Les diamants de synthèse et la « joaillerie écologique » : étude de cas sémiotique sur la communication de la joaillerie et ses défis Synthetic diamonds and “ecological jewelry”: a semiotic case study of jewelry communication and its challenges

Andrea Catellani

LASCO-ILC, UCLouvain

https://doi.org/10.25965/as.8098

Cet article vise à montrer à l’œuvre une forme de sémiotique engagée à augmenter l’intelligibilité de phénomènes culturels et sociaux contemporains. Pour ce faire, nous proposons une analyse d’un type de discours spécifique, celui qui travaille à la valorisation du diamant de synthèse ou de laboratoire, notamment en mobilisant la prise de responsabilité éthique et environnementale de l’industrie diamantaire. Soumise, comme beaucoup d’autres secteurs économiques, à des critiques sur le plan de la durabilité et de l’éthique, l’industrie des diamants et des joyaux produit en effet des « formations discursives » multimodales parfois très intéressantes, qui expriment des formes de construction de valeur dans un contexte polémique, face aux défis de l’habitabilité de la planète. C’est en analysant ces formations qu’une forme spécifique de sémiotique, liée à l’héritage de l’école d’A. J. Greimas, peut montrer sa vivacité et sa contribution à la construction du savoir autour des enjeux cruciaux de notre ère.

The aim of this article is to approach a form of semiotics committed to increasing the intelligibility of contemporary cultural and social phenomena. To this end, we propose an analysis of a specific type of discourse, that which works to enhance the value of synthetic or laboratory diamonds, in particular by mobilizing the diamond industry’s assumption of ethical and environmental responsibility. Like many other economic sectors, the diamond and jewellery industry is subject to criticism in terms of sustainability and ethics, and produces some very interesting multimodal “discursive formations” that express forms of value construction in a polemical context, in the face of the challenges of the planet’s habitability. It is by analyzing these formations that a specific form of semiotics, linked to the legacy of the school of A. J. Greimas, can demonstrate its vitality and its contribution to the construction of knowledge around the crucial issues of our era.

Index

Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Mots-clés : diamants, environnement, éthique, joaillerie, rhétorique

Keywords : diamonds, environment, ethics, jewelry, rhetoric

Auteurs cités : Nicole D’ ALMEIDA, Roland BARTHES, Denis BERTRAND, Jean-François BORDRON, Jean-Jacques BOUTAUD, Jean-Jacques BOUTAUD, Niels BRÜGGER, Jean-Marie FLOCH, Jacques FONTANILLE, Øyvind IHLEN, Nathalie VEG-SALA, Claude ZILBERBERG

Plan
Texte intégral

1. Introduction

Dans le panorama contemporain, l’industrie des diamants et des joyaux ne fait pas exception à la montée d’une société du jugement (D’Almeida 2007), où les acteurs économiques sont soumis à la critique, entre autres (et notamment) sur le plan de la durabilité et de l’éthique. Cette industrie produit dans ce cadre des « formations discursives » multimodales à explorer pour comprendre quelles formes de construction de valeur sont à l’œuvre dans un contexte polémique, qui met un objet « de luxe », capable en tant que tel d’incarner une « médiation mythique » (Fontanille 2007), face aux défis de l’habitabilité de la planète. L’incorporation du discours sur la responsabilité par l’industrie des diamants advient en parallèle à l’apparition d’une autre tension, celle entre diamant de mine ou « naturel » et diamant de synthèse ou de laboratoire. C’est à l’analyse des discours traversés par ces tensions que cet article est dédié, en mobilisant notamment une forme de sémiotique liée à l’héritage de l’école d’A. J. Greimas. C’est ainsi que nous tentons de montrer la vivacité et la contribution de la sémiotique à la construction du savoir autour des enjeux cruciaux de notre ère, caractérisée par les défis de l’anthropocène (Bernard 2018).

1.1. L’approche sémiotique

La sémiotique pratiquée en ces pages est une sémiotique qui, inspirée de la tradition de l’« école de Paris », permet d’augmenter l’intelligibilité, la pertinence et la différenciation dans l’analyse des phénomènes de sens, pour reprendre la célèbre expression de Jean-Marie Floch (1990 : 10-17). Nous nous focalisons sur des objets textuels considérés comme des agencements d’éléments offerts à l’action énonciative-interprétative des humains, qui sont donc toujours (re)énonciateurs ; ces objets textuels sont l’incarnation de discours qui constituent l’objet de la sémiotique. Concernant spécifiquement la sphère marchande, comme le souligne Bertrand (2002 : 73), la sémiotique « s’intéresse aux discours qui assurent entre les partenaires de la relation commerciale une médiation obligée et qui dessinent, en creux, leur image réciproque ». Il s’agit de mettre en évidence ce qui peut permettre de reconstruire « l’architecture du sens », dans une démarche essentiellement comparative, qui « se déploie dans l’analyse des relations de voisinage et d’opposition que les discours d’un secteur donné entretiennent entre eux ».

Nous avons toujours considéré le parcours génératif de Greimas et ses différents niveaux comme référence incontournable pour l’analyse (Catellani 2014, 2019, 2022). Sans vouloir entrer dans des considérations théoriques approfondies, nous tendons, de même que Bordron (2011), à conceptualiser de façon provisoire ce parcours non pas comme constitué de niveaux qui se produisent par conversion séquentielle (conception qui nous semble à préciser), mais comme un ensemble de « niveaux d’analyse », de pertinence donc, de l’architecture du sens, qui

dépendent donc essentiellement de l’extraction de certains éléments aux dépenses d’autres […] Pour accéder à un niveau donné [par exemple, le niveau des structures sémio-narratives superficielles, ou le niveau discursif], on part donc de la totalité dans laquelle on sélectionne un certain type de problème, et non d’un autre niveau (Bordron 2011 : 184).

Il s’agit donc de niveaux de pertinence qui composent un parcours analytique à plusieurs entrées, capable d’élucider la forme du sens tel qu’il semble pouvoir émerger dans l’expérience d’un ou plusieurs objets et dispositifs signifiants, en lien avec un certain type de contexte et d’espace culturel (ou sémiosphère, si on veut se référer à la notion de Youri Lotman). D’ailleurs, Floch (1990 : 5) n’hésite pas à définir la sémiotique qu’il pratique comme « discipline de la forme », en citant Greimas.

Nous intégrons au système analytique basé sur le parcours génératif quelques outils tirés de la « sémiotique tensive » (Zilberberg 2006, 2012). Zilberberg définissait la « tensivité » comme « la relation de l’intensité à l’extensité, des états d’âme aux états de choses », et encore comme « le commerce de la mesure intensive et du nombre extensif » (2012, en ligne). Il identifiait deux dimensions en corrélation pour analyser l’apparition des valeurs dans le discours : l’extensité, avec comme sous-dimensions la temporalité et la spatialité, et l’intensité, à son tour analysable selon le tempo et la tonicité. Nous utiliserons ce dispositif d’analyse de l’apparition discursive des valeurs pour comparer les positionnements des deux entreprises analysées. Nous utiliserons aussi deux catégories proposées par Zilberberg (2012, en ligne) pour caractériser les opérations sur la syntaxe extensive, qui s’intéresse aux états de choses : le tri, opération de sélection qui « aboutit à l’information d’une valeur d’absolu éclatante et exclusive », et le mélange. Les deux opérations sont liées à la constitution de deux espaces différents de valeurs :

Note de bas de page 1 :

https://books.openedition.org/pulg/2173

Un paradigme est ébauché lequel distingue, sous bénéfice d’inventaire, entre des valeurs d’absolu visant l’exclusivité et des valeurs d’univers visant la diffusion, donc symétriques et inverses des précédentes : ici priorité accordée au mélange, là au tri1.

