Le projet LABENVI (laboratoire d’enseignement virtuel) de l’Université de Limoges offre aux apprenants éloignés la possibilité d’effectuer des travaux pratiques à distance dans le domaine de l’électronique et de l’optique. La mise en œuvre combinée d’interfaces multi-utilisateur et de classes virtuelles permet de développer le travail collaboratif synchrone, étudiants et enseignants pouvant en effet contrôler ensemble le matériel de laboratoire et interagir simultanément. Après avoir décrit cette méthode de formation expérimentale, nous donnons quelques indicateurs de son efficacité pédagogique. Puis, en resituant la méthode au sein du dispositif global de FOAD, fait d’apprentissage synchrone et asynchrone, nous nous interrogeons sur les mutations dans la transmission du savoir.
The LABENVI project of the University of Limoges gives to distant learners the possibility to carry out remote practical works in the field of electronics and optics. The combined implementation of multi-user interfaces and virtual classrooms allows to develop synchronous collaborative working, students and teachers being able to control laboratory equipment together and interact simultaneously. After describing this experimental training method, we provide some indicators of its pedagogical efficiency. Then, by resetting the method within the global distance learning program, made of synchronous and asynchronous learning, we discuss the transformations in the transmission of knowledge.
1. Introduction
Le Campus virtuel TIC (CvTIC) de l’Université de Limoges, en partenariat avec le laboratoire de recherche Xlim, prolonge actuellement son effort d’innovation pédagogique en intégrant à sa plateforme de formation un véritable laboratoire d’enseignement virtuel, offrant aux étudiants éloignés la possibilité d’effectuer des travaux pratiques (TP) à distance dans le domaine de l’électronique et de l’optique (Barataud et al., 2010 ; Leproux, 2011).
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Depuis 1998, les étudiants de CvTIC suivent des formations 100 % à distance (à l’exception du stage) en se connectant à une plateforme d’enseignement Moodle1 enrichie de nombreuses fonctionnalités pédagogiques (interface ergonomique, tableau de bord avec vue étudiant/enseignant, calendriers, suivi de stage, etc.) et reliée à un backoffice accessible à l’équipe pédagogique/administrative (gestion des candidatures, des inscriptions, des notes, des stages, de la validation du C2i, du CLES, etc.). Le backoffice est lui-même alimenté par les données provenant d’un formulaire de candidature en ligne, que les futurs étudiants remplissent en une seule ou plusieurs fois (un autre outil ergonomique, permettant notamment de déposer CV, diplômes, relevés de notes, lettre de motivation, etc.).
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L’ensemble des outils mentionnés ci-dessus a d’ores et déjà conduit à des innovations pédagogiques importantes au sein des formations à distance de l’Université de Limoges. Cette expérience du e-learning, combinée avec le savoir-faire des enseignants-chercheurs du laboratoire Xlim dans le domaine de l’électronique et de l’optique, a constitué le terrain favorable pour la mise en place du master à distance ARTICC (Architecture des réseaux et technologies induites des circuits de communications), qui prépare des ingénieurs en systèmes de télécommunications2. Dans le cadre de ce master et plus particulièrement du projet LABENVI, des outils permettant aux étudiants d’effectuer des TP à distance ont été et sont expérimentés (Leproux, 2012). L’innovation du projet réside dans la synergie enseignement-recherche et dans la combinaison de différents types d’outils logiciels/matériels (TIC et électronique/optique), conduisant à la mise en place de nouveaux usages :
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outils TIC : tableau blanc interactif, classe virtuelle, serveur d’applications, prise de contrôle à distance, etc. ;
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outils métiers électronique/optique : logiciels de simulation/ pilotage, circuits hyperfréquences/microondes, générateurs, oscilloscopes, analyseurs, microscopes, etc. ;
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nouveaux usages :
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pilotage à distance d’un appareil électronique avec interface (virtuelle) déportée chez l’étudiant ;
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prise en main à distance d’un microscope optique et visualisation d’un matériau semi-conducteur, d’un échantillon biologique, etc. ;
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tout cela avec un encadrement « synchrone » par l’enseignant (salle de TP virtuelle) ;
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et la possibilité d’enregistrer la séance pour la mettre à disposition des absents (podcasting).
