Médiatisation et métamorphose dans la culture musicale. Des jams de jazz aux jams de black music à Buenos Aires Mediatization and metamorphosis in musical culture. From jazz jams to black music jams in Buenos Aires
Emiliano Vargas
Doctorant DISCUI – UNIURB
L'article décrit les caractéristiques du processus de métamorphose de l'identité de la jam session en tant que forme de vie dans la sémiosphère en se basant sur l'étude d'un circuit de jam de black music situé dans la ville de Buenos Aires. L'article rend compte des changements dans la dynamique de la médiatization dus à la transition numérique et de certaines de ses conséquences au niveau culturel. L'hypothèse suggère que les possibilités d'interaction offertes par la transition numérique affectent les affordances musicales qui constituent le type de performance des formes de vie étudiées. L'analyse se déroule en deux phases. Dans un premier temps, elle aborde la médiatisation des playlists numériques et leurs effets sur le type de performances proposées par les jams sessions étudiées. Le second moment analyse les transformations médiatiques des profils Instagram pendant la pandémie dans une perspective synchronique.
The article describes hallmarks in the process of metamorphosis of jam session’s identity as a form of life in the semiosphere, based on the study of a black music jam circuit located in the city of Buenos Aires. The article reports on changes in the dynamics of mediatization due to the digital transition and some of its consequences at the cultural level. The hypothesis suggests that the possibilities of interaction offered by digital transition affect the musical affordances that constitute the type of performance of the forms of life studied. The analysis is conducted in two stages. The first deals with the mediatization of digital playlists and their effects on the type of performances offered by the jam sessions studied. The second moment analyzes the media transformations of Instagram profiles during the pandemic from a synchronic perspective.
Index
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Mots-clés : formes de vie, identité, jams sessions, médiatisation, métamorphose
Keywords : identity, jams sessions, life forms, mediatization, metamorphoses
1. Introduction
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Par exemple, le JITMICICLO, qui a lieu dans la ville de La Plata, dans la province de Buenos Aires, o les fêtes de Mondongas et les séances de Skill qui ont eu lieu entre Ciudadela et Ramos Mejía jusqu'au début de la pandémie.
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Les links suivants permettent d'accéder aux profils d'instagram de certains des jams les plus remarquables du circuit. Afromama : https://www.instagram.com/afromamajams/ / Jamclub : https://www.instagram.com/jamclubba/ / Motherfunkerjam : https://www.instagram.com/motherfunker.jam/
Les Jams de Black Music (JBMs) sont des collectifs culturels qui constituent un circuit musical en expansion dans la ville de Buenos Aires et dans divers quartiers de l'ouest et du sud de l'agglomération1. Avec des niveaux de développement et de popularité variables, ils réalisent périodiquement des performances en direct et maintiennent une vie en ligne active.2
Les performances des JBMs sont basées sur l'exécution - par des musiciens en direct ou par des DJ - de musiques appartenant à la sémiosphère de la black music (Lotman 1998 ; Marino 2020). Si le blues et le jazz constituent le cœur du système, d'autres microsystèmes tels que le funk, la néo-soul, le disco, le hip-hop ou la trap se configurent autour, s'approchant des marges avec différents degrés de cristallisation et/ou de liquidité (Vargas 2020).
Des articles publiés précédemment décrivent des utilisations spécifiques de la plateforme Spotify et son influence sur le développement des mécanismes de préservation et d'oubli de la sémiosphère, transformant le patrimoine culturel de la diaspora africaine dans un contexte spécifique, et générant de nouveaux textes aux caractéristiques différentes (Vargas 2021).
L'hypothèse de ce travail suggère que la médiatisation numérique génère une métamorphose de l'identité des jams sessions. De l'émergence de formes de vie musicale où le signifiant jam session est maintenu mais où le sens est transformé en conséquence des affordances médiatiques et musicales qui caractérisent chaque moment historique.
C'est-à-dire qu'au sein du circuit étudié, les possibilités interactives offertes par les affordances médiatiques de la transition numérique génèrent des changements dans les affordances musicales, maintenant le signifiant jam session mais provoquant une métamorphose de son sens, et reconfigurant les notions de capital et de doxa dans le circuit (Ricoeur 1992 ; Bordron 2009 ; Fölsche 2022).
Le travail combine une analyse de la socio-sémiotique des médiatizations (Fernández 2021) avec une sémiotique métabletique, c'est-à-dire une proposition sémiotique pour l'étude des processus de métamorphoses dans la culture, dont les manifestations sont analysées à partir de la description de leurs processus métadiscursifs (Leone à Colais-Blaise 2009).
