (…) Il y en a eu longtemps 2.

MP Il y avait une grande différence entre l’abbé Raballand et Puaud [fin 56-66] (…) ?

MG Ah, bé, c’était pas la même chose de toute façon. Avec le père Puaud, ça avait déjà évolué un peu plus, quoi. Il a dû être que 3 ans, le père Raballand. L’abbé Bonin est rentré en 48 et il est parti en 51, je ne sais plus si c’est en fin d’année ou début d’année mais enfin il est parti en 51 et puis le père Raballand est arrivé, et il a dû rester que 3 ans, lui, je crois. Et après c’est l’abbé Puaud, qui lui a été 13 ou 14 ans (…). C’est lui qui nous a mariés en 60 (…)

MP Donc ce n’était pas le même style… ?

MG Ah non ! Ben non, ben non, le père Puaud était déjà plus euh… Enfin, moi j’étais si tu veux en bons termes avec les deux, très bons termes, même (…) Mais avec l’abbé Puaud, on en a profité plus parce que c’est quand même avec lui qu’on a fait le plus de théâtre parce que, euh, il a été plus longtemps et puis c’est ensuite lui qui vraiment faisait le metteur en scène, quoi.

MP Parce que du temps de l’abbé Raballand, c’était qui ?

MG Eh bien lui, mais je ne le vois pas faire pareil… Il se débrouillait bien l’abbé Puaud pour faire ça.

MP Est-ce qu’il a changé le style des pièces ?

MG Oui, ç’a évolué. Après, il n’y avait plus de filles toutes seules ou de garçons tous seuls. Ben oui. Et puis les pièces étaient plus… il ne supprimait plus des scènes parce que c’était censuré. Voilà, c’était fini ça. (…) Par contre les garçons puis les filles séparés, ça existait encore, hein. Parce que moi, je me rappelle, un jour on est allé à une réunion, un dimanche, une réunion des JAC à Chaillé [9 km]. On est revenu comme les filles. Ben nom de d’là, ça avait fait un tapage dans la commune… Ah ben mon vieux… Je sais pas si c’était le père Pierceau [curé de Vouillé-Les-Marais et La Taillée, résidant à Vouillé] qui nous avaient vus en passant à Vouillé. Et puis il avait dû dire ça à ton beau-père [à MF Gabriel Fillon] (…) Je sais pas si lui l’aurait fait, et s’il l’avait fait, il ne serait pas venu me demander mon avis (…) mais il y avait facilement des paroissiens qui écrivaient à l’évêché quand ils étaient pas content du curé à l’époque, hein (…) Le curé avait été après… il avait dit, puisque c’est comme ça – les filles faisaient chorale dans la tribune – eh bien il les a fait descendre. « Les filles, vous irez à la messe avec vos parents ». Ça, c’était le père Puaud. Quand il était venu au début ( ? ? ?) ça existait bien encore, ça (…).

MF Je me souviens, je crois que… Mimi Ferret [petite sœur de Dédé Ferret], elle avait dû aller danser une fois. C’est l’époque où les filles allaient encore à la tribune pour chanter. Eh ben, elle avait pas eu le droit d’y aller, parce qu’elle avait été au bal (…).

MG Mimi Ferret, elle était très active aussi !

MF Elle avait dû faire ça en cachette. Puis on a dû le savoir, ça c’est sûr.

MG Ah ben, toutes les choses se savent (…).

MP Est-ce qu’il y avait une spécialisation des rôles (…) ?

MG Au début, c’était le curé, mais il faisait ça avec les anciens comme le père Bonneau, le père Gaignet, ton père [Pierre Poupin]. Ils faisaient ça entre eux. Ils disaient : un tel pourra faire ça… Ils devaient en discuter entre eux (…) ils appelaient ça le conseil curial. Ils devaient peut-être en discuter avec quelqu’un, j’en sais rien (…) à cette époque-là, le curé venait pas me demander mon avis (…) Ah non, il n’y avait pas de discussion. Ben, on a vécu une époque nous où les jeunes, y commandaient pas, hein ! (…) toi tu feras un gendarme, toi tu feras ça… Mais avec Dédé Ferret, il y avait du favoritisme (…).

MF Raymonde Honoré [orthophoniste, arrivée à la Taillée en 66], elle a joué aussi ! (…) Dans la Perruche et le Poulet. (…) Elle a joué au moins une dizaine d’année (…).

MG Rodolphe [fils de MG], il a pas joué… il a peut-être fait un figurant… (…).

MP Comment tu te débrouillais pour les costumes… ?