Nous proposons ici de présenter et d’analyser ces nouveaux usages, liés à la conduite de TP à distance (en ligne).
2. Contexte et problématique
Au cours des dix dernières années, le développement de formations ouvertes et à distance (FOAD), conduisant ou non à l’obtention d’un diplôme, s’est considérablement accéléré à travers le monde. Ces nouveaux modes de formation correspondent à des révolutions technologiques logicielles (web 2.0, web 3.0…) et/ou matérielles (utilisation de tablettes, de serveurs de plus en plus puissants…). Il faut associer à ces révolutions technologiques un bouleversement des relations entre les individus, notamment en ce qui concerne le transfert du savoir. C’est pourquoi les établissements qui se sont lancés dans ce type de formations observent une mutation complète des rôles d’enseignant, d’apprenant, de tuteur, ainsi que des métiers connexes aux formations (techniciens, ingénieurs, personnels de scolarité). Le savoir, comme le montre le philosophe Michel Serres dans son dernier ouvrage (Serres, 2012), n’est plus détenu par un être unique qui diffuse ses connaissances mais par des machines accessibles très rapidement à toutes les personnes connectées.
Dans le domaine des sciences appliquées, le savoir théorique s’accompagne systématiquement de savoir pratique, expérimental et manipulatoire dont la mise en accès global est plus difficile à opérer. Toutefois, les systèmes électroniques font émerger des technologies embarquées qui facilitent l’accès à des machines que l’on peut contrôler, piloter et finalement manipuler à distance. Bon nombre d’équipes pédagogiques à travers le monde profitent de ces avancées technologiques pour mettre en œuvre des laboratoires expérimentaux – matériels et logiciels – virtuels afin de proposer des TP à distance (remote labs) (Billaud et al., 2002 ; Crabeel et al., 2012 ; Claesson et Hakansson, 2012). Dans ce contexte, l’Université de Limoges est une des rares universités à offrir une formation complète à distance dans le domaine de l’électronique et de l’optique des télécommunications, conduisant à l’obtention d’un diplôme reconnu à l’échelle européenne (master). Dans ce cadre, le dispositif LABENVI est un outil fondamental, permettant par exemple d’illustrer expérimentalement des théories concernant la transmission de données dans les systèmes de communication civils (GPS, mobile, fibre optique) ou militaires (radar).
Une fois les problèmes techniques résolus pour rendre accessibles à distance des équipements scientifiques lourds, se pose la question de la dimension humaine de cet acte d’apprentissage manipulatoire : comment le passage d’une interface mono-utilisateur (cas des TP traditionnels) à une interface multi-utilisateur (cas des TP en ligne) impacte-t-il la manière de prendre en compte le facteur humain ? Comment utiliser efficacement, d’un point de vue pédagogique, des ressources accessibles à un seul utilisateur et à plusieurs utilisateurs à la fois ? De nombreuses études ont déjà été publiées dans ce domaine (Cooper et Ferreira, 2009 ; Limpraptono et al., 2012 ; Markan et al., 2012), mais nous souhaitons apporter ici un retour d’expérience, après quatre années de mise en œuvre de TP à distance, conduisant à s’interroger selon une approche non plus technocentrique mais plutôt anthropocentrique des TIC. Il en résulte quelques perspectives sur l’évolution des métiers d’enseignant, de tuteur ou encore de technicien de laboratoire.