Il convient de noter que l'étude des métamorphoses et des processus d'hybridation culturelle à l'ère numérique constitue un domaine d'intérêt, tant pour le champ de la sémiotique, l'ensemble des études sur les médias (Colas Blaise & Beyaert-Geslin 2009 ; Hjarvard & Petersen 2013 ; Scolari & Rapa 2019). Mais aussi dans le domaine de l'ethnomusicologie, où des études traitent des croisements entre les pratiques musicales et les nouvelles technologies (Wilf 2012 ; 2023 ; Taylor, 2014) et où la nécessité d'accroître le franchissement des frontières disciplinaires pour l'étude de l'improvisation musicale est également soulignée (Duranti & McCoy 2020).
Pour rendre compte des transformations, il est utile de partir de la notion d'identité narrative de Paul Ricœur (1992) et de la proposition de Jean-François Bordron dans son ouvrage Métamorphoses et identités (2009), où l'auteur traite des comportements morphologiques dans les processus de transformation culturelle. En d'autres termes, il s'agit de mutations dans lesquelles des entités perdent leurs aspects originels pour donner naissance à des formes nouvelles et généralement imprévisibles (Bordron à Colas Blaise & Beyaert-Geslin 2009).
Bordron soulève la nécessité de générer des questions qui traitent des éléments implicites et spécifiques d'une métamorphose, ainsi que de perspectives descriptives. À cette fin, il propose de détecter les éléments impliqués dans une métamorphose, en décrivant comment ou lesquels de ces éléments conçoivent le support identitaire des JBMs dans une trajectoire temporelle. L'auteur propose différents registres d'identité pour comprendre un type de métamorphose qui, à son tour, fluctue dans une perspective diachronique dans des « logiques évolutives ou stationnaires » (Bordron à Colais Blaise 2009 : 52-53).
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Une identité catégorielle, c'est-à-dire travaillée avec des définitions qui peuvent avoir différents niveaux de généralité et qui sont donc ramifiables (ii) Une identité symbolique : le concept de Jam Session vaut comme symbole unificateur de la sémiosphère dans des contextes spécifiques.
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Une identité qualitative qui prend en compte les qualités ou propriétés sensibles et saillantes dans une circonstance donnée, les formes et modes de production textuelle.
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Une identité méréologique, c'est-à-dire qui prend en compte les relations entre le tout et les parties et qui, dans notre cas d'analyse, sert à penser l'écosystème des plateformes comme un macro ensemble de singularités garanties par le numérique, qui opèrent dans un processus de métamorphose.
2. Jam Sessions : les affordances médiatiques et les affordances musicales
Dans le domaine de ce texte, nous nous intéressons à l'improvisation musicale en tant que pratique d'interaction sociale (Sparti 2005).
À cet égard, la musicologie et l'ethnomusicologie définissent les jams sessions comme une catégorie qui englobe un type de rencontre entre musiciens et publics circonscrit au domaine du jazz, où la musique est improvisée de manière informelle et « sans plan préconçu » (Nettl & Russell ed. 2004 ; Latham 2017 : 801).
En d'autres termes, les jams sessions sont constituées comme un type spécifique d'improvisation musicale au sein du large spectre de traditions musicales qui assimilent cette pratique.
Les jams sessions forment une partie constitutive de l'identité jazz puisque, comme l'affirme Monson, le cœur du jazz est la musique improvisée. « C'est une forme de composition qui émerge dans l'élan d'un moment où des blocs préexistants sont tissés ensemble en tant que groupe selon des progressions harmoniques et les contributions en temps réel des musiciens du groupe » (Monson à Wilf 2012 : 35).
Les jams sessions ont vu le jour aux États-Unis et, parallèlement à l'expansion mondiale du jazz en tant que genre musical, elles sont apparues à Buenos Aires au milieu du 20e siècle (Corti 2015 : 80).
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Dans son livre Jazz Argentino, la música "negra" en el país "blanco", Benerice Corti raconte les sessions d'improvisation et les débats sur les questions ethniques et identitaires qui ont eu lieu dans des espaces tels que le Bebop et le Hot Club, deux clubs de jazz de la ville de Buenos Aires qui ont vu le jour à la fin des années 1940.
