Amir Biglari (éd.), La sémiotique et son autre, Paris, Éditions Kimé, 2019
Valeria De Luca
Université de LimogesCentre de Recherches Sémiotiques
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Avec l’ouvrage collectif intitulé La sémiotique et son autre, paru aux éditions Kimé en 2019, Amir Biglari (avec la collaboration de Nathalie Roelens) nous livre un panorama étoffé des recherches contemporaines dans lesquelles la sémiotique et de nombreuses sciences sociales concourent à l’établissement d’une véritable « mise-en-frontière » – en empruntant cette formule à Isabel Marcos et Clément Morier, auteurs d’un des chapitres de l’ouvrage – théorique et méthodologique, conçue comme une zone mouvante et dynamique de tangences et de rencontres plus que comme un marquage de séparations nettes.
La taille considérable de l’ouvrage et le nombre des contributions qui y sont réunies – 36 chapitres pour un total de 656 pages – se justifient tout d’abord par l’un des objectifs généraux que les éditeurs énoncent dans le texte de présentation : il s’agit de « concourir à la rectification de l’image hermétique qui a nui à la réputation de la sémiotique, parfois caractérisée par sa propension à tout codifier, à figer son armature théorique et méthodologique, par son goût de la taxinomie ou sa myopie formaliste » (p. 8). Cette rectification passe par un effort dialogique qui, du point de vue éditorial, place cet ouvrage en continuité avec son prédécesseur, La sémiotique en interface (2018), ainsi que par une quête à proprement parler de l’identification et de la définition de cet autre. De ce point de vue, les éditeurs voient en « l’interdisciplinarité et le redéploiement disciplinaire », en « l’épistémologie du global et du local, ainsi que le battement entre le théorique et l’empirique » et en « les grands enjeux actuels de l’homme et de la société » (p. 9) trois pistes majeures à même de faire ressortir les articulations entre les deux partenaires de cette conversation épistémologique. Deux – la sémiotique et son autre –, mais on pourrait tout aussi les multiplier au vu même des voix et de la progression générale de l’ouvrage. Aussi, par rapport aux axes de réflexion mis en avant dans le texte d’ouverture, la lecture de l’ouvrage fait émerger d’autres thèmes et questionnements transversaux aux différentes contributions.
Les points forts de l’ouvrage et les recoupements thématiques qu’il permet d’opérer s’annoncent dès son architecture. En effet, il se compose de six parties, nommées respectivement « réflexions épistémologiques », « culture et société », « communication et marché », « langages et arts », « nature et espace », « psychologie et thérapie ». Comme on peut le constater, ces étiquettes ne s’identifient entièrement ni avec des « branches » attestées en sémiotique, ni avec les autres sciences humaines et sociales qui sont tour à tour convoquées au fil des chapitres. Par exemple, s’il est assez évident que les textes d’Anna Maria Lorusso et de Patrizia Violi s’inscrivent dans la perspective d’une sémiotique de la culture à vocation traductive et énonciationnelle, ou que celui d’Anthony Mathé peut être aisément rattaché à la sociosémiotique, tout comme à la sémiotique des formes de vie, il n’en va pas de même pour d’autres contributions : les formulations avancées par Gianfranco Marrone sur la « nature » se rangent assurément du côté de la sémiotique générale et de la culture plutôt que de celui de l’écosémiotique, tout comme les contributions de Wolfgang Wildgen et d’Isabel Marcos et Clément Morier illustrent explicitement ce que l’approche morphodynamique peut apporter à l’étude du visuel, de la musique et de l’espace.
Par conséquent, on ne peut que saluer un tout premier trait de l’ouvrage que l’on qualifiera volontiers de courageux : les intitulés évoqués plus haut semblent se poser dans l’ouvrage comme autant de thèmes – au sens de ce dont on parle –, et de notions – en transposant les formulations d’Antoine Culioli – dont on cherche à établir un domaine, puisque précisément les notions
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A. Culioli, Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et représentations. Tome 1, Paris, Ophrys, 1990, p. 50.