En lien avec les contributions de la sémiotique tensive, un groupe d’auteurs a proposé une définition de rhétorique fondée sur le concept de tension, où le texte est espace de rencontre et de conflit entre des « entités » telles que les opinions, les histoires, les points de vue, etc. (Fontanille et Bordron, 2000 ; Zilberberg, 2006 ; Catellani 2011 et 2014). Ce champ de relations parfois conflictuelles est géré par l’énonciateur, qui peut faire éclater les conflits ou les minimiser, en créant des hiérarchies ou autres formes de conciliation (Catellani & Errecart 2021). Le discours comme dispositif (Bordron 2011) est ainsi offert à l’interprétation des récepteurs, « comme proposition d’alliance et outils pour construire un accord, pour faire accepter des programmes d’actions, pour faire savoir, faire croire et faire agir (mais aussi pour faire “sentir”, faire vibrer émotionnellement) » (Catellani 2014 : 191). Il s’agit donc d’analyser les formes de gestion des tensions existantes dans les discours sur les diamants avec les outils offerts par le parcours génératif et par la sémiotique tensive : ces « solutions » discursives des tensions constituent l’architecture du sens qu’il s’agit d’élucider.

Cette analyse n’entre pas sur le terrain juridique des tensions existantes autour des dénominations des diamants de synthèse, thème pourtant très intéressant, ni sur celui de l’analyse du diamant comme objet en soi, mais se limite à une approche sémiotique comparative de discours qui circulent à propos des diamants, focalisé notamment sur les structures sémio-narratives profondes et superficielles, mais aussi sur les aspects thématiques et figuratifs et sur quelques éléments de nature tensive. Nous intégrerons aussi des résultats dérivés des recherches sur la la communication sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE), tels que proposés par Oyvind Ihlen (2015, Catellani et Ihlen 2022). Ces contributions permettront de mieux contextualiser l’analyse de certains aspects pertinents au niveau discursif du parcours génératif, notamment sur le plan des configurations figuratives et thématiques.

1.2. L’objet analysé : la communication sur les diamants

Note de bas de page 2 :

www.courbet.com

Note de bas de page 3 :

https://www.debeers.fr/fr-fr/home

Note de bas de page 4 :

https://lightboxjewelry.com

Dans ce cadre épistémologique, nous développons dans les pages qui suivent une analyse comparative focalisée sur l’industrie du diamant, et notamment sur la maison française Courbet2 et le groupe multinational De Beers3 , avec sa filiale Lightbox, spécialisée dans le diamant de synthèse4). Pour ce faire, il faudra avant tout présenter brièvement le monde de l’industrie des diamants et ses relations avec la RSE (responsabilité sociale d’entreprise, voir Catellani 2019) et le thème de la responsabilité environnementale en particulier. Cette contextualisation, basée sur des sources secondaires, est partie intégrante du processus d’analyse. S’en suivra une observation plus spécifique de quelques pages des sites web des organisations concernées, pour identifier quelques traits discursifs. L’exploration sera donc limitée à un corpus réduit, sans ambition de généralisation directe, mais plutôt de reproductibilité de l’analyse et de production d’hypothèses applicables plus largement. Cette analyse ne prend pas en considération non plus les spécificités du support numérique, mais se focalise sur les discours et les images inscrites et leur potentialités signifiantes.

Le questionnement général porte sur les formes discursives présentes dans cet espace concurrentiel, celui des maisons diamantaires, et notamment de l’opposition entre diamant de mine et diamant de synthèse ou de laboratoire, avec une attention spécifique aux thèmes liés à la prise de responsabilité environnementale, écologique. Quelle est la construction axiologique à l’œuvre, quelles valeurs sont proposées, en lien avec quels outils narratifs et discursifs ? Comment les diamants de mine et synthétiques sont valorisés par les différents acteurs, et comment dans ce cadre on fait référence à des enjeux de durabilité ? Se dessine donc la mobilisation des structures sémio-narratives profondes et superficielles, en connexion avec les structures discursives, l’observation des traces de l’énonciation dans le texte et de quelques aspects tensifs.

1.3. Le processus d’analyse

Pour approfondir ces questionnements, nous avons observé une série de pages web présentes sur les sites web de Courbet, De Beers et Lightbox. Les observations des sites ont eu lieu en septembre 2022 ; nous avons donc effectué une analyse synchronique, sans comparer les mêmes pages à différents moments dans le temps.

Le site web est défini par Pinède (2018 : 77)

en tant que « suite de pages web formant un tout cohérent », étant entendu qu’une page web est « tout ce qui est visible dans une fenêtre de navigation » (Brügger, 2012 : 159). La notion de lien, de relation entre les pages web est établie ici « à travers la cohésion textuelle, la cohérence, la construction d’un univers cohérent tant du point de vue de la grammaire que du lexique (sémantique), à travers les formes variables d’expression (typographie, mise en page, etc.) (formel) et grâce à la possibilité d’exécuter une action physique ou en mouvement en rapport avec un élément textuel par l’intermédiaire d’hyperliens (physiquement performatif) » (Brügger, 2012 : 160).

Le site web est pour Pinède (2018) un lieu important de « mobilisation » sur le web, pour concrétiser la présence numérique des entreprises – autre lieu crucial étant celui des « réseaux sociaux numériques ». Si ces derniers relèvent du registre du « flux », selon Pinède, le site web

appartient plutôt au registre de l’inscription ; il contient et contrôle un ensemble informationnel produit majoritairement par l’organisation ; il incarne et représente une présence institutionnelle ; il présente une stabilité dans le temps, même si elle n’est que relative ; il est borné dans l’espace (structure sous-jacente au site) mais intrinsèquement ouvert sur l’« ailleurs hypertextuel ». À ce titre, il est aussi lieu « rebond » car il orchestre des logiques de flux pour accéder à d’autres espaces, dont les réseaux socio-numériques (Pinède 2018 : 83).

Cette nature de lieu relativement stable d’inscription de l’identité de l’entreprise nous a semblé pertinente pour saisir l’essentiel du discours des organisations qui nous intéressent concernant les diamants de laboratoire et la prise de responsabilité éthique.

Nous avons focalisé l’attention sur les sections des sites web non directement impliquées dans la promotion et la vente des produits, mais dédiées plutôt à la présentation de l’organisation, de son identité : c’est donc le discours « corporate » ou institutionnel qui a attiré notre attention. Il s’agit notamment de :

Nous avons approché ces documents numériques avec les outils analytiques offerts par le parcours génératif et la sémiotique tensive.

2. Les diamants à l’ère de leur reproductibilité technique

Note de bas de page 5 :

Sur les diamants de laboratoire ou de synthèse, voir par ex. Barnard 2000.

