Entretien avec Susan Finding, directrice de la Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines (2010-2018) : Équilibre(s) en études civilisationnelles, un exercice d'équilibriste Interview with Susan Finding, Director of the Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines (2010-2018): Balance in Civilization Studies, a Balancing Act

Avec Susan FINDING 

Professeur émérite en études anglophones à l’Université de Poitiers. Directrice du MIMMOC de 2009 à 2018. Ses publications portent sur les politiques sociales britanniques, l’histoire du livre et des collections.

Entretien réalisé par Élodie Gallet 
et Lucie GENAY 

Cet entretien avec Susan Finding, première directrice de la Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines (FE2C), retrace l’historique de la fédération, sa fondation et son évolution depuis 2010, tout en proposant une réflexion sur la figure de l’équilibriste dans la recherche en civilisation.

This interview with Susan Finding, first director of the Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines (FE2C), is an overview of the federation’s history, of its foundation and its evolution since 2010. At the same time, the discussion addresses the art of the balancing act in civilization studies.

Sommaire
Texte

Un exercice d’équilibriste

En quoi les études civilisationnelles sont-elles un exercice d’« équilibriste » ?

1Les deux termes synonymes d’équilibriste sont « funambule », dont les racines latines signifient marcher sur une corde, et « acrobate », issu du grec et signifiant qui marche sur les sommets. Ils sont assez parlants lorsqu’on essaie de définir les études civilisationnelles. Pour les enseignants de la « civilisation » d’un pays, il faut trouver un équilibre entre les connaissances culturelles nécessaires à la compréhension de la langue – ce qui implique avoir recours aux références culturelles et sociologiques, au contexte historique et géographique au sens large – pour comprendre le discours de l’autre. Pour ce faire, chacun et chacune apporte à l’édifice sa spécialisation (histoire politique, histoire des idées, sociologie ou anthropologie, géographie humaine, études culturelles, etc.) appliquée à l’aire linguistique et plus particulièrement à l’intérieur de vastes aires culturelles, certaines aires politico-culturelles (États, nations, peuples, régions…). C’est là que la métaphore de l’acrobatie s’applique à nouveau. L’acrobatie est un art qui s’exerce au sol sur différents supports (gazon, trottoir, trampoline) ou en l’air, à nouveau sur des supports différents (corde, ruban, cerceau) pour exécuter des figures de voltige. Les études civilisationnelles ont cette variété de supports, et ces mêmes figures obligatoires (le programme imposé) et figures libres (figures de base, figures spectaculaires), qui s’apparentent parfois à la voltige (exercice de manège à cheval, saut par un trapéziste, manœuvre inhabituelle en avion), qui peut s’avérer être une entreprise périlleuse et risquée.

En quoi la Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines (FE2C) reflète-t-elle la centralité de cette figure d’acrobate équilibriste en civilisation ?

2L’histoire de la FE2C a elle-même été un exercice d’équilibriste entre domaines, disciplines, équipes, thématiques, forces centripètes et centrifuges. La Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines, selon la première présentation officielle, faite en 2010-2011,

est née de la volonté des membres des équipes constitutives de trouver un moyen de travailler ensemble en dépassant les structures d’organisation traditionnelles et de fédérer des équipes d’enseignants-chercheurs rattachés à des départements de langues dont l’enseignement et la recherche portent sur les « civilisations étrangères », où les phénomènes de société, le contexte historique et la culture des pays dont nous enseignons la langue sont les objets d’étude […]. Leurs problématiques se rapprochent des thématiques des sciences humaines telles que l’histoire, la géographie, les sciences politiques, la sociologie, etc. […]. La visibilité des études sur les civilisations contemporaines en serait accrue dans un contexte où la « civilisation » est souvent occultée par l’étude des langues et des littératures des cultures étrangères, où le contenu « humanités » des cours labelisés « anglais », « allemand », « espagnol » etc. dans des filières autres que littéraires est peu perçu (Dossier de création de la structure fédérative FE2C, soumis par l’Université de Poitiers à l’AERES en 2010).

