Colloque international
Performer le flamenco traduit : danse, chant et musique
Jeudi 30 et vendredi 31 mars 2023
Publié en ligne le 07 septembre 2022
Université de Limoges, Faculté de Lettres et Sciences Humaines
Organisatrices : Chloé Houillon (ACCRA, CREAA, Fundación Cristina Heeren), Marion Lapchouk-Ortega, Anne-Sophie Riegler (EHIC) et Vinciane Trancart (EHIC)
Appel à contributions
La traduction de chants pose la question de la diversification de la transmission à de nouveaux publics. Ne contribue-t-elle pas à multiplier les voies d’accessibilité à un héritage culturel ? L’on peut penser qu’elle favorise le transfert et l’internationalisation des cultures. Le flamenco ne ferait alors pas exception, d’autant qu’il combine chant, musique et danse.
C’est pourquoi le laboratoire EHIC de l’Université de Limoges, le laboratoire ACCRA et le centre CREAA de l’université de Strasbourg, ainsi que la Fundación Cristina Heeren de Séville organisent un colloque international autour de l’art flamenco lorsqu’il est traduit dans une langue étrangère. Cette manifestation s’inscrit dans le prolongement des travaux de l’atelier de traduction de chants flamencos Trad. Cant. Flam., dont l’objectif, depuis 2019, est d’offrir une version française de cantes qui soit chantable dans un style flamenco. En 2020, les journées « Traduire le chant flamenco » ont permis de vérifier la chantabilité (singability)1 du répertoire traduit par cet atelier. Depuis, les premières réalisations sonores ont été enregistrées et publiées avec des études complémentaires dans le numéro 2 de la revue FLAMME intitulé « Culture flamenca : cante et traduction » (2022)2.
Le colloque envisagé cherche à poursuivre et à compléter ce projet avec pour objectif d’analyser des performances chantées mais aussi dansées qui se centrent sur du flamenco traduit. Ces réflexions sur la traduction comme vecteur de création porteront notamment sur la « dansabilité »3 du flamenco en langue étrangère et sur l’adaptation de ces traductions à d’autres styles artistiques. Ce colloque parie sur une mise en question des présupposés esthétiques qui conditionnent la production et la réception du flamenco. Il s’inscrit dans la continuité d’une ligne thématique d’innovation et d’expérimentation en résonance avec les débats contemporains (bousculer, décloisonner le triptyque cante, toque, baile).
Les propositions pourront porter sur différents contextes et sur d’autres langues que le français.
La manifestation s’articulera autour de deux versants complémentaires : l’un scientifique, l’autre artistique. Il s’agira à la fois d’exposer et de commenter des traductions et des performances, et de s’essayer à leur mise en chant, en danse et en musique.
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La journée d’étude (jeudi 30/03/2023) sera consacrée à la présentation de communications.
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Le workshop (vendredi 31/03/2023) offrira un espace pour des interprétations musicales ou chorégraphiques. Il sera aussi le lieu d’échanges avec les artistes, notamment dans la perspective de continuer le travail de l’atelier Trad. Cant. Flam.4
Aussi ces journées sont-elles ouvertes à la fois à des chercheurs (pouvant inscrire leur travail dans des disciplines variées, comme les langues, les lettres, la linguistique, l’histoire, la philosophie, les arts du spectacle et la danse…), à des spécialistes de la traduction et à des artistes (flamencos ou non). Le cadre de la réflexion est pluridisciplinaire et théorico-pratique. Les axes de travail proposés sont les suivants :
1. Traduction et chantabilité
a. Chantabilité des traductions dans un style flamenco
La traduction du chant soulève des interrogations spécifiques qui concernent le fond et la forme. Dans la lignée des premiers travaux de l’atelier Trad. Cant. Flam., on continuera de se poser la question des choix et des priorités à établir quant à la traduction des registres de langue, des gitanismes, des andalousismes, de la prosodie, des spécificités métriques, etc. Des démonstrations chantées de ces traductions dans un style flamenco pourront être acceptées. Toutes les propositions de traductions, de commentaires et d’interprétations à partir de sources flamencas orales ou transcrites seront examinées par les organisatrices, avec une préférence pour les travaux centrés sur la Antología del Cante Flamenco (Hispavox [1954]).
b. Chantabilité des traductions dans un style non flamenco
La copla flamenca n’est plus nécessairement envisagée à l’aune de sa spécificité générique et peut même être considérée indépendamment de son genre. Il s'avère fécond de s’interroger sur les transformations engendrées par les changements de forme et de style qui invitent à d’autres mises en pratique du flamenco traduit. De telles démarches modifient-elles le rapport du traducteur à son objet d’étude et le statut du texte traduit ? Comment appréhender une traduction préexistante en vue de son adaptation dans un autre registre ? Convergence ou divergence ? Adaptation ou tentation de retraduction ? Quels seraient les critères de chantabilité à privilégier au moment de (re)traduire un chant flamenco pour une version chantée dans un autre style musical ?