Cette expression, qui paraphrase celle, célèbre, de Walter Benjamin à propos des objets artistiques, identifie bien la révolution apportée, à partir de 1952 mais surtout dans les dernières années, par la production en laboratoire des diamants5, à des prix inférieurs aux diamants « de mine ». Initialement utilisés seulement pour l’industrie, ils sont désormais d’une qualité suffisante pour être employés en joaillerie, vu d’ailleurs qu’ils sont indistinguables chimiquement et à l’œil nu des diamants de mine. Le diamant de laboratoire se trouve pouvoir occuper un positionnement valorisé sur le plan de la RSE, notamment par rapport à la traçabilité de l’origine (voir infra) et par la diminution du coût d’achat pour le consommateur.

Mais comment garantir l’exceptionnalité et la rareté d’un produit qui devient relativement facile à produire en laboratoire ? Ici apparaît clairement l’enjeu de la communication et de la construction de valeur. Finalement, comment les différentes tensions (luxe vs durabilité, rareté vs production industrielle, diamant synthétique vs de mine) se traduisent en travail et luttes symboliques ? En particulier, comment la valeur éthique du diamant, et notamment du diamant de synthèse, est-elle construite sémiotiquement ?

3. Luxe, joaillerie et responsabilité

Note de bas de page 6 :

En 2019, les ventes des 100 premières marques de luxe mondiales ont dépassé 245 milliards de dollars, avec une croissance composite des ventes de 10,8 % d’une année sur l’autre et une marge bénéficiaire moyenne de plus de 9 %. 8 % des produits de luxe vendus sont des bijoux.

L’industrie du diamant peut être catégorisée comme faisant partie de la sphère du « luxe », qui constitue une industrie florissante dans le monde et notamment en France6. La définition du luxe dépasse largement les possibilités de notre recherche ; nous nous limitons à signaler que cette notion est dépendante des contextes culturels et historiques, et qu’elle mélange des aspects plus objectifs à des dimensions subjectives. Vigneron et Johnson (2004) définissent « “ les biens de luxe comme ceux dont la consommation satisfait à la fois des besoins fonctionnels et psychologiques” reliés à des caractéristiques perçues du produit comme la qualité, l’esthétisme, la rareté, le savoir-faire, l’élitisme », sans oublier l’hédonisme et la recherche de l’épanouissement personnel (de Barnier et al. 2004 : 9 ; voir aussi Pankiw et al. 2020).

Thevenin et De Barnier (2022 : 60) rappellent l’existence de plusieurs échelles de mesure du luxe dans la littérature scientifique, comme celle proposée par De Barnier et al. (2008), qui présente 5 dimensions : Élitisme, Unicité, Qualité, Raffinement et Puissance. Ces dimensions « correspondent à des motivations liées à deux types de valeurs (de Barnier et al., 2008) : individuelle (recherche de plaisir, hédonisme, développement personnel) ou sociale (besoin de paraître, prestige, besoin d’appartenance à un groupe) ».

On distingue souvent différents niveaux de luxe (du luxe accessible, via le luxe intermédiaire, au luxe plus exclusif, voir Alleres 1991), et cette notion identifie des secteurs différents (de la mode vestimentaire aux joyaux, de la gastronomie aux voitures). Le monde des marques de luxe est traversé par le paradoxe : « tout l’art des marques de luxe est d’atteindre un chiffre d’affaires élevé tout en préservant la rareté perçue de ses objets » (De Barnier et al. 2008 : 7).

Comme le rappelle Bertrand (2002), la sémiotique a entretenu une « relation particulière » avec la communication du luxe. Concernant le monde de la joaillerie, on peut citer évidemment le travail fondateur de Roland Barthes sur les pierres précieuses et les bijoux (1961). Barthes identifiait la mythologie « infernale » des pierres précieuses et son (partiel) dépassement, à l’époque de la bijouterie et de la démocratisation du joyau. Successivement, c’est Floch (1995 ; Floch & Roux 1996) qui a été moteur, selon Bertrand, dans la recherche sémiotique sur le luxe. Bertrand (2002) rappelle ainsi la définition de Floch et Roux (1996 : 20) :

Le luxe, à distinguer du prestige et de la magnificence, est plus une façon d’être – une « manière de vivre » – qu’une façon de faire, ou de faire faire […] Autant dire que cette manière de vivre qu’est le luxe doit être définie comme l’articulation d’une éthique et d’une esthétique.

Cette articulation, qui se révèle très pertinente aussi pour notre analyse, se réduisait en réalité à un « refus du tout économique (rareté des matériaux, temps nécessaire de réalisation, disponibilité à la clientèle) » (Bertrand 2002, p. 3). Les discours que nous analysons ici enrichissent cette sphère, en l’ouvrant à de nouvelles dimensions éthiques (écologie, droits humains) qui dépassent ce simple refus. Bertrand (2002), de son coté, développe l’analyse sémiotique de la création et de la valorisation dans le domaine du luxe, en se focalisant sur l’ancrage dans le sensoriel et dans l’intimité sensible. Ensuite, Fontanille (2007) a consacré un texte percutant à l’analyse de l’intermédialité dans les annonces-presse de mode (marque Louis Vuitton), en identifiant entre autres l’objet de luxe comme « médiateur thématico-figuratif » entre des univers inconciliables, ceux des valeurs pratiques et mythiques.

L’analyse d’orientation sémiotique de la communication du luxe a continué après, en France et ailleurs. Veg-Sala et Geerts (2012), par exemple, analysent de façon sémiotique la communication de marques de luxe (maroquinerie et joaillerie) sur Internet, pour en observer les formes et pour proposer des conditions d’épanouissement de ces marques dans un environnement digital, en gérant la tension paradoxale entre « sélectivité et diffusion ». De leur côté, Amatulli et al. (2016) analysent les impacts de la conservation de l’anglais dans les annonces-presse des biens de luxe dans le monde hispanophone, et le halo de valorisation lié à la langue anglaise.

Veg-Sala (2019) a appliqué le carré sémiotique à l’analyse des attentes des consommateurs du luxe vis-à-vis de la livraison à domicile, en opposant le « luxe pour soi » et le « luxe pour les autres », et aussi les composantes expériencielles et fonctionnelles de la logistique. Plus récemment, Thévenin et De Barnier (2022) ont utilisé la sémiotique pour analyser la perception de congruence entre valeurs du luxe et de l’écologie, et identifier ainsi comment attirer les consommateurs du luxe vers les marques de « luxe écologique ». Cette étude, différente mais très complémentaire de la nôtre, se base sur des entretiens pour construire des modèles de consommateurs de marques de luxe écologiques (des sortes de « personae »).

En effet, outre la digitalisation, un facteur qui a marqué dernièrement le marché du luxe est la pression éthique, concernant la responsabilité des produits et des processus, qui devient un facteur de différenciation possible des marques. Selon Pankiw et al. (2020) :

Une façon pour les marques de luxe de chercher à se différencier dans un environnement culturel changeant est d’initier des initiatives de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de communiquer ces pratiques à leurs consommateurs par le biais de la publicité. Les consommateurs veulent et attendent des marques qu’elles ‘fassent le bien’ dans leurs communautés et fassent une différence positive dans le monde (Diehl et al., 2016 ; Kim et Choi, 2019).

