L’art écologique selon Paul Ardenne : extensions et limites d’un genre Ecological art according to Paul Ardenne: extensions and limits of a genre

Mireille Mérigonde 

https://doi.org/10.25965/visible.658

Chez Paul Ardenne, la définition des arts écologiques constitue, d’une part, une extension du champ de l’art, en y intégrant des pratiques culturales comme l’artisanat ou l’agriculture et, d’autre part, une limitation rigoureuse des frontières du genre dit « écologique ». Si l’on conçoit aisément, comme l’auteur, que tout Faire avec la Nature n’est pas nécessairement « écologique », il nous semble plus discutable de décréter le caractère « anesthétique » de ces pratiques artistiques. L’installation Ici, lumières sur les espèces éteintes de Cathy Connan nous permettra de montrer que, bien au contraire, toute éthique se fonde sur le sensible et que, de fait, toute création artistique emporte avec elle son esthétique.

With Paul Ardenne’s work, the definition of ecological arts constitutes, on the one hand, an extension of the field of art, by integrating cultural practices such as crafts or agriculture and, on the other hand, a rigorous limitation of boundaries of the so-called “ecological” genre. If we easily understand, like the author, that Doing with Nature is not necessarily "ecological", it seems more questionable to assert the "anesthetic" character of these artistic practices. The installation Here, lights on extinct species by Cathy Connan, will allow us to show that, on the contrary, all ethics are based on sensitivity and that, as a consequence, all artistic creation has its aesthetic.

Bei Paul Ardenne stellt die Definition ökologischer Künste einerseits eine Erweiterung des Feldes der Kunst durch die Integration kultureller Praktiken wie Handwerk oder Landwirtschaft dar und andererseits eine rigorose Begrenzung der Grenzen des sogenannten „ökologisches“ Genre. Wenn wir, wie der Autor, leicht verstehen, dass nicht alles, was mit der Natur zu tun hat, notwendigerweise „ökologisch“ ist, erscheint es uns fragwürdiger, den „anästhetischen“ Charakter dieser künstlerischen Praktiken zu bestimmen. Mit der Installation „Here, Lights on Extinct Species“ von Cathy Connan können wir zeigen, dass im Gegenteil jede Ethik auf dem Sensiblen basiert und dass tatsächlich jedes künstlerische Schaffen seine Ästhetik mit sich bringt.

Sommaire
Texte intégral

Le monde de l’art est désormais investi par une grande variété d’œuvres qui trouvent leur inspiration dans les problématiques environnementales. Les pratiques artistiques renouent avec une nature quelque peu oubliée ou maltraitée dans l’art industriel, travaillant alors avec une extrême sobriété de moyens et matériaux ou désertant les lieux d’exposition pour créer dans et avec la nature à partir de ses matériaux naturels. Il y a également nombre d’artistes qui, par la création même, se donnent des objectifs écologiques : « réparer » le monde et inciter les hommes à plus de « vertu ». La pratique des arts écologiques a été étudiée par Paul Ardenne qui, au terme de nombreuses analyses, propose des critères relativement stricts et érige de la sorte l’art écologique, qu’il appelle également « anthropocénart » ou plus simplement « éco-art », au rang d’un genre artistique. Mais, comme toute théorisation, elle a le mérite d’éclaircir son objet et l’inconvénient de créer des points de friction lorsqu’elle entre en contact avec de nouvelles formes ou des œuvres complexes.

Dans cet article nous nous demanderons quand il convient de parler d’art écologique aujourd’hui. Faut-il suivre Ardenne au pied de la lettre ? Nous rappellerons tout d’abord que, dans sa définition, l’art écologique impose une extension du champ de l’art et en bouleverse les frontières traditionnelles. Nous verrons ensuite que cette conception est très exigeante et crée des limites, voire des frontières d’exclusion, pour des créations portées par une indéniable intention écologique. Nous illustrerons ceci par notre approche de Ici, lumières sur les espèces éteintes de Cathy Connan, une création plasticienne de commande, d’abord exposée au rez-de-chaussée du Quai des savoirs à Toulouse et actuellement installée dans la même ville mais au parc du muséum de Bordelongue.

I. L’art écologique : la conception de Paul Ardenne

I.1. L’artisanat est de l’art

De façon générale, l’art écologique inclut des pratiques culturelles et culturales : artisanat, agriculture, métiers du vivant et de la Terre peuvent relever du champ de l’art. Paul Ardenne ne s’oppose en rien à une extension possible à la pratique agricole sous la forme, par exemple, de potagers, espaces verts ou ateliers de permaculture. Poeïsis et praxis sont assimilées. On retrouve ici des formes de ce que l’on appelait autrefois le travail manuel. Les tenants actuels du mouvement de l’« écologie culturelle » ont une conception identique de l’art :

« L’art révèle comment une culture envisage ce qui relie l’humain à la nature, et au vivant de façon générale. L’artisan qui fabrique une œuvre à sa petite échelle adopte lui aussi une approche holistique. Confectionner un meuble suppose de connaître à la fois les essences d’arbre, la manière dont le bois évolue avec le temps, la forme à retenir pour épouser au mieux le corps et envisager comment s’inscrit le produit fini dans un aménagement intérieur global ».

