Intentions politiques des dispositifs PEAMA et DAEU : prévenir ou combattre le décrochage dans l’enseignement supérieur Political Intentions of the PEAMA and DAEU devices: prevent or fight the drop out in higher education
Les dispositifs PEAMA en Colombie et DAEU en France relatifs au décrochage scolaira sont étudiés à partir des lois politiques éducatives qui les impulsent jusqu’à leur mise en œuvre au quotidien des acteurs. Notre article porte sur la lecture et la compréhension du développement des dispositifs et de leur place dans les politiques nationales et locales quant à la prévention et à la lutte contre le décrochage dans l’enseignement supérieur en Colombie et en France. La méthodologie suit l’analyse de contenu monographique, ce qui nous permet de présenter à la fois les résultats de l’enquête et le développement des dispositifs mis en place, pour finalement, mettre en avant la place qu’ils occupent au sein de la société.
El estudio de los dispositivos PEAMA en Colombia y DAEU en Francia dan cuenta del proceso de prevención de la deserción en la educación superior. Este proceso va desde las políticas educativas nacionales y locales hasta la movilización de los diferentes actores en su quehacer cotidiano. El objetivo de este artículo consiste en leer y conocer como se desarrollan los dispositivos (PEAMA y DAEU) a través de la implementación de las políticas educativas de prevención la deserción en la educación superior y la influencia de estas políticas a la hora de la elaboración de los dispositivos. Para la lectura se aplica el modelo de dispositivo de prevención de la deserción en la educación superior. La metodología utilizada es el análisis de contenido, el cual tiene un enfoque monográfico, lo que permite luego presentar los resultados de la investigación y a la vez conocer el desarrollo de los diferentes dispositivos en la lucha contra la deserción, para así mostrar finalmente el posicionamiento de estos dispositivos en la sociedad.
Os sistemas PEAMA na Colômbia e DAEU na França mostram processo de prevenção do abandono escolar no ensino superior. Esse processo vai desde as políticas educacionais nacionais e locais até a mobiliação dos diferentes atores em suas atividades cotidianas. O objetivo deste artigo é ler e conhecer como esses dispositivos (PEAMA e DAEU) são desenvolvidos por meio da implementação de políticas educacionais para a prevenção do abandono no ensino superior e a influência dessas políticas no momento da elaboração dos dispositivos. Para ler o modelo do dispositivo de prevenção do abandono na educação superior, a metodologia utilizada é a análise de conteúdo, que possui foco monográfico, permite apresentar os resultados da pesquisa e, ao mesmo tempo, conhecer o desenvolvimento de diferentes dispositivos na luta contra a deserção, a fim de finalmente mostrar o posicionamento desses dispositivos em sociedade.
The study of PEAMA devices in Colombia and DAEU in France show a prevention process of dropping out in higher education. This process goes from the national and local educational policies to the mobilization of the different stakeholders in their daily activities. The aim of this article is to read and understand how these devices (PEAMA and DAEU) are developed through the implementation of educational policies for the prevention of dropping out in higher education and the influence of these policies at the time of preparation of the devices. For the reading skill a prevention model device on dropping out in higher education is applied. The methodology used is the content analysis, which has a monographic focus, allows presenting the results of the research and at the same time knowing the development of different devices in the fight against school dropping out in order to finally show the positioning of these devices in society.
Introduction
Les gouvernements mettent en œuvre des dispositifs afin de répondre aux différents phénomènes sociaux qui se présentent quotidiennement au sein des sociétés. Les lois politiques donnent des directrices qui cherchent « des buts ou des objectifs à atteindre, définis en fonction de normes et de valeurs » (Muller, 1998 :29). Sortir sans diplôme ou être en décrochage est un phénomène social qui affecte les pays développés et en développement.
Nous considérons que le décrochage, soit dans l’enseignement scolaire ou supérieur, est une problématique d’ordre social ; le fait d’interrompre ou de ne pas avoir accès à l’éducation peut freiner ou entraver le développement de l’individu, dans la société (Bernard, 2013 et Blaya, 2010).
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https://bit.ly/2WBv8s8
Programa Especial de Admisión y Movilidad Académica : dispositif qui rend possible l’accès aux différentes Licences de l’Université Nationale de Colombie aux jeunes bacheliers qui habitent dans des régions éloignées du territoire colombien. - Note de bas de page 2 :
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https://bit.ly/2xs5U4z
Diplôme d’Accès aux Études Universitaires. Il permet aux personnes ayant interrompu leurs études dans les établissements français de les continuer dans des universités françaises pour, ainsi, obtenir un diplôme qui équivaut à celui du Baccalauréat.