3. Évolution des interfaces numériques de TP à distance
3.1. À l’origine, des interfaces mono-utilisateur
Le LABENVI est fondé sur la mise en commun de moyens complémentaires au sein de l’Université de Limoges, issus de la Direction du système d’information, du laboratoire Xlim et des départements de physique et des TIC de la Faculté des sciences et techniques (figure 1). Au tout début de son existence, les interfaces homme-machine logicielles et matérielles mises en œuvre ne permettaient qu’une relation unique entre un étudiant distant et un équipement complexe. Le travail de l’enseignant consistait donc à réaliser des ressources vidéo montrant comment un seul étudiant pouvait accéder à l’équipement, modifier sa configuration et analyser des résultats de mesure provenant de dispositifs souvent uniques. Il instaurait ensuite un calendrier d’accès à l’équipement et le travail de l’étudiant, synchrone avec la présence de l’enseignant, devenait asynchrone avec celui de ses camarades. Les TP, alors proposés à une classe de 18 étudiants, s’étalaient dans le temps et pouvaient engendrer un sentiment d’isolement et de frustration chez l’étudiant, tant dans le cas d’une incompréhension que dans le cas d’une réussite, source de satisfaction. L’apprenant était seul face à la technologie et sa progression pédagogique était freinée par le manque de travail collaboratif que prône pourtant la FOAD.
Figure 1. Architecture du LABENVI
Figure 2. Exemple d’interface multi-utilisateur permettant le partage de contrôle d’un appareil électronique (analyseur de réseau vectoriel dans ce cas)
Figure 3. Exemples d’interface web
permettant le contrôle d’un système de télécommunications
3.2. Passage à des interfaces multi-utilisateurs
Par la suite, les équipementiers et les équipes pédagogiques, chacun de leur côté ou de manière collaborative, ont travaillé sur des projets visant à inclure, dans les machines ou bancs de test, des technologies embarquées (développements matériels ou hardware) fondées sur un système d’exploitation multi-utilisateur. La mise en œuvre de ces dernières a décuplé les fonctionnalités et la qualité de service offertes aux utilisateurs. Étudiants, enseignants et techniciens ont alors pu agir simultanément sur l’écran de pilotage d’un même équipement ou sur la configuration de bancs de tests. Un exemple en la matière est donné par la figure 2, sur laquelle on peut observer l’écran d’un analyseur de réseau vectoriel (ARV) dont le contrôle est partagé par un groupe de trois étudiants distants et un enseignant présent physiquement dans la salle de manipulation. Cette interface multi-utilisateur est accessible à tous via un serveur d’applications. Des interfaces plus évoluées, fonctionnant dans un navigateur web et permettant de contrôler un système de télécommunications (ensemble d’appareils connectés), ont également été développées (figure 3).
3.3. Classes virtuelles
Finalement, pour mettre en place une véritable pratique du travail collaboratif synchrone durant les séances de TP à distance, l’équipe pédagogique s’est tournée vers la mise en œuvre d’un environnement de type classe virtuelle (développements logiciels ou software). De cette façon, les individus présents ont pu assouvir leur besoin de connaissances et d’usages manipulatoires ensemble. Le travail de l’enseignant et de l’étudiant a évolué vers des activités plus collaboratives, en ce sens assez proches de celles pratiquées en présentiel dans une même salle de TP.
Les apprenants peuvent désormais contrôler ensemble le matériel, mais aussi discuter de la validité de tel ou tel choix, de telle ou telle option de configuration. Ils peuvent élaborer des raisonnements et finalement théoriser des notions complexes au sein d’une communauté virtuelle d’apprentissage centrée sur une réalité pratique géographiquement éloignée. L’enseignement s’est ainsi transformé en franchissant le pas de la recherche de solutions informatiques (hardware et software) pour s’intéresser enfin à l’étude de solutions dites peopleware », centrées sur les besoins de l’utilisateur.
