Inclusion scolaire : au-delà des « étiquettes », identifier les profils d’élèves pour enseigner le français et la littérature à tous Inclusive schools: going beyond ‘labels’ and identifying pupils’ profiles to teach French and literature to everyone
Alors que l’inclusion scolaire est un droit pour tous les élèves quels qu’ils soient depuis 2005, elle peine encore parfois à se mettre en place au sein du système scolaire et particulièrement dans le secondaire. Si les élèves à besoins éducatifs particuliers sont présents dans les classes, les apprentissages ne leur sont pas toujours accessibles et les échecs sont nombreux. Cette étude menée auprès de 131 élèves de 3e dans un collège rural s’est intéressée à caractériser des profils de classe (plutôt que des profils d’élèves) à partir de questionnaires permettant aux enseignants de ces classes d’optimiser l’hétérogénéité et de l’appréhender comme une richesse pour leur mise en œuvre pédagogique. Les résultats montrent que les élèves étudiés ne présentent pas nécessairement le profil le plus pertinent pour développer les compétences linguistiques en français mais les analyses nous permettent de faire ressortir d’autres points d’entrée pouvant être des leviers au développement de ces compétences. La formation nous apparait comme une clé essentielle.
Although inclusive education has been a right for all pupils since 2005, it is still sometimes difficult to implement within the school system, particularly at secondary level. Even though pupils with special educational needs are present in the classroom, learning is not always accessible to them, and many fail. This study of 131 pupils in 9th grade at a rural college set out to characterise class profiles (rather than pupil profiles) on the basis of questionnaires enabling the teachers of these classes to optimise heterogeneity and see it as an asset for their teaching methods. The results show that the pupils studied do not necessarily present the most relevant profile for developing French language skills, but the analyses enable us to highlight other points of entry that could be levers for developing these skills. Training seems to us to be an essential key.
Introduction
1Chacun peut entendre ici et là que le niveau des élèves se dégrade, qu’ils ne maitrisent pas les compétences de base en français (lire-écrire) et que cela aboutit quasi systématiquement à des échecs scolaires, à des décrochages ou à des difficultés d’insertion professionnelle. Alors que la diversité occupe une place importante à l’École (école, collège, lycée, université), notre recherche s’intéresse à la manière de prendre en compte tous ces élèves en classe et de permettre aux enseignants de français ou de lettres d’accompagner ces mêmes élèves dans le développement d’une culture littéraire commune, de connaissances et de compétences linguistiques (lexicales, grammaticales, etc.) dans la langue cible de l’école – le français – qu’ils pourront utiliser dans leur vie future dans mais surtout hors l’école.
2Dans un premier temps, nous aborderons l’inclusion, les élèves à Besoins Éducatifs Particuliers et l’impact de la scolarisation de ces élèves pour les enseignants. Par la suite, nous présenterons l’étude menée au sein d’un collège de Creuse visant à accompagner les équipes pédagogiques dans l’identification des besoins des élèves et l’ajustement de leurs pratiques pour tous les élèves. Pour finir, nous discuterons nos résultats et proposerons des pistes pour la formation et l’accompagnement des enseignements de français au regard des questions vives sur l’inclusion.
1. De l’inclusion à la prise en compte de la diversité
1.1. Scolarisation des élèves en situation de handicap
3Depuis 2005 et la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (France, 2005), l’École accueille des Élèves en Situation de Handicap (dorénavant ESH) avec des profils variés : handicap physique, sensoriel, psychique, mental, cognitif ou polyhandicap. La promulgation de cette loi a entrainé une scolarisation massive et grandissante d’ESH au sein de nos écoles, que ce soit dans le primaire (école maternelle et élémentaire) ou dans le secondaire (collège et lycée). Alors que ces élèves étaient scolarisés au sein des unités d’enseignement d’établissements médico-sociaux ou non scolarisés, ils ont le droit, aujourd’hui, d’être avec les autres élèves dans l’École de la République. Entre 2006 et 2021, le nombre d’ESH scolarisés « en milieu ordinaire » a été multiplié par 2,63 passant de 155 361 à 409 409 (DEPP, 2022a). Si ces élèves ont le droit d’être à l’école, nombre d’entre eux se retrouvent en difficulté dans l’apprentissage des fondamentaux et des autres apprentissages qui en découlent, nécessitant la mise en place de compensations (tiers-temps pour les évaluations ou les examens, secrétaire facilitant la prise de note, aide humaine comme un Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap, …) et de projets personnalisés (Projet Personnalisé de Réussite Éducative, Projet d’Accompagnement Personnalisé, Projet Personnalisé de Scolarisation, …) pour permettre la poursuite de leur scolarité.