3Être enseignant de « civilisation » demande de chercher à établir un équilibre avec les parcours littéraires et linguistiques des formations disciplinaires de langues, mais aussi, à l’intérieur de notre pré carré, de veiller, pour emprunter une définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, au « juste rapport, à la proportion harmonieuse entre des éléments opposés, à la convenable pondération des parties d'un ensemble » entre les différentes sciences humaines mises à contribution (CNRTL) ; bref, de chercher une harmonie judicieuse permettant d’expliquer des faits de société de la « civilisation » analysée. Est-il périlleux d’essayer de rassembler des collègues de différents horizons – géographiques et scientifiques ? L’histoire de la Fédération peut en effet donner un aperçu des différents écueils qui se posent en tentant de maintenir l’équilibre en études civilisationnelles.

Genèse et évolution de la Fédération pour l’Étude des Civilisations Contemporaines

Comment est née la FE2C et quel a été votre rôle dans cette création en 2010 ?

4Dans le cadre de la préparation des nouveaux contrats quadriennaux de recherche, en tant que Directrice du laboratoire Mémoire, Identités, Marginalités dans le Monde OCcidental (MIMMOC), j’ai initié des discussions avec des collègues d’équipes voisines pour essayer de mettre sur pied une fédération qui pourrait nous donner à tous de nouveaux arguments pour défendre les études civilisationnelles et nos équipes de recherche. En effet, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) avait suggéré que notre équipe aurait intérêt à se rapprocher de – voire fusionner avec – le laboratoire Espaces Humains et Interactions Culturelles (EHIC) à Limoges, alors bi-site avec Clermont-Ferrand – ce qui nous semblait vouloir dire, en termes acrobatiques, faire un grand écart – non pas au niveau thématique, car l’équipe EHIC à Blaise Pascal, nous était bien connue par ailleurs, mais en termes géographiques et stratégiques. Nous travaillions déjà régulièrement avec des collègues de Tours et La Rochelle. C’est donc, exercice d’équilibre, en voulant à la fois répondre aux injonctions de rapprochement des instances supérieures et élargir nos propres horizons scientifiques, que des réunions ont été tenues pour mettre sur pied une collaboration formelle, en nous fondant sur le Pôle de Recherche de l’Enseignement Supérieur (PRES) Limousin Poitou-Charentes. Les réunions constitutives ont eu lieu en juin 2010 à la Maison des Sciences de l’Homme et la Société (MSHS) de Poitiers, et en septembre 2010 à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines (FLSH) de Limoges. Nous avons, à l’époque, mis en avant les motivations qui nous amenaient à vouloir formaliser et consolider ces liens : institutionnelles, scientifiques et structurelles.

5La volonté institutionnelle de rapprochement s’exprimait au niveau national avec les PRES et au niveau local avec les Régions finançant des projets de recherche et les équipes présidentielles de l’époque des universités de Poitiers et Limoges. La volonté scientifique était de créer un réseau permettant aux équipes structurées selon différentes approches de mettre en place un projet de recherche qui émane de l’ensemble des axes prévus par celles-ci. Enfin, il s’agissait d’une volonté structurelle de dépasser l’organisation de la recherche dans nos secteurs, qui plus souvent se présentait en équipes composées uniquement d’anglicistes, d’hispanistes, de germanistes, etc. où linguistique, littérature et civilisation se complémentaient, mais parfois aussi, se concurrençaient, et les équipes, composées de plusieurs disciplines linguistiques, qui étaient fédérés soit par une thématique (migration) ou une période (la Renaissance, le médiéval) soit par l’approche, ici en l’occurrence, civilisationniste.

Sur quelles sources de financement avez-vous pu compter pour lancer la fédération et comment avez-vous garanti un engagement équilibré des équipes constitutives ?