Note de bas de page 1 :

Ardenne Paul, op. Cit., p. 122.

Pourtant, cela peut être remis en cause par les artisans eux-mêmes. Ainsi, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’art écologique, dans le cas de la tapisserie, on parlera aussi bien d‘artisan tapissier que de tapisserie d’art. Lors de la visite d’un atelier de tapisserie à Aubusson, nous nous sommes entretenue à ce sujet avec une artisane tapissière. Devant l’indéniable qualité, finesse d’exécution de son travail, et après avoir compris, en l’écoutant parler, qu’il était le fruit d’une part d’interprétation du modèle initial remis par l’« artiste », nous avons insisté, à l’instar du groupe de visiteurs, pour lui attribuer, de même, le statut d’« artiste », ce qu’elle refusa car la tapissière considère que l’inspiration initiale n’est pas la sienne. Nous avons surenchéri : que penser alors des « œuvres de commande » réalisées par de nombreux artistes ? Nous nous sommes finalement entendues sur le fait qu’il y avait, à tout le moins, « co-création » pour parvenir au résultat final et à la représentation réalisée. L’historienne de l’art et agricultrice Charlotte Cossos s’est confrontée à cette même problématique : « Mais mon paillis pourrait-il être considéré comme artistique ? ». La réponse d’Ardenne, si l’on suit ses critères, serait, nous le supposons, affirmative car il n’hésite pas à faire référence aux ready-made de Duchamp pour ériger l’objet utilitaire voire le geste banal au rang d’œuvre : « L’œuvre d’art peut être un avatar total du réel1 ». De manière assez paradoxale, il reprend ici le point de vue de l’institution car, si l’urinoir et le porte-bouteilles de Duchamp constituent une révolution quant à l’objet de l’art, ils n’en sont pas moins tous deux une continuation du pouvoir de l’institution qui légifère en dehors de la sensibilité du public. Ce sont en effet des instances extérieures aux observateurs-récepteurs qui décident qu’il y a œuvre d’art (en l’exposant dans un lieu dédié comme le musée). De fait, comme l’a pressenti Charlotte Cossos, la pratique culturale peut être de l’art, mais pas par principe. D’autres paramètres entrent en jeu, tels que le goût de l’observateur. La question de Charlotte Cosson n’évite pas le point de vue de la réception, son ressenti et son jugement de valeur. Elle n’adopte donc pas le point de vue de l’« esthétique d’en haut » qui est celui de la théorie de l’art, mais se place au niveau de l’« esthétique d’en bas », c’est-à-dire la phénoménologie de la réception d’une œuvre.

I.2. L’art écologique est un art engagé

Note de bas de page 2 :

Ramade, citée par Ardenne p 189.

Avec l’art écologique, on revient à une conception sartrienne de l’artiste engagé dans son temps, dans son monde, c’est-à-dire en situation. Mais Paul Ardenne se réclame plus précisément de l’écosophie du philosophe Félix Guattari pour qui « le vécu au quotidien des rapports interhumains de solidarité, de partage, d’économie participative et de réciprocité » doit aussi inspirer et guider les artistes. Il est éthique, engagé, d’« une opérationnalité immédiate2 ».

Avec l’intention écologique, qui est à son fondement, l’œuvre devient un objet artistique complexe, qui ne met pas seulement en relation l’artiste et la matière, qui ne se contente pas de délivrer un message à un destinataire plus ou moins clairement déterminé, mais conjoint le destinataire à un objet doté d’une fonction. Dès lors, cet art n’est donc plus une nouvelle « manière de faire des mondes », pour reprendre l’expression de Nelson Goodman, mais plutôt un ensemble de forces orientées comme celles qui ont été décrites par Alfred Gell, à savoir un « réseau d’intentionnalités » qui agit pour « refaire » monde ou ne pas « défaire » le nôtre. Nous pouvons, assez cavalièrement, et en termes plus sémiotiques, retraduire cette fonction utilitaire par trois orientations : sa transitivité, l’ouverture d’un champ spatio-temporel ancré, et sa prédication remédiante.

I.2.1. Un art transitif

Note de bas de page 3 :

Lestel Dominique, cité par Gefen, Alexandre (2017), Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle, Paris, José Corti.

Note de bas de page 4 :

Voir sur ce point Latour Bruno (2015), Face à Gaïa, huit conférences sur le nouveau régime climatique. Les empêcheurs de tourner en rond, Paris, La découverte.

Note de bas de page 5 :

Fontanille Jacques (2019), La sémiotique des mondes vivants. Du signe à l’interaction, de la téléologie à la structure. Ceres, Actes Sémiotiques n°122, Université de Limoges.