Note de bas de page 7 :

Le présent article réintègre en partie le contenu de Catellani 2014 (« Le discours de justification des démarches de responsabilité sociétale d’entreprise : observations sémiotiques »).

Les entreprises sont aujourd’hui protagonistes d’un ensemble de productions discursives multimodales, syncrétiques (mêlant différentes substances sémiotiques) à propos des leurs engagements en matière de développement durable, et plus largement de responsabilité sociétale d’entreprise (communément appelée RSE, ou CSR, corporate social responsibility, en anglais). La littérature sur la RSE et sa communication est immense, notamment en anglais, et articulée en plusieurs approches et écoles (voir par ex. Morsing 2006 ; pour un petit exemple d’approche sémiotique, Catellani 2019 ; voir aussi Ihlen 2015, Catellani & Ihlen 2022 pour l’approche rhétorique)7. Il n’y a pas de définition universelle de la RSE, mais un texte de référence au niveau international est celui produit par ISO dans le cadre de la norme ISO26000 :

Note de bas de page 8 :

https://www.iso.org/obp/ui/#iso:std:iso:ts:26030:ed-1:v1:fr

Responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui : contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société ; prend en compte les attentes des parties prenantes ; respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales ; est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations8.

Les entreprises prennent la parole depuis longtemps par rapport à la RSE, pour mettre en scène et justifier leurs engagements et leurs résultats en faveur du climat, de la biodiversité, de la justice sociale, etc., en suscitant parfois des critiques (comme dans le cas des accusations de « greenwashing », le verdissement de l’image). Nous avons déjà comparé ces formes discursives, et notamment celles dédiées au versant de la RSE qui concerne l’environnement (écologie), à un type spécifique de rhétorique, étudiée et pratiquée depuis l’antiquité, et appelée « épidictique » (Catellani 2011). Depuis les théories grecques et romaines, ce type de discours persuasif avait pour objectif de louer ou faire le blâme de quelqu’un (Fontanier, 1977). Sur le plan analytique, la sémiotique peut assumer le rôle d’analyste des discours qui justifient et présentent les engagements des entreprises.

La rhétorique marchande à dominante « épidictique » de la RSE est une composante particulière de la « communication stratégique » d’organisation, définie par Hallahan et al., comme “the purposeful use of communication by an organization to fulfill its mission”, et aussi comme la “deliberate communication practice on behalf of organizations, causes, and social movements” (2007 : 3-4). L’approche sémiotique peut conduire à identifier des styles de « communication responsable » récurrents (Catellani 2022).

Pour Kapferer & Michaut-Denizeau (2017), la communication sur la durabilité des marques de luxe reste limitée et prudente, ce qui est confirmé pour la joaillerie par Pankiw et al. 2020. Kapferer et collègues observent aussi qu’il y a une tension entre luxe et durabilité. Sur le plan sémantique, nous pouvons par exemple observer que l’élitisme s’oppose à la notion de bien commun, partagé ; l’utilisation de beaucoup de ressources s’oppose à la recherche d’un modèle durable de civilisation. Si la nature éphémère des produits de luxe peut créer une opposition frontale avec la durabilité, au contraire un lien possible entre les deux notions semble être celui de la longue durée de vie, comme dans le cas des diamants, qui s’oppose à l’éphémère (lié au gâchis).

Lorsque les produits de luxe sont rares, un produit durable est perçu comme plus responsable socialement qu’un produit éphémère, ce qui entraîne des attitudes plus positives envers le produit durable. […] Bien que la notion de « mode responsable » signifie différentes choses pour différentes personnes […], nos résultats suggèrent qu’une première étape pour développer des produits de luxe plus responsables et augmenter les perceptions de l’adéquation luxe-RSE pourrait être de rendre les produits de plus longue durée [enduring], surtout si les marques veulent maintenir un niveau élevé de rareté (Janssen, Vanhamme, Lindgreen & Lefebvre 2013, notre traduction).

Thevenin et De Barnier (2022, p. 62) rappellent l’existence de deux courants de recherche concernant la perception du « luxe écologique ou responsable » : le premier souligne, comme Kapferer et ses collègues, l’opposition entre valeurs du luxe et valeurs liées à la consommation éthique ; au contraire, le second souligne que luxe et développement durable sont « des concepts complémentaires, s’influençant positivement et partageant des éléments tels que la qualité, la rareté, la durabilité, la préservation de savoir-faire ancien, ou encore les matières premières (Janssen et al., 2013) ». L’étude proposée par Thevenin et De Barnier montre la variété des valeurs en jeu dans la relation au luxe écologique (valeurs hédoniques, fonctionnelles, écologiques, sociales) : ces valeurs entrent différemment dans les comportements de consommation des individus. Les auteurs rappellent le croisement entre luxe et écologie par rapport au besoin de statut social, qui joue un rôle important dans les deux cas. Parmi les recommandations, ces auteures suggèrent de mettre en évidence la préservation des matières premières, et affirment que

l’écologie de la marque ne détériore pas l’image de qualité de la marque de luxe. Cependant, il est important que les marques de luxe écologiques confortent et rassurent le consommateur, notamment sur le maintien d’une qualité supérieure, dimension forte dans la perception des consommateurs d’une marque de luxe (Thevenin et De Barnier 2022 : 75).

Pour en venir au domaine plus spécifique des diamants, les enjeux éthiques existants concernent notamment la traçabilité des diamants, qui permet d’exclure leur implication dans des trafics liés aux guerres et les conditions des travailleurs des mines dans certains pays (voir la polémique concernant les « diamants de sang » ou diamants de conflits, expression créée par le géographe Hugo J. H. Lewis pour indiquer les diamants originaires de certains pays d’Afrique). D’autres enjeux concernent les ressources nécessaires pour l’extraction et la production, et donc l’empreinte écologique et climatique de ces produits.

Pankiw et al. 2020 proposent différentes façons de communiquer sur les engagements éthiques dans le domaine de la joaillerie, en suggérant par exemple de mettre en lumière les politiques d’approvisionnement éthique, ou de lier le soin de la production avec le soin et la qualité des initiatives de RSE.

Cette contextualisation nous permet maintenant de mieux situer les analyses des prochaines sections, dédiées à quelques protagonistes de la sphère de l’industrie du diamant.

4. Le discours de la maison Courbet ou l’humanisme écologique du diamant

La stratégie discursive de Courbet s’affirme dès la page d’accueil du site web : « “Sans le bien le beau n’est rien”. COURBET propose une nouvelle joaillerie, écologique et éthique, moderne et créative, respectueuse du savoir-faire ». L’entreprise s’exprime (sans trop de fusion avec le public : le « nous » disjonctif face au « vous » du lecteur domine largement) pour s’engager et se définir comme acteur de conciliation entre le changement et la continuité :

Au cœur de la place Vendôme
Pour vous qui partagez nos valeurs
Nous réinventons la joaillerie
Dans le respect des traditions (Courbet). 