1.1.1. Des ESH à la diversité des élèves
4En complément de ces ESH, d’autres élèves sont considérés comme des Élèves à Besoin Éducatif Particulier (dorénavant EBEP). Selon l’OCDE (2000), les besoins de ces élèves peuvent être classés en trois catégories :
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« (l)es besoins éducatifs pour lesquels il existe une norme généralement convenue : les élèves aveugles et malvoyants, sourds et malentendants, arriérés mentaux sévères et profonds, et polyhandicapés » (catégorie A)
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« (l)es besoins éducatifs dont on pense qu’ils découlent principalement de facteurs socio-économiques, culturels ou linguistiques. Les élèves dans ce cas sont en général issus d’un milieu défavorisé que l’éducation vise à “compenser” » (catégorie C)
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« (l)es besoins éducatifs des élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage qui ne semblent pas attribuables directement ou principalement à des facteurs qui conduisent à les classer dans les catégories A ou C » (catégorie B)
5Autrement dit, tous les élèves qui ont plus de mal que les autres à apprendre, que ce soit du fait d’une déficience quelconque, d’un environnement socio-linguistique ou culturel défavorable ou de difficultés inexpliquées, sont considérés comme étant des EBEP et nécessitent des adaptations de la part des enseignants : les élèves « dys », les élèves allophones, les élèves issus de la communauté des gens du voyage, les élèves malades, les élèves en grande difficulté scolaire, etc. En 2013, le Ministère de l’Éducation Nationale a réaffirmé les principes de l’école inclusive (France, 2013a) et les obligations des enseignants du premier comme du second degré de s’adapter aux ESH, aux EBEP et plus largement à la diversité des élèves (cf. le référentiel de compétences professionnelles - France, 2013b).
1.1.2. Inclusion scolaire et difficultés d’adaptation/aménagement
6L’obligation d’inclusion scolaire et l’obligation d’adapter pour tous les élèves quel que soit le domaine d’enseignement amènent à plusieurs constats. Tout d’abord, l’engagement professionnel des enseignants en faveur de l’inclusion dépend de trajectoires personnelles et il est possible de les classer selon quatre profils : les « bricoleurs », les « coordonnateurs », les « résistants » et les « spécialistes » (Génolini et Tournebize, 2010). Deuxièmement, les jeunes enseignants (mais c’est aussi vrai pour les autres) ne se sentent pas assez formés et efficaces pour faire face à l’hétérogénéité qu’engendre l’inclusion (Moussi, 2020). Leyser, Zeyger et Romi (2011) montrent ainsi que les enseignants spécialisés qui ont une formation longue pour accueillir ces EBEP ont un meilleur Sentiment d’Efficacité Personnelle que les enseignants ordinaires et que cela impacte leur engagement et leur « persévérance » face aux difficultés d’apprentissage de ces élèves. Troisièmement, les enseignants ont du mal à faire la part des choses entre « adapter pour un élève » et « faire avancer le groupe », craignant ainsi que l’inclusion d’un EBEP les oblige à « délaisser » les autres élèves (André, Carpentier et Ferré, 2021).
7L’inclusion est souvent abordée sous le prisme du handicap et donc de quelques élèves identifiés avec leurs manques et incapacités qui mettent à mal les enseignants. Mais est-ce le cas ? En nous centrant sur les difficultés linguistiques, n’y a-t-il que les élèves « diagnostiqués » qui présentent des difficultés linguistiques en classe et qui nécessitent des aménagements pédagogiques ?
1.2. Une maitrise linguistique en baisse
8Si l’on en croit les résultats des évaluations nationales 2022 de début d’année portant sur les compétences linguistiques de 812 639 élèves de sixième (DEPP, 2022b), 27,1% de ces élèves ont un niveau faible en français (score inférieur à 225 sur l’ensemble des épreuves) et si l’on regarde les résultats suivant leur contexte scolaire, le pourcentage d’élèves en difficulté dépasse les 50% :
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36% pour les collèges publics hors éducation prioritaire
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41,8% pour les collèges REP
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53,7% pour les collèges REP+
9Les analyses détaillées de ces évaluations nous montrent également qu’il n’y a pas un domaine d’étude de la langue qui soit épargné par cette non-maitrise :
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49,8% des élèves de 6e sont « à besoins » ou « fragiles » dans le domaine de la compréhension de l’écrit
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49,1% le sont dans le domaine du lexique
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46,1% dans le domaine de la compréhension orale
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61,6% dans le domaine de la grammaire
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64,3% dans le domaine de l’orthographe.
10Face aux résultats des évaluations ci-dessus, il semble évident que les difficultés langagières vont au-delà d’une population cible d’ESH et qu’elles concernent près d’un élève sur deux à l’entrée du collège. Autrement dit, les adaptations et le besoin de différenciation n’est plus le pré carré des enseignants spécialisés mais doit être celui de tout enseignant quel qu’il soit. Même si toutes les disciplines ont leur importance, nous ne nous centrerons dans ce travail que sur les enseignants de français.
1.3. Enseigner le français à tous les élèves
11Comment enseigner le français ou accompagner le développement d’une culture littéraire commune quand le moyen le plus direct d’y parvenir n’est pas accessible à l’apprenant ? Comment accompagner les enseignants non spécialisés à identifier les besoins des élèves pour pouvoir s’y adapter ? Comment concevoir la diversité des profils comme une richesse pour apprendre ?