Avec Ardenne, l’art écologique est un art que l’on peut qualifier de résolument transitif. Cette caractéristique a déjà été mise en avant par Dominique Lestel3 pour les diverses problématiques traitées dans la littérature contemporaine. Mais l’art écologique est au premier chef guidé par une « attention à la nature ». L’artiste est ouvert aux formes de l’altérité co-présentes dans leur nature, attentif à leurs singularités et attentionné quant à leur devenir ; il est responsable au sens de « responsable de ses actes », comme le Larousse l’a défini, c’est-à-dire, « réfléchi » dans ses pratiques, capable de « prendre en considération les conséquences de ses actions » dans la pratique artistique. En termes sémiotiques, il ne se place pas d’emblée en position de sujet maître de son objet mais dans une posture en deçà du sujet, il redevient le quasi-sujet selon Michel Serres4, avec le postulat de la relation (de solidarité et de réciprocité) avant tout faire, toute jonction à l’objet. C’est un « vivre ensemble » ou « vivre avec » compris avant même « vivre », selon le postulat de Jacques Fontanille5.

I.2.2. Un art éco-situé

Note de bas de page 6 :

Voir à ce sujet Pigner Nicole (2018), « Design et écosémiotique. Quand le design co-énonce avec le vivant », dans Le sens au cœur des dispositifs et des environnements, Paris, Sciences humaines et sociales, collection communication et design.

D’un point de vue plus spécifiquement écosémiotique, ce quasi-sujet devient apte à co-énoncer avec le vivant6 : il cherche les bons ancrages spatio-temporels qui respectent les tensions appréciatives et les schèmes des autres formes de vie pour mieux co-habiter avec elles et, de fait, vivre au mieux ou mieux gérer sa propre appartenance au monde naturel. C’est ainsi que son attention se traduit en respect et en solidarité. On pensera ici à la démarche de Gilles Clément qui crée les chemins de son jardin « en mouvement » selon le choix de pousse de ses berces. Charlotte Cosson adopte la même attitude dans sa ferme : la culture des légumes se fait en fonction de la présence des animaux et de leur occupation des lieux sans aucune protection des abords. Une démarche « trans-espèces » similaire est celle de Lynne Hull, citée par Charlotte Cosson, dont les abris pour animaux sont construits pour compenser les déficiences dues à la présence humaine. Ses couloirs de marche sont également ménagés pour permettre à l’homme et aux animaux de cohabiter.

I.2.3. Une praxis de la remédiation

Note de bas de page 7 :

Ardenne, op.cit., pp. 176-177.

Note de bas de page 8 :

Ibid, p. 94.

Paul Ardenne a distingué trois « niveaux de conscience » de l’art avec la Nature : la représentation, la création in situ avec proximité ou contact et le travail « partagiste », ou « activiste7 ». Au troisième niveau, l’art écologique devient un art du « soin » : il s’agit de penser « au minimum de dérangement8 ». Les graffitis deviennent écologiques, le land art devient un art éphémère (des tracés sur la neige, une création avec les éléments et possibilité de retour des éléments à la nature). L’art du recyclage imagine des « ready-mades » écologiques à partir de matériaux issus du commerce mais inutilisés qu’on redécore ; il se fait également avec des éléments récupérés dans la nature : du bois mort, flotté ou des sculptures faites avec des déchets.

Note de bas de page 9 :

Cosson, pp. 15-16.

Note de bas de page 10 :

Ibid, p. 145.

Charlotte Cosson, quant à elle, valorise l’art qui peut « préserver » la vie et les lieux. Elle recense les manières « agradantes » d’associer l’art et le vivant dans des œuvres « co-créées avec d’autres vivants ». Dans ce but, elle a acquis 2,6 hectares en Provence pour redonner vie à une terre et pour » que chaque élément agricole fasse art9 ». Son livre, très érudit quant aux pratiques artistiques « férales » (c’est-à-dire de réensauvagement artistique) montre que l’art sert à sauver des terres devenues lieux de pratiques capitalistes défigurantes et destructrices. Ainsi, apposer un copyright sur une œuvre utilisant du végétal interdit sa destruction : la peinture sur des arbres en a empêché l’abattage. De même, créer un musée au fond des eaux participe à la protection de cet environnement. Charlotte Cosson apprécie l’« art restauratif » de Patricia Johanson, qui a restructuré un lagon entourant un musée de Dallas en créant des sculptures en forme de plantes sur lesquelles se trouvent des parcours pour humains et des endroits propices aux oiseaux et poissons. Elle a également recréé l’écosystème de ce lagon pollué en y faisant croître des plantes régénératrices. Avec la création d’« un écosystème durable », cette œuvre favorise « le retour à la vie10 ».