Les politiques éducatives mobilisent les moyens nécessaires pour répondre à la problématique du décrochage. Les PEAMA1 et DAEU2 ont été créés par le gouvernement colombien et le gouvernement français dans le but de contribuer au développement de l’individu. Ces dispositifs éducatifs visent à « l’amélioration de la prise en charge des étudiants […] la modification des modalités pédagogiques […] la professionnalisation […] et l’enseignement de la méthodologie » (Perret et al., 2016) ; de plus, ils contribuent à l’émancipation des individus, au sein des sociétés.
Pour pouvoir lire ces dispositifs, nous développons dans cet article quatre composantes, Macro, Exo, Méso et Micro (Bronfenbrenner, 1979 et Tupin, 2006) empruntées au modèle du dispositif appelé : dispositif de prévention du décrochage dans l’enseignement supérieur (Silva-Hernández, 2018). La lecture de ces dispositifs englobe un processus, depuis les politiques éducatives qui les impulsent jusqu’au vécu des acteurs. L’utilisation du modèle du dispositif de prévention du décrochage avec ses composantes permet de lire et de connaître l’organisation des dispositifs dans la lutte ou la prévention du décrochage, dans l’enseignement supérieur.
1. Problématisation : le développement des dispositifs PEAMA et DAEU dans la prévention ou la lutte contre le décrochage.
Pour prévenir et combattre le décrochage, les politiques s’intéressent à la formation, à la capacité de former des citoyens capables d’intégrer le marché du travail, ce qui est considéré comme un indicateur de développement des pays (Goastellec, 2006). La lecture des dispositifs PEAMA et DAEU peut être conçue comme un moyen de comprendre la situation du décrochage dans les contextes colombien et français, lequel permet aussi de connaître l’agencement des moyens politiques pour aider les personnes qui souhaitent continuer leurs études.
Avant tout, il est important d’appréhender la place des politiques nationales et locales dans l’élaboration des dispositifs de prévention ou de lutte contre le décrochage, de même que la réalisation de ces dispositifs au sein des institutions éducatives. Dans notre cas, il s’agit de l’Université Nationale de Colombie et de l’université de Toulouse II, Jean-Jaurès, en France. Ces universités développent des stratégies orientées par les intentions politiques, afin de répondre aux différents besoins. Les PEAMA et DAEU s’envisagent alors comme des organisations sociales. L’accompagnement au changement dans le vécu des dispositifs contribue à l’émancipation des individus au sein des sociétés et permet ainsi de mieux combattre ou de prévenir le décrochage dans l’enseignement supérieur, pour ce qui nous concerne.
2. Cadre théorique : modèle du dispositif de prévention du décrochage dans l’enseignement supérieur
Pour lire et connaître les dispositifs PEAMA et DAEU, nous avons emprunté les composantes macrosystème, exosystème, mésosystème et microsystème (Bronfenbrenner, 1979 et Tupin, 2006) du modèle du dispositif appelé dispositif de prévention du décrochage dans l’enseignement supérieur (Silva-Hernández, 2018). Celui-ci permet de mieux saisir leurs organisations à partir des politiques éducatives qui les impulsent, jusqu’au vécu des acteurs.
L’exosystème est une composante qui rend compte de facteurs externes affectant, la vie de l’individu (Bronfenbrenner, 1979). Les politiques éducatives qui « permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action gouvernementale » (Van Zanten, 2004 : 27) tentent de répondre aux besoins ce qui, dans notre cas, correspond à combattre ou à prévenir le décrochage dans l’enseignement supérieur. Les intentions des politiques se font par les initiateurs (documents officiels) des dispositifs avec des prises de décisions qui s’efforcent d’améliorer le système éducatif et l’accès à tous, ce qui à notre sens permet la justice sociale (Freire, 2000).
Les intentions des initiateurs orientent les actions d’autres composantes du dispositif de prévention du décrochage, à savoir : le mésosystème qui comporte la réalisation des dispositifs. Cette composante montre la partie opérationnelle des dispositifs faits par les coordinateurs et les opérateurs locaux (enseignants) ; ces acteurs donnent aux dispositifs une portée transformatrice dans le sens où, au travers de leurs expériences, ils peuvent identifier des situations qui peuvent faire évoluer les dispositifs (Albero, 2010 ; Aussel et Marcel, 2015).
