Édito : La revue FLAMME est enchantée ! The FLAMME Review Is Delighted
1. La revue FLAMME est enchantée !
1Enchantée ? La revue FLAMME l’est à maints égards ! D’abord parce que c’est une joie d’en publier le deuxième numéro en ce début d’année 2022, trois mois seulement après le premier, sur une thématique fort différente, mais tout aussi passionnante. Après les mondes noirs, FLAMME nous fait entrer dans l’univers du flamenco, un genre esthétique gitano-andalou mondialement renommé, et pourtant encore trop méconnu. La revue FLAMME est aussi enchantée, parce que cette nouvelle thématique permet à des chercheurs et artistes, doctorants ou professionnels confirmés, francophones et hispanophones, de publier dans ses pages des textes, mais aussi des photographies et, surtout, des œuvres sonores inédites, dans un style flamenco. Ainsi, la revue FLAMME est enchantée, au sens propre ! Elle sonne et résonne, faisant entendre, dans plusieurs de ses pages, la guitare de Claude Worms et les voix de Chloé Houillon et Maguy Naïmi qui chantent, pour la première fois, du flamenco… en français !
2Ce numéro 2 de la revue est donc plus particulièrement consacré à l’un des trois arts que le flamenco réunit, avec la musique et la danse : le chant. L’axe privilégié ici est celui des enjeux de la traduction des textes chantés en français.
3Nous ne saurions assez dire la joie qui est la nôtre, à l’heure de cette publication, qui constitue une étape importante dans le processus de travail que nous menons depuis 2019 au sein du télé-atelier de traduction Trad. Cant. Flam., lequel s’était déjà vu fort enrichi par les réflexions partagées lors de la journée d’étude et du workshop organisés par le laboratoire EHIC (Espaces Humains et Interactions Culturelles – EA 1087) à l’Université de Limoges en septembre 2020.
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Ce terme est défini dans le premier texte scientifique qui suit cet éditorial, et qui présente la démarche de l’atelier Trad. Cant. Flam. Il est aussi présent dans le glossaire.
4Notre recherche a pour point de départ le constat d’un manque et d’une nécessité, qui ont fait naître en nous le désir de traduire le flamenco en alliant rigueur scientifique, caractère poétique et chantabilité1. Il est en effet paradoxal que les traductions réalisées jusqu’à aujourd’hui soient exclusivement écrites, alors que le flamenco est un art fondamentalement oral. Ainsi, les traductions existantes accordent le plus souvent la priorité à l’aspect littéral ou à une certaine poéticité. Si les traductions libres sont rares (Bois, 1985, 2016), la recherche de chantabilité l’est plus encore. Seul Vicente Pradal ambitionne ouvertement de s’approcher du cantabile (2014) et il n’est nullement question, pour lui, de donner un caractère chantable à ses textes en français. Ces traductions sont généralement conçues pour être lues en dehors des performances – exception faite des programmes de concert (Frayssinet-Savy, 1995, 1996, 2002). Néanmoins, tant pour les chercheurs que pour les aficionados au flamenco, ou même pour les mélomanes intéressés par ce genre esthétique de renommée internationale, comprendre les textes interprétés constitue un réel besoin, les chanteurs accordant eux-mêmes une grande importance aux paroles qu’ils prononcent. Le télé-atelier, la journée d’étude et les workshops ont jusqu’à ce jour visé à offrir quelques réponses à ce besoin. Et les documents réunis dans ce numéro rendent possible leur transmission.
5La première partie de ce numéro intitulé « Culture flamenca : cante et traduction » porte sur la nature, les objectifs et les méthodes de cette recherche. Elle comprend trois textes, dont l’un présente plus particulièrement les origines, le corpus et le bilan actuel du télé-atelier Trad. Cant. Flam. Le deuxième correspond à la charte de transcription et de traduction qui fédère ce travail collectif. Le troisième constitue un document méthodologique précieux, car il a été rédigé par deux chanteuses présentes en atelier (Chloé Houillon et Maguy Naïmi) qui offrent un retour d’expérience sur leurs essais de mise en chant de nos traductions françaises dans un style flamenco.
Logo de l’atelier Trad. Cant. Flam.
Réalisation : Anouck Chan
- Note de bas de page 2 :
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Pour la définition de tous ces termes, voir glossaire.
