De Nîmes ou de Gênes : des noms et des jeans
S'habiller du nom et de néologie, le cas de la marque Marithé+François Girbaud

Karine Berthelot-Guiet

GRIPIC, CELSA-Sorbonne

https://doi.org/10.25965/as.4987

Index

Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Mots-clés : marque, néologie, nom de marque, sémiolinguistique, vêtement

Auteurs cités : Roland BARTHES, Karine Berthelot-Guiet, Patrick CHARAUDEAU, Jean-Pierre Goudaillier, Algirdas J. GREIMAS, Jean-François Sablayrolles, Andrea Semprini

Plan
Texte intégral
Note de bas de page 2 :

 L'analyse de cette marque et de ses dénominations déposées a été faite à partir de l'analyse de son site internet, des communiqués de presse et interviews de Marithé et François Girbaud, de la constitution d'un corpus de noms à partir de l'ouvrage de Farid Chenoune, Marithé+François Girbaud, De la pierre à la lumière, Paris, La Martinière, 2012.

Comment le sens vient-il au vêtement et comment le vêtement donne-t-il du sens à ce qui l'entoure ? Nous aborderons partiellement cette question par le prisme de la stratégie de dénomination commerciale. Comment le nom de marque habille-t-il le vêtement ? Quelques éléments de réponse seront envisagés à travers une histoire dénominative textile et vestimentaire remarquable, celle de la marque Marithé+François Girbaud2 (connue pour ses jeans) dont l'inventivité dans la recherche de matières textiles, traitements du tissu, techniques de coupe et designs de modèles se lit et se commente par des choix dénominatifs spécifiques, originaux sur le marché du jean et constants depuis plus de 40 ans. Cela nous permettra d'explorer l'exceptionnelle plasticité du nom de marque qui dit autant par sa forme que par son contexte.

Note de bas de page 3 :

 Comme le montrent très bien la plupart des travaux issus des Sciences de gestion, - cf. Jean Noël Kapferer, Réinventer les marques, Paris, Eyrolles, 2005, ou Géraldine Michel, Au cœur de la marque, Paris, Dunod, 2009.

Note de bas de page 4 :

 Comme le montrent par exemple les réflexions d'Andrea Semprini, La marque. Une puissance fragile, Paris, Vuibert, 2005 et Jean-Marie Floch, Sémiotique, marketing et communication. Sous les signes les stratégies, Paris, PUF, 1990.

Note de bas de page 5 :

 Comme le montrent des recherches menées en Sciences de l'information et de la communication. Cf. Karine Berthelot-Guiet, "Ceci est une marque. Stratégies métalinguistiques dans le discours publicitaire ", Communication et langages, 136, 2003, pp. 58-71 et Karine Berthelot-Guiet, Denis Benoît et Christian Marcon (Dir.), "La marque, objet communicationnel", Marketing et management, 1, 2013.

Pour pouvoir comprendre Stonewash, Wattwash, le Boutonneux, Métamorphojean, Velocitadinamofuriosolucideleriostretch et autres traitements, croisements du tissu denim et modèles de pantalons tous conçus, produits commercialisés par la dite marque ou l'une de ses sous-marques, il nous faut, dans un premier temps, retourner aux sources du nom de marque et poser la question de la production de sens par cet objet de prime abord linguistique. Les marques, telle celle qui nous occupe, qui parviennent à développer de fortes histoires dénominatives mettent en place une étape supplémentaire de signification, qui se déploie en diachronie, sur un temps long. Elle est liée à la forme des noms choisis, à leur cohérence, leur réduplication et extension qui elle-même fait sens. Ainsi, si une marque fait le choix d'un nom très travaillé d'un point de vue linguistique (récemment le changement de nom du groupe PPR en Kering, ou de façon plus ancienne Twingo de Renault, la lancement de chacun de ses noms a été accompagné de force commentaires sur leur origine et signification), ce choix fait sens, dit que cette marque recherche la sophistication ou l'atypisme, la nouveauté à la fois dans ses dénominations et probablement dans ses productions. Si elle ne le fait qu'une fois, le choix est intéressant et peut souligner une innovation ponctuelle ; si elle choisit régulièrement ou systématiquement des dénominations travaillées, cela indique le marquage d'un territoire aussi bien commercial, qu'esthétique et dénominatif. Cette marque en vient à marquer le marché dans lequel elle évolue par la cohérence de ses choix dénominatifs en résonnance avec son activité industrielle et/ou créative. Un produit de cette marque, ici un vêtement, sera autant habillé par ces noms qu'il parera le nom en retour. On voit se déployer, à travers ce travail sur le nom, la nature multiple de la marque, à la fois système gestionnaire marchand3, système symbolique et sémiotique4 et communicationnel5.

Note de bas de page 6 :

 A cet égard, il est utile de rappeler que le jean, d'abord vêtement de travail, a été popularisé comme un vêtement d'émancipation pour la jeunesse au milieu du siècle dernier pour ensuite devenir le vêtement commun, voire l'uniforme, des jeunesses qui ont suivi.

