Étude et conception de système de management pour batteries innovantes, Batterie Sodium (NA-ion) Study and design of management systems for innovative batteries, Sodium battery (NA-ion)
Quentin Lagarde ,
Serge Mazen ,
Bruno Beillard ,
Julien Leylavergne ,
Joel Andrieu ,
Jean-Pierre Cancès ,
Vahid Meghdadi ,
Michelle Lalande ,
Edson Martinod
et Marie-Sandrine Denis
La transition énergétique passera notamment par l’autoconsommation et l’autoproduction. L’utilisation de sources d’origines solaire et/ou éolienne permettront d’atteindre les objectifs bas carbone (atteindre la neutralité carbone à l’horizon 20250). Cette production étant intermittente, il est indispensable de les stocker pour pouvoir les utiliser au moment opportun. Actuellement la technologie dominante est l’accumulation d’énergie dans des batteries au lithium qui sont nuisibles à l’environnement et tributaires de la disponibilité au niveau mondial.
De nouvelles batteries innovantes, comme celles au sodium-ion paraissent plus écologiques. Néanmoins, elles présentent l’inconvénient d’une durée de vie plus faible. L’utilisation d’un système de management de batterie (BMS – Battery Management System) l’améliore, les rendant ainsi concurrentielles aux batteries lithium-ion.
The energy transition will notably involve self-consumption and self-production. The use of solar and/or wind energy sources will allow us to reach our low-carbon objectives (achieving carbon neutrality by 20250). As this production is intermittent, it is essential to store it to be able to use it at the right moment. Currently, the dominant technology is the accumulation of energy in lithium batteries, which are harmful to the environment and dependent on global availability.
New innovative batteries, such as sodium-ion batteries, appear to be more ecological. However, they have the disadvantage of a shorter life span. The use of a Battery Management System (BMS) improves this, making them competitive with lithium-ion batteries.
Introduction
Le développement des énergies renouvelables dans le monde est une tendance forte depuis les 20 dernières années. Ces sources (l’éolien, le solaire, ...) présentent de nombreux avantages face aux énergies traditionnellement utilisées (charbon, pétrole, gaz et nucléaire). Néanmoins, l’intermittence impose toujours l’utilisation des énergies fossiles tant que des systèmes de stockage efficace ne seront pas opérationnels.
A l’origine, ils furent réalisés majoritairement avec des batteries Plomb ou Nickel-Cadmium et plus récemment avec des batteries de type Lithium-ion, qui représentent aujourd’hui plus de 90 % du stockage installé dans le monde en 2020 (IEA, 2021). En revanche, elles présentent plusieurs problèmes environnementaux et éthiques (recyclage, extraction, sécurité avec notamment des risques d’emballement thermique). Ainsi de nouvelles technologies émergent avec pour objectif de réduire l’impact environnemental des batteries, dont notamment les batteries sodium-ion. Elles sont beaucoup plus volumineuses et lourdes que les ion-Lithium (Figure 1) mais présentent un bilan environnemental très positif, sont faciles à fabriquer, à recycler et sans danger et pour des applications stationnaires, elles semblent être parfaitement adaptées. Cependant, elles présentent encore l’inconvénient de leur faible durée de vie.
C’est dans ce contexte qu’est développé un Système de Gestion de Batteries ou BMS (Battery Management System), en collaboration avec la société ElSmartgrid, qui permet de rallonger cette durée de vie avec une gestion intelligente optimisée en fonction de sa charge et sa décharge.
Figure : Comparaison des densités d’énergie massique et volumique pour les systèmes au Li et au Na et du prix au KWh (HUYNH Le Thanh Nguyen, et al., 2016)
1. Batterie Sodium-ion
Le fonctionnement d’une batterie Sodium-ion est similaire à celui d’une batterie au lithium-ion classique. La batterie est constituée d’une électrode positive et d’une électrode négative, respectivement appelés anode et cathode. Toutes deux sont immergées dans un milieu appelé électrolyte (le sodium dans notre cas) contenant des anions et des cations. Au fur et à mesure des cycles de charge et de décharge, les ions sodium se déplacent d’une électrode à l’autre (Figure 2).