MG Ah ben, il y avait beaucoup des grands-mères qui travaillaient à l’époque. Et puis ensuite les demoiselles Méchin surtout, qui fabriquaient des ( ? ? ?). Et après, on louait des costumes mais on en louait le moins possible parce qu’il fallait payer la location.

Note de bas de page 20 :

cousin éloigné de MF.

Puis les décors, ben y avait Constant Fillon20 (…) Il demandait des coups de main. C’était lui qui gérait tout ça. Mais il travaillait beaucoup, mais quand il avait besoin d’un coup de main, il nous demandait (…) Des décors ont été donnés… mais il y en a encore au Cercle, dans le grenier…(…) Je sais qu’une fois j’ai joué un bagnard. Ben c’est dans… c’est château d’If… Monte-Cristo oui. Une fois j’ai dû faire un bagnard… Dantès, c’était Dédé Ferret, j’ai dû faire le curé, oui.

MF Oui, le rôle principal, en général, c’était Dédé, hein ! Ah oui, le rôle principal, c’était obligé.

MG Quand il jouait (…) parce qu’il ne jouait plus à la fin. Oh, il a été au moins 10 ou 12 ans qu’il ne jouait plus et il faisait metteur en scène.

(…)

MP Les rôles, tu les apprenais, tu les savais, toi, tes rôles, bien

MG Ben il fallait. Mais on se débrouillait, si tu veux. Ben, au début, ça durait pas longtemps, mais … Quand on est jeune on apprend vite. Mais après, quand j’étais plus vieux, on apprend moins vite. On jouait qu’une fois dans l’hiver, quoi. Enfin, on faisait qu’une pièce, qu’on jouait 3 ou 4 fois. Alors donc on avait plus de temps, on commençait fin septembre et on jouait décembre, juste avant Noël. Donc on avait le temps d’apprendre, quoi. Puis, c’était pas pour avoir des grands rôles. Il fallait qu’il me fasse faire des rôles autrement, quoi… un gendarme, un domestique. Il me plaçait là-dedans.

MP C’était Melle Méchin qui vous…

MG … écrivait les rôles.

MP Et tu n’as pas gardé un exemplaire…

MG Non, tous ces trucs-là, ça a parti, si tu veux, dans le déménagement quand je suis venu habité ici [lotissement au bourg du Gué]. Parce que les enfants… j’étais encore agriculteur, j’étais dans les champs, c’était le moment de battre le maïs. Et puis les enfants, ils bousculaient, ils avaient envie que le déménagement aille vite pour pas qu’on s’en rende compte de trop du dépaysement (…) Si bien que c’est eux qui ont fait les tiroirs et ils ont jeté des trucs que j’aurais gardés et ils ont gardé des trucs que j’aurais jetés (...).

MF Tu les avais gardés, ces rôles-là…

MG J’en avais, oui.

MP Tu ne devais pas les rendre à Melle Méchin.

MG Ah non ! (…)

MP Quand vous jouiez comme ça, il y en a qui avaient lu le texte avant ?

MG Ah ben, on faisait 1 ou 2 fois la lecture avant de commencer à jouer, de commencer les répétitions.

MP Ensemble ?

MG Ensemble, oui. Que les acteurs. Surtout ceux qui avaient un rôle qui comptait. Mais bon s’il y avait un figurant qui avait 2 pages à lire, il venait peut-être pas à la lecture. Je me rappelle plus trop bien. Oh, ils pouvaient venir aussi, remarque.

MP Qu’est-ce que tu appelles la lecture ? Il y avait quelqu’un qui lisait tout devant tout le monde ?

MG Ah ben oui, devant tous les acteurs (…) Au début, c’était le curé qui lisait ou il nous faisait lire. Il lisait tous les rôles, une ou deux fois, ça dépendait. Quand ça passait bien du premier coup… Ça donnait le sens de la pièce, quoi.

MP Mais personne n’avait le texte dans les mains ?

MG Ah, des fois, on avait notre rôle.

MP Oui, mais personne n’a lu le Comte de Monte-Cristo avant de jouer la pièce par exemple ?

MG Tout seul ? Non.

MP En livre ?

MG Non !

MP Pas vu au cinéma non plus…

MG Non ! Par contre on a joué des pièces qu’on avait été voir avant dans d’autres paroisses ? Par exemple si on avait été au théâtre à Vix et qu’on jouait la pièce 2 ou 3 ans plus tard… On pouvait se rappeler de ce qui avait été… C’était par hasard.

MP Quels étaient les rapports avec les voisins comme l’Ile d’Elle… ? Je crois qu’il y avait des échanges un peu, non ? Avec Vix, Velluire…

MG C’est-à-dire, des échanges… d’acteurs ?