Comme l’explique Paul Ardenne, certaines formes de l’art conceptuel peuvent être considérées comme des œuvres écologiques. L’opération 7000 chênes de Joseph Beuys en 1982 à Kassel, en Allemagne, peut, à juste titre, figurer parmi les œuvres responsables et utiles d’un point de vue environnemental. Joseph Beuys est d’ailleurs, selon Ardenne, le « grand modèle de l’artiste réparateur ». Ardenne est admiratif :

Note de bas de page 11 :

Ardenne, p. 225.

« Sept mille chênes, dans Kassel et ses environs, vont être plantés en quelques années, des arbres reconnaissables aujourd’hui encore : chacun d’eux est matérialisé par un bloc de basalte disposé à la base de son tronc. Le message de Beuys, alors, est limpide : plus question de se servir de la nature, d’abord et surtout, comme d’un terrain de jeu pour sculpteurs, aménageurs de paysage et autres peintres d’écorces, de feuilles et de zones chlorophylliennes. Beuys, alors, vient de contribuer à la formation outre-Rhin du parti des Grünen (« verts »). Son geste, dans l’histoire de l’art du XXe siècle prend valeur de signe fort – un des premiers de qualité écologique stricto sensu. Il exprime à sa façon directe, vitaliste et contextuelle qu’il faut en traiter dorénavant avec la nature, et avec l’arbre en celle-ci, d’une façon rénovée refusant ce rite en voie de péremption qu’est l’esthétisation.11 »

Note de bas de page 12 :

Ibid p 123.

Il fut suivi dans son projet par Ackroyd et Harvey, en 2000, qui ont réutilisé les glands des chênes pour en replanter avec des volontaires en des lieux divers12. L’artiste-jardinier Thierry Boutonnier a également été inspiré pour poursuivre cette action. À Lyon, durant l’opération « Prenez racines », en 2013, il a planté dans un potager un chêne issu d’un gland des chênes de 1982. Thierry Boutonnier est à l’initiative de plusieurs projets de plantations : l’un d’eux, « Recherche forêt » consiste à trouver les plants d’arbustes voués à être arrachés ou à dépérir en certains lieux et à les transplanter ailleurs pour qu’ils puissent enfin croître.

On notera le caractère mécaniste du verbe « réparer », employé par Ardenne et toujours très en vogue dans la littérature contemporaine. Cette métaphore de la machine renvoie à l’idée d’une nature que l’on casse mais que l’on peut remettre en état de fonctionner. On sait bien que les méfaits commis par l’homme à l’encontre d’un lieu ou d’une forme de vie ne se gèrent pas aussi simplement. Les dégâts sont souvent irréparables. De fait, face à la question environnementale, les praxis énonciatives sont davantage des remédiations par lesquelles l’humain montre qu’il peut s’ajuster aux évolutions et favoriser, par-delà les transformations, la continuité d’une co-habitation des différentes formes de vie et de leurs mondes de significations.

I.3. Une visée perlocutoire

Note de bas de page 13 :

Ardenne, p. 179 et p. 268.

Les interventions éco-artistiques sont faites pour « conscientiser, stimuler la vitalité de chacun et de chacune », elles sont une « incitation à des gestes de défense et de précaution environnementale13 ». Comme on le voit, dans cette perspective, l’art écologique renvoie moins à un style particulier (comme l’art Baroque, l’Impressionnisme ou le Cubisme) qu’à une finalité. C’est un art qui doit faire agir. De façon générale, il cherche à transformer les consciences. L’histoire de l’art a connu des périodes où l’on a essayé d’occulter la dimension possiblement utilitaire de l’art (l’Art pour l’Art, la Déconstruction), mais la transformation de l’être par l’art est reconnue dès Aristote. Plus proche de nous, Hans-Robert Jauss considère dans sa phénoménologie de la réception que les trois concepts fondamentaux de l’esthétique sont : « Poeisis, aisthesis et catharsis ». Il se place au niveau de « l’effet de l’art », de la réception de l’œuvre par un lecteur/observateur : « Poesis, compris comme « pouvoir (savoir-faire poïetique) désigne alors un premier aspect de l’expérience esthétique fondamental : l’homme peut satisfaire par la création artistique le besoin général qu’il éprouve de « se sentir de ce monde et chez lui dans ce monde ». Aisthesis renvoie à la capacité de l’art « de renouveler la perception des choses » et Catharsis est la recherche d’une efficacité de l’art (concept englobant qui va de la catharsis aristotélicienne comme « purgation » jusqu’au « détachement des intérêts de la vie pratique »). L’utilité assignée à l’art écologique suit ici la ligne d’une théorie traditionnelle de l’art. La question éthique, toutefois, ne se règle pas aussi facilement, par la simple intention artistique. Comme en littérature, les effets ne sont pas toujours aisés à vérifier et, souvent, pour parvenir à quelque fin, une œuvre doit mettre en place des mécanismes qui relèvent plus de la psychologie cognitive que de l’art. C’est en fait, estimons-nous, dès le niveau de l’aisthesis, que se joue la possibilité d’une transformation des consciences.