4. Exploitation du dispositif et bénéfices mesurés
L’analyse des statistiques de connexions au serveur d’applications et des retours sur un questionnaire de satisfaction mis en ligne à destination des étudiants nous a permis de juger de l’efficacité de nos méthodes de travail. Ce questionnaire comportait 9 questions ou demandes de commentaires et concernait 6 séries de 4 TP à distance. Il a été rempli, de façon valide, par 50 étudiants du master ARTICC (27 en M1 et 23 en M2), correspondant à un taux de participation de 75 %.
Nous avons ainsi observé que les étudiants passaient 3 heures en moyenne sur la partie applications de chaque TP, 75 % de ce temps correspondant à du travail effectué en groupe de 2 à 3 étudiants et 25 % à du travail effectué par des étudiants seuls. Les étudiants ont donc bien pris conscience de l’intérêt du travail collaboratif synchrone pour ce type de manipulations. Par ailleurs, les réponses collectées nous apportent les informations suivantes :
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Plus de 80 % des répondants estiment avoir amélioré leurs compétences manipulatoires. Ce chiffre nous conforte quant à la satisfaction du public apprenant et à l’efficacité de la méthode d’apprentissage proposée.
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65 % des répondants déclarent être capables de travailler plus facilement en interaction avec les autres étudiants grâce aux solutions proposées. Cette donnée, mise en parallèle avec le pourcentage élevé de manipulations effectuées en groupe, souligne la facilité pour les étudiants à travailler de façon collaborative avec les outils mis à leur disposition.
Le niveau de satisfaction des étudiants inscrits en formation à distance nous a encouragés à élargir l’accès à ces TP aux étudiants des cursus traditionnels (master en présentiel). Les premiers retours concernant ce public nous indiquent qu’ils apprécient pouvoir reprendre ou achever chez eux le travail qu’ils n’ont pas forcément terminé lors de la séance en salle de manipulation expérimentale.
L’intérêt du dispositif nous semble donc certain aujourd’hui, même si certaines difficultés demeurent, liées notamment au montage et démontage de certains bancs de tests pour l’initiation aux différentes connectiques utilisées en électronique et en optique. Des solutions électromécaniques sont actuellement à l’étude sans pour autant donner encore pleine et entière satisfaction.
5. Mutations dans la transmission du savoir
Traditionnellement, les étudiants ont connu dans les universités un apprentissage rythmé par l’alternance entre cours magistraux (CM), travaux pratiques (TP) et travaux dirigés (TD) positionnés dans un emploi du temps soumis aux impératifs de disponibilité des salles et d’emploi du temps des enseignants. Les temps ainsi imposés entre la maturation de l’information et des connaissances dispensées en cours magistral et leur mise en application dans le cadre de TP sont souvent insatisfaisants, tant pour l’apprenant que pour l’enseignant. En effet, l’étudiant est alors laissé seul responsable de ses temps d’apprentissage et l’enseignant ne dispose d’aucun indicateur pour savoir s’il trouvera en face de lui un public suffisamment préparé pour appréhender la séance de TP qu’il a prévue.
Dans un dispositif de FOAD, ce ne sont pas seulement les contraintes spatiales qui sont abolies mais également les temps d’apprentissage qui sont réinterprétés. La question est alors la suivante : comment l’élaboration des savoirs peut-elle se construire et s’enrichir entre deux rendez-vous synchrones ? Brigitte Albero (2010) soulignait :
Les objets techniques ne sont pas perçus comme disjoints de l’action de formation, ni des spécificités de ses contextes culturels et institutionnels. En tant qu’instruments cognitifs, ils […] sont analysés dans la dynamique de leur interaction avec les acteurs.
Nous reconnaissons à notre tour ce rôle à une plateforme d’enseignement à distance au travers de plusieurs situations-problèmes.
5.1. Cas de l’encadrement des TP
Dans notre premier exemple, les étudiants découvrent les différents appareils du TP le jour de la séance et l’enseignant explique leur maniement groupe par groupe. On constate une perte de temps évidente due à la répétition nécessaire de l’information utile à chaque groupe. Cependant, l’étudiant qui a des difficultés n’a pas le temps nécessaire pour bien assimiler les étapes importantes et l’intérêt de l’échange avec l’enseignant reste limité.
