- Note de bas de page 1 :
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Alloing, Pierre, 2017, p. 11.
« Après tout, on n'a jamais autant fait de déclarations d'amour depuis qu'on clique, à hauteur de plusieurs millions de fois par jour, sur le bouton J'aime de Facebook. On peut débattre évidemment de qui se cache derrière le Like, rappeler qu'il n’équivaut pas à un Love. […] Par contre, on se doit d'admettre que ces expressions circulent, notamment sur le web et qu'elles signalent le désir de partager ce qui nous affecte, et peut-être le souhait d'affecter les autres. L'affect est donc un élément qui circule entre le corps, et certains dispositifs numériques tendent à faciliter cette circulation. Il faut alors considérer l'affect comme une donnée informatique et ce qui est en jeu dans cette transformation numérique de nos émotions : une nouvelle façon d'agir sur le corps »1.
- Note de bas de page 2 :
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S. Ahmed, « Affective Economies », Social Text, 79, vol. 22, n° 2, 2004, pp. 117-139.
- Note de bas de page 3 :
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Alloing, Pierre, 2017, p. 31.
Dans ces quelques lignes, les auteurs nous exposent très clairement comment le fait de réfléchir aux affects numériques, voire à l'économie numérique des affects, revient à repositionner le corps dans un environnement de signes et de pratiques, d'infrastructures technologiques et politiques, par lesquels les affects circulent. Le corps, bien que n’étant apparemment pas le sujet central de leur ouvrage, est pourtant toujours évoqué comme le moteur de cette économie d'affects dans laquelle il manifeste toute son ubiquité, comme un corps naviguant d'un côté et de l'autre côté de l'interface, où il devient corpus, palimpseste de signes et d'images, programme de production et de consommation d'affects. C’est en réalité du corps qu’il s’agit, même là où l’ouvrage vise à saisir les enjeux économiques qui se cachent derrière des interfaces de plus en plus endimanchées et ludiques qui nous poussent à produire des affects. Leur capacité à affecter, c'est-à-dire à « avoir un effet sur », est de plus en plus codée et affinée par le design comme par les algorithmes. Une capacité, celle des dispositifs numériques, à la fois inter-subjective et inter-objective et qui intensifie de plus en plus l'épaisseur émotionnelle du web, que les auteurs qualifient d'affectif. Dans une optique spinoziste, Camille Alloing et Julien Pierre distinguent les affects des émotions : les premiers nous permettent d'observer la façon dont les secondes, par le biais de la médiation numérique, circulent entre les corps et les objets aussi bien qu'entre les objets et les signes2. La performativité des affects, leur pouvoir de nous toucher, de nous frapper, peut constituer une véritable manipulation des émotions, à travers des techniques qui, dans leur ensemble, rendent possible un « travail affectif » : « les affects agissent dans un système économique particulier (le capitalisme), remarquent les deux auteurs, et leur mise en circulation reproduit la circulation capitaliste (chaîne de valeur) et ses modes de production (industrialisation) »3.
- Note de bas de page 4 :
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F. Lordon, La société des affects : pour un structuralisme des passions, Paris, Seuil, 2013.
- Note de bas de page 5 :
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P. Dumouchel, Emotions. Essai sur le corps et le social, [1995], Le Plessis Robinson, Institut Synthélabo, 1999, p. 16. Plus loin, on peut lire que « Les émotions ne sont pas sociales en raison de leur objet, elles sont sociales parce qu’elles sont exprimées. [...] La colère, la peur, la joie, l’angoisse expriment des dispositions de comportement et permettent de ce fait l’établissement d’un système de promesses et de menaces, d’offres et de demandes. Mais ces expressions ne sont pas parfaitement définies à l’origine. C’est la réponse de l’autre qui constitue l’expression première en offre, en demande, en menace ou en “rien du tout”. En ce sens elle participe à la faire devenir l’émotion qu’elle est. C’est dire, encore une fois, que l’expression affective précède l’émotion. L’expression affective est signe et elle éveille chez l’autre une réponse qui s’inscrit à son tour dans le cadre de l’émoi » (p. 114).