Lorsqu’il traite de l’art écologique, Ardenne le conçoit, somme toute, comme un art « écologiste » au sens moderne du terme, c’est-à-dire, impliqué et activiste (nous l’avons vu plus haut, il emploie ce qualificatif). Il le désigne parfois comme éco-art ou, lorsqu’il en vient, à la fin de son ouvrage, à une définition plus formelle et catégorique, comme anthropocénart. Nous considérons que l’éco-art est, du point de vue exclusivement écosémiotique qui est le nôtre, le terme le plus adéquat pour englober un grand nombre d’œuvres créées en lien avec la nature : « éco », c’est l’oikos, la maison, le lieu habité. C’est le terme générique le plus à même de comprendre les formes culturales et artisanales qui sont éco-situées et en lien avec un lieu. L’art dit « écologique », quant à lui, renvoie plutôt, selon nous, à un art de la sobriété, un art qui gère son inspiration selon les flux de la matière naturelle ou recyclable qui s’offrent à l’expérience esthétique. Ceci traduit une mentalité, un ethos, une implication minimale qui œuvre selon la formule de Pierre Rabbhi sur le mode de la « part du colibri ». L’artiste est sensible au mal du monde, à cette question environnementale qui perdure et s’aggrave. Mais choisir l’anthropocénart manifeste la volonté d’une œuvre de plus grande envergure. On entre dans la critique d’une ère industrielle et de ses méfaits, on cherche à mettre à distance des actes dominateurs, colonisateurs et destructeurs. Il ne s’agit pas d’une question de degrés mais de croisements de pratiques en lien avec l’oikos.

II. Une définition exigeante et exclusive

L’art écologique apparaît comme un faire manipulatoire vertueux en vue d’une transformation des usages délétères. La définition s’élabore également par exclusions.

II.1. Ce que l’art écologique n’est pas :

II.1.1. Pas un « Faire » destructeur.

Note de bas de page 14 :

Ardenne, p. 49

Note de bas de page 15 :

Ibid, p 239

Note de bas de page 16 :

Lapin PVF, ekag.org

Ce n’est pas le matériau (la substance de l’expression) ou le support formel qui font l’art écologique. Ardenne observe et regrette que l’art dans et avec la nature soit parfois extrêmement anthropocentrique et destructeur. Ce fut le cas dans la pratique du land art. Dans de nombreuses créations, le land art n’a pas ses faveurs car il consiste en des actes de domination, des prises de pouvoir sur le monde naturel. La Spiral Jetty de Robert Smithson a beau être créée au sein de la nature, elle constitue une agression contre un site naturel avec une mise en œuvre de gros moyens (engins, matériaux qui métamorphosent le lieu initial). De même pour Asphalt Rundown avec l’usage de l’explosif et de la pelleteuse : « Plusieurs tonnes de goudron », s’insurge-t-il, sont « déversées le long d’un coteau »14. Ici, il y a « distance », dit Ardenne et non « co-présence » avec la nature et le vivant. À l’instar de Charlotte Cosson, il regrette de même Ice watch de Ólafur Eliasson qui, Place du Panthéon à Paris, fit venir et laissa fondre des pans entiers de banquise pour la COP21 ! Cette œuvre, qui devait dénoncer les méfaits du réchauffement climatique, a généré une importante pollution avec les déplacements qui ont été nécessaires pour qu’elle soit réalisée15. Une autre forme d’attaque contre le vivant en art réside dans l’art « OGM », c’est-à-dire les manifestations du bio-art et de l’art transgénique. En 2008, Sam Van Aken a eu l’idée de recréer l’arbre de la Bible aux multiples espèces : L’arbre aux quarante fruits. À partir d’espèces tombées en désuétude, l’artiste-chercheur a créé un arbre hybride qui propose quarante espèces. Ardenne y voit un « OGM superlatif ». Dans le même ordre d’idée, un autre exemple connu qui n’est pas évoqué par Ardenne, mais qui continue à indigner est celui du Lapin LVF (lapin vert fluo) de Eduardo Kac, issu d’une manipulation génétique qui a consisté à injecter de la protéine de méduse dans des cellules de lapin albinos pour faire naître un petit lapin phosphorescent16 que le créateur désigne comme son œuvre.

II.1.2. Pas une manipulation commerciale

Note de bas de page 17 :

Ardenne, p. 138 et p 185. Voir Albrecht Glenn (2019), Les émotions de la Terre, éditions Les liens qui libèrent, traduction française 2021. Titre original : Earth emotions.

Note de bas de page 18 :

Ardenne, op. cit., p. 81.