Certains documents témoignent de l'essor d'un circuit de jams sessions de jazz dans la ville de Buenos Aires à partir de la fin des années 1940.3
Ces formes de vie culturelle sont devenues populaires dans le paysage urbain de la ville avec l'essor de la radiodiffusion et de l'industrie phonographique. En d'autres termes, les jams sessions ont existé de manière plus ou moins interstitielle et parallèle à l'éventail des options médiatiques, depuis l'avènement de la fixation du son jusqu'à la médiatisation d'aujourd'hui.
Les modes de production phonographique alors naissants allaient ouvrir un éventail de possibilités de circulation et de distribution de la musique, garantissant, entre autres, le développement de l'industrie du disque et de la radio. Dans ce contexte, il convient de noter que la littérature spécialisée dans l'étude de l'improvisation musicale liée au jazz fait état d'une réduction de quantité de jams sessions dans les circuits urbains. En fait, il existe tout un développement de la pédagogie musicale et de la recherche musicale dans les milieux éducatifs visant à combler cette lacune et à contribuer au soutien et au développement du jazz en tant qu'expression et patrimoine culturel (Wilf 2012 : 33).
De ce point de vue, l'étude des circuits urbains de jams sessions et de leurs transformations devient pertinente.
À cet égard la technologie numérique et l'expansion conséquente de l'ubiquité dans la vie quotidienne génèrent des dynamiques médiatiques dans des interstices jusqu'alors non médiatisées, ce qui se traduit par une série d'affordances qui opèrent dans les modes de vie des JBM étudiée.
2.1. Jams de black musique contemporaine (JBM)
Les jams de black music présentent des caractéristiques qui les différencient des jams de jazz. Par exemple, les JBMs englobent un spectre de genres musicaux plus jeunes appartenant à la demi-sphère de la black music, tels que la néo-soul, le hip hop ou le trap.
En même temps, les JBMs conservent des éléments distinctifs imités de la culture jazz. Par exemple, l'utilisation du signifiant jam session pour désigner un type de performance qui s'est éloigné des performances simpliciter caractéristiques de la culture jazz qui a émergé au milieu du siècle dernier.
Dans le type de performances proposées par les JBMs, l'improvisation musicale a survécu en tant que pratique, mais elle a été confinée à des moments plus courts et, en général, dans le cadre de performances ayant fait l'objet de divers niveaux de préparation préalable.
Les jam sessions de jazz tendent à configurer leur répertoire à partir d'un processus de cristallisation qui commence dans les années 1960 dans des faux livres et dans le vrai livre, d'abord « à partir d'éditions originales, puis photocopiées et enfin dans des fichiers numériques » (Valle 2021 : 309).
Les performances des jams sessions de jazz sont appelées performance simpliciter dans le domaine de la musicologie (López Cano 2018 : 64). Il s'agit d'un type de performance dans lequel chaque interprétation d'une pièce sonore a une valeur esthétique en soi, indépendamment de l'identité de l'œuvre dans le répertoire. L'identité de chaque pièce réside dans ce que nous appelons les standards, c'est-à-dire les versions originales encapsulées sous forme de liste dans les faux livres et le vrai livre, et médiatisées dans diverses matérialités (López Cano 2018 ; Johnson & Havas 2022).
Les répertoires des JBMs ne sont pas basés sur des fake books et realbooks, mais sont construits à partir de playlists listes appartenant à des plateformes numériques. Chaque JBMs développe des playlists avec ses propres caractéristiques stylistiques.
Comme nous pouvons le voir, le remplacement des dispositifs médiatiques (fake books et realbooks au profit de l'utilisation de playlists numériques) est un exemple de la façon dont chaque moment médiatique imprime des conditions interactives particulières qui méritent notre attention, car elles façonnent les pratiques signifiantes qui configurent le type de performance de chaque type de jam session.
En ce sens, les JBMs apparaissent comme des espaces d'explosion culturelle en termes lotmaniens. C'est un point où différentes caractéristiques de la sémiosphère sont métabolisées, englobant des genres musicaux, des pratiques musicales en direct qui incluent l'improvisation instrumentale, le freestyle, les DJs sets en direct, entre autres choses.
Les JBMs sont alors configurés comme des formes de vie musicale caractéristiques de l'époque contemporaine et héritiers de certains des traits qui caractérisent les performances simpliciter propres aux jams sessions de jazz.
Figure 1 : Sédimentation culturelle/médiatique. Des Jams de Jazz aux Jams de Black Music.
Schéma élaboré par l'auteur
Le diagramme expose d'un point de vue diachronique certains changements dans les affordances numériques et affordances musicales entre les deux types de jam sessions. Ce processus génère des dynamiques médiatiques qui affectent la morphologie des performances en direct de différentes manières.