Encore :

Note de bas de page 9 :

https://www.courbet.com/page/diamant

Courbet s’engage à respecter la Nature et l’Homme tout en préservant le savoir-faire joaillier de la Place Vendôme. Chez Courbet, nous pensons que les diamants synthétiques portent en eux une autre magie, fruit de la science et de la technologie. Cette nouvelle génération de diamant synthétique répond tout autant aux attentes écologiques qu’éthiques des personnes qui s’interrogent sur la provenance de leurs pierres. L’un de ses avantages est de répondre de façon encore plus transparente aux questions que soulèvent les personnes conscientes de l’impact de leurs choix sur la planète9.

L’élément central sur le plan axiologique est clairement la conjonction de valeurs, en utilisant des formulations par juxtaposition et conciliation d’éléments donnés implicitement comme séparés (« tout autant… que… ») : beauté et éthique (bien), tradition des pratiques joaillières (y compris le positionnement dans la place Vendôme, le lieu symbolique de la joaillerie française) et innovation, nature (les pierres, la Terre, l’eau dans les images d’accompagnement) et culture/technologie. Le lien avec le client est aussi éthique, basé sur le partage de valeurs, un trait typique des marques qui se positionnent résolument comme engagées (voir Catellani et Errecart 2021). La valorisation écologique rentre donc dans un univers sémantique et narratif qui construit une identité différente mais rassurante, harmonique, non sans l’effort de renversement de hiérarchies entre diamants synthétiques et de mine – notamment, justement, sur le plan de l’écologie et de l’éthique, concernant la garantie de l’origine. Autres modalités de construction de valeur éthique sont l’affirmation d’une utilisation exclusive d’or recyclé, et la proposition d’une collection de joyaux qui permet de financer des associations engagées. Un ensemble de parcours thématiques et figuratifs concrétisent un parcours narratif d’engagement, et un univers axiologique qui voit la figure centrale de la conciliation (terme complexe du carré sémiotique).

L’évocation de la valeur écologique se confirme via le renvoi à la certification Butterfly Mark de l’organisation Positive Luxury (une certification indépendante spécifique du secteur du luxe, développée en Grand Bretagne), présentée sur la page https://www.courbet.com/page/label. La page explique la démarche (un questionnaire à remplir, l’aide de l’organisme pour se positionner par rapport à certains aspects), et renvoie vers le site de l’organisme. C’est sur ce dernier que différents aspects de l’engagement de Courbet sont présentés sous forme d’« étude de cas » (traçabilité, recyclage de l’or, initiatives philanthropiques), y compris un premier calcul de l’empreinte carbone par carat. Sur le plan narratif, un destinateur juge externe vient sanctionner positivement le parcours narratif du sujet, et un co-énonciateur externe de confiance vient soutenir le projet communicationnel de la marque. Ceci semble remplacer un véritable « rapport RSE », qui apparaît comme absent de la communication de Courbet (une entreprise de petites dimensions, qui n’est pas obligée légalement de faire un rapport écrit, comme c’est le cas des grands groupes).

Comme certaines banques « engagées » (Triodos ou le Crédit Coopératif, Catellani & Errecart 2021), Courbet s’affirme comme acteur d’innovation et de créativité technique, marchande et sociale, en brassant différents univers de valeurs autour d’une identité qui hybride l’esthétique, l’éthique et le technique.

Concernant l’image, il nous semble que la référence au peintre Courbet, qui voulait une « nouvelle place Vendôme » n’est pas particulièrement exploitée visuellement. Les codes visuels se basent sur des images d’éléments naturels ou sur les inévitables mannequins, une mise en page par grille modulaire avec de grands secteurs carrés ou rectangulaires, dans une atmosphère globale de sérénité, contrôle et une certaine monumentalité.

5. De Beers et De Beers Lightbox : un discours de responsabilité « classique »

Note de bas de page 10 :

Pour l’analyse de ce type de communication voir par ex. Catellani 2011 et 2014.

Si Courbet unit directement responsabilité et discours de construction de la valeur du diamant de synthèse, De Beers semble être dans une posture plus classique typique des multinationales10, où le discours de responsabilité est présent surtout dans le site corporate international (https://www.debeersgroup.com/) et affiche les engagements et les accomplissements, articulés en différents axes (écologique, social, éthique…) ; le site propose aussi les rapports RSE publiés chaque année. La dimension éthique et de RSE apparaît dans deux onglets en bas de la page d’accueil du site commercial français (https://www.debeers.fr/fr-fr/home et https://www.debeers.fr/fr-fr/provenance-and-peace-of-mind.html pour la traçabilité).

Note de bas de page 11 :

« Notre approche de Building Forever repose sur ce que nous appelons nos fondements essentiels, à savoir les priorités et les initiatives qui font partie de notre stratégie, de notre éthique et de notre ADN au sein du groupe De Beers depuis des décennies. » (Rapport RSE 2021, https://www.debeersgroup.com/~/media/Files/D/De-Beers-Group-V2/documents/building-forever/building-forever-our-2021-sustainability-report.pdf, notre traduction).

Note de bas de page 12 :

« Notre but est de faire évoluer constamment les Principes de Pratique Exemplaire, de sorte à être constamment en phase avec les normes internationales économiques, sociales et environnementales les plus strictes. ». Ce « lieu » rhétorique du « mouvement perpétuel » complète l’autre de la responsabilité « éternelle », inscrite depuis toujours dans l’ADN de l’entreprise. Voir pour une approche rhétorique du discours corporate de responsabilité Ihlen 2015.

De Beers met en avant les engagements, les projets et les réalisations, en construisant un profil narratif engagé, entre ancrage dans l’ADN éternel de l’entreprise11 et processus d’amélioration continue12, sans oublier les labels externes (sanction positive de destinateurs qui témoigne de l’« être du faire » de l’engagement de De Beers). La RSE prend la forme d’une production d’actants non-humains, comme le programme Building Forever, qui unit parfaitement l’idée d’éternité du produit diamant avec la « durabilité » écologique : c’est une application presque littérale des préconisations de Jannsen et al. 2014 (voir supra). D’autres entités discursives (sorte d’incarnation actantielle de compétences modales du sujet) sont par exemple les programmes Tracr et Gemfair, focalisés sur le point faible de la traçabilité et donc de la confiance. Des outils classiques sont aussi les références quantitatives, la rhétorique du chiffre et donc de l’abondance (« nous protégeons plus de 200 000 hectares le long de la Route du diamant en Afrique australe »).

La filiale qui vend les diamants de synthèse de De Beers, Lightbox, reprend le même modèle : le discours sur la prise de responsabilité environnementale est présent via une section spécifique du site web (https://lightboxjewelry.com/pages/environmental-impact). Cette section affiche l’action progressive de la marque pour identifier et réduire les impacts climatiques, en apportant de la « transparence ». Le discours se focalise sur l’utilisation de sources renouvelables d’énergie pour la production et sur la diminution de l’énergie nécessaire par carat produit. Le discours est focalisé sur une progression continue mesurée par des données quantitatives: “in 2021, we reached our goal of 50% of the energy we use to grow our diamonds coming from renewable sources. We have committed to increasing this to 100% by the end of 2022”. C’est cette quantification, vraiment typique du discours RSE, qui semble très peu présente sur le site de Courbet, qui se focalise plutôt sur un style qualitatif, presque poétique par moments (en laissant à Positive Luxury la charge de détailler un peu plus, mais toujours sans trop d’indicateurs quantitatifs, voir supra). Ceci définit une exception et un positionnement singulier pour Courbet, mais aussi probablement un risque d’accusations sur la nature « vague » des engagements (risque qui, à notre connaissance, ne s’est pas concrétisé pour l’instant).