Note de bas de page 19 :

Cosson, p. 14 et p. 78

Pour Paul Ardenne, l’art écologique n’en reste pas à l’apitoiement, à la compassion. Ce ne peut plus être, à notre époque, un « art catastrophiste » qui montre la fin inéluctable du monde ou les méfaits tragiques de l’humanité. Il ne se contente pas d’exprimer une mauvaise conscience, de cultiver la « solastalgie », selon la formule de Glenn Albrecht, c’est-à-dire le « mal du pays en restant chez soi ». Bien au contraire, l’art écologique doit s’engager et aider à « reconstruire la Maison17 ». Le culte de L’Éden, observable à travers Genesis de Sebastio Salgado, est, juge-t-il, « une dérive » car ceci n’est plus, c’est du « commercial », « du greenwashing en art18 ». Charlotte Cosson va dans le même sens et pose des limites éthiques à ces pratiques. Elle estime que « rajouter aux destructions pour les dévoiler ne peut plus être une option ». Selon elle, il s’agit dorénavant d’« offrir des pistes nouvelles afin de retisser les liens des Modernes aux autres vivants19 ».

II.2. Une pratique « anesthétique » ?

Note de bas de page 20 :

Ardenne, p. 257.

Note de bas de page 21 :

Ibid, p. 254.

Plus révolutionnaire encore, estime Ardenne, est le refus de tout impératif esthétique dans la création et l’avancée vers un art « anesthétique ». Il est légitime que le public soit déstabilisé mais il y voit « un des moteurs féconds » du « renouvellement profond de l’art plasticien20 ». Ces entreprises, dit-il, « tant pis si elles sont dures, a-sensibles penseront certains, pas portées pour un liard à offrir du bonheur à qui s’y frotte. Des collectifs demandent ainsi à leurs spectateurs de participer aux travaux des champs, ou les installent dans l’étable ». D’autres expériences feraient croire qu’on est « au service du cadastre, au zoo, au vivarium et non dans une exposition d’art ». Il s’agit de mettre « la main à la pâte » et de comprendre « les écosystèmes21 ».

Le terme nous interroge d’un point de vue phénoménologique et sémiotique : en quoi cela est-il « anesthétique » ? Le contraire d’esthétique, au sens de « beau » est inesthétique. Concevoir un art anesthétique, c’est penser un art qui ne crée pas de sensations. Or, les pratiques culturales ou artisanales ont une dimension sensible tant du côté de la production que de la réception. Elles génèrent aussi des émotions.

Note de bas de page 22 :

Parouty-David, Françoise (2002), Sémiotique et esthétique, « Introduction », Limoges, Pulim, pp. 8-9.

L’esthétique, née avec Baumgarten, est la « science du sensible » et non du beau. L’émotion esthétique naît avec la contemplation de la nature ou de l’art. La sémiotique contemporaine a franchi le pas pour se détacher des catégories de l’art. Dans l’introduction à l’ouvrage Sémiotique et esthétique, Françoise Parouty-David est très claire quant à la position de la sémiotique : « La sémiotique en matière d’esthétique s’écarte aussi de la désignation du Beau pour se garder d’imposer une normativité et recourt au sensible pour atteindre l’intelligible des divers sens envisageables, leur dévoilement » ? Ainsi, « L’esthétique serait donc avant tout un lieu de rencontre ou de conjonction entre un sujet percevant et un objet du monde sensible défini par un espace-temps qui en détermine la réception c’est-à-dire la valeur. Ou encore, selon Greimas, d’après De l’imperfection, ce serait cette saisie qui produit l’esthésis, relation par laquelle le sujet se fond dans son objet22 ».

Note de bas de page 23 :

Citations pp. 505-506

Dans un article de l’ouvrage codirigé par Françoise Parouty-David et Claude Zilberberg, Jean Fisette étudie le fragment d’une conférence donnée par Peirce en 1903 qui montre que, de même, « Peirce opère un déplacement radical du terme esthétique, de son acception comme science normative ou encore comme discours philosophique sur l’œuvre d’art, vers l’idée de qualité matérielle telle qu’elle est perçue par le sens » et il ajoute : « le champ d’extension du terme esthétique est décalé par rapport à celui d’artistique (…) en ce sens, la sphère du domaine artistique serait réduite par rapport à celle de l’esthétique23 ».

Note de bas de page 24 :

Colas-Blaise, Marion (2023), L’énonciation. Évolutions, passages, ouvertures, Liège, Presses universitaires de Liège, Collection Sigilla, pp. 167-168

Dans sa définition de l’œuvre d’art, enfin, Marion Colas-Blaise propose une distinction entre « artistisation » et « esthétisation ». L’artistisation « confère un mode d’existence particulier, souvent en relation avec un contexte institutionnel (notamment muséal) (...) (par exemple, une photographie publiée dans un magazine est hissée au rang d’objet d’art, grâce à ses qualités esthétiques et sous l’effet du « contexte » muséal) ». L’esthétisation est fondée sur une Gestimmheit, c’est-à-dire pour le producteur et le récepteur de l’œuvre d’art sur « la façon d’être accordé ou désaccordé au réel » (Schaeffer, 2004)24 ».