3. Éléments impliqués dans la métamorphose
Un processus de métamorphose évolutive peut se produire soit par la liaison ou l'assemblage de différentes formes ou singularités, soit par un changement de forme per se, dans sa nature ou dans sa structure (Colas-Blaise 2009).
La socio-sémiotique de la médiatization utilise le concept d'affordances ou de pertinences technologiques pour rendre compte de la manière dont les aspects matériels des médias peuvent influencer et/ou co-structurer la représentation symbolique et l'interaction sociale. Si le concept d'affordances de James Gibson (1979) est né dans le domaine de la psychologie de la perception, il a ensuite été introduit dans les études sur la technologie et les médias par Norman (1988) et Hutchby (2001). Le concept intègre également la théorie de la médiatization de (Driessens et. al, 2017 ; Fernández, 2017), partiellement influencée par des apports du domaine de la sémiotique et de la sémiologie (Prieto 1976 ; Volli 2000 ; Windsdor 2013).
Dans cette perspective, nous pouvons comprendre les affordances médiatiques comme l'ensemble des usages potentiels qui facilitent, limitent et structurent la communication et l'action à travers ces médias, au sein desquels nous trouvons des dispositifs techniques, c'est-à-dire des “outils numériques qui génèrent des champs de variation des dimensions dans l'interaction communicationnelle” (Fernández 2017 : 33).
Les affordances, qui sont matériellement ancrées dans les médias ainsi que dans les artefacts technologiques, sont circonscrites par les institutions et sont perceptiblement incarnées par les utilisateurs. L'ensemble des attributs offerts par le concept en fait une proposition utile pour comprendre les éléments impliqués dans la métamorphose.
3.1. Affordances musicales
Différents chercheurs s'accordent à dire que traiter de l'improvisation musicale (IM) comme objet de recherche implique d'accepter la relation indissoluble de la triade composition-performance-improvisation (Benson 2003 : 22 ; Nettl et Russell 1998 : 9).
Bruce Ellis Benson (2003) traite du phénomène de la IM - ou musique extempore - à partir de la philosophie du langage.
L'auteur souligne que l'interprétation d'un morceau de musique peut se situer entre deux idéaux ou pôles qu'il appelle - en citant William Desmond - l'encapsulation, pour faire allusion à l'action de reproduire la musique telle qu'elle est dans sa version cristallisée comme l'original, qu'il s'agisse d'une matérialité écrite ou sonore. Et la participation, où différents types de modifications sont apportés au moment de la performance, qu'il s'agisse d'arrangements préalablement composés ou de musique extempore (Desmond à Benson 2003 : 22).
Benson présente onze typologies d'action dans l'improvisation musicale qui, dans le cadre de cette recherche, ont été retravaillées en six catégories, en éliminant celles qui ne sont applicables qu'à la musique baroque, et en sélectionnant celles qui ont été enregistrées pendant les performances, garantissant la coexistence des langages musicaux de la sémiosphère.
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Selon Reybrouck, les activités corporelles qui peuvent être considérées comme des affordances de la musique sont : les actions de production du son elles-mêmes, les effets de ces actions, la possibilité d'imaginer l'affichage du son comme une sorte de mouvement à travers le temps, la simulation mentale de ce mouvement en termes d'imagerie corporelle, et les mouvements qui peuvent être induits par les sons (2001 : 599-633).
Leur reconnaissance permet une description plus ordonnée de la métamorphose au sein de la performance car elle permet de catégoriser les ressources utilisées pour les variations rythmiques, harmoniques et mélodiques qui fluctuent entre la version encapsulée du répertoire et celle interprétée dans la performance, c'est-à-dire une catégorisation des affordances musicales, comprises comme des actions de production sonore et leurs effets (Prieto 1976 ; Winsdor 2004 ; López Cano 2006).4
Sur la base de l'observation des participants, six typologies d'action ont été décrites pour rendre compte des caractéristiques de l'improvisation musicale dans le type de performance des JBMs. Il s'agit d'un ensemble de typologies d'action où la performance « ne dépend pas, ou seulement partiellement, de l'utilisation de la partition ».