6Le soutien de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Poitiers, de l’Institut de Recherche des Sciences de l’Homme et de la Société de Limoges, et du PRES Limousin Poitou-Charentes, a permis de financer les premières réunions et manifestations. La Convention de création, datée de 2012, comportait ainsi les noms de cinq laboratoires et de cinq universités du Centre-Ouest :

  • Mémoire, Identités, Marginalités dans le Monde OCcidental (MIMMOC, EA 3812, Poitiers), représenté par sa Directrice, Susan Finding 

  • Espaces Humains et Interactions Culturelles (EHIC, EA 1087, bi-site Limoges-UBP Clermont II), représenté par ses Directeurs Bertrand Westphal et Timothy Whitton 

  • FRancophonie Éducation Diversité (FRED, EA 6311 (ex-DYNADIV, Limoges), représenté par sa Directrice, Dominique Gay-Silvestre 

  • Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA, EA 1163, La Rochelle) représenté par son Directeur Laurent Vidal 

  • Interactions Culturelles et Discursives (ICD, EA 6297, Tours) représenté par sa Directrice, Monica Zapata

7Cette dernière équipe, constituée par la réunification de quatre équipes tourangelles ICD en 2012 (Centre interuniversitaire de recherche sur l’éducation dans le monde ibérique et ibéro-américain, Groupe de Recherches Anglo-Américaines de Tours, Histoire des Représentations et RTmus – musicologie), est restée en dehors au moment de l’adhésion formelle mais continue de participer par la présence de certains membres aux réunions, aux projets et aux manifestations. La convention est enfin signée en 2013 après les périples entre laboratoires et présidences.

8L’équilibre sur papier (cinq équipes, cinq universités) était maintenu par le désir du comité de pilotage de laisser chaque équipe proposer et monter des projets qui réuniraient l’ensemble à tour de rôle. C’est ainsi qu’après un premier colloque, tenu en septembre 2011, un calendrier de manifestations a permis à presque chaque équipe membre de s’impliquer et de conduire l’ensemble. Les deux premières années d’activité (2012-2013) ont vu Limoges, Poitiers, La Rochelle, Tours et Clermont-Ferrand prendre tour à tour la responsabilité d’un projet, qui s’insérait dans l’un ou plusieurs des trois axes initiaux du premier projet scientifique de la fédération déclinant des approches « Politiques, cultures et identités » et les sujets d’étude « Empire, Conflits, Itinéraires ». Des mots clés sont indicateurs des principaux thèmes abordés pendant ces deux premières années : cultures et territoires, cultures coloniales et postcoloniales, monde post-américain, idéal démocratique, cultures en mouvement, déplacement, interculturalité, minorités. Dix journées d’études et colloques ont ainsi été mis en œuvre, signe de l’ambition et des élans suscités par cette nouvelle structure (Annexe).

Quelles ont été les grandes phases d’évolution de la FE2C ?

9La dynamique scientifique et l’étoffement de la Fédération ont servi de moteurs à de nouveaux projets. Des thématiques communes se sont dessinées, veillant à garder en « proportion harmonieuse » et en « convenable pondération » des approches et des méthodologies variées issues des sciences politiques et de la sociologie, de l’histoire-géographie, et des études culturelles. Pendant la première période de travail commun (2012-2016) autour du projet ICE (Images, cultures, empires), les partenariats entre les équipes se sont concrétisés et plusieurs projets à longue durée ont vu le jour. Plusieurs publications – ouvrages et numéros de revues – témoignent de la vivacité de la Fédération. Les projets conduits à tour de rôle, et là aussi il s’agit d’équilibre, par les équipes de Poitiers, Limoges, La Rochelle et Orléans, ont abordé notions, discours et représentations dans des contextes variés – notamment celui sur les situations post-conflictuelles, et, dans le cadre du projet cultures en mouvement, le patrimoine documentaire.

