Variabilité stationnelle d’humus forestiers non hydromorphes dans la région de Meymac (Corrèze) Variability of forest humus forms in Meymac country (Corrèze, France)
Jean-Pierre Verger
et Askolds VILKS
L’étude et la caractérisation biologique et morphologique des formes d’humus constituent des éléments importants pour la connaissance de l’évolution des écosystèmes forestiers. La composition du couvert forestier influe à court terme sur la nature et la qualité des couches supérieures de l’humus.
Studies of humus forms appear to be important to understand the dynamic of ecosystems and the forest potentiality under different vegetation. The composition of the vegetation and the organic matter rapidly have an influence on the nature and the quality of the upper layers of the organic horizons.
Introduction
Les relations sol-végétation en milieu forestier ou non forestier se font au travers des relevés de végétation et de l’analyse des types de sols qui les supportent. Ces études, surtout centrées sur les connaissances physiques, chimiques, biochimiques des divers horizons composant le sol, attachent moins d’importance aux détails qui régissent la nature, la composition et l’évolution des litières formant la couche holorganique. En conséquence, l’humus reste une composante généralement insuffisamment détaillée pour le non spécialiste dans l’observation des sols. Cette façon de voir tend à se modifier avec les besoins de prise en compte de l’épisolum humifère dans les aménagements ou la protection des milieux naturels (JABIOL et coll., 2005), et l’utilisation, pour la France par exemple, des propositions de typologies harmonisées (JABIOL et coll. 1994, JABIOL et coll., 2007) conduisant à la caractérisation biologique et morphologique des formes d’humus, incluant les divers acteurs biotiques de la transformation des litières.
Nous nous proposons, dans le cadre des activités de la Station Universitaire du Limousin de Meymac (Corrèze), de commencer une série d’observations des humus des milieux forestiers non hydromorphes de la région de Meymac et du plateau de Millevaches.
Pour cette première série d’observations, nous avons choisi de limiter les facteurs de variation en ne retenant que le facteur végétal. Sur le même support géologique et sous des conditions climatiques analogues, nous envisageons d’apprécier le rôle de la nature des retombées biologiques dans l’évolution d’humus forestiers non hydromorphes.
Matériel et méthodes
Le support géologique est présenté à partir de la récente carte géologique du Limousin (et du guide qui l’accompagne) de J.P. FLOC’H et coll. (2009). Toutes nos observations sont situées sur les leucogranites, roche acide qui constitue l’essentiel du grand massif de Millevaches. La composition est assez constante : quartz, feldspath alcalin (orthose ou microcline), plagioclase (albite et ou oligoclase), mica blanc seul ou associé à du mica noir.
Les références climatologiques sont empruntées à la thèse de A. VILKS (1991). Le climat du secteur est caractéristique du climat de la partie occidentale de la Montagne limousine. Il s’agit d’un climat océanique montagnard.
La pluviométrie est importante. Très souvent elle dépasse 1 300 mm voire 1 400 mm par an en moyenne (Bugeat : 1 606 mm, Peyrelevade : 1 362 mm, Millevaches : 1 395 mm, Meymac : 1 263 mm, pour la période 1951-1985). Le régime est typiquement océanique, la période la plus arrosée se situe en hiver et la moins arrosée en été (succession typique Hiver-Automne-Printemps-Eté).
La neige n’est pas rare, bien qu’inconstante. On compte ainsi environ 30 jours de chute de neige par an mais cette dernière reste rarement plus de 8 jours au sol et généralement bien moins.
Les températures sont globalement basses. A Peyrelevade, la température moyenne annuelle est de l’ordre de 7,6°C et on compte environ 130 jours de gelée par an. A Meymac, la température moyenne annuelle se situe vers 8,8° C avec 113 jours de gelée. Dans les bas-fonds tourbeux des alvéoles, les gelées sont importantes et particulièrement précoces. Elles apparaissent souvent dès la deuxième moitié du mois d’août mais certaines années, il peut s’en produire dès le mois de juillet.
A l’altitude du plateau de Millevaches, le plus souvent comprise dans la tranche 700 m - 950 m, le sol climax des milieux de landes et forêts est le podzosol ocrique (sol ocre podzolique) (DEJOU et coll., 1968 et 1969, NYS, 1973). Les forêts, presque toujours de conifères, ont remplacé les landes à bruyères développées sur des podzosols ocriques à horizon humifère épais lié à la litière de callune. Pour chacune de nos observations d’humus, nous avons vérifié la nature du type de sol sans en faire un descriptif complet.