Selon Perret et al., (2016), les dispositifs « jouent bien souvent un rôle majeur dans l’amélioration et le renouvellement des dispositifs » (p. 67). L’expérience des coordinateurs et des opérateurs locaux joue un rôle essentiel dans leur réalisation. Le travail fait donne lieu à des prises de conscience des problèmes trouvés ; c’est donc une étape de réflexion (Aussel, 2013). Il s’agit d’expériences alternes dans le cadre de la réussite de l’accompagnement et de l’orientation. Perret, en citant (Schön, 1994) signale :
Une telle « analyse réflexive » permet de dépasser le stade de l’expérience pour parvenir à théoriser les actions et les expériences, en vue d’orienter les actions immédiates et futures, faisant de celui qui met en œuvre cette analyse un « praticien réflexif » (ibid.).
Dans le microsystème, l’on trouve le vécu des animateurs (référents) et des usagers (étudiants ou stagiaires) ; ce sont eux qui vivent de manière directe la mise en œuvre des dispositifs. L’animateur, par son rôle d’accompagnateur, participe au développement et à la construction du plan de vie des usagers (Broussal, 2017). Il prend part à leur formation, ce qui contribue à l’égalité de chances dans les sociétés. Cela donne une dimension sociale importante, car ce sont des initiatives nécessaires pour essayer d’avoir un monde plus juste sur des questions relatives à l’accès et à la persévérance dans le système éducatif (Silva-Hernández, 2018).
Les usagers des dispositifs peuvent avoir un ressenti, favorable ou non, par rapport au vécu des dispositifs. Néanmoins, le fait d’y participer favorise leur émancipation en raison de l’acquisition de connaissances, l’amélioration de capabilités et d’intégration (ibid.).
Le macrosystème, composante qui correspond à l’environnement interculturel, se situe dans un espace où le respect, l’intégration et l’interaction des individus au sein de sociétés sont nécessaires à leur construction. Elle rend compte des contextes de deux dispositifs, pas seulement du fait qu’ils se trouvent dans deux pays différents, mais aussi par « les caractéristiques des sujets qui se sont posés à partir du constat de l’existence de différences entre groupes identifiés, selon leur contexte socioculturel » (Regnault, 2014 : 143).
La problématique du décrochage montre les différents problèmes socio-économiques que rencontrent les sociétés et le besoin de les résoudre, d’où l’intérêt de lire et de connaître les politiques éducatives qui orientent les actions dans l’élaboration des dispositifs de prévention du décrochage. Parfois, les dispositifs d’aide ou de soutien ne répondent pas aux besoins de ceux qui en ont vraiment besoin (Michaut, 2003). Dans certains cas, il s’agit plutôt de rendre visibles les institutions, au niveau mondial, pour avoir de la reconnaissance (Hass et al., 2012), au lieu de prêter davantage d’attention aux sujets. Néanmoins, ces dispositifs sont des moyens d’action contre l’échec, des formes d’accompagnement et de soutien d’apprentis.
Les gouvernements, de façon générale, sont fortement engagés dans le combat ou la prévention du décrochage dans l’enseignement supérieur. La mobilisation de ces dispositifs semble importante étant donné les exigences d’aujourd’hui en matière de couverture éducative ; à cet égard, nous étudierons le modèle de prévention du décrochage en y incluant la partie opérationnelle, les expériences des coordinateurs et des opérateurs, le vécu des animateurs et des usagers des dispositifs.
3. Méthodologie
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Ces dispositifs s’adressent aux personnes possédant des caractéristiques spécifiques. Par exemple, le dispositif PEAMA concerne de jeunes bacheliers qui habitent dans des régions où l’enseignement supérieur est inexistant, où la qualité éducative des établissements n’est pas à la hauteur en comparaison avec des institutions situées dans les grandes villes. En ce qui concerne le dispositif, DAEU, il permet à toute personne qui le souhaite, de reprendre les études en vue de l’obtention du baccalauréat. C’est un diplôme qui équivaut au Bac français. Après l’obtention du diplôme, les personnes peuvent envisager de continuer dans le supérieur.
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Arrêté du 3 août 1994. consulté sur le site : https://bit.ly/2pp7ikb
L’OVE (Observatoire de la Vie Étudiante). consulté sur le site : https://bit.ly/2DdsyCU
Page officielle du dispositif DAEU. consulté sur le site : https://bit.ly/2yKDSR6
Le Programme Régional de Formation Professionnelle. consulté sur le site : https://bit.ly/2MNvE01
Rapport DAEU. consulté sur le site : https://bit.ly/2xs5U4z
Loi 1210 de 1993 et la loi 30 de 1992. consulté sur le site : https://bit.ly/2RBBq7f
L’accord 025 de 2007. consulté sur le site : https://bit.ly/2JswhyH
L’accord 28 de 2010. consulté sur le site : https://bit.ly/2pqmIEy - Note de bas de page 5 :
Nous avons enquêté sur deux dispositifs : PEAMA et DAEU3. Pour connaître les mesures qui aident à prévenir le décrochage dans les dispositifs travaillés, nous nous sommes servis des lois, textes officiels4 et travaux de recherche5. Nous avons mené quatre entretiens auprès des acteurs des deux dispositifs (un avec l’opératrice du DAEU, trois avec deux coordinateurs et un opérateur dans le dispositif PEAMA). L’analyse de contenu nous a permis de classer les thèmes ; ces deniers correspondent à l’environnement interculturel, les intentions, la réalisation et le vécu du modèle du dispositif de prévention du décrochage dans l’enseignement supérieur.