10La reconfiguration territoriale, effective fin 2015, qui amenait la disparition de la Région Poitou-Charentes et de celle du Limousin, fondues dans la Nouvelle Aquitaine où se trouvent dorénavant quatre Universités – Poitiers, Limoges, Bordeaux et Pau (au lieu d’une université historique au sein de chaque région) – a été prolongée dans le monde de l’enseignement supérieur par la substitution des Pôles d’excellence (PRES) par la fusion d’universités, ou des COMUE (Communautés d’universités et d’établissements). Par conséquent, la FE2C, à l’origine conçue à l’intérieur de la COMUE, a cherché à dépasser ces contraintes, à contourner les murs. L’essaimage de reconfigurations structurelles et institutionnelles aurait pu affaiblir la FE2C. Au contraire, il a renforcé les liens existants, créés par la vraie stimulation et l’évident intérêt du travail commun. Nos partenaires à La Rochelle ont souhaité continuer de travailler au sein de la Fédération, malgré la décision de l’équipe décanale de se rapprocher de Bordeaux. L’équipe Réception et Médiation de Littératures et de Cultures Étrangères et Comparées (REMELICE) d’Orléans nous a rejoint officiellement. ICD à Tours continue de travailler de façon informelle avec la FE2C.

11En même temps, une nouvelle équipe s’est constituée entre les Universités de La Rochelle et Bordeaux Montaigne. Il s’agit de Dynamiques, Interactions, Interculturalité Asiatiques (D2IA), créée en 2019. Les collègues de La Rochelle qui ont soutenu la FE2C depuis le début sont fortement impliqués dans cette nouvelle équipe dont certains mots clés sont proches de nos préoccupations : « (Géo)politique – Histoire – Migrations – Circulations des idées – Société Culture (matérielle) – Littérature – Arts visuels – Patrimoine – Didactique – Linguistique ». Cette ouverture supplémentaire à l’intérieur de cette nouvelle configuration territoriale renforce des collaborations fréquentes et fructueuses que nous avons en dehors de la FE2C avec plusieurs collègues de Bordeaux Montaigne.

12Autre évolution institutionnelle au sein des équipes membres de la FE2C, la création de la revue FLAMME (Fédérer Langues, Altérité, Marginalités, Médias, Éthique) en 2021 par EHIC à Limoges, renforce les synergies autour de problématiques communes. La revue en ligne Openedition Cahiers du MIMMOC, ouverte aux propositions émanant des membres de la Fédération a déjà publié plusieurs numéros issus des travaux de la FE2C – dans lesquels on relève, entre autres, les thématiques de circulations migratoires, de discours médiatique, de minorités. Deux nouveaux numéros, coordonnés par des collègues d’universités voisines (Centre de Recherche sur les Identités, les Nations et l’Interculturalité à Nantes) ou membres de la FE2C (Poitiers et Orléans), permettant un travail comparatiste entre différents pays, sont parus en 2022-2023 – l’un sur le travail des femmes (Stirling, Hanon-Lehours et Finding, 2022), l’autres sur les politiques éducatives (Fischer et al., 2023). Un certain nombre d’ouvrages ont également été publiés suite aux travaux et aux projets initiés au sein de la FE2C. On notera par exemple la parution en 2020 chez Peter Lang, dans la Série Travail et Société, coordonné par des collègues de Poitiers et Limoges, de l’ouvrage Les défis de la diversité culturelle dans le monde du travail au XXIe siècle. Politiques, pratiques et représentations en Europe et dans les Amériques (Le Moing et al., 2020).