12Depuis 2020, Le cahier des charges relatif aux contenus de la formation initiale spécifique de tous les futurs enseignants (France, 2020) impose un volume horaire de 25 heures de formation à l’école inclusive et aux besoins éducatifs particuliers au sens large et des contenus « éducation inclusive » qui doivent faire le lien avec les contenus disciplinaires et didactiques. Ainsi, tout nouvel enseignant est censé être formé à l’accueil de tous ces élèves. Dans les faits, les maquettes de formation des Masters MEEF dispensés au sein des Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation (INSPÉ) respectent de manière variable le volume imposé : la mention MEEF1 (1er degré) paraissant un meilleur élève que les MEEF2 (2nd degré) ou MEEF3 (Encadrement éducatif). De plus, les analyses de contenu appuyées sur les intitulés rapportés par les responsables de formation montrent qu’ils ne sont pas toujours situés : l’éducation inclusive étant le plus souvent traitée comme un module à part des disciplines, elle est rarement abordée au sein même des didactiques (Amiot, Curien, Guillerm, Pellan & Gombert, 2024). Pour finir, des expériences de formation initiale ou continue en salle à l’INSPÉ puis de visite de stage auprès d’enseignants du primaire comme du secondaire nous montrent que les connaissances transmises en formation ne parviennent pas toujours à être transférées dans la pratique pédagogique et didactique des formés lorsqu’ils sont en classe face à leurs élèves. Amiot (2021) montre ainsi l’impact positif des formations in vivo sur le sentiment d’efficacité des enseignants accompagnés dans le cadre des dispositifs d’auto-régulation.
1.4. Problématique et hypothèses
13Partant des obstacles et injonctions précédemment évoqués, notre étude s’appuie sur un dispositif de recherche-formation en établissement visant à former et accompagner les enseignants de collège à la prise en compte des besoins de tous les élèves in vivo c’est-à-dire sur leur terrain professionnel. Alors que l’inclusion doit être la norme et qu’il est demandé aux enseignants de prendre en compte la diversité des élèves, nous constatons, dans le même temps, que l’individualisation est difficilement gérable avec les effectifs du collège et qu’elle peut conduire à un rejet de l’inclusion. Nous nous demandons donc s’il est bénéfique d’accompagner les enseignants à adapter leurs pratiques en s’appuyant sur des profils cognitifs de classe et non sur des profils d’élèves. Au regard des résultats des évaluations ministérielles et internationales, nous supposons que la majorité des élèves d’une classe donnée ne s’inscrit pas dans le champ des compétences linguistiques (manque d’appétence pour les activités verbo-linguistiques). En revanche, nous faisons l’hypothèse que d’autres compétences peuvent être présentes chez une majorité d’élèves mais qu’elles sont peu ou pas utilisées par les enseignants de français pour développer les apprentissages langagiers et linguistiques attendus par les programmes. En accompagnant les enseignants dans leur classe et à partir du profil de leur classe, nous déterminerons avec eux les freins et les leviers possibles pour s’appuyer sur la richesse qu’engendre la diversité.
2. Méthodologie de l’étude
14Pour répondre à notre objectif, nous nous sommes appuyés sur une collaboration avec les professeurs principaux de cinq classes de 3e d’un collège de Creuse. Après une séance de formation auprès des enseignants visant à faire le point sur les « profils scolaires » et « autres profils » que l’on pouvait valoriser en classe, le lien entre les différentes disciplines et les difficultés partagées, les professeurs principaux ont accepté de faire passer un questionnaire visant à déterminer des profils cognitifs à l’ensemble de leurs élèves. Nous avons récupéré les questionnaires remplis et les avons analysés avant de faire un retour collectif aux collègues du collège et également aux élèves en participant à une séance de l’un de leurs professeurs.
2.1. Description des participants
15Au total, 131 élèves de 3e ont rempli un questionnaire en début d’année scolaire 2023 (septembre). Ces élèves (57 filles et 74 garçons) étaient âgés entre 14 et 15 ans au moment de la passation du questionnaire.
16Les effectifs varient d’une classe à l’autre : 29 élèves pour les 3e1 et 3e4, 24 élèves pour la 3e2 et la 3e5, 25 pour la 3e3.
17Ces élèves représentent toute la diversité que l’on peut observer dans les classes aujourd’hui :
- Note de bas de page 1 :
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Les élèves considérés comme « lambdas » sont ceux qui n’appartiennent à aucune catégorie particulière (EBEP, ESH, allophone, etc.). Ils n’ont eu aucun diagnostic et ne sont pas rapportés ou identifiés en difficulté par les enseignants.
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des élèves « lambdas »1,
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des élèves « en avance » ou diagnostiqués Haut Potentiel Intellectuel,
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des élèves allophones primo-arrivants scolarisés en classe ordinaire ou fréquentant pour un maximum de 12 heures par semaine l’Unité Pédagogique pour l’Enseignement des Allophones Arrivants (UPE2A) du collège,
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des élèves en situation de handicap (Trouble du spectre de l’autisme, Trouble déficitaire de l’attention, …) scolarisés au sein de ces classes de 3e mais fréquentant également pour certains d’eux l’Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire (ULIS),
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des élèves à besoins éducatifs particuliers : ces élèves peuvent être catégorisés « dys » (souvent simple bilan orthophonique) mais également rapportés en grande difficulté scolaire par les enseignants faute de cause connue.