6Après cette présentation de l’atelier Trad. Cant. Flam., la deuxième partie du numéro donne à la fois à entendre et à lire les traductions des chants issus de notre base de travail, à savoir la Antología del cante flamenco de Perico el del Lunar (Perico el del Lunar, 1954, 1958, 2007). On pourra écouter les voix de l’une ou l’autre des deux chanteuses susmentionnées, accompagnées à la guitare par Claude Worms, dans les enregistrements qu’ils ont effectués suite au travail de l’atelier. Chacun sera ainsi à même d’accéder aux performances chantées en français. À la suite de ces documents audios, il est possible de lire le texte écrit des palos transcrits et traduits à ce jour : caña, polo, nanas (berceuses) et alboreás2.
7La troisième partie regroupe les articles portant sur la traduction du flamenco. Les cinq premiers articles de cette partie sont centrés sur le chant : il s’agit des travaux rédigés par des membres de l’atelier Trad. Cant. Flam., en lien avec la Antología del cante flamenco de Perico el del Lunar, qui constitue notre corpus. Celui de Claude Worms livre un examen musicologique et historique de trois anthologies de chants flamencos, et étudie en particulier les ambiguïtés propres à leur genèse et à leur constitution. Il compare ainsi l’élaboration, les objectifs et le contenu de la Antología del cante flamenco de Perico el del Lunar, la Antología documental de Cante Flamenco y Cante Gitano (1965) et l’Archivo del cante flamenco (Caballero Bonald, 1968). Le deuxième article, de Chloé Houillon, porte sur le phénomène croissant de l’autoréférence dans les chants flamencos. Elle revient sur la typologie des références à la pratique flamenca dans les chants eux-mêmes, et sur la difficulté de traduire des notions spécifiques à ce genre esthétique : autant d’intraduisibles qui invitent à une expérience artistique active de « déterritorialisation ». Les articles d’Anne-Sophie Riegler, d’Hilda González et Cécile Bertin-Elisabeth, et de Mercedes Gómez-García Plata, portent sur les réalisations de l’atelier Trad. Cant. Flam. présentées antérieurement : il s’agit d’en offrir le commentaire critique et analytique en mentionnant, entre autres, les difficultés posées par la transcription des coplas de l’anthologie, leur traduction et leur mise en chant. Chacune de ces études prend en charge un ou une famille de palos – dans l’ordre, caña et polo, berceuses et alboreás. Ces articles reviennent sur leur histoire, leur constitution, leur importance et leurs spécificités littéraires et musicales dans le répertoire flamenco.
8Rassemblés dans la catégorie des varia, deux textes clôturent cette partie, en abordant le flamenco à partir d’autres perspectives. Considérant le terme « traduction » en un sens métaphorique, Marion Lapchouk-Ortega propose une étude de cas : celle de la traduction intralinguistique « par abduction » chez Felix Grande dans Memoria del flamenco (2001). Isabelle de Montgolfier, quant à elle, étudie les multiples manières dont le réalisateur et scénariste Carlos Saura « sublime » le flamenco en lui conférant une place essentielle dans ses œuvres de cinéma musicales.
9La quatrième partie comporte des comptes rendus de documents récents et/ou faisant écho à l’actualité de la recherche sur le flamenco, au-delà du seul domaine du chant. David Pérez livre une lecture de l’ouvrage dirigé par Enrique Encabo et Inmaculada Matía Polo, Copla, ideología y poder (2020) ; Marion Lapchouk-Ortega s’intéresse à la Nueva historia del flamenco de Juan Vergillos (2021). Julie Olivier revient sur un ouvrage plus ancien, La España que bailó con Franco, qui porte néanmoins sur des questions de genre très actuelles pour le flamenco (Casero, 2000). Francisco Javier Escobar Borrego apporte un éclairage sur le recueil du poète et artiste Ginés Jorquera, Letras del arte jondo (2021), en particulier sur ses dimensions poétiques et plastiques, et sur les influences littéraires dont il est imprégné. Enfin, le dernier texte offre un compte rendu d’un document audiovisuel : l’inauguration filmée du Congrès Mondial de Flamenco qui s’est réuni à Madrid le 29 mars 2021. Marion Lapchouk-Ortega montre en quoi cette cérémonie axée sur la diffusion internationale du flamenco rejoint les préoccupations de l’atelier Trad. Cant. Flam.