Il est assez paradoxal de penser qu’un art écologique puisse se passer de la dimension sensible pour véhiculer un message éthique efficace. Pierre Ouellet a décrit le fonctionnement de l’empathie, nécessaire à chacun pour s’ouvrir à l’autre et se voir, selon la formule de Ricoeur, « soi-même comme un autre » et accéder à des prises de conscience transformatrices du monde :

« C’est cette co-motion, à la base de l’émotion esthétique, qui nous fait partager l’existence et la manière d’être de l’objet, comme celle des autres sujets qui entrent en contact avec lui. (…) (l'empathie) est avant tout, dans sa genèse du phénomène esthétique, un mode de captation du sujet par l’objet, c’est-à-dire un « appel » que les formes de l’œuvre lancent, par leur saillance propre ou leur phénoménalité, aux formes de la sensibilité du sujet qui s’y conforment, dès lors, dans le contact, la com-motion ou la com-passion auxquels la simple présence de l’œuvre en tant qu’œuvre convie son spectateur, dont la présence se transforme alors en une co-présence à l’œuvre, qui l’altère au sens fort, le meut, l’émeut et le mue en une autre subjectivité, corollaire de l’autre spatialité où elle le plonge ».

III. Ici, lumières sur les espèces éteintes de Cathy Conan, un art « écologique » ?

L’installation Ici, lumières sur les espèces éteintes, approchée fin octobre 2023 au Quai des savoirs à Toulouse, pourra illustrer l’expérience possible d’une telle « co-motion à la base de l’émotion esthétique ».

III.1. Contexte de découverte de l’œuvre et description :

Notre première approche de l’œuvre citée était totalement dépourvue d’informations sur la créatrice ou sur ses œuvres antérieures et notre arrivée dans la salle d’exposition correspondait aux dernières phrases de la guide qui expliquait que cette œuvre visait à dénoncer les conséquences de l’anthropocène sur la disparition des espèces et que la volonté de la créatrice était de faire perdurer leur mémoire et de leur rendre hommage. L’expérience de la découverte de l’œuvre est un temps d’émotion intense pour ne pas dire d’effroi devant l’accumulation pyramidale de crânes qui nous ont d’abord semblé être en plastique. Les derniers mots adressés par la guide à trois personnes très intéressées nous ont engagée à revenir plus courageusement près de l’exhumation d’abord ressentie comme sacrilège et à dépasser les premiers mouvements de choc, stupeur et recul produits après la traversée du hall hautement aseptisé du Quai des savoirs. Sur la gauche de la pyramide de crânes, le blanc éblouissant et la technologie s’imposaient sous la forme d’un grand rotulus (en plastique ?) sur lequel étaient imprimés les noms savants d’espèces animales. Le titre de l’installation fit surgir un premier paradoxe : n’y avait-il pas disjonction entre les espèces ici présentes par leur crâne et les espèces nommées dites « disparues » sur le support ? Le terme « anthropocène » fit immédiatement resurgir les critiques de Paul Ardenne et la première impression fut, somme toute, assez négative : n’était-ce pas là un exemple de cet art « catastrophiste » ?

III.2. Recherche d’informations

Note de bas de page 25 :

Du 11 novembre 2023 au 30 juin 2024.

Nous avons donc effectué des recherches complémentaires sur Internet. Cathy Connan est une artiste plasticienne. Elle fait des créations in situ « pour sortir des espaces habituellement dédiés à l’art et pour être libres d’accès au plus grand nombre ». On peut voir sur son site quelques œuvres remarquables. Il y a recherche sur la forme et les couleurs et les créations sont souvent très belles. Le respect du vivant est au cœur de toutes ses thématiques : « Mon art est engagé », dit-elle. Elle peut recycler : Le porteur de voyages est une statue faite de bois bruts, flottés et sculptés. Elle peut utiliser des matières premières modestes, mais ne refuse toutefois ni la feuille d’or ni le velours. Le CV de l’artiste prouve combien son inspiration est liée à la nature et que sa visée est toujours d’en exalter la beauté dans son rapport au vivant, de rappeler le lien de l’homme à la nature. Un grand ban à la mer est une rangée de chaises repeintes fixées sur la plage et munies de leds lumineux qui s’allument la nuit le long du rivage. Il y a indubitablement modestie de moyens, d’empreinte carbone mais aussi participation du public, des nageurs ou gens de la région qui viennent profiter de ces chaises à marée basse. Une vidéo montre combien l’œuvre prend sens et beauté dans les usages divers et inventifs que les gens et nageurs peuvent en faire selon le niveau de la mer. Ici, lumières sur les espèces éteintes est une œuvre de commande. Elle est réalisée avec l’aide de la fille de l’artiste. Elles ont recueilli les crânes pendant trois ans auprès de professionnels (des taxidermistes ou des chasseurs, même si cela allait contre leurs opinions). L’installation a déjà changé de lieu mais reste dans un périmètre toulousain. Elle fut d’abord présentée dans la cour fermée d’un lieu dédié à la science et à sa pédagogie, au Quai des savoirs. Elle est actuellement présentée dans un parc, à Borderouge en milieu plus ouvert au jardin du museum25.