Sont des systèmes de représentation complexes de propriétés physico-culturelles, c’est-à-dire des propriétés d’objet issues de manipulations nécessairement prises à l’intérieur de cultures et, de ce point de vue, parler de notion c’est parler de problèmes qui sont du ressort de disciplines qui ne peuvent pas être ramenées uniquement à la linguistique1.
A partir de cette perspective, deux aspects majeurs sont à relever : 1) presque tous les courants sémiotiques actuels sont représentés et 2) le questionnement autour de la pluri-, trans- ou interdisciplinarité est conçue véritablement comme une rencontre qui se configure aussi bien comme une coopération et un apport réciproques entre domaines disciplinaires contigus (cf. entre autres, la contribution de Dominique Château sur les relations entre philosophie et sémiotique, ou celle de Marie-Julie Catoir-Brisson au sujet du design de projet dans le domaine de la santé), qu’en tant que défi intellectuel à relever (cf. le texte de Bruno Bachimont et tout particulièrement les liens entre signe, signification et calculus dans l’étude du numérique).
Par rapport au premier point, les contributions présentes dans l’ouvrage n’imposent pas au lecteur le choix d’une sémiotique qui primerait sur une autre du point de vue des objectifs théoriques ou des outils méthodologiques. Sémiologie saussurienne, sémiologie barthesienne, sémiotique peircienne, sémiotique greimassienne, sémiotiques post-greimassiennes, archéosémiotique, sémiotique cognitive, sémiotique morphodynamique, sémantique interprétative, sémiotique des médias : toutes ces approches, quoique différentes quand non pas opposées entre elles, montrent leur fécondité propre lorsqu’elles sont mises à l’épreuve soit dans l’étude de domaines ou objets spécifiques – l’image, les objets, l’espace, le vivant, le trauma –, soit lorsqu’elles prêtent renfort aux autres sciences humaines et sociales – ici, l’anthropologie culturelle, les sciences cognitives, la psychanalyse, les sciences de l’information et de la communication, l’économie, l’histoire de l’art, la philosophie, etc. De ce fait, tous ces courants affichent finalement une homogénéité – ou mieux, un dénominateur commun – qui représente une synthèse des présupposés qui sont à la base même de l’étude du sens. Que l’on se place du côté du signe et du signifié– avec toutes les acceptions que ces termes peuvent se voir conférer selon que l’on soit par exemple peircien ou saussurien –, ou bien que l’on se place de celui de la signification ou encore du texte – que l’on soit greimassien ou rastierien –, plusieurs auteurs convergent sur : i) le caractère médié des phénomènes de sens, ii) la nature représentationnelle – au sens large – des cultures, entendue comme strate qui intervient dans des pratiques linguistiques, communicationnelles, quotidiennes et sociales diverses, iii) la nécessité du primat de la catégorie de relation – et a fortiori de celle de traduction – pour l’étude de l’activité symbolique humaine. A ce propos, et tout particulièrement au sujet de l’apport sémiotique à la réflexion philosophique, Dominique Chateau affirme clairement que
Une sémiotique sans ontologie serait exemplifiée par un langage pur, artificiel, sans référence, inutilisé et inutilisable. Une ontologie sans sémiotique est déjà exemplifiée par l’illusion de l’existence de l’être en soi, pur, par le déni de toute représentation, notamment, le spectaculaire déni de soi-même à quoi prétend le discours qui parle de l’être. […] La sémiotique n’est pas une chape de plomb posée sur le monde, mais un système dynamique, constamment mobile, en mutation incessante et actif en permanence. C’est le lot de l’humanité que de n’être accessible qu’au travers de ce système (p. 105).
Chez Chateau, ces considérations relèvent d’une approche peircienne, mais peuvent tout à fait valoir pour les sémiotiques d’inspiration greimassienne et post-greimassienne dans la mesure où l’ontologie ici évoquée n’est ni plus ni moins que l’affirmation de la nécessité de configurer et de décrire des observables dont la nature est déjà sémiotisée. Dans tout autre contexte, à savoir celui de l’application de la sémiotique à la bande dessinée, Jan Baetens semble en tirer des conclusions similaires lorsqu’il affirme que
Il est important de souligner que cette sémiotique (qu’un purisme terminologique devrait nommer plutôt “sémiologie” […]) dépasse de plus en plus le clivage entre adeptes de Saussure et adeptes de Peirce, qui tous se retrouvent dans l’attention donnée à l’aspect social du sens, objet et résultat de négociations entre groupes d’usagers (p. 490).