- Note de bas de page 6 :
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A. Arvidsonn, « General Sentiment : how value and affect converge in the information economy », The Sociological Review, vol. 59, n° 2, 2011, p. 39-59.
- Note de bas de page 7 :
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L. Allard, C. Alloing, M. le Bechec, J. Pierre, « Introduction », « Émergences. Les affects numériques », Revue française des sciences de l'information et de la communication, 11/2017(en ligne : http://rfsic.revues.org/2870).
- Note de bas de page 8 :
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F. Pallier, F. Vörös, « Des effets aux affects : médiations, pouvoir et navigation sexuelle en ligne », ibidem.
La mise en perspective politique de leur ouvrage est déclarée dès le premier chapitre (« Extension du domaine affectif »), où, au prisme d'une approche structuraliste inspirée par Frédéric Lordon4, les affects sont considérés comme étant les effets des structures sociales et culturelles dans lesquelles nous vivons. Un auteur que Alloing et Pierre ne citent pas et dont la vision des affects et des émotions nous semble pourtant assez proche de la leur, Paul Dumochel, écrit que l'émotion « n’est pas un épisode privé dans la vie du sujet, et qui reçoit par la suite une socialisation qui la dompte ou qui la met en forme » : elle n'est pas privée, car « les passions ne sont ni dans le corps ni dans l’esprit du sujet passionné, pas plus que la signification des mots n’est dans la tête de celui qui les utilise. Les émotions sont des œuvres communes auxquelles plusieurs participent »5. Les considérations de Dumochel évoquent l'hypothèse de travail sur laquelle s'appuie leur ouvrage, à savoir celle d’Adam Arvidsonn6 : la circulation des affects produit une forme de capital, à laquelle participent des valeurs comme la réputation ou la marque qui dans les réseaux sociaux trouvent leurs possibilités de densification. L’analyse des affects doit alors focaliser son attention sur le dispositif social dans lequel ils ont lieu : dans l'« Introduction » du dossier, que la Revue française des sciences de l'information et de la communication a dédié aux affects, et que, avec d'autres, les mêmes Alloing et Pierre ont coordonné, on peut lire que « la problématique des affects incite à s’intéresser aux comportements, aux discours, aux contenus, aux signes et aux médiations en jeu. Et il convient de le constater, ces médiations sont dorénavant principalement sous l’emprise de dispositifs numériques »7. Dans leur contribution à ce même dossier, F. Pallier, F. Vörös parlent des affects comme étant « à la fois causes et conséquences » et « les forces et les mouvements qui traversent et constituent des situations » : les affects « donnent forme à des matières et intensifient des systèmes de signes. Les affects agencent des corps, des contenus médiatiques et des appareils techniques. […] Aussi intense soit-il, remarquent encore les auteurs de cet article, un affect ne subsume toutefois jamais entièrement la pluralité des forces en présence, dont le rapport de situation ne saurait se réduire à une seule et unique fonction ou principe organisationnel »8.
- Note de bas de page 9 :
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Alloin, Pierre, 2017, p. 39.
- Note de bas de page 10 :
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L. Allard, Mythologie du portable, Le cavalier Bleu, 2009.
- Note de bas de page 11 :
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M. Jousse, Anthropologie du Geste, Paris, Gallimard, 1974.
- Note de bas de page 12 :
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G. Gebaur, C. Wulf, Jeux, rituels, gestes. Les fondements mimétiques de l'action sociale, [1998], trad. fr., Paris, Anthropos, 2004.