6. Le travail sémantique sur le diamant de synthèse : Courbet et De Beers

Après avoir parlé notamment de l’intégration du discours de responsabilité, nous consacrons cette section à l’enjeu de la définition des relations entre diamant de synthèse et de mine, deuxième tension identifiée en introduction et interconnectée aux thèmes de la durabilité et de l’écologie. Une page du site de Courbet présente notamment le travail sémantique sur le diamant de synthèse.

Note de bas de page 13 :

https://www.courbet.com/page/diamant

Le diamant synthétique est un diamant dont les caractéristiques sont identiques aux diamants extraits des mines. Ainsi sa seule différence réside dans son origine, son autre naissance, son « alter/native ». En utilisant exclusivement ce diamant synthétique, Courbet fait preuve d’audace en ouvrant une nouvelle voie. Et nous espérons que nombreux seront ceux qui vont s’y engager avec nous13.

Une véritable rhétorique globale de la conjonction, de la médiation de valeurs, se dessine sur le site de Courbet : un enchantement du produit par association, lié à un discours de véridiction, sur l’être véritable des diamants synthétiques, pour capter la référence à la nature et éviter donc l’opposition avec les diamants de mine : « les mêmes forces que celles des entrailles de la Terre », « véritables diamants », « mêmes qualités joaillières ». Courbet propose un équilibre entre la différence du diamant synthétique et sa continuité de valeur et de statut avec le diamant de mine.

Note de bas de page 14 :

En observant la même page en mai 2023, nous trouvons un astérisque à coté de chaque occurrence de l’expression « diamant synthétique », qui exprime le même combat : « L’appellation “diamant de synthèse” peut induire en erreur car, dans notre imaginaire, le synthétique est facilement associé à l’artificiel. Pourtant, dans le cas du diamant de laboratoire, des conditions de formation différentes permettent un résultat égal, tant par ses propriétés optiques que physiques ; l’impact écologique en moins. La terminologie imposée ne reflète pas la juste valeur des diamants cultivés grâce au génie humain : cet astérisque vert symbolise le combat pour l’acceptation d’un nom plus juste ».

Nous pensons que le terme diamant de culture est celui qui décrit le mieux le processus de fabrication de ces pierres. Nous espérons donc que la législation évoluera, comme cela fut le cas dans le passé pour le marché des perles naturelles par exemple14.

La dénomination « de culture » est opposée à celle « de synthèse », d’ailleurs considérée comme incorrecte scientifiquement (vu qu’il ne s’agit pas d’une synthèse de différents éléments). La lutte lexicale et légale fait surface sur cette page, où on rappelle que les États-Unis ont abandonné l’expression « synthétique » pour utiliser celles de « diamant créé en laboratoire » ou « diamant de culture ». Le décret français n° 2002-65 du 14 janvier 2002 établit que « l’emploi des termes : “élevé”, “cultivé”, “de culture”, “vrai”, “précieux”, “fin”, “véritable”, “naturel” est interdit pour désigner les produits énumérés au présent Article ». Cette situation se révèle clairement inconfortable pour le diamant de laboratoire.

L’enjeu est évidemment d’éliminer les marques de différence négative, la hiérarchie entre diamants « naturels » et « de synthèse ». L’adjectif « naturel », comme d’ailleurs son opposé « artificiel », n’est même pas utilisé, mais l’enjeu est clairement d’éviter les connotations négatives et d’infériorité d’un diamant produit en laboratoire.

Le diamant de synthèse est en même temps montré comme identique dans ses caractères au diamant de mine, mais aussi différent (« alter/native », moins polluant). L’équilibre entre différence et identité est constant : « nous pensons que les diamants synthétiques portent en eux une autre magie, fruit de la science et de la technologie », mais en même temps « Nos diamants naissent des mêmes forces que celles des entrailles de la Terre », sans oublier le « savoir-faire » humain de la maison, qui reste celui de la mythique place Vendôme (avec des vidéos et des photos en gros plan sur les doigts et les outils des artisans qui travaillent les joyaux).

La polyphonie de ces discours de Courbet est évidente. Ils entrent en effet en résonance et en opposition avec une série de thèmes qui circulent dans la communication et les discursivités qui défendent la séparation entre diamants de synthèse et de mine. Une vidéo sur le site de De Beers, le principal producteur de diamants au monde, montre un exemple clair de cette intertextualité. Le texte prononcé par deux responsables de l’entreprise commence par affirmer que

Note de bas de page 15 :

https://www.debeers.fr/fr-fr/a-diamonds-journey.html, actuellement indisponible sur le site.

les diamants naturels – contrairement aux diamants de synthèse crées en laboratoire – sont uniques. Il n’y en a pas deux qui se ressemblent. C’est parce que chacun d’entre eux retrace un voyage extraordinaire du plus profond de la terre, sur des millions d’années15.

La page sur « la différence des diamants naturels » ne fait que confirmer ce discours, en intégrant le thème de l’ancienneté du diamant de mine avec celui de l’engagement de De Beers pour les populations locales :

Note de bas de page 16 :

https://www.debeers.fr/fr-fr/natural-diamonds.html

Les diamants naturels sont l’un des plus anciens et rares trésors offerts par la nature. Ils se sont formés dans le manteau terrestre, dans des conditions de température et de pression extrêmes, il y a entre 720 millions et 3,5 milliards d’années. Ils sont donc plus vieux que certaines étoiles. Ils existent toutefois en quantité limitée, plus particulièrement les gros diamants. La quantité annuelle de diamants d’un poids supérieur à cinq carats extraite au cours d’une année remplirait un ballon de basket. Intrinsèquement rare et précieux, mais aussi éternel, un diamant est un symbole exceptionnel qui accompagne les moments les plus importants d’une vie.
Les diamants naturels représentent bien plus. L’industrie du diamant naturel génère chaque année 16 milliards de dollars de bénéfices socio-économiques et environnementaux, dont 60 % sont conservés localement et bénéficient directement et indirectement aux communautés locales.
[…]
Les diamants élaborés en laboratoire sont pour leur part fabriqués en usine, généralement en quelques semaines. Étant produits en masse et par lots, ils ne sont ni rares ni uniques, et sont dénués de la valeur durable des diamants naturels. Même si les diamants synthétiques ressemblent à s’y méprendre à des diamants naturels, ils présentent des schémas de croissance caractéristiques qui permettent à des gemmologistes formés munis d’outils sophistiqués de les identifier16.