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J. Fontanille, « La sémiotique est-elle un art ? Le faire sémiotique comme « art libéral » », Actes Sémiotiques, en ligne : https://www.unilim.fr/actes-semiotiques/3343.
Dans ce sens, et toute proportion gardée, on peut voir se confirmer le constat que Jacques Fontanille avait fait lorsqu’il avait cherché à caractériser la sémiotique comme un « art libéral », à savoir le fait que, en élargissant la palette des recherches prises en considération par le sémioticien, « ces “voix” sémiotiques fonctionnent comme des vernaculaires : chacun parle son dialecte, mais tout le monde se comprend, et le sentiment d’appartenance à la même communauté culturelle et linguistique n’est pas compromis »2. Aussi, ces remarques nous permettent de mettre en relief un autre aspect qui apparaît en filigrane dans l’ouvrage et qui aurait peut-être mérité que l’on s’y attarde davantage. Eu égard aux différentes contributions qui le composent, on pourrait se demander si cet autre propre à la sémiotique ne relève pas d’un niveau infra-disciplinaire avant de se situer à un niveau inter-disciplinaire, car à la mobilisation de traditions et d’outils diversifiés ne fait pas écho une interrogation de type épistémologique sur les présupposés théoriques qui autorisent de telles démarches. On y répondra en faisant appel à la notion lévi-straussienne de bricolage, si chère à la sémiotique notamment française, et en particulier à sa logique qui
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C. Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 49.
Opère un peu à la façon du kaléidoscope : instrument qui contient aussi des bribes et des morceaux, au moyen desquels se réalisent des arrangements structuraux. Les fragments sont issus d’un procès de cassure et de destruction, en lui-même contingent, mais sous réserve que ses produits offrent entre eux certaines homologies3.
Dans ce cadre, le premier autre de la sémiotique est bel et bien l’histoire de ses propres rapiéçages, déchirures, recoupages autour de la triade signe-sens-signification qu’aucun courant ne peut nier. Dès lors, dans ce cadre et au vu de la répartition thématique que l’ouvrage propose, il semble légitime de se demander si, en vue de cette rencontre avec l’autre « externe », il ne vaudrait pas mieux dé-substantiviser la sémiotique – plurielle par définition – et lui substituer son adjectif, le sémiotique, d’autant plus que les emprunts et les croisements se produisent à plusieurs niveaux du sens et du faire sémiotique.
On en vient ainsi au deuxième point, à savoir la question généralement comprise sous le terme de l’interdisciplinarité. S’agissant dans la plupart des cas de chercheurs ayant des compétences doubles – sémiotiques et afférentes à telle ou telle autre discipline prise en considération –, et qui savent pertinemment comment transposer ou traduire les prémisses théoriques de chacune des disciplines tout comme adapter à chacune d’elles la « boîte à outils » de la sémiotique, la rencontre avec l’autre se configure d’abord comme un dialogue avec de multiples autres – toutes les disciplines évoquées plus haut – qui offrent en retour un regard sur ce même peut-être encore à achever, comme le souligne Anne Hénault : « parce qu’elle avait conscience du long chemin à parcourir pour exister vraiment, la sémiotique ne cherchait pas à conquérir des marchés nouveaux, elle cherchait, préalablement, à se conquérir elle-même. Peut-on considérer que cette première étape soit achevée ? » (p. 373). Ensuite, ce dialogue se caractérise à notre avis par deux orientations principales que l’on peut repérer tout au long de l’ouvrage. D’un côté, on retrouve des textes qui relatent les rencontres entre la sémiotique et ses autres, dans le cas notamment de projets spécifiques ou d’« objets » d’étude se rattachant à plus d’une tradition disciplinaire, tels ceux, entre autres, de Jocelyne Lupien sur l’iconologie et l’histoire de l’art, de Jan Baetens sur la bande dessinée, d’Isabella Pezzini sur le statut de l’espace et