Le macrosystème correspond au contexte interculturel : cette composante permet une lecture de la situation du décrochage vue comme une rupture sociale dans le contexte global. L’exosystème, à travers lequel s’expriment les intentions des initiateurs, découvre les politiques de prévention du décrochage et l’organisation des normes qui conduisent les actions qui tentent de répondre à la problématique du décrochage. Le mesosystème présente la réalisation des dispositifs : on y trouve la partie expérientielle et opérationnelle des opérateurs qui identifient des situations problématiques et les possibles stratégies pour améliorer les dispositifs. Le microsystème concerne le vécu des animateurs et des usagers ; les premiers au travers de leur vécu dans l’activité y donnent des interprétations subjectives, les seconds au travers de l’utilisation du dispositif, peuvent vivre des changements en matière d’émancipation (Silva-Hernández, 2018).
Ces quatre composantes du modèle du dispositif de prévention du décrochage dans l’enseignement supérieur tracent le chemin qui permet de connaître des éléments significatifs dans l’élaboration des dispositifs et l’importance des politiques éducatives dans la réalisation de ces derniers. L’analyse de notre matériel empirique repose sur la démarche qualitative : les entretiens avec les différents acteurs dévoilant des éléments importants qui ne se trouvent pas dans les documents. Nous avons aussi utilisé la méthode monographique qui est « à la fois de collecte des données, documents et informations, et de réflexion théorique » (Copans, 1996 : 120).
4. Analyse et résultats des dispositifs de prévention ou de lutte contre le décrochage PEAMA et DAEU
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L’UNESCO6, lors de la Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur, en 2009, faisant référence à l’impact de la de la mondialisation signale :
La mondialisation, réalité majeure du XXIe siècle, a déjà profondément influencé l'enseignement supérieur […] L'internationalisation est définie comme étant la diversité des politiques et des programmes que les universités et les gouvernements mettent en œuvre pour faire face à la mondialisation (p.2).
Cette internationalisation des universités et la globalisation de l’économie, ont donné lieu de la part des gouvernements à l’élaboration de politiques éducatives qui mettent l’accent sur la reconnaissance, la qualité et l’accréditation et donc améliorer la qualité des institutions universitaires :
Les établissements postsecondaires doivent être solides et dynamiques afin de contribuer à l'économie du savoir et de fournir des connaissances permettant d'assurer la mobilité sociale et le progrès économique qui sont indispensables aux sociétés du monde entier (…) Les responsabilités multiples et diverses de l'enseignement supérieur sont au bout du compte déterminantes pour le bien-être des sociétés modernes (p.21).
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Pour leur part, les universités, plus ouvertes à la compétition internationale sont davantage soucieuses des besoins des étudiants7. Par exemple, en Colombie, l’article 1 de la loi 1084 du 4 août de 20068 souligne que l’État, en tant que responsable de l’éducation dans l’ensemble du territoire national doit garantir, au travers des institutions d’enseignement supérieur public et privé, l’accès à l’éducation de la population qui habite dans des régions d’accès difficile d’où la création du PEAMA.
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En France, l’arrêté du 3 août 19949 relatif au diplôme d'accès aux études universitaires DAEU, ne peut être accordé qu'aux étudiants ne justifiant pas du baccalauréat ou d'un titre admis en dispense ou ne bénéficiant pas de la procédure de validation des acquis instituée par le décret du 23 août 1985 susvisé10 qui fixe les conditions de validation des études, expériences professionnelles ou acquis personnels en vue de l'accès aux différents niveaux de l'enseignement supérieur. Chaque pays conduit sa politique de mise en place des dispositifs en articulant les lois éducatives, les universités et les acteurs. Il ne s’agit pas d’une simple aide, mais d’un processus de soutien et d’accompagnement qui fait partie de la prévention où se consolident les connaissances, le savoir-faire et l’épanouissement personnel et professionnel.