De plus, lorsqu'une marque développe sur le temps long une originalité dénominative, celle-ci peut être double ou triple. Créer des noms originaux dans un domaine commercial peut en effet résider d'abord dans le choix de ne pas se conformer aux habitudes des concurrents, il peut ensuite s'actualiser dans le fait de choisir des formes linguistiques néologiques atypiques et enfin trouver un relais dans le dialogue incessant du nom et des autres signes et discours de la marque. En d'autres termes, lorsque l'on choisit un nom, il faut d'abord savoir si l'on veut faire comme les autres ou différemment, il faut ensuite savoir si cette différence doit prendre la forme d'une étrangeté linguistique et enfin si l'on veut, par la logotypie ou le discours publicitaire, augmenter encore cette atypie par des images inattendues ou choquantes. Ceci est d'autant plus passionnant dans un univers vestimentaire comme celui du jean où le paradoxe de la norme et du hors-norme est particulièrement actif, le denim étant à la fois la liberté et l'uniforme, voire le conforme6.

Note de bas de page 7 :

 Un tour d'horizon des dénominations de grandes marques de jeans montre que Lee ou Wrangler se concentrent sur des prénoms (Scarlett, Marion  pour la première ou Molly, Courtney pour la seconde), ou de numéros comme Levi's  et le fameux 501).

Note de bas de page 8 :

 A.J. Greimas, La mode en 1830, Paris, PUF, Formes sémiotiques, 2000. L'étude porte sur les termes dénommant les vêtements, en général, à cette époque et non sur des noms de marque de vêtement.

De fait, sur le marché du jean, la marque Marithé+François Girbaud produit des noms qui sont très différents des habituels numéros ou prénoms7. Nous allons voir en quoi ces dénominations commerciales sont atypiques dans leurs formes et leurs aspects néologiques et comment elles travaillent le sens. Pour ce faire, nous adopterons une démarche théorique triple, à la fois linguistique, sémiotique et communicationnelle, nécessaire à l'approche de l'objet. Elle éveillera un écho avec les travaux lexicographiques ouvrant sur une approche sémiotique menés par A.Greimas dans La mode en 18308. Pour aborder les choix dénominatifs de la marque Marithé+François Girbaud, notre démarche interrogera d'abord le statut théorique du nom de marque d'un point de vue linguistique et tentera d'explorer ses aspects néologiques de façon à comprendre les cadres de production et d'interprétation que peut façonner un recours à des formes néologiques plus ou moins atypiques. Dans un second temps, pour comprendre quel(s) effet(s) de sens résulte(nt) de ces choix, nous envisagerons les modes de signification du nom de marque.

1. Nom de marque : statut linguistique et perception néologique

Le nom de marque est un nom propre atypique

Note de bas de page 9 :

 Au sens barthésien du terme. Cf. Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1958.

Note de bas de page 10 :

 Sur la question de la lexicalisation du nom de marque, voir Karine Berthelot-Guiet, Paroles de pub, Paris, Hermès Lavoisier, 2013.

Les noms de marque font partie de l'univers quotidien de la plupart d'entre nous. Ils peuplent nos placards, signent nos vêtements, identifient les services auxquels nous recourons. Ils sont parmi les premiers signes que reconnaissent les enfants et qu'ils réclament et font partie des petites guerres quotidiennes entre les parents et leurs adolescents. Ils sont presque "naturalisés"9 dans l'univers familier au point parfois de s'installer durablement dans le lexique quotidien au détour de leur lexicalisation10.

Note de bas de page 11 :

 L'appartenance du nom de marque à la catégorie des noms propres est admise par la plupart des linguistes spécialistes du nom propre. Il n'appartient pas au noyau des noms propres prototypiques (noms de personne et de lieu) mais à la périphérie qui présente une partie des caractéristiques. Sur ces aspects, voir Kerstin Jonasson, Le nom propre. Constructions et interprétations, Paris, Duculot, 1994 et Patrick Charaudeau, Grammaire du sens et de l'expression, Paris, Hachette, 1992. Pour un tour d'horizon sur la question du nom de marque comme nom propre, voir Bénédicte Laurent, Nom de marque, nom de produit. Sémantique du nom déposé, Paris, L'Harmattan, 2012, pp. 41-67.

Le nom de marque est, d'un point de vue linguistique, un nom propre11. C'est, par nature, un objet linguistique dont le fonctionnement sémantique sera également atypique car sa compréhension nécessite la mise en œuvre de mécanismes d'interprétation différents de ceux de l'interprétation du nom commun.

Note de bas de page 12 :

 Sarah Leroy, Le nom propre en français, Ophrys, 2004.

Note de bas de page 13 :

Karine Berthelot-Guiet, "Nom de marque et perception fautive du discours publicitaire", Bulletin de la société linguistique de Paris, 2003, t.98, fasc.1, pp. 229-245.