de la ville, de Jean-Pierre Klein sur la conversion des instances sémiotiques en art-thérapie, de Sonia Grubits sur la psychosémiotique. De l’autre côté, on repère des textes portant sur l’interdisciplinarité en tant que telle, comme celui de Marie Renoue, ou bien des textes qui interrogent explicitement les bases, les modalités et les enjeux de ces rencontres, tels ceux de Goran Sönesson sur les relations entre sémiotique structurale et sémiotique cognitive, de Bruno Bachimont que l’on a évoqué plus haut, de Patrizia Laudati sur les possibilités d’imbrication des approches sémiotique et communicationnelle pour l’étude de l’architecture des espaces, de Nicole Pignier sur la fondation d’une méso-sémiotique inspirée à la fois de la biologie, de la phénoménologie et de la linguistique de l’énonciation. A ces deux grands regroupements, s’y ajoutent au moins deux textes, dans une certaine mesure celui de Sönesson et celui de Alain Perrusset et Thierry Herman, qui abordent l’interdisciplinarité sous le prisme spécifique de l’institutionnalisation et de la reconnaissance de la sémiotique au sein de l’enseignement universitaire, respectivement à Lund et en Suisse.
Qu’ils soient compris dans l’une ou l’autre de ces répartitions, presque tous les textes concourent, au demeurant, à définir ce que la sémiotique peut être au niveau diachronique, à savoir ce qu’elle était et ne peut plus être, et ce qu’elle est maintenant ou a vocation à être dans le futur. Ainsi, lorsque l’on convoque plusieurs références théoriques et méthodologiques contiguës, Renoue se pose justement la question
de leur compatibilité (et des critères de cette dernière) avec le champ notionnel, épistémique et méthodologique déjà établi, de leurs fonctions dans le discours sémiotique (comme matériaux à sémiotiser, fournisseurs de données enrichissant la sémiotique-objet, exemplifications du fonctionnement sémiotique ou justifications de l’interrogation sémiotique...) et de leur traitement par assimilation – dans le champ alors relativement stable de la discipline – ou par accommodation – avec les modulations ou variations du champ afférentes (p. 27).
Dans son examen croisé de ce qu’elle appelle les « quatre grandes leçons » de la sémiotique – la sémiosphère de Youri Lotman, les formations discursives de Michel Foucault, l’encyclopédie d’Umberto Eco, l’habitus de Peirce –, Anna Maria Lorusso imbrique ces différentes perspectives à partir de la vocation de la sémiotique « d’aller trouver les corrélations » entre plusieurs systèmes de signes (p. 162), et, en vertu de cette vocation, de la capacité du regard sémiotique d’« apporter sa propre contribution à un champ de dispersion, plutôt qu’à une région, sociologique, chronologique voire anthropologique » (p. 165). Le résultat de cette imbrication donne finalement lieu à une sémiotique que Lorusso qualifie à la fois de « textuelle, palimpsestuelle, relationnelle et grammaticale ».
De son côté, Claude Calame, en comparant entre elles la tradition structurale, la pragmatique et l’anthropologie culturelle, met en garde contre l’une des « dérives » de l’analyse structurale qui, « en passant donc d’un principe de méthode à une théorie de la connaissance aux accents néo-kantiens […] conduit à enfermer les manifestations symboliques sur elles-mêmes ; elle favorise ainsi le postulat textualiste de l’immanence » (p. 180). Cela n’empêche pas, voire encourage l’exploration de nouvelles altérités qui peuvent prendre les contours d’objets inédits ou instables, comme l’affirme Anthony Mathé, car
Parler de résistance et d’altérité, c’est poser la question de la pertinence de la sémiotique face à des objets « autres », différents, syncrétiques, instables, des objets qui ne sont ni linguistiques ni iconiques, c’est défier la sémiotique dans sa capacité à en rendre compte. Si rien ne garantit le succès, nous savons que l’intérêt pour ces objets « autres », à la croisée des disciplines et des pratiques, est légitime puisqu’il découle de la valeur même de la sémiotique, de son projet fondateur (p. 256).