On pourra également se demander quel est l’impact de la traduction sur l’accompagnement musical du chant, dans un style flamenco ou non.
2. Traduction et dansabilité
De ce premier axe, en découle un deuxième, celui de l’interprétation du chant par la danse. Comment la communication entre les acteurs (cantaor, bailaor, tocaor) se modifie-t-elle avec le changement de langue ? Deux pistes peuvent être suggérées :
a. La dansabilité des traductions dans un style flamenco
On cherchera à savoir comment les traductions « fonctionnent » dans le cadre de la pratique flamenca. Selon cet objectif, il s’agirait peut-être de s’appuyer sur un « hexathlon » dérivé du « pentathlon » de Peter Low sur lequel l’atelier Trad. Cant. Flam. s’est fondé jusqu’à présent, tout en l’adaptant aux chants flamencos (Low, 2005 ; Riegler & Trancart, 2022). Le pentathlon originel de Peter Low consiste à prêter attention conjointement à cinq critères au moment de traduire un chant : la chantabilité, le sens, le naturel, le rythme et la rime. Peter Low suggérait lui-même l’idée d’un sixième paramètre : il trouvait pertinent, par exemple pour la traduction des opéras, de rechercher l’efficacité dramatique de la traduction. Dans le cas du flamenco, le sixième paramètre à ne pas négliger serait, de même, celui qui concernerait le passage à la scène ou tout simplement à la performance – par exemple sous forme de répétition, de concert, de mise en pas, en figure, en danse du flamenco. On pourrait ainsi réfléchir à l’idée de « dansabilité » en lien avec le compás, les modèles mélodiques et les ornements éventuels.
b. La dansabilité des traductions dans un style non flamenco
On se demandera quels peuvent être les effets d’une traduction sur le mouvement dansé, lorsqu’on fait le choix d’un autre style musical que le flamenco : mise en dialogue du texte avec la pratique corporelle, prise en compte de la matérialité des sons, analyses chorégraphiques comparatives, ressenti des danseurs, etc. Réciproquement, quelle serait l’influence du mouvement dansé sur le chant ?
3. Transmission et réception
La traduction d’un cante et sa performance, y compris dansée, invitent à s’interroger sur la nature des auditeurs-spectateurs et les modalités de la réception. Le sens est-il rendu (plus) accessible grâce au changement de langue ? Les coplas disparaissent-elles derrière la performance ou sont-elles au contraire mises en valeur par celle-ci ? Quels sont les effets émotionnels de ces métamorphoses ?
Comme pour les axes précédents, on pourra s’interroger sur ces questions de transmission et de réception dans un style flamenco ou non.
Langues acceptées pour les communications
Français, anglais, espagnol, italien
Approche performative
Cette piste de travail s’adresse aux artistes. Invitation est faite aux chanteurs, chanteuses, danseurs, danseuses et instrumentistes qui le souhaiteraient, flamencos ou non, d’interpréter des letras traduites en français. Ces performances pourront être présentées lors du workshop (vendredi 31 mars 2023)5.
Le choix du genre musical est libre, ainsi que la formation instrumentale. Les traductions effectuées étant ordonnées à un objectif de chantabilité et de dansabilité des coplas, il s’agira d’en proposer des interprétations possibles.
Nota Bene :
1) Des traductions pourront être envoyées par les organisatrices aux artistes en amont (sur demande).
2) Nous pourrons aussi compter sur la participation d’artistes invités.
Lieu de la manifestation
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université de Limoges
Campus Vanteaux
39E Rue Camille Guérin
87036 Limoges
Dates importantes
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Date limite de soumission des interventions : 30 septembre 2022
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Réponse aux auteurs : novembre 2022
Les propositions comportant un titre, un résumé (250 mots maximum) et une bio-bibliographie (250 mots maximum) sont à envoyer dans un unique fichier PDF intitulé Nom_Flamenco_Limoges aux responsables scientifiques, au plus tard le 30 septembre 2022 à l’adresse : trad.cant.flam@gmail.com
Url de référence : https://www.unilim.fr/ehic/
Bibliographie
Bibliographie indicative (sélection)
Traduction et chanson
ABBRUGIATI, P. (Dir.), (2017), Réécriture et chanson, collection Chants Sons, Presses universitaires de Provence (PUP).
BOSSEAUX, C. (2011), « Song Translation », in Handbook in Translation Studies (eds). Kirsten Malmkjær and Kevin Windle. Oxford University Press, p. 183-197.
Chantabilité, nom. (2021). In Cordial. Synapse Développement. https://www.cordial.fr/dictionnaire/definition/chantabilit%C3%A9.php
Définition « Chantabilité ». (2021). In Y. Bigot (Éd.), TV5MONDE Dictionnaire « Découvrir le français ». TV5MONDE. https://langue-francaise.tv5monde.com/decouvrir/dictionnaire/c/chantabilite
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GORLEE, L. D., ed. (2005), Song and Significance: virtues and Vices of Vocal Translation. Amsterdam and New York, Rodopi.