4.1 Macrosysème : le contexte interculturel, le décrochage dans le cadre de la globalisation
Le décrochage, phénomène social sujet à discussions dans le domaine de l’enseignement supérieur, est devenu aujourd’hui une priorité de nos sociétés. Bernard (2013) souligne, pour sa part, que « la question du décrochage prolonge une préoccupation plus ancienne concernant l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés » (p. 9). Prévenir ou combattre ce phénomène semble important, car la sortie des jeunes sans qualification en fait des personnes fragiles dans les sociétés et rend plus difficile leur insertion.
La rupture avec le système éducatif est le signe d’une rupture avec la société (Millet et Thin, 2005), car « le décrochage apparaît comme un indicateur de la qualité d’adaptation sociale des individus » (Janoz, 2000 :1) d’où l’intérêt de prévenir et/ou de combattre ce phénomène social (Michaut, 2003 ; Pineda-Báez et Pedraza-Ortiz, 2009 ; Sauvé et al., 2009 ; Cardozo-Ortiz, 2011 ; Perret et al., 2016 ; Nocus et al., 2018). Le monde globalisé exige des gens de plus en plus éduqués, aussi les institutions éducatives visent à assurer l’accès à l’éducation à tous et à garantir un bon niveau de qualification des jeunes, pour qu’ils puissent répondre aux demandes de la société :
La réussite à l’université n’est pas un enjeu politique et institutionnel récent […] accompagné d’un fort enjeu social autour de l’égalité d’accès aux études supérieures des jeunes […] Pour les étudiants, réussir à l’université est l’expression d’une demande sociale (Annoot, 2012 : 13).
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La situation de chaque pays montre la nécessité de lutter ou de prévenir le décrochage. Dans le cas colombien, pays marqué par la violence et le conflit armé depuis plus de 50 ans (Pécaut, 2016), le quotidien du citoyen est affecté à plusieurs niveaux : social, économique, éducatif, etc. Mais ce sont « les secteurs populaires ruraux [qui] ont subi un profond traumatisme dont les traces affleurent à tout instant » (Ibid. : 75). Il est donc important d’améliorer les conditions de vie de ces habitants, dont nombre d’entre eux connaissent des situations difficiles (Jaramillo, 2006). Dans ce contexte de rupture sociale, l’accès à l’université est d’autant plus complexe, en particulier dans les zones frontalières. En France, avec la démocratisation des universités, on assiste à une hausse des inégalités sociales11. Les chercheurs français Maurin et al., (2013) soulignent que :
l’accroissement des écarts au sein de notre société entre en contradictions avec nos valeurs et nous pose des problèmes en tant que citoyen. Il contribue à l’accroissement des tensions sociales (p.30).
De la même manière, dans le système éducatif, on observe que, aux :
différentes catégories sociales succède une phase de différenciation accrue qui est d’autant plus lourde de conséquences que le capital scolaire, le diplôme, joue dans notre pays un rôle beaucoup plus important qu’ailleurs (ibid. : 31).
Selon l’Observatoire des inégalités :
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le taux de chômage des non-diplômés est près de quatre fois plus élevé que celui des personnes qui disposent d’un diplôme supérieur […] le diplôme demeure une arme essentielle dans l’univers professionnel, que ce soit pour entrer sur le marché du travail ou pour y progresser ensuite12.
4.2 Exosystème : les intentions, la participation politique dans la construction des dispositifs dans les cas des dispositifs PEAMA et DAEU
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Les dispositifs PEAMA et DAEU, comme il a été déjà mentionné, ont été créés pour permettre à l’individu de continuer dans le supérieur et ainsi faciliter sa réinsertion dans le système éducatif. À l’issue de la session 07 du 3 août 2007, le Conseil Académique de l’Université Nationale de Colombie a étudié et recommandé au Conseil Supérieur Universitaire, l’approbation et l’adoption du « Programa de Admisión y Movilidad Académica13 » PEAMA. Les candidats seront inscrits aux programmes de licence offerts par l’Université Nationale de Colombie dans les zones frontalières. Accéder à l’enseignement supérieur, grâce au PEAMA, dispensé par l’Université Nationale de Colombie, en vertu décret de la loi 1210, de 1993, de la loi 30 de 1992 conforté par l’accord 025 de 2007, peut alors faciliter l’insertion sociale et culturelle des populations vulnérables14 : Noirs, indigènes, etc. en offrant des programmes de Licence en Amazonie, Orinoquia, les Caraïbes et le Tumaco, par exemple.