Aussi, selon Wildgen, une nouvelle sémiotique, pour qu’elle mette en avant « contrairement à la tradition structuraliste », « les aspects dynamiques (de l’évolution et de la genèse historique jusqu’à l’apprentissage et l’auto-organisation spontanée) », doit opérer « une réorientation des concepts fondamentaux de signe, de signifiant et de signifié » (p. 466). Ces mêmes concepts, plus puissants que dans d’autres disciplines, permettent à Bachimont d’affirmer que « la sémiotique a donc certainement un avenir et un rôle important à jouer dans les défis de la complexité telle qu’elle se manifeste à nous aujourd’hui […] une complexité issue de l’hétérogénéité de composants rassemblés dans le fonctionnement d’un système » (p. 298).
Ce bref aperçu sur les positions exprimées tout au long de l’ouvrage, bien qu’à partir de paradigmes sémiotiques différents entre eux, composent finalement un tableau d’ensemble qui semble résumer les divers objectifs théoriques et postures épistémologiques transversaux aux sémiotiques attestées. Les éléments de ce tableau ne sont en rien nouveaux, mais c’est précisément la possibilité de les faire ressortir de ces différents textes qui témoigne de la capacité de la sémiotique de pouvoir rencontrer son autre.
Un triple point de vue semble encore la caractériser :
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La sémiotique peut être légitimement conçue comme l’étude – pour le dire en des termes très généraux – de la constitution « interne » d’un phénomène de sens et de ses modes de « manifestation » ;
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Ces modes de manifestation étant à leur tour le résultat d’une chaîne de médiations laissant des traces ou pointant vers d’autres « objets », la sémiotique est aussi l’étude des modes de « réception-action » vis-à-vis de ces médiations et/ou traces ;
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Cela veut dire que la sémiotique peut être à la fois – ou alternativement – 3a) l’étude des processus d’appropriation, transformation, interprétation, transmission de la part des agents impliqués dans ces mêmes médiations, et 3b) l’étude des processus réflexifs de modélisation par la discipline elle-même, à savoir l’étude des corrélations et des traductions réciproques entre des systèmes de signification.
L’un des enjeux de la rencontre de la sémiotique avec son autre réside – nous semble-t-il – dans l’effort d’explicitation de cette diversité de niveaux auxquels peut se situer l’« aventure » sémiotique, car seul cet effort peut l’affranchir du carcan du jargon et de son soi-disant « ésotérisme ». Fidèle à son héritage épistémologique, la recherche sémiotique n’a pas à choisir – du moins c’est l’impression que cet ouvrage en donne – entre le fait d’être un ensemble de modèles d’analyse pour l’analyse, et l’aspiration – peut-être parfois retenue – à être une théorie et un ensemble de modèles (d’analyse) de la connaissance en général.
En conclusion, si la sémiotique « souffre d’un splendide isolement » (Bachimont), si elle « brille par son absence dans les programmes universitaires » (Perusset et Herman), alors ne faudrait-il pas aussi élucider, lorsque l’occasion se présente, les raisons qui poussent les chercheurs à provoquer cette rencontre entre plusieurs autres ? Ne vaudrait-il aussi pas mieux défendre sa propre diversité tout en adoptant, comme cet ouvrage semble le suggérer, un positionnement thématique quel que soit le paradigme de provenance ? Enfin, proposer un appareillage conceptuel à la fois plus restreint et plus général – tel celui qui se déploie dans les pages de cet ouvrage – ne permettrait-il pas à la sémiotique de favoriser et la rencontre avec son autre et la sortie de son « splendide isolement » ?
La sémiotique et son autre ne donne pas de réponses à ces questions, mais montre sans doute à la communauté des sémioticiens et des autres chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales la variété des voies que l’on peut emprunter.