Dans cette même perspective, dans le deuxième chapitre (« Les affects numériques en surface »), Alloing et Pierre réfléchissent à la diversification croissante des réactions émotionnelles qui nuancent ce qui, sur Facebook, n'était qu'un J'aime : en 2016, le designer de Facebook, Geoff Teehan, a ajouté une barre de « réactions » à côté du pouce du « J’aime », multipliant ainsi les boutons de partage qui sont autant d’emoji animés représentant des émotions fondamentales. Ainsi, depuis cette innovation, nous pouvons choisir entre plusieurs options : le cœur pour dire J'adore, le « haha » traduisant le rire (avec la bouche grande ouverte et le visage secoué par le même rire) ; le « Wouah » d’étonnement (la tête tournant sur les côtés, la bouche, les yeux et les sourcils caricaturant l’expression) ; l'emoji avec sourcils, paupières et lèvres tombants, accompagné par l’écriture « triste » ; le « Grr » de rage et de refus (avec la tête en rouge, enflée). « Les boutons de partage permettent de faire circuler des opinions et des affects tels qu’ils sont exprimés par leur auteur. Ils favorisent ainsi, écrivent Alloing et Pierre, la circulation des informations sur les plate-formes (et entre les plate-formes) tout en facilitant le comptage des reprises. Ces boutons matérialisés à l’écran par des signes émotionnels polysémiques (cœurs, pouces levés), multiplient les usages tout en permettant explicitement “d’affecter” un message »9. Il existe aujourd’hui plusieurs centaines d’emoji, Facebook, WhatsApp et les majeures compagnies de téléphonie mobile les mettent à jour périodiquement, variant de plus en plus les thèmes et les références. Ainsi, on peut distinguer les emoji smiley et personnages, de ceux qui se réfèrent aux animaux et à la nature, ou encore de ceux qui se rapportent à la nourriture, ou bien de ceux qui évoquent des activités de travail et de loisir, ou encore des lieux et des moyens de transport, des objets à usage plus ou moins quotidien, et autres symboles disparates (de la signalétique à l’orthographie) ou drapeaux. À l'instar de Laurence Allard10, les auteurs considèrent l'emploi des emoji comme étant lié à la culture numérique nomade qui se matérialise dans l'emploi du Smartphone. Outre nuancer un texte, les emoji peuvent, dans de nombreuses circonstances, se substituer complètement aux mots nous permettant ainsi de synthétiser notre pensée grâce à une manipulation efficace et rapide de notre clavier. Cette panoplie de pictogrammes constitue ce que Antonio Casilli, dans son introduction à cet ouvrage, définit de « grammatisation des émotions » : les emoji, en particulier les smileys et tous les emoji représentant des expressions du visage, des regards ou des gestes de la main, prolifèrent comme étant des effets de corps qui, dans des agencements extrêmement changeants, font visage, suppléant d'une certaine façon l'absence de notre mimique faciale. Leur usage dénonce et dramatise l'absence de notre corps physique dans un contexte de communication à distance, tout en contournant ce manque grâce à des effets paradoxaux de style qui nous rappellent la notion de « corporage » et de « cinemimage » de Marcel Jousse11, car ces emoji sont à bien y songer des micro-gestes déclinant à l'échelle de l'interface la performativité affective des gestes humains. Ceux-ci, selon les anthropologues Christophe Wulf et Gunter Gebaur, rendent le comportement humain calculable12.
- Note de bas de page 13 :
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Callejas Zoraida, Griol David, Lopez-Cozar Ramon, « Predicting user mental states in spoke dialogue systhèms », EURASIP Journal on Advances in Signal Processing, vol. 2011, n°1, 2011.