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En France, dans le cadre de la Formation Tout au Long de la Vie, chacun peut envisager de reprendre ses études pour acquérir des connaissances dans un secteur donné ; le service de formation se tient à la disposition des adultes en reprise d’études afin de leur apporter une réponse adaptée et personnalisée. Ce dispositif vise tous ceux qui ont quitté le système scolaire en situation d’échec ; il permet de renouer avec les études grâce à une pédagogie adaptée. L’article D. 613-6 du code de l’éducation (créé par décret n° 2013-756 du 19 août 2013) stipule d’ailleurs que les grades ou titres universitaires des disciplines autres que celles relevant de la santé sont conférés par les diplômes nationaux tel que le Diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU)15, dans une perspective de promotion ou de retour à l'emploi ; acquérir un diplôme leur permettant de passer des concours administratifs requérant le baccalauréat ; obtenir un diplôme attestant de leur niveau de culture générale16 .
Ces deux dispositifs montrent l’intérêt des deux sociétés dans la mise en place de dispositifs de lutte et/ou de prévention du décrochage. Les intentions politiques donnent des lignes directrices opérationnelles à suivre dans le but d’organiser l’ensemble des individus qui composent les dispositifs et qui remplissent certaines conditions de vulnérabilité. Dans ce cadre spatio-temporel, un espace social est instauré où les interactions collectives sont formulées par le biais d’objectifs fixés par la loi.
4.3 Mésosystème : la réalisation dans la mobilisation des dispositifs PEAMA et DAEU
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Les antennes de l’Université Nationale se trouvent dans les états d’Amazonie, Caribe, Orinoco et Tumaco.
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Pour être admis au dispositif PEAMA par l’Université Nationale17 à Bogota, le candidat doit obtenir la note demandée dans le dossier d’inscription. De la même manière, le candidat doit montrer qu’il a accompli les 2 dernières années de baccalauréat dans un lycée de la région concernée, et qu’il y a habité. Le programme est organisé en semestres avec des cours en présentiel et en ligne. Les étudiants admis au PEAMA ont le même programme de licence (langues, linguistique, ingénieries, mathématiques, physique, statistiques, architecture, zootechnique entre autres) que dans les antennes centrales, mais avec des cours de mise à niveau dans quelques Unités d’Enseignement (UE), mathématiques, espagnol, compréhension écrite, production écrite18. Les enseignants du programme doivent se déplacer dans les antennes frontalières, pour pouvoir dispenser leurs cours.
En ce qui concerne la réalisation du dispositif DAEU, le diplôme propose deux options comportant chacune, au minimum, 4 matières (2 obligatoires et 2 optionnelles) correspondantes à 225 heures d'enseignement. Les matières dépendent de l'option choisie. Dans le programme, il existe deux options. L’option A : littéraire, juridique dont les matières obligatoires sont : le français (connaissances de base en littérature et civilisation françaises) et les langues vivantes. Les matières optionnelles peuvent différer selon les universités : histoire, géographie, mathématiques, etc. L’option B : scientifique, dont les matières obligatoires sont : le français (texte argumentatif, compréhension écrite, résumée de texte, discussion) et les mathématiques. Là aussi, les matières optionnelles peuvent différer selon les universités : langue vivante, physique, chimie, sciences de la nature et de la vie, etc.
L’évaluation se fait par modules capitalisables. Le diplôme peut être obtenu en plusieurs années (4 années consécutives maximum). Deux formules sont possibles. L’une, globale, l'examen est obtenu avec une moyenne générale de 10 minimum et l’autre par épreuve (il faut obtenir 10 à chaque épreuve). Certaines universités proposent d'obtenir le D.A.E.U. par validation des acquis de l'expérience (V.A.E.) ou des préparations à distance. Il existe trois conditions pour pouvoir s’inscrire : avoir interrompu ses études initiales depuis deux ans au moins, avoir au moins 20 ans au 1er octobre de l'année de l'examen et justifier de deux années d'activité professionnelle salariée ou d'une activité ayant donné lieu à deux années de cotisation à la sécurité sociale (périodes de chômage avec inscription à Pôle Emploi, éducation d'un enfant, service national, participation à un dispositif de formation professionnelle, exercice d'une activité sportive de haut niveau, etc.) et avoir 24 ans ou plus au 1er octobre de l'année de l'examen.