18Pour les besoins de l’étude, nous n’avons pas différencié ces élèves dans notre description ou nos analyses car le but était que les enseignants accompagnés prennent en compte la richesse de la diversité des élèves et ne tiennent pas compte des étiquettes médicales ou institutionnelles dans leur pratique en se focalisant sur des incapacités individuelles.
2.2. Description du matériel utilisé
19Pour nous permettre d’évaluer les profils cognitifs de ces élèves indépendamment des catégories médicales ou institutionnelles précédemment citées, nous nous sommes appuyés sur un questionnaire prenant appui sur la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner (1983, 2008).
20Le questionnaire de Garas et Chevalier (2012) comprend 48 items se référant à huit catégories cognitives : profils verbo-linguistique, logico-mathématique, visuo-spatial, kinesthésique, rythmique et musical, interpersonnel, intra-personnel et naturaliste. Chaque profil renvoie à six phrases. Pour chacun de ces items, les élèves devaient lire les énoncés et lorsqu’ils correspondaient à leur personnalité, à leurs intérêts ou à leurs capacités, ils devaient encercler le numéro correspondant (cf. extrait ci-dessous).
- Note de bas de page 2 :
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https://www.aroeven-paysdelaloire.fr/wp-content/uploads/2020/04/intelmultenfants.pdf
Figure 1 – Extrait du questionnaire de Garas et Chevalier (2012)2
21Une fois le questionnaire complété, les réponses des élèves ont été reportées dans une grille de codage permettant de déterminer les profils cognitifs développés en comptant le nombre de phrases encerclées pour chacune des catégories cognitives ciblées comme le montre la Figure 2 ci-dessous.
Figure 2 – Extrait du tableau de codage du questionnaire de Garas et Chevalier (2012)
3. Résultats et analyses
- Note de bas de page 3 :
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Les domaines plutôt « rejetés » sont ceux parmi lesquels il y a eu peu de phrases sélectionnées par les élèves et inversement, les domaines « développés » sont ceux pour lesquels plus de la moitié des phrases ont été sélectionnées par les élèves.
22Pour déterminer des profils de classe et avoir des éléments sur lesquels appuyer notre accompagnement des enseignants, nous avons procédé à deux types d’analyse : une analyse par Sujets permettant d’établir des profils cognitifs des classes de 3e afin de déterminer quels sont les freins et quels sont les leviers cognitifs possibles. Les cinq classes ont été analysées séparément puis croisées afin de déterminer des points communs que l’on pourrait transférer à tous les enseignants en formation ; une analyse par Items permettant de voir s’il existe des phrases choisies par une majorité d’élèves au sein des domaines plutôt « rejetés » et des phrases rejetées par une majorité dans les domaines « développés »3.
23Nous nous servirons de ces analyses pour évoquer des pistes de différenciation dans le domaine de l’enseignement du français et de la littérature.
3.1. Profils de classe : quelle (in)compatibilité avec l’enseignement du français ?
24Dans un premier temps, nous pouvons noter que les 131 élèves de ces classes ont coché de 4 à 40 phrases sur les 48 possibles avec une moyenne de 22,8 et un écart-type de 7,49, ce qui nous montre la très grande variabilité interindividuelle au sein de ces classes. Rappelons que nous nous attendions à cette hétérogénéité qui fait partie de toute classe et que c’est justement pour y répondre que nous menons cette étude. Voyons à présent s’il est néanmoins possible d’identifier des profils cognitifs de classe qui seraient majoritaires et qui permettraient aux enseignants de français de différencier leurs pratiques.
25Comme indiqué dans la description du questionnaire, il y a six phrases par catégorie cognitive. Pour nos analyses, nous avons considéré le profil cognitif comme étant suffisamment développé chez un élève quand il avait coché au moins quatre phrases sur les six possibles, soit plus de la moitié. Nous avons ensuite calculé des pourcentages d’élèves présentant chacun des profils en fonction de leur classe. La Figure 3 ci-dessous montre les pourcentages d’élèves présentant les huit profils cognitifs « développés » du questionnaire en fonction de leur classe.
Figure 3 – Pourcentages d’élèves présentant chacun des profils cognitifs en fonction de leur classe
Nota Bene - VL : verbo-linguistique ; LM : logico-mathématique ; VS : visuo-spatial ; MR : musical-rythmique ; K : kinesthésique ; Inter : interpersonnelle ; Intra : intrapersonnelle ; N : naturaliste
3.1.1. Un profil verbo-linguistique peu présent chez les élèves de 3e
26La figure 3 ci-dessus nous montre que le profil verbo-linguistique est parmi ceux les moins développés au sein de trois des cinq classes de 3e étudiées : seulement 17% des élèves de la 3e1, 14% de la 3e4 et 21% de la 3e5. Pour les deux classes restantes, les pourcentages ne dépassent pas les 33% (3e2). Si l’on regarde dans le détail de chacune des classes, nous nous rendons compte des difficultés à prendre en compte la diversité pour les enseignants de français :
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pour la 3e1, les élèves ont coché de 1 à 5 phrases dans ce domaine du verbo-linguistique (moy. = 2,34 ; ET = 1,37). Ce sont 10 élèves parmi les 29 qui n’ont coché qu’une seule phrase de ce domaine indiquant qu’ils n’ont quasiment aucun ancrage dans les compétences qui vont être la cible de cet enseignement : ni lecture, ni écriture, ni langage oral.