13Le projet développé pour le quinquennal 2017-2022 a renforcé un certain nombre de points communs. La présentation du projet Partitions et partages : aspects culturels, territoriaux et géopolitiques explique les enjeux et les approches qui sont mis en avant, tout en soulignant les difficultés que cela implique, exercice à la fois d’équilibre et de recul scientifique :

L’étude scientifique des partitions et des partages territoriaux ne peut se borner à décrire les parties en présence et leurs discours respectifs sur le territoire en jeu. Elle se doit de déconstruire ces discours territoriaux, à explorer les modes d’invention et de partage du territoire. Il convient de réfléchir aussi aux stratégies et représentations culturelles qui permettent la substantialisation et la validation de ces constructions territoriales et/ou symboliques ou leur remise en cause (voir également l’approche scientifique des écoles de la Critical geopolitics et de la géographie culturelle). Ce travail est particulièrement difficile car la science du territoire, la géo-critique et la géographie politique, a souvent été l’instrument, volontaire ou non, de projets politiques (Programme FE2C soumis à l’Hcéres, 2017).

Note de bas de page 1 :

En 2018 : Mary Gallagher, University College, Dublin, Irlande (coord. Karin Fischer) ; Jim Block (coord. David Waterman) ; Kheira Belhadj-Ziane, Université du Québec en Outaouais (coord. André Magord), Herménégilde Chiasson, poète, dramaturge, réalisateur, ex-Lieutenant-Gouverneur du Nouveau Brunswick (Coord. André Magord). En 2019 : Lilyane Rachédi, École de travail social, UQAM (Ariane Le Moing). En 2022 : séminaires de REMELICE, Nathan Rabalais (University of Louisiana at Lafayette) et Christophe Traisnel (Université de Moncton).

14Parmi les thématiques suggérées porteuses : Territoires mythiques, cartographie mentale ; Les frontières, les politiques trans-frontalières, les diasporas : communautés et territoire, territoires virtuels ; Démocratie, citoyenneté et territoire. Une douzaine de manifestations organisées par les équipes membres tenues entre 2017 et 2020 sont issues de cette réflexion ; et la dynamique de travail en commun, au-delà de nos frontières universitaires et disciplinaires, s’est renforcée. Les échanges se prolongent par les invitations internationales partagées. La Fédération joue bel et bien le rôle de facilitatrice d’échanges, permettant à des invités internationaux de partager leur expertise dans différentes manifestations organisées par les équipes membres lors de leur séjour, avec l’invitation de chercheurs des Universités de Dublin, du Québec à Montréal, de Louisiane et de Moncton sur les années 2018-2019 et 2022, en dehors de ceux, nombreux, qui ont participé aux colloques1.

La fédération aujourd’hui

Sur quelles thématiques la FE2C travaille-t-elle actuellement ?

15Le projet 2017-2022 faisait état des résultats espérés par le choix des membres de croiser les approches, domaines et théories. En ciblant aspects culturels, territoriaux et géopolitiques de la thématique Partitions et partages, on espérait susciter des critiques et des apports à :

  • La critique des approches scientifiques de certaines questions territoriales

  • L’approche scientifique des écoles de la Critical geopolitics et de la géographie culturelle

  • La théorie des conflits et de résolution de conflits 

  • Les théories de la communication (discours médiatiques et politiques)

  • La dimension politique de la science historique et de notions historiques

  • La dimension « interculturalités »

  • La question de l’interdisciplinarité

16Cette réflexion a été menée depuis 2017 et se prolonge encore aujourd’hui. Des journées d’études sur l’approche géo-centrée en sciences humaines, sur l’épistémologie de la civilisation et l’équilibre en civilisation ont permis aux collègues des équipes membres de Poitiers, Orléans, Limoges, La Rochelle, Bordeaux, Nantes, de comparer leurs ancrages disciplinaires et de s’en extraire (Annexe).

Que représentait pour vous la tenue du colloque FE2C sur le thème de l’équilibre en novembre 2022 ?