Leur reconnaissance permet une description plus détaillée des ressources utilisées pour les variations entre les idéaux d'encapsulation et de participation, mais ouvre également des perspectives interprétatives sur le capital symbolique des JBMs (Benson, 2003 ; Nettl et Russell 2004). (i) la ligne mélodique originale est légèrement modifiée, de sorte que le morceau de musique est clairement reconnaissable. (ii) c'est la même chose que A, mais sur un plan harmonique. Les accords sont suffisamment modifiés pour que le morceau sonne différemment de l'original, mais restent suffisamment proches de la version de référence pour que le nouvel accord « s'adapte » à la place de l'accord original. (iii) la ligne mélodique est substantiellement modifiée pour se rapprocher de l'idéal de la participation. Le lien avec la mélodie originale n'est plus totalement perceptible par l'auditeur. (iv) certains accords sont substantiellement modifiés, bien que la structure de base du morceau reste intacte. Il s'agit d'une ressource qui peut être réalisée de manière similaire à la catégorie B, bien qu'avec une plus grande densité, au moyen de substitutions harmoniques qui modifient la perception des mélodies qui sonnent dessus (v) la mélodie est complètement ignorée, remplacée par une mélodie alternative - ou simplement par aucune mélodie discernable - à sa place.
(vi) utilise la partition comme guide - par exemple, un morceau de blues typique à seize mesures - et l'interprète improvise dans ces limites. Il peut n'y avoir aucun lien avec la mélodie originale ou même avec les accords.
Alors que les catégories précédentes ont un certain lien avec la version originale, ici le lien peut être inexistant ou presque, du moins pour l'auditeur. C'est la typologie la moins fréquente dans les JBMs et elle apparaît généralement lorsque des standards appartenant au noyau de la sémiosphère sont exécutés, c'est-à-dire lorsque l'exécution adopte des caractéristiques plus simples.
La gamme d'actions génère des fluctuations entre les pôles d'encapsulation et de participation, ce qui tend le type de performance vers le premier pôle mentionné. C'est-à-dire lorsqu'il y a une tendance à respecter la version utilisée comme référence dans la liste de lecture.
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Le freestyle est une pratique d'improvisation musicale liée au rap. Il s'agit d'une création extemporanée de nature verbale dans laquelle le freestyler exprime ce qu'il voit ou ce qu'il ressent sans perdre le rythme du beat.
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En ce qui concerne le rôle et les caractéristiques du DJ dans la musique électronique et ses liens historiques avec la black music en Argentine, nous recommandons la lecture de Placeres en Movimiento. Cuerpo Música y Baile en la Escena Electrónica de l'auteur Victor Lenarduzzi (2012).
En plus des types de version décrits ci-dessus, il existe l'enregistrement sporadique du freestyle5, bien que ce ne soit pas selon la modalité des batailles de freestyle (Vega 2020 : 67), mais plutôt comme une ressource qui apparaît fusionnée dans l'interprétation d'un texte sonore. On remarque également la figure du DJ, qui récupère des caractéristiques de la musique électronique, comme la disposition de la cabine6 à un endroit pertinent dans la distribution de l'espace physique où se déroule l'événement, et à partir duquel la musique est diffusée par la combinaison de vinyles avec des plateaux numériques, en utilisant des logiciels VST et en hybridant des outils et des sonorités analogiques et numériques.
La fluctuation entre les catégories d'action décrites ci-dessus s'accompagne d'une réduction du temps consacré à l'exécution de la musique extempore par comparaison avec l'performance simpliciter qui caractérise les jam sessions de jazz.
3.2. Affordances médiatiques
Le type d'performance du JBMs se caractérise par la reproduction des versions originales, limitant l'improvisation à de petits segments de solos instrumentaux au moment de l'interprétation. Le répertoire du JBMs est constitué de phonogrammes encapsulés dans des playlists sur Spotify.
Les conditions interactives de la plateforme offrent la possibilité d'élaborer des répertoires omniprésents, non seulement à partir de morceaux appartenant à des représentants établis de la sémiosphère, mais aussi à partir de l'assimilation de phonogrammes appartenant à des musiciens qui font partie du circuit des jams sessions dans la ville. De cette manière, les JBMs sont configurés comme un type de jam session qui détient un capital médiatique qui n'existait pas dans les moments médiatiques précédents.
Pour rendre compte du type d'interprétation des pièces originales interprétées dans les JBMs, nous nous tournons vers les notions développées par le musicologue Rubén López Cano (2018), qui distingue cover ; covering - interprétation mineure et interprétation majeure ; et parallel song pour rendre compte des nuances de l'étude du versioning en tant que phénomène dans la musique populaire (208-210).