Solution préconisée : un espace numérique est ouvert sur une plateforme tout au long de la semaine qui précède le TP. Celui-ci présente les différents matériels qui feront l’objet de manipulations lors de la séance. Une vidéo, réalisée par l’enseignant, présente les appareils dans leur ensemble puis focalise son propos sur les points plus sensibles. L’enseignant peut également mettre à disposition des apprenants les manuels techniques en les annotant au besoin. Pour s’assurer que les différentes notions sont comprises, l’éventail des activités classiques d’une plateforme LMS (Learning Management System) peut être utilisé en autoformation (QCM, activités leçon, résolution de problème numérique…). À chaque fois, un indicateur de certitude peut être adjoint (l’étudiant déclare à quelle hauteur il est sûr de la réponse qu’il a fournie).
Dans une approche de co-formation, des forums sont également ouverts pour laisser aux étudiants la possibilité de solliciter de l’aide, de faire part de leur compréhension des situations exposées ou d’apporter directement de l’aide à un membre du cours en répondant à son message sur l’espace collaboratif. D’autres outils tels que les glossaires ou les wikis de groupe peuvent également être adjoints pour engager la familiarisation des apprenants avec les concepts du cours magistral ainsi qu’avec les matériels. Pour développer l’entraide et engager les étudiants à participer, l’enseignant indiquera clairement que la participation donne lieu à une bonification de la note de TP. Les délais de réalisation doivent également être précisés clairement pour éviter que les étudiants ne s’investissent sur l’espace préparatoire trop tard ou juste avant le TD. À cet égard, des micro-activités peuvent être proposées tout au long de la période pour dynamiser l’interaction.
Le jour du TP, qu’il s’agisse d’un dispositif présentiel ou distanciel, l’enseignant réinvestira son temps à des tâches de remédiation en reprenant les points identifiés comme mal maîtrisés grâce aux indicateurs laissés sur la plateforme. Il pourra également approfondir des points de détail qu’il n’aurait pu aborder dans une configuration plus traditionnelle. Il est à noter que dans l’université d’aujourd’hui, le public est loin d’être constitué uniquement d’étudiants en formation initiale. Le dispositif exposé permet également d’ouvrir au public de formation continue une fenêtre sur le TP dont il était jusque-là privé ou très éloigné.
5.2. Cas du soutien à l’appropriation du savoir
Dans notre second exemple, la difficulté vient du fait que les étudiants (ici des étudiants de première année de physique) ne fournissent pas le travail d’appropriation nécessaire après la prise de note en cours magistral, voire ne réussissent pas à prendre le cours en notes de façon satisfaisante. En d’autres termes, l’application des connaissances théoriques à mobiliser en TP n’est pas envisageable puisque l’étudiant n’en a la pas la maîtrise. Rappelons ici que ce constat est fait avec certains de nos étudiants récemment arrivés à l’université qui souffrent de problèmes méthodologiques et qui demandent une plus grande prise en charge pour gagner l’autonomie qui leur manque.
Solution préconisée : un espace de prise de notes collaboratif peut être partagé avec les étudiants et avec l’enseignant référent afin de construire a posteriori une version écrite du cours avec les éléments de chaque participant. L’enseignant peut jouer un double rôle ici par la « préparation » de l’espace grâce à un balisage des points les plus importants de son cours puis par la relecture attentive des contributions déposées pour écarter un faux sens ou préciser des éléments de cours. L’étudiant se sent alors soutenu dans l’appropriation des connaissances et se positionne comme acteur dans un cercle de confiance. Une co-pétition (compétition collaborative) peut naître au fil des séances et stimuler positivement le groupe. Une reconnaissance des meilleurs contributeurs apparaît dans la promotion tout entière. Un accompagnement renforcé des plus faibles se met en place sans stigmatisation.