III.3. Mise en regard avec la définition de Paul Ardenne

L’intention écologique est indéniable, mais si l’on met en regard cette œuvre et la définition de Paul Ardenne, la création est-elle une œuvre « écologique » ?

Selon Ardenne, un art écologique est un art responsable avec une faible empreinte carbone. L’artiste doit avoir recours à des matériaux naturels ou recyclés, sa pratique est non destructrice de la nature, sans usage à outrance de la technologie ou dépense énergétique importante. On l’a dit, Cathy Connan n’a pas parcouru le monde pour récupérer ces crânes d’animaux. De ce point de vue, l’empreinte carbone est donc faible. Le support, cependant, est une feuille ondulée rigide et imposante, d’aspect luxueux par le choix d’un blanc très lumineux (très certainement pour mieux recevoir les lumières qui sont prévues dans la version aboutie). La création numérique offre un contraste saisissant avec l’ancienneté des espèces, le support choisi apparaissant comme le plus apte pour conserver durablement la mémoire des espèces disparues. Le titre de la création repose sur une autre opposition : éteintes / lumières. Le projet final nécessite une installation lumineuse coûteuse : 10000 euros doivent être rassemblés sur un compte participatif pour achever la réalisation imaginée. Au moment de notre rédaction, la somme récoltée était de 4200 euros. On le comprend, un message fort et percutant sur l’environnement et la tragédie des espèces semble difficile à diffuser auprès du public avec peu de soutien et peu de finances. On peut néanmoins supposer, bien que cela ne soit pas spécifié, que l’installation sera la moins énergétique possible. Elle existera donc comme œuvre née grâce à des dons solidaires ; elle présente un coût mais cela reste tout de même raisonnable. L’œuvre, enfin, n’est pas « réparatrice » mais commémorative : elle honore la mémoire des animaux disparus. Elle est alors proche de ce qu’Ardenne rejette comme « solastalgie » ou déploration. L’œuvre de Cathy Connan est donc une marche en équilibre plutôt maîtrisée de l’inspiration militante et de la force de ses symboles entre des réalités économiques et une responsabilité éthique. On peut juger l’avancée maladroite, un peu gauche mais on la sent invincible.

IV. Conclusion

L’exemple choisi confirme notre première approche des critères définitoires de Paul Ardenne : il apparaît que, dans les pratiques, le cadre de l’art écologique n’est pas pensé, expérimenté de manière aussi rigide que dans la théorie. Les œuvres qui prennent le parti-pris de la nature ne s’inscrivent pas toujours aisément dans cette catégorie. Les agencements éco-techno-symboliques de la création contemporaine nécessitent ainsi des appareillages explicatifs légitimants sous peine de voir leur interprétation proliférer en suspicion car il y a difficulté à évaluer une œuvre selon des critères écologiques sans un contexte précis et spécifié de création, sans certaines informations relatives au matériel utilisé ou aux moyens engagés pour réaliser l’œuvre, sans données biographiques probatoires du créateur. C’est ce que nous avons compris en découvrant cette œuvre intrigante de Cathy Connan.

Qui plus est, n’en déplaise à Paul Ardenne, si l’art écologique rompt avec bien des catégories traditionnelles de l’art, ses pratiques ne sont pas « anesthétiques » car absolument pas « an-esthésiques ». Ancrées dans la Terre/terre, elles retissent des liens sensibles au monde et relèvent de cette « esthétisation » par laquelle chaque être vivant, à sa manière, l’habite et se sent lui appartenir. Le thème de la mort choisi par Cathy Connan n’est pas « beau », il peut choquer le sens commun (le nôtre en tout cas), mais il est comme un rappel à l’ordre cinglant et menaçant et heurte nos sensibilités. C’est le rôle d’un artiste. Ses autres œuvres montrent que, pour cette créatrice, le choix de la forme et des composants est toujours important. La transitivité n’exclut pas toujours la réflexivité sur l’objet créé. Nous pouvons finalement nous demander si le concept d’art écologique est, de nos jours, adapté. Le terme « écologique » est très connoté et renvoie tant à des pratiques activistes qu’à des principes émanant du pouvoir politique, à quelque chose d’assez « normé ». Le qualificatif est peut-être faible pour les artistes qui, à travers leur propre sensibilité, mettent en avant leur lien à la nature et portent un regard éclairé sur les actions humaines. L’éthique, environnementale ou autre, se fonde, comme ils l’ont compris, sur le partage du sensible.