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dans la 3e2, les élèves ont également coché de 1 à 5 phrases dans ce domaine du verbo-linguistique (moy. = 2,79 ; ET = 1,31). Ce sont 4 des 24 élèves de cette classe qui n’ont coché qu’une seule phrase en lien avec le verbo-linguistique.
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dans la 3e3, les élèves montrent une plus grande variabilité et ont coché de 0 à 6 phrases dans le domaine du verbo-linguistique (moy. = 2,20 ; ET = 1,66). Ce sont 4 parmi les 25 qui n’ont coché aucune phrase et 6 qui en ont coché une seule liée au verbo-linguistique.
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dans la 3e4, les élèves ont coché de 0 à 5 phrases dans le domaine du verbo-linguistique (moy. = 1,76 ; ET = 1,38). Ce sont 5 élèves parmi les 29 qui n’ont coché aucune phrase et 10 qui en ont coché une seule liée au verbo-linguistique.
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dans la 3e5, les élèves ont coché de 0 à 6 phrases dans le domaine du verbo-linguistique (moy. = 2,58 ; ET = 1,41). Ce sont 2 parmi les 24 élèves de cette classe qui n’ont coché aucune phrase et 2 qui en ont coché une seule liée au verbo-linguistique.
27Cette première analyse nous montre qu’à peine un cinquième des élèves de 3e étudiés a un profil verbo-linguistique à partir duquel pourraient se faire les apprentissages en français. À l’inverse, ce sont 43 élèves sur les 131 (soit 33%) pour lesquels l’entrée dans les apprentissages par le langage oral ou écrit semble très compliquée en raison d’un profil non développé. Autrement dit, la plupart des élèves interrogés ne lisent pas beaucoup, n’aiment pas inventer, écrire ou raconter des histoires et ne pensent pas disposer d’un vocabulaire riche selon l’analyse par Items. Ces profils auto-rapportés par les élèves semblent cohérents avec le ressenti des enseignants mais également avec les enquêtes PISA et les évaluations nationales du Ministère relatives aux compétences linguistiques.
28Si ce premier point constitue un frein certain pour l’apprentissage du français, nous cherchons néanmoins à déterminer s’il existe des leviers éventuels au sein de ces classes dans les profils d’élèves qui leur permettraient de développer ces compétences fondamentales.
3.1.2. Des profils intrapersonnels, kinesthésiques et interpersonnels plus représentatifs
29La Figure 4 ci-dessous nous indique que le profil cognitif le plus présent au sein de cet échantillon d’élèves est le profil intrapersonnel.
Figure 4 – Pourcentages cumulés d’élèves présentant les différents profils cognitifs
30En moyenne, 51,36% des 131 élèves l’auraient développé : 48% des élèves de 3e1, 75% des élèves de 3e2, 40% des élèves de 3e3, 31% des élèves de 3e4 et 63% des élèves de 3e5. Ce profil correspond généralement à la capacité de se connaitre, d’intérioriser et de réfléchir avant d’agir. Ainsi, 110 des 131 élèves ont choisi « je suis capable d’avoir mes propres opinions », 91 ont coché « je suis autonome et j’ai de la volonté », 89 « je suis capable de ressentir mes émotions », 84 « j’ai besoin d’un espace à moi ». Ces entrées-là peuvent être des motifs d’engagement dans une tâche ou au contraire constituer un frein : des consignes qui peuvent laisser des choix aux élèves (ex. choisir un livre parmi plusieurs proposés) ou au contraire être perçues comme trop restrictives (ex. lire tel livre pour telle date) ; des émotions d’élèves qui seraient réfrénées par les sanctions (le rejet de comportements non socialisés sans autre stratégie apportée envoie le message qu’ils n’ont pas le droit d’avoir telle ou telle émotion or ce n’est pas le but visé mais c’est néanmoins ce qui peut être ressenti) ; etc.