Au travers de ces deux exemples, ce sont de nouveaux scénarios pédagogiques qui sont proposés pour soutenir les temps de découverte en TP, temps d’apprentissage qui revêtent toujours – dans nos disciplines scientifiques – une toute première importance. La FOAD semble apporter une réponse satisfaisante pour s’affranchir de l’articulation classique CM/TD/TP en offrant une plus grande perméabilité et en créant des ponts logiques entre ces différents temps d’appropriation théoriques et pratiques.
6. Conclusion
Le projet LABENVI a nécessité de relever un certain nombre de défis techniques pour atteindre les objectifs pédagogiques et opérationnels qui avaient été fixés, à savoir permettre la réalisation à distance de TP collaboratifs, impliquant la manipulation d’équipements scientifiques lourds. Au-delà des réponses techniques, les porteurs de ce projet ont dû mener une profonde réflexion sur leurs habitudes pédagogiques, le rôle et la place de chaque acteur dans le dispositif de formation, et la méthodologie générale d’acquisition et d’appropriation des savoirs à appliquer dans le cadre de ces pratiques.
Les travaux menés et les premiers retours d’expérience ont ainsi conduit l’enseignant à devenir un concepteur d’espaces d’apprentissage, mettant à disposition des étudiants les ressources nécessaires à l’acquisition des savoirs ainsi que les outils et les logiques d’échanges (au sein du groupe, de sous-groupes ou entre le(s) groupe(s) et l’enseignant) permettant leur appropriation par la communauté d’apprenants. Ce changement dans les rôles et dans les modes de communication au sein des acteurs du dispositif de formation a impliqué pour l’enseignant une gestion différente de son temps et de ses apports au fil des activités (création de ressources et « balisage » des itinéraires d’apprentissage en amont de l’activité, animation des groupes d’apprenants et accompagnement des dynamiques d’échanges pendant l’activité). En parallèle, cette nouvelle organisation a donné à l’étudiant une place centrale dans l’appropriation des ressources par le groupe.
- Note de bas de page 3 :
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MOOC : Massive Open Online Course. En français CLOM : cours en ligne ouvert et massif.
- Note de bas de page 4 :
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Voir http://www.edx.org, plateforme de formation à distance de type MOOC fondée en 2012 par Harvard University et le Massachusetts Institute of Technology.
À l’heure où le modèle des MOOC3 est exploité avec succès – en termes de communication du moins – par les plus grandes universités mondiales4, un projet tel que LABENVI pourrait s’inscrire dans une démarche de conception de parcours de formation toujours plus automatisés, plus riches de ressources multimédia et d’outils d’accompagnement pédagogique informatisés, et pour lesquels l’intervention synchrone de l’enseignant deviendrait à terme anecdotique. On pourrait d’ailleurs penser que cette orientation est celle attendue par le public actuel de la formation. Au contraire, on observe que plus de 90 % des étudiants interrogés plébiscitent la présence synchrone d’enseignants pour leur montrer le fonctionnement des appareils.
- Note de bas de page 5 :
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Projet EOLES, récemment lauréat du programme européen Tempus (voir http://eoles.unilim.fr).
Le projet européen EOLES5, qui vise notamment à mettre en place une formation à distance de niveau L3 (troisième année de licence générale) dans le domaine de l’électronique et de l’optique, s’appuie fortement sur l’expérience accumulée dans le cadre de LABENVI, tant en termes d’usages techniques qu’en ce qui concerne les pratiques pédagogiques. Dans ce projet, les dispositifs innovants de travail collaboratif et de pilotage à distance multi-utilisateur d’équipements scientifiques – synchrones et asynchrones – deviennent le moyen, pour une équipe pédagogique internationale (pays d’Europe et d’Afrique du Nord), de construire les TP en ligne de demain. En ce sens, EOLES s’inscrit dans une démarche de co-conception appliquée à l’enseignement supérieur et à la recherche.