La description des humus, après observations à la loupe, a pour base les travaux de JABIOL et coll. (1994, 2000) et le document élaboré par JABIOL et coll. sur l’Humus 2ème édition (2007). Nous rappelons ci-dessous, brièvement, quelques données de nomenclature pour faciliter la lecture de nos observations sur les humus aux non initiés.
La couche holorganique « O » se scinde en trois horizons :
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un horizon de litière OL lui-même divisé en plusieurs niveaux. Du haut vers le bas, on rencontre un horizon de litière nouvelle, appelé OLn dont les éléments peuvent être brisés mais peu transformés (OLt) ou au contraire plus ou moins dégradés (OLv) , litière vieillie, formée d’éléments, brunis, blanchis, souvent collés les uns aux autres.
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une couche OF, de résidus végétaux fragmentés avec une proportion variable de matière organique fine. L’évolution sous l’action de la macrofaune saprophage des litières conduit à la présence de boulettes fécales (horizon OF zoogène = OFzo). En l’absence d’activité animale, la matière organique fine reste poudreuse (horizon OF non zoogène =OFnoz).
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une couche OH d’humification à matière organique fine très prépondérante, formée de boulettes fécales et/ou de micro débris végétaux transformés et non reconnaissables. C’est la terre de bruyère par son aspect.
L’horizon organo-minéral A, disposé sous la couche organique, n’est abordé que sous son aspect visuel direct : particulaire (meuble ou massif), ou à structure granuleuse construite. Le contexte chimique n’est pas pris en compte.
Le couvert végétal herbacé fait l’objet d’un inventaire systématique avec des relevés effectués selon la méthode phytosociologique classique définie par Braun-Blanquet (1964). Nous n’avons retenu que les ensembles bien délimités quoique formés d’un nombre restreint de taxons (sous résineux), parfois dépourvus de végétaux herbacés (sous hêtraie par exemple).
Le premier chiffre exprime l’abondance-dominance des individus de chaque espèce :
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5 ; recouvrement de 75 % à 100 % ;
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4 : recouvrement de 50 % à 75 % ;
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3 : recouvrement de 25 % à 50 % ;
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2 : recouvrement de 10 % à 25 % ;
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1 : recouvrement de 1 % à 10 % ;
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+ : recouvrement de moins de 1 %.
Le second chiffre matérialise la sociabilité, c’est-à-dire les modalités de répartition des individus de chaque espèce entre eux :
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5 : peuplements denses et régulièrement répartis ;
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4 : groupement en grandes colonies ;
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3 : petites colonies
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2 : coussinets denses ou quelques individus ;
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1 : individus isolés.
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i : individu
Ces données s’inscrivent dans une prédiction de l’évolution des écosystèmes, entre autres forestiers. Nous nous sommes attachés à l’observation et la description de quelques formes d’humus que l’on rencontre communément sous hêtraies et sous forêts résineuses sur le plateau de Millevaches, dans les alentours de Meymac.
Observations et discussion
1 - Humus de hêtraie.
1.1 - Hêtraie du Niarfex
Carte N° 2232 E au 1/25 000 de Peyrelevade
Longitude : 2° 1’ 57’’- Latitude : 45° 37’ 15’’ Roche mère : Granite 2 micas/ Leucogranites
Altitude : 870 mExposition : N-NWPente : < 10 %
La hêtraie du Niarfex, à proximité de la Croix du même nom, est une hêtraie pure d’environ 1 hectare, mature, plantée, sans aucune espèce herbacée au coeur de la hêtraie. La litière est donc exclusivement le fait des feuilles de hêtre. L’observation a été réalisée au début de l’automne 2010.
L’épaisseur du sol est de plus de 70 cm. On y reconnaît, outre la couche organique O un horizon A noir et friable de 40 cm surmontant une couche brun foncé ondulée (BPH) qui recouvre un horizon BPS ocre foncé fort de 10 à 15 cm avant l’horizon B/C plus clair. C’est un podzosol ocrique (sol ocre podzolique), type de sol très fréquent à cette altitude sur le plateau de Millevaches. La transition entre les horizons O et A, progressive, caractérise un humus de type moder, que nous allons présenter dans le détail.
