Seniors et outils numériques1 Elderly people and digital tools

Achille TCHALLA 

Presentación

Resumen

Le développement des nouvelles technologies peut permettre grâce aux systèmes de téléassistance non seulement de réduire le taux de chutes à domicile mais aussi réduire considérablement la gravité de ces chutes. La diminution de l’incidence des chutes à domicile pourra permettre de réduire considérablement les admissions en institution et aussi réduire l’évolution rapide vers la dépendance totale des personnes en perte d’autonomie.

Des outils robotiques sont en modélisation aux États-Unis et déjà utilisés au Japon et pourraient avec la domotique apporter un début de solution aux douloureux problèmes présents et surtout à venir de la dépendance des personnes âgées, d’où la nécessité de réaliser des études afin de quantifier l’impact réel de ces technologies.

Sur le plan de la motivation des seniors quant à utiliser des outils numériques, la crise covid-19 a été très révélatrice et accélératrice avec des usages à type de « Visio » avec les familles, voire à travers le développement des téléconsultations.

En ce qui concerne des études scientifiques de validation, le Limousin grâce à la chaire e-santé, bien vieillir et autonomie de la Fondation partenariale de l’Université de Limoges, nous avons conduits plusieurs travaux pour apporter la preuve scientifique de l’intérêt des nouvelles technologies.

C’est l’exemple de la prévention des chutes et impact de la domotique &Téléassistance (DSTA) chez le sujet âgé fragile. Nos travaux ont mis en évidence une association statistiquement significative entre l’exposition à la DSTA et la prévention des chutes à domicile (p = 0,0012). La DSTA réduisait le risque de chute à domicile dans le groupe exposé, comparé au groupe non exposé avec un RC estimé de 0,33 avec IC à 95 % [0,17 - 0,65]. Nous avons démontré qu’en équipant cinq personnes âgées en DSTA, on évite la chute à domicile d’une personne âgée, ce qui est considérable sur le plan de la santé publique. Concernant la gravité des chutes à domicile, nous avons également montré que la DSTA permettait de réduire significativement (p = 0,0016) le risque d’hospitalisation pour chute à domicile avec un RC estimé de 0,30 avec IC à 95 % [0,12 - 0,74]. En termes de tolérance, la DSTA n’a pas été à l’origine d’évènement grave apparent. L’acceptabilité du matériel est très bonne avec un taux d’acceptation domotique (TAD) de 97,3 %. Le taux de mortalité était quasiment identique dans les deux groupes (2,0 % versus 2,1 %). Les décès survenus n’étaient pas imputables à la DSTA.

Nous avons également évalué l’intérêt des outils domotiques pour la prévention des chutes chez le sujet âgé Alzheimer stade léger à modéré vivant à domicile. Dans ce travail, nous avons montré que la DSTA est efficace sur la prévention des chutes à domicile des personnes âgées Alzheimer au stade léger à modéré avec une réduction du nombre de chuteurs à 32,7 % (vs. 63,8 %) à un an. En termes d’efficacité, notre travail montre que la DSTA réduit significativement (p = 0,0245) le risque de chute à domicile avec un RC estimé de 0,37 avec IC à 95 % [0,15 -0,88] avec NNT =4. En termes de tolérance et de sécurité, la DSTA n’a pas été à l’origine d’évènement indésirable grave. L’acceptabilité du matériel est très bonne avec un taux d’acceptation domotique (TAD) de 95.9 %. La sécurité du dispositif est aussi satisfaisante. La balance bénéfice risque de la DSTA est aussi très favorable pour son utilisation dans une stratégie de prévention des chutes chez les patients présentant des troubles cognitifs et plus particulièrement les malades Alzheimer au stade léger à modéré.

Nous avons aussi évalué l’intérêt de la télémédecine avec par exemple la validité diagnostique de la Télémédecine. Parmi les facteurs de chute figure la dénutrition qui est en partie liée aux mauvais états bucco-dentaires de nos ainés. La négligence dentaire et les niveaux élevés de besoins de soins dentaires non satisfaits deviennent de plus en plus fréquents chez les personnes âgées résidant dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Peu de choses sur la validité de la télémédecine pour diagnostiquer la pathologie dentaire chez les résidents d’EHPAD ont été publiées. Nous avons donc mené une réflexion sur l’intérêt de la télémédecine dans les soins bucco-dentaires. Pour répondre à cette interrogation, nous avons évalué l'exactitude de la télémédecine pour diagnostiquer la pathologie dentaire, pour évaluer l'état de réadaptation des prothèses dentaires et enfin pour évaluer la capacité de mastication des personnes âgées vivant en EHPAD (en utilisant l'examen direct comme examen de référence). Nous avons conduit une étude multicentrique réalisée en France et en Allemagne comprenant huit EHPAD. Les participants étaient des résidents ayant des plaintes fonctionnelles orales ou dentaires, auto-déclarés ou rapportés par des soignants, prêts à recevoir des soins préventifs oraux ou dentaires. Au total, 235 patients ont été examinés. L'âge moyen était de 84,4 ± 8,3 ans et 59,1 % des sujets étaient des femmes. Les patients ont été examinés deux fois. Chaque patient était son propre témoin. Tout d'abord, le chirurgien dentaire a établi un diagnostic en passant en revue une vidéo enregistrée dans l’EHPAD et accessible à distance. Deuxièmement, dans un délai maximum de 7 jours, les patients ont été examinés conventionnellement (face à face) par le même chirurgien qui a établi le diagnostic initial. Au total, 128 (55,4 %) patients avaient une pathologie dentaire. La sensibilité de la télémédecine pour le diagnostic de la pathologie dentaire était de 93,8 % (intervalle de confiance 95 % [IC] : 90,7-96,9) et la spécificité était de 94,2 % (IC 95 % : 91,2-97,2) avec un AUC de 0,95 (95 % CI : 0,92–0,98). Parmi les 128 cas de pathologies dentaires identifiés par la télémédecine, 6 (4,8 %) étaient des faux positifs. Les évaluations de la télémédecine ont été plus rapides que les examens en face à face (respectivement 12 et 20 min). En conclusion, la Télémédecine appliquée aux soins bucco-dentaires chez les personnes âgées a montré une excellente précision pour diagnostiquer la pathologie dentaire chez ces résidents d’EHPAD. Son utilisation peut permettre des examens plus réguliers effectués par les professionnels dentaires et permettre de prévenir les risques de dénutrition liés au mauvais état bucco-dentaire et indirectement de diminuer leur risque de chute.

En conclusion, l’intérêt des outils numériques est réel tant dans son approche sociale que dans son approche médico-social et sanitaire notamment dans le champ de la prévention. Le Limousin est par excellence un laboratoire d’innovation et de centre de preuve pour la e-santé au service du bien vieillir.