L’expérience des acteurs (coordinateurs et opérateurs) dans la réalisation des dispositifs, aide à mieux comprendre leurs fonctionnements, non seulement comme un système qui se constitue à partir de normes, mais comme un système complexe qui montre d’une certaine manière la réalité du contexte éducatif, social, économique et culturel de l’étudiant, ce qui représente la situation d’une société. Chargés de la mise en place des dispositifs grâce à leurs expériences à l’intérieur de ces mêmes dispositifs, ils prennent conscience de cette réalité :
- Note de bas de page 19 :
Les enseignants sont des enseignants qui ont fait le choix, c’est une équipe formidable très à l’écoute, car il faut être à l’écoute, il faut être investi et vouloir vraiment aider à l’autre19.
Les coordinateurs et opérateurs, au travers de leurs missions au sein des dispositifs, peuvent contribuer au développement des usagers et contribuer à leur évolution et leur épanouissement à la fois personnels et professionnels et augmenter leurs possibilités d’envisager différents types de formation. Un animateur témoigne :
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je reçois quand même beaucoup de personnes en difficultés familiales, en difficultés d’insertion, des personnes qui sortent de prison, des personnes qui sont seules qui n’ont pas de famille, des personnes qui subissent une maladie, mais personne ne peut les soutenir ; on a public assez fragile dans son ensemble ; le baccalauréat leur permet ensuite d’accéder à un autre niveau de formation, d’évoluer en matière de postes, etc.20
De la même manière, le dispositif PEAMA, en permettant l’accès aux Licences, favorise la mobilité sociale de ceux qui ont des difficultés d’accès en raison de leur situation sociale, spatiale et/ou économique, etc.
Les dispositifs s’organisent conformément aux caractéristiques du public visé. Dans le cas du DAEU, il s’agit de donner une deuxième chance à des individus pour qu’ils accèdent au système éducatif et dans le cas de PEAMA, il s’agit de permettre l’accès à l’université aux personnes qui n’ont guère d’opportunités. Ces situations difficiles que vivent les usagers représentent, comme cela a été mentionné, une réalité sociale, qui met en évidence la nécessité d’adopter de nouveaux fonctionnements et de nouvelles structures alternatives.
4.4 Microsystème : le vécu des dispositifs PEAMA et DAEU dans l’accompagnement au changement
Dans la partie précédente, nous avons signalé la complexité de la situation des usagers au niveau social. Le vécu des animateurs et des usagers permet de montrer l’importance de la mise en place des dispositifs. L’animateur de PEAMA souligne :
- Note de bas de page 21 :
Le contact humain avec les étudiants est basé sur le respect et les responsabilités académiques de chacune des parties. L’étudiant a besoin de voir l’enseignant, ce qui n'est pas perçu dans un cours régulier à l'Université Nationale, où l'enseignant est vu régulièrement. Il y a un travail différent dont la partie humaine est quelque chose d'extrêmement nécessaire ; les étudiants de PEAMA présentent de nombreux désavantages car leur éducation est extrêmement faible.21
L’éducation étant un instrument de changement (Freire, 2000) qui permet l’évolution de l’usager au niveau professionnel et personnel, l’individu participe activement à sa transformation et à la transformation des sociétés. Il est donc important d’être à l’écoute, d’être disponible pour faire face aux différentes problématiques rencontrées dans les cours :
- Note de bas de page 22 :
Il y a une vraie dimension sociale ; on reçoit un public dont la majorité, effectivement, est socialement fragilisée. Les enseignants du DAEU sont des enseignants qui ont fait le choix d’intégrer réellement le DAEU dans toute sa dimension, parce qu’ils ont face à eux des personnes en difficulté ; c’est une équipe d’enseignants formidables ; très à l’écoute22.
L’engagement des animateurs facilite, d’une certaine manière, l’égalité de chances dans les sociétés. D’ailleurs, l’évolution des usagers montre que les dispositifs leur donnent plus de confiance en eux, pour continuer leur projet de vie ; transforme leur façon de voir le monde.
- Note de bas de page 23 :
Le DAEU, une solution pour réussir : sans le baccalauréat, je ne peux pas prétendre avoir une fonction officielle, donc statutairement un vrai métier. En France, sans ce diplôme, on ne peut rien faire23.
Le fait de pouvoir se former favorise leur évolution, leur intégration, améliore leurs capabilités. Ils peuvent ainsi élargir leur horizon et ressentent des changements favorables quant à leur avenir.
- Note de bas de page 24 :
Le PEAMA est un programme vraiment bon ; il nous donne l’opportunité d’étudier, même si dans mon cas, ça n’a pas été facile. J’ai dû laisser de côté ma famille, afin de pouvoir continuer mes études. Je sais qu’il faut que ça soit ainsi, sinon je n’aurais pas pu étudier24.