Le nom propre présuppose l’identification de son référent, possible sous deux conditions : 1/ qu’un acte de baptême associe ce nom à x12, il s'agit d'un fait historique, 2/ que les interlocuteurs aient une connaissance commune de cette association, c'est donc une règle conversationnelle qui régit l'usage des noms propres13.

L’ambiguïté référentielle est théoriquement fréquente et n’est levée que par l’usage qui, par un certain nombre de constructions (surnom, nom de famille, etc.), permet à l’interlocuteur de sélectionner le bon référent. Pour un nom propre commercial tel que Mont Blanc, seul le contexte permet de savoir si l’on parle du sommet alpin, d’un stylo, d'une pièce de maroquinerie, d'un parfum ou d’une crème dessert ; de même pour NafNaf,  c'est le contexte qui permettra de choisir entre l'un des trois petits cochons du conte pour enfants et la marque de vêtement.

Note de bas de page 14 :

 Louis Guilbert, La créativité lexicale, Paris, Larousse,1975 et Marie Françoise Mortureux, "La dénomination, approche sociolinguistique", Langages, n°76, 1984, p. 97.

Note de bas de page 15 :

 ibidem, p. 41.

L’acte de baptême du nom propre commercial est conscient, juridiquement défini et nécessairement médiatisé. Il intervient de ce fait en marge des processus de création lexicale de la langue courante. C’est un néologisme de dénomination14 introduit en même temps que la chose nouvelle qu'il désigne. Le processus de néologie lexicale ne suit pas le modèle habituel de la diffusion dans la parole avant l'accession dans la langue : "Il accède d'emblée au domaine de la langue ; il a une valeur linguistique pour toute la communauté en vertu même des mesures législatives dans le domaine industriel et commercial"15. Le nom propre commercial est donc un néologisme de droit.

Note de bas de page 16 :

 David Forest, Droit des marques et des noms de domaine, Gualino éditions, 2012.

Note de bas de page 17 :

 www.inpi.fr

De plus, le nom propre commercial possède une définition juridique16 de l'acte de baptême car on ne peut dire qu'à certaines conditions que le nom x est désormais associé à tel objet, service ou entreprise. Titre de propriété industrielle enregistré, en France, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)17, le nom de marque est défini par des bornes juridiques strictes qui l'obligent à remplir deux conditions : être arbitraire par rapport au produit et service concernés et être disponible pour désigner ces mêmes produits ou services. Le nom à déposer ne doit donc pas être indispensable à la désignation du produit ou de l'une de ses qualités habituelles (on ne peut pas déposer boisson pour une marque d'eau minérale ou tamisée pour une marque de farine) et il ne doit pas être déjà déposé  par un concurrent auprès de l'INPI.

Nom de marque et néologie : question de perception

À titre de nom propre, le nom de marque relève donc d'un système de création lexicale atypique par rapport au reste de la langue française. Cela veut-il dire que tout nom de marque est ressenti par les locuteurs comme un néologisme ? Il est possible que ces derniers, face à un nom de marque ou de produit, ne perçoivent pas toujours ses qualités de nom propre et de néologisme car le sentiment épilinguistique s'arrête sans doute avant ce type de distinction.

Note de bas de page 18 :

 Karine Berthelot-Guiet, Paroles de pub, Paris, Hermès Lavoisier, 2013.

Cependant, il est possible de penser que l'attribution à la classe des noms propres a lieu dans au moins trois cas18 :

1/ Il arrive que les messages publicitaires comportent des signes diacritiques qui indiquent, si le récepteur en connaît la signification, le statut de marque déposée. C'est le cas pour Phyto-dorphines (Trade Mark) dans un message de la marque L'Oréal Paris ou, dans le domaine du textile, pour Lycra et Wattwash. Toutefois ce type de signe est donc rare et non systématique.

2/ Lorsque le nom de marque présent dans le message publicitaire est l'homonyme d'un nom propre comme c'est le cas pour Sonia Rykiel¸ Morgane, Tara Jarmon, Gérard Darel, Stella Forest, etc.

3/ Lorsque le nom de marque est devenu notoirement un nom de marque comme c'est le cas pour Renault, Dior, Danone, La Redoute, Kookaï, NafNaf, etc.

Dans de nombreux autres cas, le locuteur n'a pas forcément conscience du statut théorique particulier du nom de marque qui peut apparaître comme un élément linguistique classique, nom commun, syntagme ou expression. En effet, lorsque le nom de marque est homonyme d'un mot, groupe de mots ou énoncé de la langue courante ou qu'il s'agit d'un vrai (ou faux) patronyme/toponyme, le récepteur se trouve en terrain linguistique connu et même s'il peut avoir des réactions positives ou négatives à l'égard de l'usage commercial des mots de sa langue maternelle, il n'a pas de problèmes de compréhension. Il est donc probable que Le petit Marseillais, Décathlon, La Redoute, Les Petites, Petite Mendigote, Le Temps des cerises ou Diesel ne semblent pas néologiques. Même si le locuteur ne sait pas à quel type d'entreprise ou de produit il doit attacher ces dénominations, leur lecture ou leur audition ne le projette pas dans un univers linguistique étranger ou étrange.