Et c’est d’ailleurs la question de la calculabilité qui occupe le troisième chapitre de cet ouvrage (« De la mesure et de l'évaluation des affects numériques ») : Likes, reconnaissance faciale, sentiment analysis sont autant de techniques pour mesurer nos émotions dans des buts manifestement marchands. Notre corps, à travers ses multiples configurations et ses opérations gestuelles et locutrices, est l'objet ultime du désir de l'économie des affects : les émotions qui en ressortent sont captées et évaluées, sollicitées et calculées. Les auteurs citent et décrivent certaines méthodes de métriques des émotions (celles de Google, de Facebook, de Twitter), avant de se pencher sur la reconnaissance faciale et vocale. Cette double reconnaissance repose sur une stratégie sous-jacente de sémiotique et de psychologie du corps et de ses effets, encore une fois dans une optique d'exploitation commerciale. Échantillonnage, classification, base de données et traitement algorithmique de certains « points » de notre visage (notamment les yeux et les lèvres) sont censés détecter colère, mépris, dégoût, peur, tristesse, neutre, bonheur, surprise. Inspiré de la théorie des émotions fondamentales de Paul Elkman, le système de reconnaissance faciale est, selon les deux auteurs, manifestement critiquable pour son déterminisme. Alloing et Pierre citent le cas de Google, dont le système de reconnaissance faciale a choqué pour avoir confondu le portrait de deux Afro-américains avec ceux de gorilles. Quant à la reconnaissance vocale, elle s'appuie sur les variations de modulation de notre voix pendant que nos états d'âme évoluent : dans ce chapitre sont mentionnés des travaux grâce auxquels des algorithmes pourraient prédire notre état émotionnel13, travaux financés par les principales entreprises du numérique qui croient fortement à l'intérêt mercantile de l’analyse de la voix des usagers. Dans ce troisième chapitre de l’ouvrage, le lecteur décrypte comment les effets du corps, des mimiques et de la voix, sont calculés et peut-être aussi manipulés. À l'instar des deux auteurs, nous nous demandons si cette capacité à prédire une réponse ne devient pas conditionnement de la réponse elle-même. Dans tous les cas, notre corps est appelé à une performance attentionnelle quasi constante, par le biais de sollicitations sensorielles et communicatives qui ne le laissent jamais en repos, s’inscrivant dans le registre d’un capitalisme affectif « à l'assaut de notre sommeil ». Pour décrire l'ensemble de ces opérations de production et consommation des affects, les deux auteurs adoptent un paradigme dynamique et spatial : celui de la circulation.
- Note de bas de page 14 :
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Alloing, Pierre, 2017, p. 103.
Les affects numériques circulent entre les plateformes et leurs annonceurs, servant d'élément de mesure mais aussi de levier pour inciter à l'investissement. Les plateformes prenant alors une position hégémonique en s'inscrivant comme le meilleur moyen d'affecter finement des « cibles » identifiées. Entre les annonceurs et les usagers, la circulation des affects numériques est un levier attentionnel pour générer des clics ou des vues, voire pour déclencher un achat ou accroître la recommandation d'un contenu. Cette circulation marchande s'inscrit dans la marchandisation de notre intime, et s'effectue via le digital labor des usagers et la valorisation de leurs données personnelles et affectives dont nombreuses entreprises des industries numériques dépendent afin d'engendrer des investissements14.
- Note de bas de page 15 :
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Ibid. p. 74.
Pour aller encore plus à la source de la circulation marchande, et voir comment elle est structurée et présentée, l’ouvrage propose, dans le chapitre suivant (« Stratégie pour produire un web affectif »), une analyse très détaillée sur le fonctionnement de la stratégie, à la fois épistémique et interactionnelle, de Facebook, qui fait de ce réseau social un véritable « espace de médiation des affectivités », un écosystème de signes, contenus, algorithmes, notifications, formé sur un modèle logico-mathématique d'interprétation du réel à l'instauration duquel il contribue à son tour. « Peu importe les sujets par lesquels les usagers s'affectent réciproquement, écrivent Alloing et Pierre, la stratégie de Facebook consiste à soutenir l'affectivité en l'instrumentant dans l'espace de production et en l'intensifiant dans l'espace de réception, que ces espaces concernent les usagers, les annonceurs, les développeurs et jusqu'aux salariés du réseau social »15.