31Cette même figure nous montre également que le profil corporel-kinesthésique arrive en deuxième position des profils les plus développés et il est présent chez 49,11% des élèves de notre échantillon. Suivant les classes, ce profil peut toucher de 28% (classe de 3e3) à 75% des élèves (classe de 3e2). Si les enseignants perçoivent souvent ce profil comme négatif dans une classe, il renvoie à un réel besoin des élèves s’il n’est pas pris en compte : « j’ai besoin de bouger » (phrase choisie par 73% des élèves), « je bouge ou je tapote du pied quand je suis assis trop longtemps » (73% des élèves). Prendre en compte ce besoin et l’exploiter plutôt que le subir devrait nous permettre de changer nos modalités pédagogiques. Les observations montrent que les élèves sont souvent mis dans un modèle d’apprentissage passif-transmissif avec un enseignant qui transmet et des élèves qui écoutent et écrivent sans trop d’engagement comme cela a déjà pu être montré par Berneron (2020). Par ailleurs, il est à noter que le manque d’automatisme et les activités dans lesquelles nous les engageons peuvent engendrer une surcharge cognitive qui sature leurs capacités attentionnelles et entraine donc une grande fatigabilité (Tricot, 1998). À la manière de ce qui peut être mis en place dans les classes de maternelle ou dans certaines classes élémentaires, les élèves du secondaire ont également besoin de manipuler pour que les notions abstraites puissent être intériorisées, reprenant d’une certaine manière les stades du développement de l’intelligence de Jean Piaget (1936) et les principes de la pédagogie Montessori (Poussin, 2021).
32Pour finir, le profil interpersonnel arrive en troisième position et concerne 44,93% des élèves et est présent de manière à peu près homogène dans les cinq classes (45% des élèves de 3e1, 2 et 4 ; 36% des élèves de 3e3 et 54% des élèves de 3e5). Ce profil traduit la capacité à agir et réagir avec les autres, à aider, collaborer, partager. Ils ont d’ailleurs coché majoritairement (110 des 131 élèves) « je partage, je rends service facilement » et « j’aime travailler avec les autres, me tenir avec les autres » (89 des 101 élèves). Ce profil qui ressort chez de nombreux élèves de 3e de notre étude renvoie plus généralement à un besoin lié à l’adolescence : « le groupe de pairs devient une référence sociale principale » (Hernandez, Oubrayrie-Roussel et Prêteur, 2014) et nombre d’apprentissages peuvent se faire grâce aux interactions sociales provoquées au sein d’un groupe.
33Afin de prendre en compte ce profil interpersonnel lors des séances de français, il faudrait développer davantage les activités de groupe et de coopération. Un certain nombre d’auteurs issus du socio-constructivisme militent pour un apprentissage social qui permet un apprentissage vicariant par observation (théorie de Bandura, 1977), un apprentissage grâce aux divergences et au conflit socio-cognitif que cela génère (Doise et Mugny, 1981), un apprentissage grâce aux interactions de tutelle (Bruner, 1983). Tous ces types d’apprentissage permettent à l’élève de progresser tout en étant aidé, accompagné en respectant sa Zone Proximale de Développement (Vygotski, 1985).
3.2. Prise en compte de ces profils de classe en français
- Note de bas de page 4 :
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Lors de la phase de recueil des représentations que je mène en début de formation sur les troubles dys, j’ai régulièrement entendu de la part des enseignants de français en collège « Je ne vois pas comment je peux leur apprendre à faire un paragraphe argumenté s’ils ne savent pas écrire ! », « S’ils ne peuvent pas lire, je ne vois pas comment ils peuvent découvrir les œuvres littéraires ! », etc.
34De nombreux enseignants de français interrogés lors de formations continues sur les troubles « dys » estiment difficile voire impossible d’amener les élèves à maitriser les compétences « comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit » du Socle Commun (France, 2018) sans pouvoir s’appuyer sur l’expression orale, la lecture ou l’écriture4. Si bien que prendre en compte un élève petit parleur, petit lecteur ou petit scripteur les amène à individualiser l’aide et à modifier les objectifs d’apprentissage. Or, empruntant le principe d’adaptation accommodante proposé par Tessier-Switlick (1997), Gombert, Bernat et Vernay (2017) rappellent que la visée inclusive est de contourner la difficulté de l’élève sans modifier l’objectif d’apprentissage. Par rapport aux analyses menées dans la partie précédente et aux constats que nombreux sont les élèves en difficulté vis-à-vis du langage, nous nous rendons compte qu’il s’agirait de différencier pour tout le groupe classe en ajustant les moyens permettant aux élèves d’atteindre les mêmes objectifs. Ces moyens doivent tenir compte des forces qui ressortent du groupe d’élèves (l’intrapersonnel, le kinesthésique et l’interpersonnel) mais également des missions d’étayage et de tutelle données à l’enseignant pour accompagner les apprentissages et permettre aux élèves d’avancer en étant dans leur Zone Proximale de Développement.
35Ainsi, partant de l’exemple d’une épreuve de production écrite à laquelle seront confrontés les élèves de 3e lors de l’épreuve de français du Diplôme National du Brevet (DNB) (la rédaction attendue en fin de cycle 4), nous allons voir comment l’enseignant pourrait accompagner le développement de cette compétence rédactionnelle et donc les apprentissages de l’élève en s’appuyant sur les profils précédemment évoqués. Le sujet d’imagination de la série générale DNB session 2023 était le suivant : « Pourquoi parle-t-on de soi et raconte-t-on sa vie dans des œuvres autobiographiques ? Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté. Pour illustrer vos arguments, vous vous appuierez sur des exemples précis tirés d’œuvres littéraires et artistiques. »
36En amont du passage à l’écrit, plusieurs prérequis vont être nécessaires et l’enseignant devra les accompagner tout au long de l’année voire de plusieurs années.