A l'inverse, Beyond Paradise (parfum de la marque Estée Lauder), New skin (crème de soin de la marque Nivéa Visage)ou American retro, Cheap Monday, See U soon (marques de vêtements), noms de marque tous homonymes de termes ou syntagmes issus d'une langue étrangèreactiveront probablement une perception néologique liée à l'emprunt à une "langue étrangère", avec tous les problèmes d'incompréhension, ou de rejet, que cela peut poser.

Par ailleurs, des noms de marque tels que Aquasource (crème de soin de la marque Biotherm) ou Antik Batik vont probablement activer la perception de l'aspect néologique des formes proposées bien que les formations en question restent relativement "classiques" en terme de néologie. En dernier lieu, des productions nettement plus "exotiques", comme Elsève Volume Non-Stop à l'Expansyl ou Erotokritos, Ba&sh, IKKS (marques de vêtement) entrent de façon plus évidente pour le locuteur commun dans le domaine de la néologie. Nous proposons de les appeler "nom de marque néologique".

Note de bas de page 19 :

 Nous nous référons aux matrices néologiques décrites par Jean-François Sablayrolles, La néologie en français contemporain, Examen du concept et analyse de productions néologiques récentes, Paris, Champion, 2001 ; Jean-François Sablayrolles et Jean Pruvost, Les néologismes, PUF Que-sais-je ?, 2012.

Note de bas de page 20 :

 Sur la question de l'hypernéologie voir Jean-Pierre Goudaillier, Comment tu tchatches, Maisonneuve et Larose, 2001.

De plus, ces noms de marque dits "néologiques" sont parfois construits avec une grande complexité, ils combinent plusieurs matrices néologiques du français contemporain19 (là où le français standard n'en utilise la plupart du temps qu'une seule) dans l'espace restreint des quelques lettres et/ou syllabes ce qui peut les rendre d'autant plus étranges pour les récepteurs.  Nous parlerons alors d'hypernéologie20. Dans ce dernier cas, dont relèvent de nombreuses productions Marithé+François Girbaud, le nom de marque est plus que néologique, il est extrêmement ou étrangement néologique, au sens où il met les récepteurs face à des formations peu fréquentes dans la langue standard.Les formes hybrides des noms de marque jouent aux marges de la néologie et utilisent en les mélangeant, deux, trois et parfois quatre procédés ou plus, car le mode de constitution exact de certains de ces noms est, en fait, difficile et même impossible à déterminer avec certitude. Ainsi Fructis hydra-liss (Garnier), est formé par composition pour l'ensemble et composition savante pour hydra-liss, accompagné soit d'une ou deux troncations et d'un emprunt au latin pour la racine fruct- ou une troncation de fructifier, etc.

Marithé+François Girbaud : variations autour de la néologie

Note de bas de page 21 :

 Blanche-Noëlle Grunig, Les mots de la publicité,  Paris, CNRS, 1990.

Note de bas de page 22 :

 Karine Berthelot-Guiet, "La publicité : une parole quotidienne", Communication et langages, n°117, 1998, pp. 12-27.

Le nom de marque peut apparaître dans certaines de ses manifestations comme une sorte de "monstre" néologique, à la fois du fait de son étrangeté et de sa forte visibilité. Et, du point de vue du locuteur "standard", il est alors un élément à perception néologique forte. C'est le cas pour certaines formes très élaborées, sur le plan néologique, proposées par Marithé+François Girbaud telles que Classischism, Maskarajah, Orijeanator, Velocitadinamofuriosolucidoleriostretch. Par exemple Orijeanator  est a minima  un mot valise (Origine+Jean) suffixé avec –ator, qui n'est pas un suffixe du français mais un emprunt anglo-saxon, on peut donc en conclure que quatre procédés et deux matrices (emprunt et transformations syntactico-sémantiques) sont mis en œuvre. De la même façon, Classischism est une forme obtenue par construction d'un mot valise (classicisme+schisme) puis troncation du e final. Nous remarquerons que ces formations de mots-valises "complexifiés" par rapport aux pratiques du français contemporain constituent une vraie gageure cognitive dans la mesure où le mot valise "classique" demande une réception active qui nécessite un travail interprétatif important de la part du récepteur21. Cette activité sera ici encore plus importante car elle se trouve croisée avec un contexte de communication marchande dans lequel les récepteurs peuvent ne pas avoir la bonne volonté interprétative qu'ils auraient face à un travail sur la langue d'ordre littéraire. Le mot-valise commercial peut faire l'objet d'une forme d'oblitération de la réception22.