MP D’acteurs, de livrets de pièces de théâtre… Est-ce que les troupes de l’Ile d’Elle venaient au Gué ? Est-ce que la troupe du Gué allait jouer à l’Ile d’Elle… ?

Note de bas de page 21 :

beau-frère de MF.

MG Ah non ! Non, non, l’Ile d’Elle avait sa troupe. Puis le Gué avait sa troupe. Puis Vix ne jouait pas à ce moment-là (…) Bernard Fillon21 a joué dans J’y suis, j’y reste. (…) On en a joué, des pièces, mine de rien !

MF Le prix de la séance ?

MG Les enfants payaient pas en dessous d’un certain âge… mais les plus grands payaient peut-être un petit prix (…) 3 anciens francs des années 50, 3 centimes de nouveaux francs… Le litre de lait était à 45 anciens francs (…) Le théâtre était pas cher, non (…) Mais faut pas comparer parce que la nourriture était beaucoup plus chère. Quand je travaillais à la laiterie, il fallait que je travaille une heure pour me payer 250 g de beurre. Aujourd’hui, dans une heure, ils s’en paient tous un kg ou même plus (…) Aujourd’hui, la nourriture compte pour beaucoup moins dans le budget d’un ménage par rapport à autrefois. Autrefois, la nourriture c’était suivant ce qu’on avait dans le jardin. Mais celui qui était ouvrier et qui avait pas le temps, il fallait 60 % du salaire pour manger, hein ! (…) 3 francs, ça paraît pas beaucoup, non… Le cinéma à Fontenay coûtait 100 francs anciens. Un homme de journée gagnait 1000 anciens francs par jour dans les années 50-60. Quand je me suis marié, le SMIG était à 25000 francs anciens (…) [remarques sur les rémunérations et condition de travail].

MP Tu peux me donner la liste des acteurs dont tu te souviens ?

MG Ton père [Pierre Poupin], le père Ulysse, Napoléon Jourdain, Martial Ollivier, Gabriel Fillon, le père Rémondeau a dû jouer, ça c’est la génération avant moi… mon père a joué… tous ceux qui avaient des enfants à l’école…

MP Et après, dans ta génération à toi ?

MG Pierre Rémondeau, Jean Rémondeau, Jean-Charles Garreau (souvenir : il était mort sur la scène et il s’est relevé avant que le rideau se ferme !), Paul Garreau et Claude Ollivier ont joué un peu… Euh… Après, dans les filles… les filles Dufresnoy, Brigitte, Marie-Thérèse aussi (dans Roger la Honte, ça devait être Brigitte qui était ma partenaire), Marie-Paule Gaignet (la fille à Louis Gaignet), Mimi Ferret, Nénette Bonneau, Jeanne Gaignet (elle a joué longtemps), Raymonde Honoré, Rudy Bauchard ( ?), Thérèse Gaignet (tante de MF), Raymond Besnard (le forgeron de la Taillée), Bernard Cantin, MF (1 fois ou 2 dans les Misérables), Christiane Ouvrard (fille à Rémi Ouvrard), Les 10 petits nègres, La soupière (tardivement), J’y suis, j’y reste, Annette Vadier (beaucoup, du temps de Dédé Ferret), Monique Fillon (la fille de Constant Fillon, responsable des décors), Jacques Fillon (quand il était apprenti chez Dédé Ferret [et grand frère de Marie-Jeanne]), Guy Girard (frère de MG, quand il était apprenti chez Dédé Ferret). (…)

MG Dans le cadre de la JAC on a fait danser 3500 jeunes filles sur le stade des sports du Casino des Sables d’Olonne (« fêtes de la terre » - Rhapsodie suédoise). Et à Fontenay, l’année d’avant, 2500, Le Danube bleu (tout le monde répétait chez soi – au Gué, avec Melle Lucas – partie en 59-60 - puis un peu le curé Puaud, et la bonne sœur Marie-Bernard, après), il n’y avait pas de répétition ensemble.

Pièces citées dans le texte :

  • Chapeau de paille d’Italie

  • Le petit Jacques

  • Roger le Braconnier

  • Roger la Honte 

  • Les Misérables

  • Monte-Cristo

  • Louise de Bettignies

  • La porteuse de pain

  • Les deux orphelines

  • Ces dames au chapeau vert

  • La Perruche et le Poulet

  • J’y suis, j’y reste

  • Les 10 petits nègres

  • La soupière

  • Comment j’ai tué mes enfants

  • Comment j’ai sauvé mes enfants