Figure : Fonctionnement schématique d'une batterie (Electroche, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons)
L’idée d’exploiter des batteries au sodium à la place des batteries au lithium a fait sa première apparition en 1980 mais les chercheurs n’arrivaient pas à trouver une électrode négative assez fiable. Les recherches ont donc été abandonnées pendant un certain temps. Avec le contexte actuel de la transition énergétique, les études portant sur les batteries au sodium se multiplient afin de remplacer, sur le long terme, les batteries au lithium qui ont sensiblement les mêmes propriétés.
Figure : Les différents éléments d’une cellule au sodium de la marque GreenRock (Stockage – Gerber Solar Sà)
La structure générale de la batterie Sodium-ion de la marque « GreenRock Energy » est présentée Figure 3. La cellule d'une batterie aqueuse aux ions sodium se compose d'une anode de phosphate de carbone de Titanate, d'une cathode d’oxyde de manganèse, d'un électrolyte à l’eau salée, d'un séparateur en coton synthétique, d'un collecteur de courant en acier inoxydable. Les matériaux de l’anode et de la cathode peuvent varier d’une batterie NA-ion à une autre (Figure 4). En effet, des avancées sur ces composants sont en perpétuelle évolution afin d’améliorer leurs caractéristiques (durées de vie et capacités des batteries).
Mais une autre solution existe pour l’optimisation d’une batterie : l’utilisation d’électronique.
Figure : Potentiel en fonction de la capacité massique pour des matériaux d’intercalation d’électrodes positives et négatives pour batteries sodium-ion. Les ovales bleus représentent les capacités théoriques (LACHAL Marie, 2015).
2. Amélioration des caractéristiques des batteries Na-ion par l’électronique
De nombreux systèmes électroniques associés aux batteries existent déjà sur le marché mais ils sont réservés majoritairement aux batteries Lithium-ion (POP, V. Bergveld et HJ, Danilov. D., Regtien, PP, Notten, PH, 2008), (LI, Siguang et ZHANG, 2009). Avec le risque d’emballement thermique et par conséquent d’explosion, il est obligatoire pour ces technologies.
En revanche des batteries Na-ion associées avec un système de gestion et d’optimisation n’existent pas actuellement. Pourtant, il permettrait d’augmenter considérablement leur durée de vie. L’électronique améliore un des problèmes des batteries NA-ion mais n’apporte pas de solution en ce qui concerne la densité énergétique, les rendant toujours non-concurrentielles pour des applications en mobilité. Au contraire, pour du stationnaire, elles deviennent meilleures que les lithium-ion car elles ne présentent pas de risque d’incendie, sont non polluantes, recyclables pour un rapport qualité/prix équivalent.
Dans le cadre du projet Limbatt, le système électronique améliorant les performances de la batterie, appelé plus communément dans la littérature BMS, (Battery Management System) est montré de manière simplifiée Figure 5. Cette architecture a l’avantage de gérer l’ensemble de la batterie charge/décharge, pour chacune des cellules permettant une optimisation globale.
Il peut être distingué 3 parties : l’acquisition de données, la charge et la décharge.
Figure : Architecture de l’électronique associée à la batterie NA-ion imaginée pour le projet LimBatt
2.1 L’acquisition de données
En théorie, La tension, le courant et la température de chaque cellule doivent être connus à tout instant pour garantir la sécurité d’une batterie Lithium-ion afin d’éviter tout risque d’emballement thermique. Pour une batterie Sodium-ion seul le courant et la tension sont mesurés sur la cellule. La température ambiante est également déterminée pour éviter les charges et décharges dans des conditions extrêmes (inférieur à -5°C et supérieur à 40°C), afin de préserver ses caractéristiques.
Ces données sont obtenues à l’aide de capteurs et d’un microcontrôleur. Par la suite, elles sont traitées et utilisées pour gérer la charge et la décharge de la batterie.
2.2 Charge
La charge d’une batterie doit suivre 3 étapes : Bulk, Absorption, Flot (Figure 6) afin d’optimiser sa durée de vie.