5. Discussion conclusive
Les dispositifs PEAMA et DAEU sont considérés dans cette recherche comme des organisations formées d’éléments hétérogènes qui se divisent en plusieurs niveaux (macro, exo, méso et micro). La lecture de ces niveaux nous a permis de mieux appréhender leur place au sein des sociétés colombienne et française, de mettre en avant le caractère ambivalent, entre pouvoir et émancipation, de leur élaboration (Albero, 2010 ; Marcel et Broussal, 2017).
5.1 Des dispositifs de prévention ou de lutte contre le décrochage : systèmes de mobilité sociale au niveau global
Les gouvernements avec leurs lois cherchent à construire des actions pour mettre en place des dispositifs qui contribuent à la réussite de l’individu. Le PEAMA et le DAEU ont pour objectif les transformations au travers de plusieurs valeurs, à savoir : l’inclusion (entrer dans le système éducatif), la réinsertion (réinsérer le système éducatif), la diversité (permettre à plusieurs personnes de différentes origines d’accéder au système éducatif), la liberté (forme d’expression dans les décisions au sein des sociétés grâce à l’éducation) et la justice sociale (égalité de droits).
La plupart des dispositifs de lutte contre le décrochage dans le cadre de l’enseignement supérieur ont une composante pédagogique/cognitive importante, ce qui montre l’importance de travailler ces aspects. Par exemple, il y a des dispositifs d’aide au développement du langage (Nocus et al., 2018), d’aide aux devoirs pour lutter contre l’échec scolaire (Kakpo et Netter, 2013), entre autres. Dans le cadre universitaire, nombre d’entre eux réfléchissent aux « représentations des disciplines enseignées [à] leur sens pour l'étudiant [à] l'organisation pédagogique de ces enseignements [à] la mobilisation possible en contexte » (Hass et al., 2012).
Les dispositifs PEAMA et DAEU, pour leur part, comportent une composante sociale importante. En effet, les usagers qui ont ainsi la possibilité d’accéder à l’éducation peuvent prendre une part active au sein des sociétés dans lesquelles ils vivent. Il est donc nécessaire de créer des stratégies, des actions soutenables dans le temps répondant aux besoins éducatifs.
5.2 Réponse politique de prévention ou lutte contre le décrochage dans l’enseignement supérieur
Les intentions des politiques éducatives des deux pays visent la stabilité, l’évolution et la mobilité sociale des institutions éducatives. Le fait de promouvoir l’accès à l’éducation permet aux personnes le changement en termes de liberté et d’émancipation. Il est alors important de trouver les moyens nécessaires pour prévenir et/ou lutter contre le décrochage afin de pouvoir augmenter les possibilités d’accès à tous, à l’enseignement supérieur. Les dispositifs PEAMA et DAEU se centrent sur l’accompagnement, ce qui peut fortifier les capabilités des usagers des dispositifs et permettre de lutter contre les différentes formes de discrimination. Même si ces dispositifs ne résolvent pas nécessairement tous les problèmes qu’affrontent les sociétés, ils permettent aux usagers de transformer « leur rapport au monde et voir plus loin » (Marcel, 2017).
5.3 Les dispositifs comme des organisations éducatives alternatives
Les dispositifs PEAMA et DAEU sont des organisations constituant des éléments humains et techniques visant à répondre à des besoins dans le système éducatif. L’accompagnement est une composante indispensable pour l’usager, détaché du système éducatif, pas seulement par son caractère académique mais par sa dimension humaine en raison de caractéristiques sociales qui touchent certains d’entre eux.
Dans cet espace socio-temporel qui favorise l’évolution et le changement de l’individu, par le biais de cet accompagnement, l’usager « accède à de nouveaux savoirs, […] développe son pouvoir d’agir » (Rinaudo, 2018) et s’émancipe.
5.4 Des transformations éducatives au travers des dispositifs PEAMA et DAEU
L’animateur et l’usager vivent des expériences transformatrices ; le premier comme promoteur du changement grâce à son travail dans le dispositif et le deuxième comme récepteur du changement. Celui-ci reçoit les bases qui lui permettront de poursuivre son parcours. L’usager à travers son vécu, ressent un changement qui a un impact sur son développement personnel et professionnel. Même, si ces dispositifs ne sont pas parfaits, ils sont un facteur de transformations. D’où l’importance de les mettre en place car ils donnent aux personnes impliquées dans le processus « une nouvelle place plus conforme à [leurs] aspirations […] et [leur] permet de rompre l’isolement, pour se mettre en mouvement » (Marcel, 2017). En conséquence, l’enseignement supérieur se doit de s’adapter aux constants changements d’aujourd’hui, aux nouveaux publics et aux nouveaux défis en matière sociale, économique et penser au bien-être des personnes.