Note de bas de page 23 :

 Sur la question de la fréquence et de la rareté des formes néologiques voir le travail mené à partir des tableaux de résultats de Jean-François Sablayrolles, La néologie en français contemporain, Examen du concept et analyse de productions néologiques récentes, Paris, Champion, 2001 dans Karine Berthelot-Guiet, Paroles de pub, Paris, Hermès Lavoisier, 2013.

Ces points nous permettent maintenant d'aborder concrètement les productions dénominatives commerciales de la marque de vêtements et de jeans Marithé+François Girbaud et de comprendre de quelle façon elle recourt à l'hypernéologie ou à des formes néologiques rares en français standard23. Globalement, quatre systèmes dénominatifs cohabitent et se construisent de façon continue et cohérente tout au long de l'évolution de la marque entre les années 1960 et maintenant :

1/ La marque Marithé+François Girbaud, composée de noms propres retravaillés par la présence du signe mathématique "+"  à la place du classique "et" ou du possible "&". Une première pointe d'atypisme apparaît donc lors de la création de la marque à travers ce signe "+" qui relève d'un système sémiotique non linguistique, mélange peu fréquent, surtout pour désigner un couple ou une association de créateurs.

2/ Les sous-marques ou noms de concepts créés au fur et à mesure des extensions de la marque soit avec des noms homonymes de termes ou syntagmes de la langue standard (Ça, Matricule, Compagnie des montagnes et des forêts, Dessine moi une femme) qui ne doivent pas sembler néologiques aux récepteurs, des noms homonymes de termes anglais ou italiens (Closed,  Momento Due) qui peuvent sembler néologiques comme l'est un emprunt, d'une formation néologique dite "mot valise" (Metamorphojean) qui, bien que possible en français est ressentie comme très néologique et de formations hypernéologiques, conjuguant le mot-valise, l'emprunt et l'intrusion dans un jeu de mot, etc. (Maillaparty, SPQR, Classischism, Maskarajah, Orijeanator, Velocitadinamofuriosolucidoleriostretch, etc.).

3/ Les noms de procédés de traitement du tissu, d'innovation textile ou de coupe du tissu, inventés par la marque entre 1976 et 2009 : Stonewash (méthode de décoloration du denim par lavage avec des pierres), Crushed denim, Destroyed jeans,  Technovations (vêtements assemblés par la lumière ou le son), Stretchexpress, Imajean process (décoloration partielle du denim par laser), Wattwash process (décoloration et décoration du denim par laser).

4/ Les noms de modèles de vêtements qui donnent une idée d'un élément ou d'une caractéristique du modèle (Le Boutonneux -pantalon pourvu de 70 boutons-, Pépère à taille haute resserrée par une ficelle, Pedal Pusher –remonté comme pour faire du vélo-, Battle Dress –inspiré des vêtements de combat-, Navigator ),  ou de l'état d'esprit lié au port du jean ou l'indentification recherchée (La Goulue, Boogie boy, The Cow boy –premier baggy-, Mountie style, Policeman , Shooting star, Racing Barrel, Jardinier de l'enfer, Western, , Jet Laggers) ou qui font référence à un point d'histoire de la marque (Matricule 11342 -numéro du dossier de procès de la marque contre C&A-). Sur le plan néologique, seuls les homonymes du français ne posent pas question, les autres sont essentiellement des emprunts à l'anglais.  

Sur le plan formel et sur celui de la perception néologique, il ressort de cette approche non exhaustive que la marque Marithé+François Girbaud est marquée par la création lexicale complexe, par l'emprunt à l'anglo-américain et par l'homonymie au français avec des termes typiquement français, que d'aucuns qualifieraient de "franchouillards". Il s'agit d'un mélange original, spécifique et très néologique qui nous mène à interroger le sens que ces noms propres à perception néologique construisent pour la marque, les vêtements qu'elle crée et pour le secteur de l'habillement dans lequel elle intervient.

Pour comprendre maintenant ce que ce système dénominatif nous dit, le sens que construit cet univers de noms de marque complexes, il est nécessaire de comprendre le mode de production du sens du nom de marque.

2. L'interprétation du nom de marque : un univers de significations

Le nom de marque est considéré par les linguistes comme un nom propre, c'est pourquoi il nous faut revenir à l'interprétation de ce dernier pour pouvoir aborder la façon dont Marithé+François Girbaud fait sens, depuis Le Boutonneux jusqu'à Velocitadinamofuriosolucidoleriostretch en passant par Wattwash process.

Quel(s) sens pour le nom propre/nom de marque ?

Note de bas de page 24 :

 Nous empruntons les éléments de cette présentation à Kerstin Jonasson, op. cit., pp. 114-123.

Note de bas de page 25 :

 Saul Kripke, Naming and Necessity, Blackwell editions, 1972.