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LOW, P. (2003), « Singable translations of songs ». Perspectives: Studies in Translatology. 11 (2), p. 87-103.
— (2008), « Translating Songs that Rhyme », Studies in Translation Theory and Practice, 16 (1-2), p. 1-20.
— The Pentathlon Approach to Translating Songs. In D. L. Gorlée, Song and Significance : Virtues and Vices of Vocal Translation (p. 185‑212). Rodopi.
MOSSOP, B. (2013), « Singing in unknown languages: a small exercise in applied translation theory », in Special issue of JoSTrans, The Journal of Specialised Translation, 20, https://www.jostrans.org/issue20/art_mossop.pdf
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Danse et texte
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GODFROY, A. (2015) Prendre corps et langue. Etude pour une dansité de l'écriture poétique
—, (2015) Danse et poésie : le pli du mouvement dans l’écriture. Michaux, Celan, du Bouchet, Noël, Paris, Honoré Champion, « Bibliothèque de Littérature générale et comparée », 2015, 348 p.
—, (2018), (dirigé avec B. Bonhomme, R. Lefort et J. Vellet) Articuler danse et poème.
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SERRANO, J. et J. Elgorriaga, (1990) Flamenco, body and soul, Fresno, The Press at California State University.
Anthologies de coplas en espagnol (entre autres)
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FERNÁNDEZ BAÑULS, J. A. et PÉREZ OROZCO, J. M. (eds.) (1983) La poesía flamenca lírica en andaluz. Sevilla, Servicio de Publicaciones del Ayuntamiento.
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Recueil de coplas et letras flamencas traduites en français
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ANDRADE DE SILVA, T. (1954), Anthologie du cante flamenco, Paris, éditions du Tambourinaire.
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ANONYME (1896), Chansons populaires de l’Espagne, Paris, A. Charles, http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000055840&page=1 [consultation : 2019-10-31].
ANONYME (1946), 333 coplas populaires suivies de 33 coplas sentencieuses du folklore andalou, Paris, Charlot.
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DUMAS, D. (éd.) (1973), Chants flamencos. Coplas flamencas, Paris, Aubier Montaigne.
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— (1996), L’Andalousie, musiques traditionnelles, musiques gitanes : notes de programme et traductions, Paris, Cité de la musique.
— (2002), Flamenco : créativité ou innovation ? Notes de programme et traductions, Paris, Cité de la musique.
JOULIA, M. (2001), Je me consume. 2, Coplas flamencas, introduction de Jean-Yves Bériou, Barcelone, Laüt.
LÉVIS MANO, G. (éd.) (2016), Coplas, poèmes de l’amour andalou / traduit de l’espagnol par Guy Lévis Mano ; illustrations de Javier Vilató, 5e, Paris, Éditions Allia.
PRADAL, V. (2014), 100 coplas flamencas, Toulouse, Sables.
PRIETO, J.-R. (1996) Je me consume. Coplas flamencas, introduction de Jean-Yves Bériou. Barcelone, Laüt.
VIDAL, R.-J. (1992), Coplería flamenca : coplas et letras, bilingue, Hyères, L’Or des îles.
Traduction et poésie
BONNEFOY, Y. (1994), La petite phrase et la longue phrase, [Paris], La TILV.
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JAKOBSON, R. (1978-1979), Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit.
LOTMAN, Y. (1975), La structure du texte artistique, Paris, Gallimard.
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PARDO, M. et A. PARDO (2010), Précis de métrique espagnole, Paris, Armand Colin.
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Enregistrements de cantes incluant des traductions (entre autres)
CURRO PIÑANA (2011), Anthologie du Cante Minero, CD, Inédit Maison des cultures du monde.
EL BARULLO et MORAITO (1995), Plazuela, CD, Paris, Audivis.
PERICO EL DEL LUNAR (1954), Antología del cante flamenco, CD, Madrid, Ducretet-Thomson.
PERICO EL DEL LUNAR (1958), Antología del cante flamenco, CD, Madrid, Hispavox.
Sitographie
https://www.lesondesdumonde.fr/
TRANCART, Vinciane et Anne-Sophie RIEGLER (dir.), Culture flamenca : cante et traduction, q2022, n° 2, FLAMME, https://doi.org/10.25965/flamme.339
Notes
1 Ce terme apparaît dans certains dictionnaires francophones avec les définitions suivantes (voir bibliographie). En anglais, on trouve « the quality of being singable » (« Singability », 2000). Franzon définit ce concept, d’un point de vue fonctionnel comme « a musico-verbal fit of a text to music » (Franzon, 2008, p. 373), expression qui pourrait être traduite par « une unité musico-verbale entre le texte et la composition musicale ».
2 Voir ce numéro de la revue d’EHIC en open access : https://www.unilim.fr/flamme/339
3 Terme calqué sur celui de « chantabilité ».
4 Depuis 2019, l’atelier a choisi pour corpus la Antología del cante flamenco de Perico el del Lunar [1954], dans le but de la traduire intégralement.
5 Il est possible d’envoyer aux organisatrices des vidéos des performances à l’avance.