La couche organique « O » montre trois niveaux : « OL », « OF », et « OH » :
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La sous-couche OL est épaisse de 4 à 5 cm, on y reconnaît :
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une couche OLn de surface (3 à 4 cm environ) formée de feuilles de hêtre étroitement empilées les unes sur les autres mais non transformées ni liées entre elles ;
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lui succède sur 1 cm une couche de matériel foliaire fragmenté (OLt) mais non transformé, en transition rapide avec
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Une sous-couche OF essentiellement filamenteuse de, 1 cm d’épaisseur et entrecoupée de petits amas de matériel humifié (boulettes fécales de 2 à 3/10 de mm) où le matériel initial n’est plus reconnaissable.
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A la base de OF, une mince bande de matériel humifère pur (couche OH) sous forme de microboulettes (2 à 3 mm) assure une transition progressive avec l’horizon organo-minéral A1.
L’horizon organo-minéral A, à structure particulaire, très friable, est fortement coloré en noir par la matière organique. Cet horizon, très épais (ordre de 40 cm) est lié à une matière organique issue d’anciennes landes à bruyères qui recouvraient le sol avant la plantation des hêtres. Une bande plus collante et de teinte brun très foncé est peu visible à la base de A (horizon BPH de 5 à 6 cm), auquel succède un horizon BPS ocre foncé de 10 à 15 cm avant l’horizon C, ocre clair, vers - 60 cm.
Conclusion : la couche organique « O » montre une structure avec trois niveaux reconnaissables OH, OF et OH. La très faible épaisseur de OH (autour de 1 cm, parfois plus par plaques) nous fera qualifier cet humus d’eumoder avec tendance évolutive vers le dysmoder et le sol dans son ensemble de podzosol ocrique à moder de transition eumoder-dysmoder.
1.2 - Hêtraie sur la montagne de Lachaud
Carte N° 2232 E au 1/25 000 de Peyrelevade : Route des Hêtres à proximité de Meymac.
Longitude :2° 7’ 15’’- Latitude : 45° 33’ 16’’ - Roche mère : Granite à 2 micas/leucogranites
Altitude : 765 mExposition : SWPente : 10 %
La hêtraie, dont le boisement semble naturel, occupe un bas de la pente sous le Puy de Lavaur, en dominance du chemin de terre conduisant de la D 979 à la Montagne de Lachaud. L’observation a été réalisée au début de l’automne 2010 dans une zone de 200 m2 environ entièrement couverte par la litière de hêtre.
La coupe de sol montre un passage progressif entre l’horizon organique « O » et l’horizon organo-minéral « A », transition type des humus de type moder. Dans le détail, on observe :
La couche organique « O » avec trois niveaux superposés « OL », « OF » et « OH » :
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la sous-couche OL n’est pas homogène, on y rencontre :
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en surface une couche OLn (nouvelle) de 3 à 4 cm d’épaisseur constituée d’une superposition étroite de feuilles de hêtre auxquelles se mêlent quelques aiguilles de résineux présents aux alentours mais pas dans l’environnement immédiat de la coupe. Ces éléments de litière sont libres entre eux, sans matière organique libre visible ;
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y succède une couche OLt de 2 cm d’épaisseur, formée de feuilles brisées ;
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succède une couche OLv (vieillie) présentant des fragments de feuilles plus ou moins transformés, collées en paquets, avec des zones blanchies et parcourues par des filaments de mycélium de la pourriture blanche.
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la sous-couche OF, de 3 à 4 cm d’épaisseur apparaît constituées de résidus foliaires très fragmentés mais encore reconnaissables et formant un empilement. Il y a peu de matière organique fine mais on rencontre quelques petites plages microgrumeleuses de nature zoogène et de rares vers épigés. Nous qualifions cette sous couche de OFzo.
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succède une couche OH de M.O. très fine et poudreuse (granulaire), forte de 2 cm au maximum, formant l’essentiel de ce niveau. Cette épaisseur caractérise les moder de type dysmoder.
Le passage est progressif avec l’horizon organo-minéral « A ».
L’horizon « A » est particulaire, poudreux, de teinte d’ensemble noire, caractéristique des sols développés sous la lande à bruyère antérieure au milieu forestier. De nombreux sables sont décapés et présentent une teinte blanche alternant avec des sables encore colorés en noir donnant un aspect particulier ìpoivre et selî ëselon les auteurs.
Comme au Niarfex, le remplacement de la végétation initiale de lande à callune par la hêtraie a modifié profondément la nature des litières incidentes. Cette modification s’inscrit dans le changement d’aspect de la couche humifère de surface, plus accessible aux microorganismes animaux que les feuilles de callune. En revanche, le changement est trop récent pour affecter l’ensemble du profil. L’épaisseur de la couche OH plaide en faveur d’un dysmoder mais la présence de rares vers épigés rapproche d’un humus de type eumoder. Le sol apparaît donc comme un sol ocre podzolique (podzosol ocrique) à humus de transition eumoder-dysmoder.