Le texte n’hésite pas à énumérer les kilomètres de routes construites par De Beers au Botswana, ou le nombre d’écoles. Voici l’exact opposé de la stratégie de Courbet : marquer une séparation, créer une altérité (« othering ») hiérarchique entre le naturel (terme ici en évidence, mais absent chez Courbet) et le synthétique. De façon presque stylisée, le temps long s’oppose au court, la rareté et unicité à la banalité de la masse. Sur le plan de la véridiction, le diamant synthétique est du côté du mensonge (apparaître un vrai diamant, « à s’y méprendre », mais ne pas l’être). Une véritable opération de « destruction de valeur ».

Note de bas de page 17 :

https://www.courbet.com/page/courbet-histoire

Note de bas de page 18 :

https://www.youtube.com/watch ?v =0rGuN25n7LI

C’est à ce type de discours que Courbet réagit avec sa stratégie de véridiction (pour rappel : « en véritables diamants / Ils possèdent les mêmes qualités joaillières
Composition et structure / Éclat, transparence et pureté »17). Pour Courbet, les diamants de synthèse sont des vrais diamants avec les mêmes caractères perceptibles, malgré une origine artificielle ; pour De Beers, par contre, la distinction s’opère par l’accent sur l’histoire, la genèse et l’unicité de chaque exemplaire. Si Courbet unit le paraître et l’être, la vidéo de De Beers les sépare : le diamant de synthèse semble un diamant naturel mais ne l’est pas. Cette séparation est exprimée clairement (avec un discours aux échos philosophiques, ontologiques) par un expert diamantaire d’Anvers, interrogé par la chaîne française France 2 comme illustration de l’opinion « de la profession » : « la valeur d’un objet ce n’est pas de quoi il a l’air, mais c’est qu’il est, ce qu’il y a derrière son histoire. Le diamant synthétique a été créé par la machine, sur instruction d’un être humain, et l’autre a été créé par la nature »18.

La différence narrative non apparente s’oppose donc à l’union d’être et de paraître : le paraître diamant est séparé de l’être, l’identité narrative devient déterminante pour soutenir la hiérarchie au-delà des apparences. Par ailleurs, De Beers évoque un imaginaire d’enchantement naturel du diamant sur le temps long et dans une hétérotopie naturelle (le plus profond de la terre, des millions et même des milliards d’année d’existence), là où Courbet évoque les formes de la nature, certes, mais en union à un discours d’innovation, du « diamant de demain », en suivant une approche où la nature est source d’inspiration pour la « magie » de la technique et du savoir-faire humain.

Dans l’univers de l’entreprise De Beers, la position du diamant de synthèse est différente, comme nous l’avons vu par rapport à Lightbox. Le discours global de cette marque du groupe De Beers est focalisé sur ce que la sémiotique tensive appellerait une logique typique des valeurs d’univers, d’extension maximale (Zilberberg 2012), couplée avec une logique temporelle de progrès incessant :

Note de bas de page 19 :

https://lightboxjewelry.com/pages/about-us, notre traduction.

Notre mission est de rendre l’éclat d’un diamant accessible à un plus grand nombre de personnes, plus souvent. Nous innovons constamment dans notre technologie de pointe afin de créer des pierres de laboratoire plus grosses, plus performantes et plus accessibles en termes de prix19.

Note de bas de page 20 :

“Laboratory grown diamonds share an identical chemical make up to natural diamonds, both consisting of pure carbon in a cubic crystalline form. The difference between lab-grown diamonds and natural diamonds is how they are formed. Natural diamonds form below the surface of the earth over millions of years, whereas lab-grown diamonds can be created in a lab over a period of a few weeks. Lightbox diamonds are grown to match the chemical properties of a natural diamond and the finished stone is optically identical. You can find more details on how they’re made below”.

Note de bas de page 21 :

“Diamond simulants and lab-created diamonds often get mixed up, but they’re completely different. A diamond simulant is not a diamond at all, because the chemical properties are completely different. They can be made out of anything from glass to cubic zirconia. While they may look similar at first, diamond simulants aren’t as hard and don’t have the same optical properties as diamonds, so they’ll show signs of wear and won’t be as sparkly”.

La différence – de nature narrative et thématique (son origine), mais non chimique ni visible – par rapport au diamant de mine est énoncée, pour créer un terme complexe d’identité et de différence20. Par contre, la marque cherche clairement à distinguer le diamant de laboratoire des imitations du diamant (zircone, moissanite, saphir blanc), en identifiant des différences figuratives et thématiques (mais aussi narratives et axiologiques) visibles (luminosité) et invisibles (caractères physiques, usure)21. Ceci n’est pas le cas de Courbet, qui choisit ainsi d’abandonner un discours de type pédagogique (et choisit de ne pas trop parler non plus de prix et d’accessibilité, sinon de façon très limitée), en évitant d’évoquer ensemble le diamant de synthèse et ses imitations, pour se focaliser sur l’excellence, l’innovation, le lien avec l’esprit de la place Vendôme. Ici on voit clairement la différence de positionnement dans la hiérarchie de prix (luxe très accessible vs. luxe plus exclusif), et l’apparition par absence d’une politique de séparation, de « tri », qui s’unit à une opération opposée de mélange (entre diamant de mine et diamant de laboratoire) pour permettre in fine d’intégrer le diamant de laboratoire dans l’espace des valeurs « d’absolu » (Zilberberg 2012).

L’exploration pourrait continuer, mais les éléments identifiés permettent d’arriver à quelques conclusions concernant la mise en scène du diamant de synthèse, et notamment sa relation avec la prise de responsabilité écologique des producteurs. Des conclusions qui constituent aussi des hypothèses pour des recherches futures.

7. Conclusions : un idiolecte du diamant de synthèse écologique

Nous organisons ces conclusions en plusieurs points, pour identifier une série de caractères du discours sémiotique du diamant écologique de synthèse de Courbet et de De Beers, sur le fond des discours concernant le diamant de mine.

Un premier point concerne l’utilisation de la textualité numérique et la mobilisation des « standards web », l’ensemble de normes qui définissent la construction discursive sur le web (Cosenza 2015). Nous avons observé dans le cas de Courbet le plein respect des standards visuels, une véritable prudence esthétique : une structure des sites et des pages absolument usuelle (par exemple, le positionnement des liens en haut et en bas et du logo en haut au centre ou à gauche, la structuration par grille modulaire qui alterne textes courts et images ou vidéos). La différence presque révolutionnaire par rapport à la place Vendôme (la différence valorisante introduite dans le monde de la grande joaillerie française) proposée par Courbet s’affirme dans le discours, sans se traduire sur le plan visuel. Les exigences de lisibilité et accessibilité sont évidemment très fortes, le web est un espace très normé sur le plan esthétique, pour une entreprise marchande.

Si on regarde Courbet en perspective par rapport à Litghbox et à De Beers (en tant que marque de diamants de mine), on observe bien le jeu des positionnements par rapport à l’axe qui va des imitations du diamant, via le diamant de synthèse, jusqu’au diamant de mine. Courbert exclut la comparaison avec les imitations de diamants, pour se focaliser sur l’effort véridictoire d’identification du diamant de synthèse comme vrai diamant, et pour le valoriser par rapport aux diamants de mine. Le public visé de Courbet n’a visiblement pas le même profil que celui de Lightbox, pour lequel au contraire il faut baliser l’ensemble du champ sémantique (distinction radicale entre diamant de synthèse et imitation, et constitution d’un terme complexe d’identité et différence par rapport au diamant de mine). Le diamant synthétique de Lightbox est valorisé dans sa différence complémentaire par rapport au diamant de mine, et n’entre pas en compétition en tant que produit plus populaire ; Courbet par contre veut occuper la même place sémantique du diamant de mine.