La partie Bulk est une phase de charge présente lorsque la batterie est déchargée à au moins 20 % de sa capacité. Dans cette situation, il faut maintenir un courant constant. Plus le courant injecté est fort, plus la batterie va se charger rapidement mais provoque un stress qui détériore l’état de la batterie et donc diminue sa durée de vie.
Une fois qu’est atteinte une tension seuil, correspondant à 80 % de la charge, qui varie légèrement en fonction de l’état de vieillissement de la cellule, la partie Absorption démarre en maintenant une tension constante, engendrant une diminution du courant. Une fois qu’est atteint un courant seuil, signifiant que la batterie est chargée à 100 %, on passe à la phase Float, qui est un état de maintien afin d’éviter l’autodécharge, tout en la préservant d’un vieillissement prématuré.
Le prototype du chargeur pour la batterie Na-ion est présenté Figure 7.
Figure 6 : Courbe de charge pour une cellule Na-ion
Figure 7 : Prototype de chargeur pour batterie au Sodium-ion
2.3 Décharge
Les courbes de décharge d’une batterie Na-ion GreenRock données par le constructeur sont représentées Figure 8. Elles reflètent des décharges pour des courants constants. Cependant, dans la réalité, le courant débité par la batterie sera induit par les appareils domestiques et va varier dans le temps. Ces altérations vont donc engendrer une modification de l’état des cellules. De plus, le vieillissement naturel de la batterie fait également évoluer les courbes de décharge.
Or, plus une batterie se décharge profondément, plus sa durée de vie sera courte. Par exemple si la batterie NA-ion est déchargée en permanence à 100 % de sa capacité (passant de 52V à 40V), sa durée de vie est estimée à 3 ans soit 1 000 cycles. En revanche, si elle est déchargée qu’à 70 % ou 50 %, elle passe respectivement à 10 ans (3 000 cycles) ou 20 ans (6 000 cycles). Ainsi, il est important de connaître le plus précisément possible l’état de chaque cellule afin d’arrêter sa décharge au moment opportun pour optimiser son utilisation et sa durée de vie. Cela sera rendu possible grâce à la mesure de tension et de courant ainsi que de la programmation d’une intelligence artificielle (CHOI, Sungsan, JANG, Hyeonwoo, HAN, Hohyeon, et al., 2022), qui permettront de recalculer en permanence et temps réel, selon les pics de courants reçus la santé de la batterie et de chaque cellule.
Le prototype du déchargeur de la batterie Sodium-ion est présenté Figure 9.
Figure 8 : Courbe de décharge d'après la datasheet de la batterie NA-ion GreenRock
Figure 9 : Prototype de déchargeur pour Batterie Sodium-ion
Conclusion et perspective
Des BMS (Battery Management System) existent déjà sur le marché mais quasi exclusivement pour des batteries lithium-ion afin d’assurer la sécurité des usagers. De plus, la majorité des systèmes récupère les données de tension, courant et température sans prendre en compte les modifications de l’état de la batterie dû à son vieillissement.
Ainsi le système BMS LimBatt est innovant car il permet de monitorer l’énergie de la batterie, de coupler le système d’accumulation au réseau quand nécessaire, de gérer les flux de charge et décharge et de vérifier l’état de chaque cellule précisément à chaque instant (niveau d’énergie et durée de vie) pour une installation en autoconsommation.
Tout ceci est possible grâce à l’acquisition de données clés en temps réel, à des stratégies de commandes prédéfinies et à l’apprentissage dans le temps via l’intelligence artificielle.
Ainsi il a été possible d’optimiser considérablement la batterie Na-ion au point d’arriver à une durée de vie équivalente à celle des lithium-ion.
Pour aller plus loin dans le projet, il est envisagé d’avoir un BMS universel, pouvant s’adapter facilement à tout type de batterie innovante. En effet, de nouvelles technologies aux caractéristiques initiales intéressantes apparaissent telles que la batterie Lithium-Titanate, qui ont déjà des durées de vie considérable (plus de 20 000 cycles).
Également, la gestion intelligente d’un parc de batteries hétérogènes est imaginée (CROCI, Lila.2013). En effet, l’hybridation de batteries a l’avantage de pouvoir tirer le meilleur de chaque technologie et par conséquent d’améliorer les performances de chacune.