La définition de l'auteur est utile pour rendre compte du type d'interprétation qui est généralement faite et des paramètres qui varient au sein des performances.
Ce qu'il est intéressant de noter pour l'instant, c'est que ces caractéristiques montrent que la notion de performance décrite jusqu'à présent s'éloigne de la notion de performance simpliciter appartenant à la culture du jazz.
Les listes de lecture Spotify sont constituées d'une accumulation de phonogrammes sélectionnés par l'utilisateur, en l'occurrence les profils d'utilisateurs des Jam Sessions. Il s'agit de listes de lecture éditées par les JBMs, auxquelles tout utilisateur de la plateforme a accès.
Les JBMs créent des playlists par le biais de leurs profils en ligne, et partagent un macrocosme de genre stylistique : un paysage sonore de textes appartenant à la sémiosphère alors qu'en parallèle, chaque JBMs maintient un style individuel qui le caractérise (Vargas 2020). Les playlists JBMs ont une triple fonction : la fruition garantie par l'écoute en contexte ubiquitaire ; la fonction de répertoire pour les musiciens participant à la performance ; la fonction d'édition et la circulation de nouveaux textes phonographiques. Comme décrit dans les travaux précédents, les playlists fonctionnent comme un espace où certaines des JBMs les plus développées du circuit produisent et éditent du matériel discographique de certains des musiciens qui y participent régulièrement. Ce processus augmente le nombre d'auditeurs que l'artiste acquiert pour lui-même, générant un type spécifique de capital médiatique. En tant qu'usage social et pratique discursive, le processus décrit ci-dessus déplace l'usage des fake books et du the real book, jusqu'alors les dispositifs qui étaient les organisateurs du répertoire, puisqu'ils encapsulent les standards interprétés dans les jams de jazz.
Le processus d'interaction entre le répertoire et les performances dans les conditions interactives des playlists génère un flux qui se réalimente entre les musiciens et un ensemble de genres de la sémiosphère de la black music, intégrant mais élargissant les marges du langage du jazz.
Le graphique suivant représente la dynamique de médiatization entre les affordances médiatiques, dans ce cas les playlists Spotify, leur impact sur les affordances musicales des JBMs au moment de la performance et le rétro-alimentation enregistré lorsque la playlist assimile les textes sonores des musiciens participants.
En d'autres termes, le processus de circulation du texte sonore pendant la performance est décrit, suivi de son encapsulation et de sa cristallisation sur la plateforme.
Les catégories d'action permettent de rendre compte du type d'interactions extempore entre les musiciens, qui sont réduites à des segments courts et planifiés dans le cadre d'un type de performance qui met l'accent sur l'exécution des versions incluses dans les playlists, avec des modifications préalablement préparées.
Figure 2 : rétro-alimentation affordances médiatiques et musicales. Schéma élaboré par l'auteur.
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Un exemple clair est l'utilisation de l’échelle pentatonique mineure comme structure sonore à partir de laquelle des formes expressives sont construites dans des genres tels que le blues, le funk ou même la soul.
Le nombre de participants et les compétences requises sont plus variés et plus hétérogènes que dans les jam sessions de jazz. Les JBMs ont tendance à s'ouvrir à des langages présentant un plus grand degré de minimalisme et d'économie de moyens techniques par rapport au langage du jazz. Un exemple clair est le rap ou les langages musicaux typiques de la musique populaire du XXe siècle, telles que les mélodies structurées à partir d'échelles musicales diatoniques, très présentes dans la black music.7
Ainsi, se cristallise un schéma qui a considérablement muté par rapport au modèle de performance simpliciter prédominant dans les jams sessions de jazz, où le répertoire est composé de standards à partir desquels une conversation éminemment instrumentale est générée dans un langage spécifique. Mais les JBMs diffèrent également d'autres phénomènes de chant, comme le freestyle.
Bien que l'interprétation de la musique extempore soit réduite à de petits segments au sein des morceaux interprétés, les jams sessions de black music étudiées construisent leur identité sur la base du signifiant jam session.
Mais si nous voulons être sémantiquement rigoureux, il est nécessaire de souligner que la notion de jam session est née pour rendre compte d'un type de session musicale en direct circonscrite au domaine du jazz, où l'improvisation musicale assume un rôle plus prédominant dans la performance dans son ensemble, ainsi qu'une partie intégrante et constitutive du langage du jazz.
Dans la notion « classique » de jam session, l'utilisation de partitions - sans être une règle indispensable - constitue une médiation plus ou moins habituelle au sein d'un écosystème où le répertoire est principalement configuré sur la base de l'utilisation de real books.