Note de bas de page 26 :

 Bertrand Russel, Logic and Knowledge: Essays 1901–1950, 1956, London: George Allen & Unwin et John Searle, Les Actes de langage, Paris, Hermann, 1972.

Le sens du nom propre fait partie des questions sur lesquelles les linguistes restent perplexes et souvent en désaccord. Les approches en la matière se répartissent principalement autour de quatre pôles dont aucun ne permet de comprendre complètement la nature de l'interprétation du nom propre. Nous les présenterons dans leur ordre d'apparition sur la scène théorique24.  Une des approches la plus ancienne est celle du "nom propre vide de sens", telle qu'elle a été reprise et diffusée par Kripke25 qui propose l'idée du nom propre comme désignateur rigide, dénotant sans connoter et désignant quelqu'un par les vertus d'une chaîne causale. Cependant, ce type d'analyse n'explique pas comment fonctionne l'ambiguïté lorsqu'un même nom propre est attribué à plusieurs personnes. Une autre approche, plus philosophique, introduite par Russel et reprise par Searle26, postule que le sens du nom propre se réduit à la description de son référent ce qui, d'un point de vue linguistique, laisse à l'écart de nombreux usages qui permettent à un chien ou à un être humain de s'appeler Aristote sans avoir toutes les caractéristiques du porteur initial.

Note de bas de page 27 :

 Georges Kleiber, Problèmes de référence. Descriptions définies et noms propres, Paris, Klincksieck, 1981.

Note de bas de page 28 :

 « Au cours de sa transplantation dans le domaine de la linguistique, la connotation a subi une restriction d'extension, (…) et la frontière entre dénotation et connotation s'est déplacée », Catherine Kerbrat-Orecchioni, La connotation, Presses Universitaires de Lyon, 1977.

Note de bas de page 29 :

 Kirsten Jonasson, op. cit., p. 122.

Note de bas de page 30 :

 Ibidem.

Par la suite, Kleiber27 soutient que le nom propre n'est ni vide de sens et ni uniquement doté d'un sens descriptif qui permet d'identifier le référent. Il a, selon lui, un sens plus général décrit comme "prédicat de dénomination" (être appelé X) qui ne décrit pas l'objet mais lui confère un nom. Une autre approche pose que le sens du nom propre passe par les connotations, prises dans un sens linguistique étroit28. Elles désignent une  « sorte de sens secondaire, ou "oblique" souvent chargé d'affectivité et véhiculé d'une autre manière que le sens lexical par une combinaison de sons, l'étymologie du nom propre ou autre choseencore29 ».Leur apparition varie en fonction du contexte et elles sont déconnectées du fonctionnement référentiel avec lequel elles cohabitent. Les connotations sont particulièrement importantes dans le choix des prénoms, des noms de fiction et des noms commerciaux30.

Globalement, aucun des modes de signification qui viennent d'être décrits ne suffit à qualifier la production de sens du nom propre et donc du nom commercial. C'est pourquoi les réflexions en la matière se sont orientées vers des solutions hybrides qui tentent de décrire les moyens convoqués en fonction de l'emploi en discours.

Note de bas de page 31 :

 M.-N. Gary-Prieur, 1994, pp. 39 à 52.

Note de bas de page 32 :

 Idem, p. 54.

Ainsi, Gary-Prieur fait cohabiter la plupart des théories qui viennent d'être vues dans le modèle qu'elle propose d'une triple partition prédicat de dénomination/contenu/connotations31. Le sens du nom propre est une propriété qui le caractérise en tant qu'unité de langue par le prédicat de dénomination /être appelé x/. L'emploiprédicatif ne requiert aucune connaissance sur le porteur du nom et peut suffire, dans certains contextes, à l'interprétation.  Dans d'autres cas, il ne permet pas, à lui seul, de comprendre le nom propre, il est fait alors appel en complément au contenu qui est constitué de l’ensemble des propriétés attribuées au référent initial du nom dans un univers concerné. Enfin, si le contenu du nom propre ne permet pas une interprétation satisfaisante, les connotations, au sens restreint d'informations qui s'ajoutent au prédicat de dénomination et exclusivement liées au signifiant du nom propre32, entrent en jeu. L'interprétation se construit uniquement en termes de prédicat et de connotations sans intervention du contenu. A l'inverse, quand l'interprétation requiert le recours au contenu, il n'y a pas de connotations. Ce modèle est intéressant mais il ne permet cependant pas de rendre compte de toutes les productions de sens du nom propre/nom de marque en discours.