2 - Humus sous résineux
Bien que située sur une pente régulière la forêt résineuse étudiée sous le Mont Bessou présente un sous-bois beaucoup plus varié allant de la litière entièrement constituée d’aiguilles à des aspects en mosaïque incluant des microgroupements de type herbacés plus ou moins bien caractérisés au tapis général d’aiguilles de résineux. Nous avons retenu un sous-bois entièrement couvert d’aiguilles d’épicéa et deux sous-bois composites individualisés soit par une végétation muscinale dominante pour l’un, soit par une végétation herbacée prépondérante pour l’autre.
2.1 - Pessière claire sur Granite à deux micas/leucogranites sous le Mont Bessou.
Carte N° 2232 E au 1/25 000 de Peyrelevade : Route D 979 à proximité du carrefour avec la D 36
Longitude : 2° 7’ 05’’ Latitude : 45° 34’ 30’’ Roche mère : Granite à 2 micas/leucogranites
Altitude : 875 mExposition : NPente : 15 %
La pessière constitue une forêt claire plantée et mature, avec aux alentours de rares chênes pédonculés de moindre taille que l’épicea (surface concernée, environ 600 à 700 m2). Comme sous les hêtraies visitées la végétation herbacée est absente.
Globalement, la coupe de sol montre un horizon holorganique de teinte foncée passant progressivement à un horizon organo-minéral « A » non grumeleux. L’humus s’inscrit donc parmi les humus de type moder.
L’horizon organique « O » se compose de trois couches OL, OF et OH :
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La couche OL se subdivise en deux sous-couches : un OLn mince et régulier de 1 cm issu d’un tapis l‚che d’aiguilles non altérées d’épicea parsemé de quelques fins branchages et de rares feuilles de chêne entières. Une mince bande OLv (0,5 cm à 1 cm) de matériel plus compact et blanchi par endroits lui succède.
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La couche OF, forte de 1 cm, présente une structure fibreuse en partie non zoogène sous forme de matière organique fine (moins de 70 %) avec quelques plages zoogènes de déjections liées aux microarthropodes (pour 10 %). L’ensemble est parcouru de rares et fines racines (diamètre de l’ordre du mm).
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La couche OH (1 cm) est formée très majoritairement de matière organique fine (90 % de l’ensemble) avec plusieurs poches de déjection de microarthropodes à structure en microagrégats. Le passage avec l’horizon A est régulier et progressif.
L’horizon A est de structure particulaire, poudreuse, avec des sables très décapés et blanchis, indice d’une forte acidité du milieu. La teinte générale apparaît de la sorte plus grise.
L’humus s’apparente à un dysmoder très acide sur un ancien sol de lande à callune.
2.2 - Forêt claire de Douglas à sous-bois herbacé sur Granite à deux micas /leucogranites sous le Mont Bessou.
Carte N° 2232 E au 1/25 000 de Peyrelevade : Route D 979 à proximité du carrefour avec la D 36
Longitude :2° 7’ 10’’Latitude :45° 34’ 43’’ Roche mère : Granite à 2 micas/leucogranites
Altitude : 870 mExposition : NPente : 15 %
L’observation sous Douglas (forêt mature) se situe à proximité de celle de la pessière, un peu en aval de cette dernière qu’elle relaie sur la pente.
A la différence de la pessière, quasiment dépourvue de végétation de type herbacée, le sol sous Douglas montre une végétation de ce type. En l’occurrence, on a un sous-bois essentiellement graminéen constitué par un tapis continu et régulier de canche flexueuse (Deschampsia flexuosa) qui occupe la majorité de l’espace disponible ainsi que le rappelle le relevé de végétation suivant :
Strate herbacée :
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Deschampsia flexuosa 5.5
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Carex pilulifera +2
Strate muscinale :
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Hylocomium splendens 1.2
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Scleropodium purum +2
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Polytrichum formosum +2
L’horizon organique « O » se compose de trois couches OL, OF et OH :
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L’horizon OL, épais de 4 cm à 5 cm, est formé de feuilles et tiges mortes simplement jaunies et constituant un lacis aéré infiltré de quelques aiguilles de Douglas. On n’observe pas de matière organique fine individualisée. Transition directe en mélange avec OF.
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L’horizon OF, épais de 2 cm, présente une structure fibreuse due aux restes de tiges alors que les éléments foliaires sont peu reconnaissables, avec du matériel fin interstitiel.