- Note de bas de page 5 :
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Selon le cône d’apprentissage de Dale (1946), le taux de rétention d’un apprenant 24h après son cours serait de 50% avec des groupes de discussion et de 90% quand il enseigne aux autres selon le National Training Laboratories. Même si les pourcentages évoqués ne sont pas toujours retrouvés, la dynamique d’engagement et l’apprentissage social sont bénéfiques à l’apprenant.
37Tout d’abord, ils devront acquérir et utiliser des connaissances sur les œuvres autobiographiques. Comment les auront-ils acquises, comprises et mémorisées ? Par rapport aux analyses précédentes, l’entrée par la lecture (et notamment de textes longs) constituera un obstacle à l’acquisition de ces connaissances. En revanche, les arts visuels (tableau ou film scénarisé) peuvent être une entrée tout à fait pertinente pour les amener à saisir les principes du personnage principal qui se peint ou qui parle de lui, qui vit l’histoire, etc. En s’identifiant au personnage, en se mettant à sa place, l’élève pourra se servir de son ressenti pour mémoriser certaines notions clés. Il est également possible de leur faire fabriquer une œuvre – par exemple dans un projet interdisciplinaire avec l’enseignant d’arts plastiques – qui les représente, qui parle d’eux (profil intrapersonnel). Il est également possible de faire travailler les élèves en groupe à partir de diverses œuvres pour qu’ils argumentent sur le « pourquoi c’est une œuvre autobiographique ou, au contraire, pourquoi ça ne l’est pas ? ». Le conflit socio-cognitif ainsi créé leur permettra, selon le cône d’apprentissage de Dale (1946), de retenir entre 50 et 90% de ce qu’ils sont capables d’expliquer à quelqu’un d’autre (profil interpersonnel)5. Pour finir, divers jeux kinesthésiques pourraient être créés pour automatiser les concepts clés que l’on veut qu’ils retiennent et réactivent régulièrement. Par exemple, une cocotte en papier ou un dé à six faces sur lesquelles seraient inscrites des questions qui leur permettraient de manipuler : D’où vient le mot auto-bio-graphie ? À quelle personne parle le narrateur dans une œuvre autobiographique ? Que raconte-t-il ? Quel est le temps utilisé pour raconter ? Quels sont les grands thèmes de l’autobiographie ? etc. (profil kinesthésique). Si nous ne parvenons pas à leur faire mémoriser toutes les connaissances relatives au sujet, inutile de poursuivre et de leur demander d’aller plus en amont dans l’activité. La réussite avec aide est un indicateur de prochaine réussite en autonomie selon Vygotski au regard de la zone de proche développement (1985).
38Ils devront également acquérir et utiliser des connaissances sur le paragraphe argumenté (les différentes étapes : introduction, développement, conclusion) mais aussi sur ce qu’est un argument et les enseignants devront vérifier si les élèves sont déjà capables d’en donner à l’oral. Comme précédemment, il est important d’optimiser la mémorisation des savoirs à travers le même type de modalités qu’évoquées précédemment. Les projets interdisciplinaires entre le français et l’histoire-géographie qui visent le même type de compétences permettraient aux élèves de ne pas cloisonner les savoir-faire.
39Finalement, ils doivent être capables de mobiliser toutes ces connaissances pour répondre à la consigne. Nous constatons que beaucoup d’élèves qui se retrouvent seuls face à leur feuille n’arrivent pas à développer cette compétence et limitent leur écrit. En revanche, une première étape visant à produire un écrit collectif et coopératif sur la base des échanges oraux, des mémorisations et des argumentations individuelles constitue un étayage pour les élèves les moins ouverts à l’écrit et renvoie à nouveau vers le profil interpersonnel. Quand l’exercice est automatisé en groupe, nous pouvons envisager le passage à l’écriture individuelle en prenant garde à ne pas désétayer trop brusquement.
40Pour cela, il serait fructueux pour les élèves d’apprendre à faire un brouillon et un plan détaillé dans un premier temps en se rappelant les grandes parties du paragraphe argumenté (appui sur la visualisation d’un support qu’ils auraient dans leur cahier par exemple, sur le contenu de chacune des parties et les quelques idées clés qu’ils pourraient y mettre). Dans cette perspective, il est aussi possible de ménager un retour collectif sur les plans imaginés par chacun, avec des échanges pour valider ou pas les idées, les sous-titres, etc.
41Pour finir, il pourrait être intéressant de partir d’une première écriture martyre que l’enseignant corrigerait et commenterait avant que l’élève ne la retravaille pour l’améliorer. L’élève comprendrait ainsi que son chef-d’œuvre ne se fait pas du premier coup mais nécessite des corrections. Il est important pour les élèves qui se sentent en insécurité de pouvoir visualiser leurs progrès et cela ne peut se faire qu’à partir d’un même écrit avec plusieurs versions.
42Via les étapes d’accompagnement à l’écrit décrites précédemment, nous n’avons pas perdu de vue notre objectif d’apprentissage mais nous avons fait varier les modalités pédagogiques (support, groupe, étapes, …) de manière à prendre en compte les besoins de nombreux élèves et les amener à écrire à partir de compétences non linguistiques.