Note de bas de page 33 :

 Kirsten Jonasson, idem, p.125 et suivantes

Kirsten Jonasson33 pose , dans une approche linguistique cognitive,  que le nom propre est associé à "un particulier dans la mémoire à long terme à l'aide d'un lien dénominatif stable, et véhicule en vertu de ce lien, un modèle interprétatif qui sera réactivé à l'énonciation de ce Npr".  Lorsque le porteur du nom propre nous est connu, l'interprétation reposera sur un savoir métalinguistique basé sur " les conventions gouvernant l'attribution des nom propres, la reconnaissance dans la forme du nom propre d'une certaine origine sociale ou ethnique " (le nom propre Jean désigne par convention en France un individu masculin et Panzani est nom propre italien, cela fait intervenir l'image sonore par symbolisme phonétique ou notre connaissance antérieure de porteurs du même nom propre), des connaissances extralinguistiques ou encyclopédiques liées à la connaissance du référent et la contribution du contexte. Il s'agit d'un savoir spécifique alors que celui associé aux noms communs est un savoir général qui permet de "prédire que les objets dénotés par le même item auront des propriétés en commun". L'emploi d'un nom propre en discours indique que le locuteur suppose chez son interlocuteur une compétence de reconnaissance des liens dénominatifs qui est différente de la compétence linguistique. Le référent, connu et reconnu offre alors un "cadre interprétatif".

Nous retiendrons des travaux de Gary-Prieur et Jonasson que l'interprétation du nom propre et donc du nom de marque repose sur un système complexe prenant plusieurs configurations selon le contexte discursif.

1/ Le prédicat de dénomination peut suffire. Dans la phrase "Peux tu me prêter ta veste Comptoir des cotonniers ?",  il suffit de comprendre que la demande porte sur la veste portant le nom commercial Comptoir des cotonniers.

Note de bas de page 34 :

 Kirsten Jonasson, idem.

Note de bas de page 35 :

 L.Guilbert, idem

2/ Le prédicat de dénomination ne permet pas, à lui seul, d'interpréter le nom propre et il faut avoir recours, en plus, à des connaissances sur le référent initial, comme dans la phrase "Il fait froid, tu me prêtes tes UGG" qui ne peut se comprendre que si l'on sait que cette marque australienne est connue pour produire des bottines chaudes en peau retournée. On peut également faire appel à des connotations réunissant l’ensemble des informations qui s’ajoutent au prédicat de dénomination et qui ne sont pas liées au référent initial mais au signe lui-même. C'est le cas pour les phrases "Comme des garçons, une marque japonaise ?" qui insiste sur le non-coïncidence entre une dénomination française et l'origine nationale de ses créateurs ou "Pourquoi la Vache qui rit rit ?" dans lesquelles le recours aux connotations fondées sur la présence d'une homonymie entre certains éléments du nom de marque et des noms communs permet l'interprétation. Bien que ces noms de marque ressemblent à des descriptions, les sujets parlants n'en sont plus conscients et une phrase comme "Pourquoi la Vache qui rit rit ?" lève volontairement le travail d'opacification sémantique. C'est un sens qu'on peut qualifier "d'étymologique"34.  Le discours publicitaire participe à la construction des connotations soit en actualisant des ressources existantes dans le nom comme c'est la cas pour la marque The Kooples qui faire poser des couples dans ses publicités, soit en contribuant à les induire.  On peut parler "d’impressionnisme signifiant"35 ou "symbolisme" qui peut remplir le nom de marque d'une image pouvant servir de modèle interprétatif, surtout lors d'un lancement.

Marithé+François Girbaud : les sens de la marque

Nous ne pouvons pas reprendre ici chacun des nombreux noms produits, déposés et exploités par la marque Marithé+François Girbaud. Cependant, il nous est possible de comprendre ce que ces noms apportent à ce qu'ils dénomment. Les termes typiquement français apportent à la marque et à ses vêtements un ancrage lié à la nationalité des deux designers ; même quand le nom de modèle est anglo-américain, il est accolé à ces deux prénoms et à ce nom de famille qui, comme Panzani faisait entendre l'italianité, font entendre la francité. Il s'agit là d'une première originalité car les grandes marques de jeans concurrentes (Levi's, Wrangler et Lee) sont américaines, ce sera donc la "French touch".

Reprenons la typologie néologique déjà établie et voyons quelles interprétations en découlent :

1/ La marque Marithé+François Girbaud : l'imaginaire qui en découle est celui d'une marque qui reprend classiquement le ou les noms de ses créateurs, tout en affirmant dès ce stade plusieurs formes d'originalité, sa francité dans le domaine, très américain, du jean, son aspect féminin/masculin alors que le jean à "l'américaine" est, à la base, un univers d'homme(s), son écart par rapport aux conventions qui découle de ce qui précède et du signe mathématique. Choisir cette marque semble donc relever du choix d'une vision non-conformiste et de la volonté de découvrir ce que peut être cette version/vision française du jean. Nous sommes dans une intellectualisation de la démarche d'habillement et d'un domaine vestimentaire qui en semble normalement éloigné. Le jean est habituellement le vêtement de travail, de rébellion, de liberté, de retour aux sources un peu brutes, mais pas vraiment l'habit de la réflexion.