- Note de bas de page 16 :
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Ibid. p. 81.
- Note de bas de page 17 :
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« Logiques affectives des usages non pédagogiques du numérique en situation de cours », Acte du Colloque international TICEMED, 2014.
- Note de bas de page 18 :
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Alloing, Pierre, 2017, p. 94.
- Note de bas de page 19 :
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C. Wulf, Une anthropologie historique et culturelle. Rituels, mimésis sociale et performativité.
Le cinquième chapitre (« Du travail affectif et émotionnel en ligne »), après avoir pointé la distinction entre travail affectif − consistant dans la circulation des affects − et travail émotionnel − comme une mise à l’épreuve des émotions qui en résultent16 −, nous invite à réfléchir sur une étude menée par Julien Pierre (avec Aurélia Dumas et Fabienne Martin-Juchat)17 autour des affects quotidiens propres à l'usager. Les trois chercheurs ont interpellé un groupe d'étudiants auxquels ils ont demandé, entre autres, quelle émotion naissait de l'interaction numérique. Le résultat de cette étude exploratoire est que l'ennui prime sur les autres émotions : on se connecte, on clique, on zappe, on surfe, pour échapper à l'ennui quotidien, mais le sentiment ultime que cette activité déclenche est à nouveau l'ennui. L'usager, soulignent Alloing et Pierre, « est incité à produire des impulsions : il met en mouvement, par ses émotions, les contenus et fait circuler par un simple clic des affects », sans qu'il se rende compte qu'il participe à une forme de coproduction (publicitaire, éditoriale, etc.)18. C'est ce mouvement qui résonne avec la corporéité numérique, le mouvement semblant être ce qui lie le corps au monde. En développant cette hypothèse, les deux chercheurs s’inscrivent dans une perspective anthropologique. À l'instar de Christophe Wulf, nous disons que « grâce à leurs mouvements, les hommes prennent des empreintes du monde qui, en même temps, le transforment et qu’ils transforment en une partie d’eux-mêmes. Le mouvement crée le monde dans un échange réciproque continuel. Le mouvement est un medium entre le corps et le monde, et c’est par lui qu’ils sont étroitement liés l’un à l’autre. Par le mouvement les hommes prennent part aux mondes des autres et chacun d’eux devient ainsi une partie de la communauté humaine »19. La performativité numérique amplifie et augmente le mouvement des objets et des personnes autour de nous, en attirant notre attention comme ne peut le faire que ce qui est en train de bouger, de changer, de se modifier.
- Note de bas de page 20 :
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Alloing, Pierre, 2017, p. 109.
- Note de bas de page 21 :
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Ibid, p. 112.
Pour aller « au-delà du web affectif », ainsi que l'annonce le titre du dernier chapitre, et adopter la notion de « digital affective labor », Alloing et Pierre nous invitent à considérer « l’affect comme un objet qui se veut instrumentalisable » et qui induit un travail visant à « transformer les expressions affectives en information, et à l'inverse à définir ce qui dans une information affecte ce qui en prend connaissance »20. Après avoir constaté que dans le capitalisme numérique, les émotions et les affects constituent des valeurs marchandes et monétisables, il faut « penser les dispositifs permettant d'éviter une lutte des classe affectives et donner à tous une capacité à faire de ses émotions un lieu propre (au sens de Certeau) ». Dans la toute dernière page, les auteurs nous donnent quelques pistes à sonder, parmi lesquelles des outils capables de crypter nos expressions émotionnelles, mais surtout capables de détecter les fonctionnements affectifs du dispositif : « savoir ce qui est qualifié d'affect par un dispositif, et pouvoir définir soi-même ce qui nous affecte et avec quelle intensité, permettrait de transformer nos braconnages quotidiens des règles des plateformes en stratégies de consommation de l'information »21.