Alors que dans les Black Music Jams (JBMs), l'usage des partitions et real books disparaît complètement.
La médiatization numérique introduit l'utilisation de playlists interactives où les playlists sont faites avec une nette prédominance du format chanson. L'utilisation de listes de reproduction pour la création des répertoires des jams sessions met en évidence des attributs interactifs qui méritent l'attention parce qu'ils ont un impact sur les afforfances musicales.
En d'autres termes, en observant certaines différences entre la notion classique et la notion étudiée, il est possible d'affirmer qu'il existe un écart entre le signifiant et le signifié dans les deux types de jam session. Un processus de transition dans le sens de l'introduction de affordances médiatiques qui modifient les conditions interactives, altèrent la langue et, par conséquent, influant sur la dimension discursive.
4. La métamorphose des médias au moment de la pandémie
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Les dispositifs techniques impliqués dans le travail sont Feed, Biography, stories, live, IGTV.
Comme indiqué, la seconde partie de l'analyse se concentre sur les métamorphoses des médias résultant de la quarantaine obligatoire due au virus covid-19 sur la plateforme Instagram.8
Afin de contextualiser la description du processus, trois moments – prépandémique, pandémique et postpandémique – sont considérés. Il convient toutefois de noter que l'analyse se concentre sur les transformations diachroniques appartenant à la période de pandémie sur Instagram.
4.1. Variations de l'ensemble des possibilités offertes par l'utilisation de dispositifs techniques
Afin de comprendre la matérialité des transformations générées, il est nécessaire de faire une première description générale de l'utilisation des dispositifs techniques pendant la période prépandémique.
En ce sens, nous soulignons la production discursive réalisée à travers des dispositifs qui opèrent avec des intervalles spatio-temporels différés et l'utilisation de stratégies visuelles à travers des vidéos dans les récits, dans lesquels des fragments d’événements en direct ont été montrés, soit édités par les JBMs, soit présentés à travers la compilation de vidéos publiées dans les récits de leurs followers (Vargas, 2020b).
Pendant la période prépandémique, Instagram a fonctionné comme une plateforme au sein de l'écosystème médiatique dans lequel la circulation d'informations utiles concernant la promotion d'événements en direct était garantie.
Les messages affichent une série de stratégies rhétoriques visant à obtenir un résultat visuel. Cet aspect modélise une médiatization prépandémique caractérisée par des affordances orientées vers la segmentation temporelle, comme l'utilisation de filtres, de plans et d'applications de conception graphique pour éditer les fichiers publiés.
Au moment de la prépandémie, un trait commun aux JBMs était la production de contenu sous forme de stories, dans lesquelles des récits plus détaillés étaient proposés en plus des enregistrements synthétiques publiés dans le flux après chaque événement.
Figures 3 et 4 : images pré-pandémiques publiées par le Jam Club https://www.instagram.com/jamclubba/
Au fil des semaines passées sous quarantaine obligatoire, les stories au sein d'Instagram ont commencé à fonctionner comme un rappel des moments clés de la trajectoire des espaces. Dans le même temps, d'autres dispositifs, tels que la diffusion en direct, sont passés d'un statut marginal et obsolète à un rôle central dans la couverture de la pandémie.
C'est-à-dire que si, dans un premier temps, la dynamique de la médiatization a garanti des temporalités avec une prédominance de la segmentation temporelle et de l'opacité visuelle, dans un deuxième temps, les intervalles spatio-temporels ont été réduits, et les transmissions en direct ont commencé à proliférer. En résumé, la transparence au-dessus de l'opacité.
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JBM, qui se déroule au centre culturel “Vuela el Pez” à Buenos Aires.
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Les articles précédents donnent un compte rendu détaillé des aspects d'Instagram liés à ce JBM.
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JBM, qui se tenait jusqu'en 2020 dans le centre culturel “921”, situé dans le quartier de Caballito. Jusqu'à présent, elle n'a pas repris ses activités.
En ce sens, la nécessité d'une maturité accélérée dans l'utilisation des plateformes imposée par la fermeture des JBMs a conduit à la paralysie de certaines expériences, comme dans le cas de la Jam de Blues & Roll9, un espace qui a limité sa vie sur Instagram à un contact informatif sur le retour des rencontres offline ; d'autres cas, comme la Skill Sessions10 ou la MotherFunker Jam11 ont commencé à générer des contenus spécifiques pour la plateforme après le deuxième mois de fermeture. Dans le même temps, les JBMs ayant un niveau de développement plus élevé ont montré une proposition interactive plus stable (Vargas 2020a, 2020b).