17Cette manifestation de la FE2C, après une trentaine de colloques, journées d’étude, séminaires en dix ans, et issue de cette réflexion épistémologique, a réuni quinze membres des équipes fédérées (MIMMOC, CRHIA, EHIC, REMELICE), tout comme la douzaine de modérateurs, ainsi que des membres d’équipes qui travaillent de pair avec ces collègues sur des projets et/ou dans des formations pluridisciplinaires (Centre d’Études et de COopération Juridique Interdisciplinaire, Centre d’étude des mouvements sociaux, CNRS Passages, CNRS Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique, et Dynamiques, Interactions, Interculturalité Asiatiques) des universités de Poitiers, La Rochelle, Limoges et Orléans, Nantes, Paris, Bordeaux et Artois et l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Parmi les universités citées, on remarquera la prédominance de l’Arc Atlantique / l’Ouest Atlantique, concept autrefois en vogue dans les instances politiques européennes, qui semble se prolonger, sur le terrain, par la proximité géographique et les affinités scientifiques. On pourra étudier la répartition géographique de ces nombreuses manifestations. La FE2C a toujours essayé d’insister sur l’équilibre entre les équipes proposant des projets et la localisation géographique de ceux-ci, bien que, par sa position historique dans la création de la FE2C, et par son emplacement géographique, l’équipe fondatrice, le MIMMOC – avec la logistique qu’offre la MSHS – , et l’Université de Poitiers sont centraux et fondamentaux. Étaient également représentées des équipes qui s’interrogent sur l’équilibre à trouver et la place de la « civilisation » parmi les différentes spécialités de l’enseignement des langues étrangères ; par exemple le Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone (LERMA) à Aix-Marseille, qui a déposé un projet de l’Agence Nationale de la Recherche « Histoire et épistémologie d’une langue étrangère en milieu universitaire : le cas des études anglophones en France » (HEPISTEA). On pouvait également noter la présence de Johann Michel, politiste et spécialiste de l’herméneutique des sciences sociales (le « sens » des faits/actes/écrits, le commentaire de texte) – approche que nous employons en études civilisationnelles.

18En parcourant les intitulés des interventions, au-delà des oppositions, on trouvait le dialogue Nord/Sud ; les discours coloniaux ; la conservation de la nature ; l’entre-deux ; le non-dit/la censure ; les méthodes quali/quantitatives ; le public/privé. J’étais heureuse de constater qu’un certain nombre de mots-clés – démocratie, diaspora, post-colonial, autochtone, environnement, peuple – faisaient écho à nos premiers questionnements et à nos premières manifestations et projets. Ces thématiques nous semblent non seulement porteuses, mais également représentatives de ces carrefours où les disciplines, les approches et les méthodologies se rencontrent. Les disciplines auxquelles sont adossées les interventions comprenaient une large gamme de sciences humaines : sciences politiques, sociologie, histoire, géographie, écologie, littérature, études filmiques et télévisuelles, art. L’appellation de « civilisationnistes » qui est accolée aux enseignants-chercheurs dans les facultés de lettres et langues, englobe la totalité de ces domaines – voulant par nos travaux aider à la compréhension à la fois des questions contemporaines et des cultures millénaires de nos aires culturelles spécifiques. Et dernier volet de cet équilibre dans les études civilisationnelles, et là, on peut dire que la pirouette d’équilibriste aura été parfaitement exécutée, la réflexion théorique et épistémologique attendue dès la création de la FE2C était bel et bien présente dans les communications présentées lors du colloque : leçons, critique, savoirs, analyse réflexive, évolution, pédagogie, traitement, historiographie.

19Je voudrais profiter de ce tour d’horizon sur le passé et le présent de la FE2C pour remercier publiquement les collègues qui ont œuvré à son succès depuis sa création, et à ceux et celles qui ont pris la relève, notamment André Magord et Ludivine Thouverez qui m’ont successivement succédée à la Direction, et à Élodie Gallet, qui assure la vice-présidence depuis 2021. À mon sens, l’équilibre que confèrent ces nominations, permettant de représenter disciplines, laboratoires et universités différentes, est garant de sa pérennité.