10Ces comptes rendus sont complétés par de précieux documents, également inédits : les annexes du livre de Claude Worms récemment paru aux Presses Universitaires de Limoges, Une introduction musicale au flamenco (2021). Ces annexes comprennent d’abondants exemples musicaux à écouter, de nombreux enregistrements et partitions de l’auteur, autant de compléments qui enrichissent cet ouvrage désormais indispensable à tous les flamencophiles.
11Puis, les œuvres photographiques d’Olivia Pierrugues traduisent avec force des exemples d’incarnation du chant flamenco. Elles sont commentées par la photographe, qui expose sa démarche.
12En dernier lieu, un glossaire réunit des définitions des principales notions et des termes techniques utilisés dans les documents de ce numéro 2.
13Pour clore ce texte d’ouverture, rappelons que l’atelier Trad. Cant. Flam. a vocation à poursuivre le travail déjà commencé et que toute personne intéressée est invitée à contacter ses directrices afin d’y participer comme scientifique, traducteur ou traductrice, ou en tant qu’artiste (notamment chanteuse ou chanteur, mais aussi danseur ou danseuse). Les séances à distance sont ponctuellement complétées par des rencontres en présentiel, importantes pour le travail collectif. Gageons ainsi que ce numéro 2 de la revue FLAMME soit suivi d’autres numéros sur le flamenco, permettant de réunir progressivement les traductions chantées et écrites de tous les palos enregistrés dans la Antología del cante flamenco de Perico el del Lunar.
2. Remerciements
14Un immense merci aux artistes qui ont permis à ce numéro de prendre corps, par d’audacieuses propositions sonores et photographiques : merci à Chloé Houillon, Maguy Naïmi, Olivia Pierrugues et Claude Worms.
15Les coordinatrices de ce numéro souhaitent aussi remercier chaleureusement les anglicistes qui ont apporté leur concours pour parfaire les traductions en anglais : Muriel Cunin, Bertrand Rouby, Fabien Desset, Ramón Solano et Tomasz Wyslobocki.
16Enfin, ce numéro n’aurait pas vu le jour sans le support informatique de Laurent Léger, ni sans les relectures attentives et exigeantes des membres du comité éditorial : qu’ils en soient aussi chaleureusement remerciés.
3. Comité éditorial du nº2
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Bertin-Elisabeth Cécile, PR, Université de Limoges
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Bracco Diane, PRAG, Université de Limoges
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Cantos Casenave Marieta, Profesora Titular, Universidad de Cádiz (Espagne)
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Cayuela Anne, PR, Université Grenoble Alpes
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Chanfreau Marie-Catherine Talvikki, MCF, Université de Poitiers
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Cunin Muriel, MCF, Université de Limoges
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Desset Fabien, MCF, Université de Limoges
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Di Ció Mariana, MCF, Université Sorbonne-Nouvelle
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Escobar Borrego Francisco Javier, Profesor Titular de Universidad, Universidad de Sevilla (Espagne)
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Escudero Xavier, PR, Université Littoral Côte d'Opale
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Epinoux Estelle, MCF, Université de Limoges
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Fernández García Alicia, MCF, Université Paris 8
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Fourrel de Frettes Cécile, MCF, Université Sorbonne Paris Nord
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Frayssinet Savy Corinne, chargée de cours, Université Paul Valéry Montpellier 3
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Frison Hélène, MCF, Université Paris 13
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Galant Ivanne, PRAG, Université Sorbonne Paris Nord
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Géal Pierre, MCF, Université Grenoble Alpes
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Kuhnle Till, PR, Université de Limoges
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Lacau St Guily Camille, MCF, Sorbonne Université
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Marti Solano Ramón, MCF HDR, Université de Limoges
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Martinière Nathalie, PR, Université de Limoges
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Nallet Thierry, MCF, Université Grenoble Alpes
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Ramos Barranco José Rafael, MCF, Université Gustave Eiffel
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Renoux-Caron Pauline, MCF, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
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Richard Odile, MCF HDR, Université de Limoges
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Riegler Anne-Sophie, chercheuse indépendante, membre associée EHIC
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Rouby Bertrand, MCF, Université de Limoges
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Roussiès Joseph, ATER, Université de Bourgogne
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Salaün Serge, PR émérite, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
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Trancart Vinciane, MCF, Université de Limoges
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Wyslobocki Tomasz, MCF, Université Wroclaw (Pologne)