La dynamique de la médiatization au cours de cette période a absorbé des caractéristiques discursives, en particulier des genres stylistiques, des domaines journalistiques et éducatifs incarnés par des interviews audiovisuelles et des séminaires de production musicale en ligne en tant que ressource permettant de rester en contact avec la collectivité des musiciens et usagers.
Finalement, l'accent a été mis sur la production de contenus visant à remplacer les performances offline par des performances online grâce au dispositif live d'Instagram IGTV. Les DJ et les musiciens qui se produisaient habituellement en direct ont commencé à se produire depuis leur domicile, ainsi que depuis les espaces physiques où les événements avaient lieu pendant la période prépandémique, mais désormais sans public. Contrairement aux performances offline, ce qui caractérise les performances en ligne est le caractère individuel des présentations dans l'espace médiatisé. En adaptant la proposition au format d'un instrument de musique et de la voix, ou dans le cas des interventions des DJ, la transformation réside dans le passage de l'atmosphère festive qui accompagne habituellement leurs interventions à la solitude de leur chambre, ou parfois de l'espace culturel où se déroulaient les rencontres offline, mais désormais vides.
5. Conclusions provisoires
En ce qui concerne l'utilisation des playlists, l'interaction entre les performances et ce type d'affordances génère des dynamiques de médiatization. Elles se traduisent à la fois par un élargissement du genre stylistique du répertoire, dans la mesure où il ne se limite pas au jazz et à la fois par la production de nouveaux textes médiatisés – des remixes par des DJs et de nouveaux textes par les musiciens participant aux événements, lesquels sont parfois produits et édités par les JBMs lui-même.
Le type de performance qui en résulte restreint l'exécution de la musica extempore, c'est-à-dire la performance simpliciter, perdant du terrain face à la plasticité des playlists dans l'organisation quotidienne des musiciens, où elle est même répétée au préalable. Mais il suffit d'être porteur d'un capital parmi les participants.
La dynamique de la médiatization sur Instagram pendant la période de pandémie a conduit à l'assimilation de singularités discursives appartenant à la non-culture. En d'autres termes, les affordances ont généré des conditions pour la mise en œuvre de genres journalistiques et éducatifs incarnés par des interviews audiovisuelles et des séminaires de production musicale en ligne, dans un contexte où la médiatization a perdu de son opacité et où les intervalles de temps ont été réduits, donnant une place de choix au streaming en direct.
La métamorphose de l'identité des JBM se manifeste comme un processus de sédimentation qui laisse des traces pouvant être analysées sur la base du comportement de leurs affordances mediatiques et musicales. Ainsi, les registres identitaires exposés dans la première partie de l'article sont condensés comme suit dans les cas étudiés. Identité catégorielle : L'identification au signifiant Jam Session persiste en termes d'autocommunication, mais il existe une métamorphose dans la dimension du signifié en raison de la transformation de leurs pratiques et de l'intervention des affordances mediatiques numériques, et dans la métabolisation des pratiques discursives non musicales sur Instagram. Identité symbolique : l'identité catégorielle persiste malgré le fait que les pratiques discursives qu'elle contient soient modifiées. Le signifiant jam session perdure en synthétisant un ensemble de pratiques plus variés et plus hétérogènes que celles de son sens originel. Le cœur des espaces continue à être la rencontre face à face entre les musiciens et le public, malgré les modifications mises en œuvre pendant la période pandémique. Identité qualitative : les propriétés sensibles persistent, le spectacle vivant reste l'objet directeur du JBMs à partir duquel la médiatization est sédimentée, malgré le fait que le caractère extempore de la Jam Session disparaisse comme condition nécessaire à son existence et à son fonctionnement.
Identité méréologique : avec le blues, le jazz est l'un des deux genres qui forment le noyau de la sémiosphère. Mais à la différence du blues, le jazz fonctionne comme un genre polyvalent. Il laisse des traces dans les configurations et reconfigurations discursives au sein du circuit.
Il s'agit de processus qui se déroulent sur la base d'assemblages de formes discursives provenant de différents acteurs médiatiques, comme les maisons de disques dans le cas de la dynamique entre performance et playlists, ou, comme dans le cas de l'interview sur Instagram, de formats issus du système des médias de masse et opérationnalisés pour le fonctionnement d'un circuit composé de formes de vie musicale en constante évolution.