2/ Les sous-marques ou noms de concepts créés au fur et à mesure des extensions de la marque soit avec des noms homonymes de termes ou syntagmes de la langue standard (Ça, Matricule, Compagnie des montagnes et des forêts, Dessine moi une femme), des noms homonymes de termes anglais ou italien (Closed,  Momento Due) et des formations hypernéologiques (Maillaparty, SPQRCITY, Classischism, Maskarajah, Orijeanator, Velocitadinamofuriosolucidoleriostretch, etc.) donnent à voir l'expérience de nouvelles normes proposées par le nom de la marque sous plusieurs modalités : celle du jean marqué et marquant, déictique qui retravaille/redessine le corps, celle de la marque internationale aussi tournée vers les États-Unis et vers l'Italie, autre pays de la mode et enfin celle de vêtements complexes dans leur élaboration (que ce soit au niveau de la conception de la coupe ou de celle des tissus). Tout cela est marqué par une volonté de faire bouger les normes vestimentaires autant que linguistiques et de montrer la part de jeu qui y réside.

3/ Les noms de procédés de traitement, d'innovation textile ou de coupe du tissu, Stonewash, Crushed denim, Destroyed jeans,  Technovations, Stretchexpress, Imajean process, Wattwash process présentent beaucoup d'emprunts à l'anglais et d'hypernéologie. Ces noms qui sont en anglais la plupart du temps mettent au jour la méthode ou les effets produits sur le textile. Il en ressort une impression d'innovation technologique, de recherche qui travaille la langue comme les textiles.

4/ Les noms de modèles de vêtements (Le Boutonneux, Pépère, Pedal Pusher, Battle Dress, La Goulue, Boogie boy, The Cow boy, Mountie style, Policeman , Shooting star, Racing Barrel, Jardinier de l'enfer, Western, Jet Laggers) semblent presque classiques face à la forte atypie des trois systèmes de dénomination précédent. Ils remettent les vêtements de la marque dans un horizon qui les rend réintégrables dans une quotidienneté du port du jean et du vêtement. Suivant l'humeur, celui qui porte le résultat de toutes ces innovations et déplacements de normes peut choisir de se sentir "typically French" ou "So American" dans des dénominations relativement transparentes qui habillent le vêtement de grands stéréotypes culturels français ou américains. La marque réinvente finalement une tradition dont elle a fait bouger les normes.

En définitive, la technicité néologique de nombre de dénominations forgées et utilisées par la marque met en avant la technicité du travail mené de recherche et développement, qui ne se voit pas immédiatement dans le vêtement mais réside dans des détails de la coupe, du tissu et de leurs traitements. Les formes innovantes sont assorties de noms plus classiques qui les ancrent dans des univers précis alors que les innovations non visibles se trouvent dites par les formes linguistiques hypernéologiques. L'expression de la nouveauté passe par un régime discursif de l'hétérodoxie néologique où le message et le nom de marque entrent en synergie en tant qu'indice de nouveauté et d'originalité. Ce qui, dans le cas de la marque Marithé+François Girbaud, est cohérent car la marque est, dans son domaine, connue et reconnue en matière d'invention et d'innovation textiles, de non-conformité dans les designs de vêtements et de recherche et dans les techniques de couture. L'extrême néologie de la marque dit bien la profondeur de ses propositions sur ces différents aspects.

Nom de marque : signe de …

Signe étrange, en dehors de la langue mais partie intégrante du quotidien et de la communication commerciale qui l’accompagne pour les locuteurs, signe étrange parce que marginal dans ses formations et ses « surdoses » néologiques, le nom de marque semble surtout être globalement « signe de… » la marque et d'autre chose. La néologie étrange qu’il convoque lui permet de dire également, par le pouvoir de sa forme, dans le cas de Marithé+François Girbaud, l’expertise, la performance technologique et l’innovation.

En dernier lieu, ce sont les effets de discours de cette hypernéologie commerciale qui sont à interroger. La néologie peut être une stratégie dénominative et discursive adaptée. Dans ce cas, dire différemment et/ou dire en langue étrangère, c'est à la fois dire son statut de marque et dire la différence. Ces formations peuvent avoir une interprétation qui met au premier plan l'aspect connotatif dans le cadre interprétatif.

La véritable nature du nom de marque apparaît à l’issue de ce parcours d'exploration. Il est évident que, bien que sa forme soit linguistique et que, de ce fait, il ait toujours été analysé dans le cadre des sciences du langage, c'est certainement ailleurs que réside sa nature, d'un point de vue plus sémiotique. Quand un nom de marque a une forme complexe, atypique, étrange, finalement monstrueuse d'un point de vue néologique, on peut faire l'hypothèse qu'il est reçu presque comme un signe visuel. Il est, tout comme la marque qu'il dénomme, une forme de programme, que le discours publicitaire va avoir à charge, en même temps que d'autres types de communication marchande, de déployer. La marque et son nom sont donc une sorte d'horizon sémiotique, à la fois ancrage et cadrage.