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L’horizon OH, fort de 3 cm, est de nature zoogène. Il est constitué de microagrégats dus à l’activité des microarthropodes. Ces microagrégats tendent à s’assembler en agrégats fragiles de 0,5 cm de taille. Le passage est progressif avec A (caractère de moder).
L’horizon organo-minéral A montre une évolution bien différente de celle sous épicéa. Non seulement la tendance au décapage des quartzs s’estompe mais la frange supérieure de A tend à prendre un aspect finement grumeleux, avec des grumeaux fragiles, dans la continuité de ce que montre la couche OH de l’horizon organique (caractère d’amphimus).
L’humus de cette station sous Douglas à sous-bois graminéen se présente donc comme un moder de transition vers l’amphimus.
2.3 - Forêt claire de Douglas et épicéa de Sitka à sous-bois de mousses sur Granite à deux micas /leucogranites sous le Mont Bessou.
Carte N° 2232 E au 1/25 000 de Peyrelevade : Route D 979 à proximité du carrefour avec la D 36
Longitude 2° 7’ 12’’ Latitude :45° 34’ 44’’ Roche mère : Granite à 2 micas/leucogranites
Altitude : 870 mExposition : NPente : 15 %
Selon la microtopographie de la pente le tapis de canche présente quelques interruptions. Dans le cas qui nous intéresse actuellement, une légère concavité d’une vingtaine de mètres carrés est colonisée par un tapis continue de mousses connue comme acidiphiles, rencontrées sur des humus de type moder à mor sur milieux secs à frais (Hylocomium splendens, Pleurozium schreberi). Les aiguilles de Douglas et de Sitka sont éparses à la surface du tapis de mousse et la canche a presque complètement disparue. On y rencontre :
Strate muscinale :
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Hylocomium splendens 4.5
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Pleurozium schreberi +2
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Dicranum scoparium +2
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Hypnum cupressiforme +2
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Scleropodium purum +2
Strate herbacée :
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Deschampsia flexuosa +2
L’entrelacement et la densité des tiges et feuilles de mousses formant la litière rendent la lecture de la structure de l’humus particulièrement délicate.
L’horizon OL, épais de 2 à 3 cm est très aéré, formé de feuilles et tiges très peu transformées (OLn). Lui succède un horizon de fragmentation (OF) hétérogène, de 2 cm à 3 cm, avec des feuilles isolées en voie de décoloration et comblant la plupart des espaces laissés par l’entrelacs des tiges brisée et affaissées. Une couche OH humifère brun-noir, peu cohérente, épaisse de 3 cm à 4 cm, avec quelques petits amas d’humus microagrégé de nature zoogène assure une transition très progressive avec l’horizon A sous-jacent. Ce dernier, de structure particulaire, est le reste de la lande à callune antérieure. L’épaisseur de la couche OH permet de considérer cet humus comme un dysmoder.
Conclusions
Sous le climat montagnard frais et humide du plateau de Millevaches et sur le substratum analogue du leucogranite, la composition du couvert forestier influe à court terme sur la nature et la qualité des couches supérieures de l’humus. En milieu non hydromorphe, le contexte climatique conduit globalement au développement de podzosols ocriques. Par contre l’évolution de l’horizon hologarnique est rapidement et nettement influencée par la nature du matériel végétal.
Sous la hêtraie mature où les végétaux herbacés sont exclus, la décomposition des feuilles de hêtre est très lente. L’humus est un moder de qualité moyenne à médiocre (eumoder à dysmoder).
Sous forêt résineuse, la nature de l’arbre et son couvert jouent un rôle capital :
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Sous le couvert fermé de l’épicéa et en l’absence de végétation herbacée, la décomposition des aiguilles est très ralentie et l’absence d'activité zoogène conduit à un dysmoder acide.
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Sous le mélange épicéa de Sitka et Douglas le tapis de mousses modifie la qualité des litières. Les mousses n’améliorent pas sensiblement la qualité de l’humus. Bien que la décomposition des aiguilles de Douglas soit plus rapide que celle de l’épicéa, l’humus reste de type dysmoder.
Sous le couvert clair du Douglas une végétation herbacée s’installe pour modifier la qualité de l’humus. Comme sous la sapinière à fétuque des Vosges on retrouve là le rôle améliorant des graminées. Le tapis graminéen de canche conduit à une amélioration nette de la qualité de l’humus (transition vers l’amphimus) et fait sentir son effet jusque au niveau de la partie supérieure de l’horizon A.