Nous avons observé l’apparition de luttes terminologiques autour du statut du diamant de synthèse, tout en n’entrant pas directement dans la dimension juridique de ces luttes. Les deux stratégies opposées sont l’« othering » (disjonction) du diamant de laboratoire, d’un côté, et la légitimation via le renforcement de la conjonction avec le diamant de mine, et même le fait de dépasser ce dernier grâce justement à l’éthique, de l’autre. Le diamant de synthèse présente une condition sémantique ambiguë (ni totalement identique, ni totalement différent par rapport au diamant de mine) qui se prête à des opérations rhétoriques différentes, voire opposées. Ces opérations mobilisent le niveau lexical (laboratoire ou synthèse, mine ou « naturel »), narratif et thématique (le récit de la naissance du diamant de mine sur des millions ou milliards d’années, la « magie » de la technologie et le savoir-faire intact de la place Vendôme). Sur un plan tensif, comme rappelé, Courbet opère une forme de « mélange » avec le diamant de mine, et exclut totalement de son champ discursif les imitations du diamant (une sorte de tri implicite). De leur côté, De Beers et Lightbox opèrent un tri radical entre diamant de mine et de laboratoire, mais aussi un tri explicite entre imitations du diamant et diamant de laboratoire, pour ouvrir un chemin à ce dernier. De cette façon, en effet, le diamant de laboratoire obtient un marché intermédiaire entre imitations et diamant de mine, caractérisé par une ouverture universelle du luxe (« rendre l’éclat d’un diamant accessible à un plus grand nombre de personnes, plus souvent », voir supra). La lutte autour de l’accès à l’espace « sacralisé » de l’excellence (celui typique du luxe, Fontanille 2007) est donc évidente : le diamant de laboratoire peut accéder aux valeurs d’absolu (Zilberberg 2012) dans un cas, mais pas dans l’autre.

Note de bas de page 22 :

Ceci n’exclut en rien évidemment la réalité des engagements et des acquis RSE de l’entreprise concernée : notre article ne propose pas une évaluation des engagements réels des marques analysées, ce qui demanderait un autre type d’analyse.

Concernant la prise de responsabilité (RSE), Coubert construit un discours de marque qui concilie et combine strictement les valeurs hédonistes-ludiques et celles de la responsabilité, dans un projet d’harmonie globale (« sans le bien le beau n’est rien »), qui nous rappelle l’hybridation de responsabilité et rentabilité de certaines « banques éthiques » (Catellani & Errecart 2021), ou de producteurs de vêtement de la « slow fashion ». Le diamant de culture, dit « synthétique » seulement par obligation de loi, devient intrinsèquement beau et responsable. La prise de responsabilité est lisible aussi dans le cas de De Beers et Lightbox, mais sans occuper une place centrale dans l’identité de marque : c’est la différence entre une identité discursive intrinsèquement écologique, comme dans le cas de Courbet, et une caractérisation écologique ajoutée à une identité préexistante, comme dans le cas de De Beers22.

Nous avons aussi observé la différence entre les deux types de discours de prise de responsabilité d’un point de vue tensif. Celui de Courbet est plutôt de type qualitatif et non chiffré. Celui du groupe De Beers et de Lightbox est plus classique, basé sur des objectifs, des acquis, des projets et des chiffres. C’est comme si l’identité écologique de Coubert était au-delà d’une logique quantitative, rationnelle : une rhétorique de l’identité plus qualitative que quantitative, plus fondée sur l’éclat (terme utilisé par Zilberberg 2012 pour identifier le propre de l’intensité) que sur l’accumulation de « preuves », de résultats chiffrés et de confirmations externes.

De ce point de vue, on pourrait constituer un schéma tensif, en utilisant comme axe intensif celui de l’éclat d’une identité éthique, l’intensité (énoncée), la « tonicité » plus ou moins forte (pour reprendre la catégorie de Zilberberg) de sa valeur éthique. Sur l’axe de l’extensité, nous trouverions alors la quantification et le comptage des actions, la liste des projets et des engagements ou des accomplissements, et donc l’étendue de l’engagement dans l’espace et dans le temps. Comme illustré par la figure 1, Courbet serait alors à positionner dans un espace d’intensité élevée et d’extensité basse. Le positionnement de De Beers et Lightbox serait alors plutôt celui d’une extensité plus élevée et d’une intensité moindre. Nous proposons ce positionnement comme hypothèse (à approfondir et à confirmer dans le temps et par rapport à d’autres supports de communication) de lecture globale de notre corpus du point de vue de la mise en scène de la responsabilité éthique.

Fig. 1. Positionnement tensif par rapport au discours de responsabilité

Fig. 1. Positionnement tensif par rapport au discours de responsabilité

Les deux configurations tensives, et globalement les deux positionnements discursifs sur l’éthique d’entreprise, peuvent avoir leur place sur le chemin de l’évolution technologique et écologique inévitable de la joaillerie. Cela nous rappelle la situation du vin écologique, où la logique plus extensive et normée du vin « biologique » (lié à un dispositif légal de l’Union Européenne) se distingue de la logique plus intensive, identitaire et « absolutiste ») du vin « nature » ou naturel, qui tend à échapper aux labélisations (voir Catellani 2015). Le premier type de vin apparaissait ainsi plus lié à un dispositif de frontières et de cadres, tandis que le vin nature semblait plus proche d’une logique de tension vers un idéal de pureté sans limites. Une macro-opposition entre responsabilité par norme, accumulation et garantie, d’un côté, et par éclat d’une identité « exceptionnelle », de l’autre, semble se dessiner aussi pour les diamants et leur engagement.

L’étude doit se poursuivre sur d’autres cas, pour continuer l’exploration des tensions dans la communication de l’industrie diamantaire et la joaillerie en général, en comparaison avec d’autres secteurs du monde du luxe. Le marbre et autres pierres naturelles, avec leurs correspondants de synthèse, constituent dans ce cadre un exemple intéressant. Il serait aussi possible d’observer l’évolution diachronique de cette communication, pour voir comment le diamant de synthèse et ses acteurs se positionnent dans le temps, dans un contexte marqué par la pression à plus de durabilité. Les résultats des approches de nature sémiotique peuvent aussi entrer en dialogue avec les pratiques scientifiques de type ethnographique et sociologique, concernant par exemple l’observation des interactions avec les clients dans les boutiques, où les valorisations des objets de luxe et leurs paradoxes deviennent visibles (voir par ex. Teil & Assouly 2004). Les discours corporate ici analysés et les configurations sémiotiques observées peuvent alors entrer en résonance avec d’autres discours et d’autres lieux de construction et négociation des valeurs et des identités, pour enrichir le portrait de la vie sociale et culturelle des diamants. Pour l’instant, les traits observés définissent les contours d’un environnement discursif spécifique, où différents acteurs gèrent rhétoriquement les grandeurs discursives pour se positionner et se valoriser.