4. Discussion et conclusion
4.1. Profil de classe et accessibilité pédagogique
43L’inclusion est souvent perçue par les enseignants du point de vue des manques de certains élèves (trouble du langage oral ou écrit, difficultés graphiques, etc.) et cela génère chez eux le rejet de l’inclusion ou l’épuisement. Or, notre étude montre que les profils soi-disant inadaptés à l’enseignement du français vont bien au-delà du petit nombre d’élèves à BEP diagnostiqués et que cela nécessite de s’appuyer sur les profils de classe plutôt que sur les profils individuels des élèves.
44En français comme dans d’autres disciplines, il est nécessaire de former et d’accompagner les enseignants au design universel (conception universelle) défini dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées adopté par la France en 2007 et ratifiée en 2010. Plutôt que de fournir des aides matérielles ou humaines permettant à quelques-uns de compenser leur manque (principe d’équité qui donne plus à celui qui en a le plus besoin), l’idée est de faire disparaitre l’obstacle pour tous. De manière pro-active, l’enseignant pense en amont les obstacles potentiels qui peuvent entraver les apprentissages de chacun, mais surtout du plus grand nombre, et propose des situations qui en tiennent compte (cf. exemple détaillé ci-dessus). Cette manière de penser la planification pédagogique et didactique permet ainsi de viser la réussite pour tous sans perdre de vue ses objectifs d’apprentissage.
4.2. Déformater l’enseignement pour renouveler sa pédagogie
45Comme nous le disons depuis le début de cet article, l’inclusion nécessite une remise en question de tous les enseignants qui ne parviennent pas à faire apprendre les élèves. Bien que les compétences professionnelles « prendre en compte la diversité des élèves » et « accompagner les parcours de formation et d’orientation » amènent à déformer le moule de l’école et laisser place à des innovations, le respect strict des programmes et leur achèvement dans un temps donné engendre au contraire une standardisation des apprentissages, des enseignements massifs et formatés. Dans la formation des élèves du primaire et du secondaire comme pour ceux du supérieur, de nombreux appels à projet sont lancés chaque année pour des innovations pédagogiques visant à : introduire les outils numériques dans sa pédagogie non seulement dans la phase de conception didactique ou pour la projection de ressources comme les enseignants du secondaire déclarent le faire (Brunel et Quet, 2017) mais aussi pour permettre une séance multimodale et composite qui s’adresserait à différents profils d’élèves, pour mettre en œuvre une pédagogie inversée (Bissonnette et Gauthier, 2012) qui entraine généralement la collaboration entre élèves et l’engagement qui va avec ; ludifier ses enseignements pour amener un caractère non conventionnel à l’apprentissage, par le biais des jeux sérieux qui soutiennent l’expérimentation (Gellas, 2023) et donc les profils intrapersonnels et kinesthésiques évoqués précédemment ; aménager sa classe de collège de manière flexible pour rendre la classe plus accueillante avec un espace-classe partagé en plusieurs zones qui permette de varier les scénarios pédagogiques et de répondre à différents profils cognitifs : travail individuel et autonome, travail en groupe, travail encadré par le professeur, présentation de travaux par les élèves (teaching learning), etc. (Connac, Hueber et Lanneau, 2022).
46Il est évident que ces modalités pédagogiques nécessitent un accompagnement et de la formation.
4.3. Modalités de formation continue : privilégier l’accompagnement in vivo
47Si les études évoquées en première partie rapportaient non seulement un manque de formation et un sentiment d’efficacité en berne chez beaucoup d’enseignants qui doivent accueillir des EBEP, à travers cette étude, nous avons pu constater que des enseignants réfractaires à l’inclusion en début d’année ont évolué dans leur posture professionnelle face aux élèves à Besoins Éducatifs Particuliers grâce à l’accompagnement sur le terrain. Tout d’abord, car l’accompagnement partait de leurs élèves et non pas de cas théoriques non transférables dans leur classe. Ensuite, le fait de se focaliser sur le groupe classe et non sur un élève ou un petit groupe d’élèves semble davantage pertinent et porteur pour l’enseignant. Pour finir, cette modalité de formation se rapproche du tutorat avec une aide et des conseils pratiques individualisés pour l’enseignant, situés au plus près de son expérience et, si cela est bénéfique et attendu par les stagiaires enseignants en cours de formation initiale depuis de nombreuses années (Baillat, 1996), on imagine que cela est également le cas dans le développement professionnel des enseignants plus chevronnés.
48Si la prise en compte de la diversité des élèves amène aux constats de difficultés d’apprentissage grandissantes, cette étude montre qu’il peut être intéressant de ne pas se focaliser sur les profils individuels d’élèves, mais de bien rester centré sur le groupe classe et l’hétérogénéité des profils qui la composent. Cela questionne également le rôle de la formation initiale ou continue des enseignants qui doit permettre de développer d’autres manières d’enseigner, que l’on se place au niveau de l’organisation de la classe ou des outils utilisés. L’inclusion des élèves ne peut se faire sans innovation ou rénovation pédagogique.